Tragédie de Lac-Mégantic : les accusés remis en liberté

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Tragédie de Lac-Mégantic : les accusés remis en liberté
Tragédie de Lac-Mégantic : les accusés remis en liberté
Mise à jour le mardi 13 mai 2014 à 22 h 35 HAE
Trois employés de la Montreal Maine and Atlantic (MMA), dont le conducteur du
train qui a déraillé et explosé au centre-ville de Lac-Mégantic l'été dernier, ont
été remis en liberté après une brève comparution cet après-midi.
Le conducteur Thomas Harding, Jean Demaître, qui était directeur de l'exploitation à
la MMA, le contrôleur ferroviaire Richard Labrie, ainsi que la compagnie elle-même,
font face à 47 chefs d'accusation de négligence criminelle ayant causé la mort.
Les trois accusés ont été remis en liberté moyennant plusieurs conditions, dont une
caution de 15 000 $, la remise de leur passeport aux autorités et l'interdiction
d'exercer un emploi dans le domaine ferroviaire à moins d'être supervisé par un
employé qualifié.
Les trois hommes ont été arrêtés lundi et ont passé la nuit en prison en prévision de
leur comparution. Ils sont passibles d'une peine maximale d'emprisonnement à
perpétuité. La compagnie, quant à elle, pourrait écoper d'une forte amende.
L'acte de dénonciation, qui compte plusieurs pages, détaille l'accusation de
négligence criminelle pour chacune des 47 victimes « soit par les omissions ou en
raison des actions posées au cours de la supervision, de l'exploitation, de l'opération
ou de la sécurisation du train de pétrole numéro 2 ».
L'avocat du conducteur du train, Me Thomas Walsh, affirme que les derniers mois ont
été très difficiles pour son client. « Si on fait complètement abstraction de la
responsabilité légale, il ressent beaucoup la responsabilité morale de ne pas avoir
fait quelque chose de plus. C'est une question qui revient chez les gens qui ont vécu
un accident : "Qu'est-ce que j'aurais pu faire?" Et non pas : "Qu'est-ce que j'aurais dû
faire?" », a-t-il dit en entrevue à ICI RDI, mardi matin.
Me Walsh dénonce également la manière dont M. Harding a été arrêté. « C'est tenter
de tuer une mouche avec un canon. Ce n'était pas nécessaire. J'imagine qu'on
voulait avoir le plus de drame et d'impact médiatique possible. On a non seulement
envoyé l'escouade tactique, mais on a aussi utilisé une sirène à haut volume. Et tout
le monde a été mis à terre, son fils inclus. »
En point de presse mardi, le porte-parole du Directeur des poursuites criminelles et
pénales (DPCP), René Verret, a justifié les arrestations par la « gravité
des accusations ».
Denis-Martin Chabot nous en dit plus sur les trois accusés
Les dirigeants de la MMA épargnés?
L'avocat Thomas Walsh croit que les dirigeants de la MMA ont leur part de
responsabilité.« Avec les connaissances que j'ai du dossier, je pense que les
patrons, qui laissaient passer beaucoup de choses avec Transports Canada, ont une
part substantielle de blâme. Pourtant, on les a ignorés au moment de déposer les
accusations », dit-il. En effet, les dirigeants de la MMA ne sont pas inquiétés,
déplorent certains.
« On trouve ça triste, le spectacle qu'on donne, on fait un jugement populaire.
Pendant ce temps-là, le propriétaire est à Chicago dans ses bureaux, et lui, rien ne
va l'atteindre », a dénoncé le directeur québécois des Métallos, Daniel Roy. Il estime
que le gouvernement fédéral est le premier responsable de la tragédie. « Ils en sont
les premiers responsables, ils ont déréglementé l'industrie », a dit M. Roy en
entrevue à 24/60.
Le ministre fédéral Christian Paradis, qui était de passage à Lac-Mégantic mardi pour
le lancement officiel de la reconstruction du Musi-Café, s'est montré satisfait que des
accusations soient finalement portées dans le dossier. « Qu'il y ait 3, 4 ou
100 personnes reconnues coupables, ça ne ramènera jamais les proches qui ont
disparu, mais c'est important que les procédures suivent leur cours pour montrer aux
gens que, quand des personnes enfreignent la loi, on va au fond des choses et elles
sont tenues responsables. »
De son côté, le propriétaire du Musi-Café, où se trouvait la majorité des victimes,
préfère regarder vers l'avenir, même s'il estime que les mises en accusation sont une
étape nécessaire. « C'est une bonne chose que ça se fasse et qu'on avance, dit
Yannick Gagné. Mais moi, je me concentre sur les annonces pour la reconstruction
du nouveau Musi-Café. C'est ce qui est le plus important pour moi. »
Interrogée à ce sujet lundi soir, la mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche,
n'a pas voulu trop s'avancer sur la suite des choses. « Dans toute tragédie, la nôtre
comme les autres, ce qu'on souhaite, souvent, pour faire notre deuil, c'est connaître
les coupables, a-t-elle dit. Alors maintenant, les accusations qui sont portées, c'est
une chose. Est-ce qu'ils seront reconnus coupables? Ça, c'est un autre élément. »
Les accusations sont déposées alors que la Ville de Lac-Mégantic négocie en ce
moment avec Fortress Investment, qui a racheté les actifs de la MMA, pour que les
trains transportant des matières dangereuses puissent de nouveau circuler au
centre-ville. La signature d'une entente entre les deux parties, qui devait se faire au
conseil de ville de lundi soir, a été reportée.
Lundi, un rapport du ministère de l'Environnement est venu détailler l'impact de
l'accident sur la rivière Chaudière. La qualité de l'eau et les espèces animales ne
seraient pas menacées, mais la teneur en hydrocarbures des sédiments de la rivière,
près du lac Mégantic, soulève des inquiétudes.