Adieu, valeur refuge - Sprott Asset Management

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Adieu, valeur refuge - Sprott Asset Management
11
LP
Septembre 2009
J
COUP D’OEIL
SUR LES
MARCHÉS
Eric Sprott
David Franklin
Adieu, valeur refuge
Le dollar US est la «monnaie de réserve» mondiale. Ce statut est sans doute le plus grand
privilège dont bénéficient les États-Unis sur le plan économique. Rares sont les personnes
conscientes de l’importance de ce statut. En qualité de monnaie de réserve mondiale, le
dollar US sert de garantie aux autres pays de la planète pour leur propre papier-monnaie.
Dans certains cas, le mécanisme consiste purement et simplement à empiler des dollars US
dans les coffres des banques centrales. Et lorsqu’on leur demande sur quoi repose le peso,
le rouble ou le yen, les autorités visées n’ont qu’à pointer du doigt la pile de dollars US pour
prouver la valeur de la monnaie nationale. Quand on y réfléchit, la précarité d’un système
consistant à garantir une monnaie par une pile de billets émis par un autre pays saute aux
yeux, mais c’est exactement ainsi que le système monétaire international fonctionne depuis
des décennies. Et il fonctionnait relativement bien… jusqu’ici.
Le billet vert a beau avoir cédé 36 % depuis 2001 (selon l’indice du dollar US (DXY)), ce
n’est que récemment que son statut de «monnaie de réserve mondiale» a sérieusement été
remis en question. Les grands pontes des médias sont naturellement restés discrets sur le
sujet, mais au cours de la semaine du 8 au 11 septembre, le DXY a quotidiennement frappé
de nouveaux planchers de 2009. Au cours des six derniers mois, le discours anti-dollar US
s’est substantiellement amplifié en Chine, au Japon, en Russie, en France et au Brésil, ainsi
même qu’aux Nations unies. En lisant entre les lignes, on se rend compte que l’hégémonie
du dollar US s’est finalement brisée, et la suite des événements aura des conséquences
majeures pour l’économie mondiale.
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Le graphique A illustre la valeur
du dollar US par rapport aux
autres grandes monnaies depuis
2000. Vous vous souviendrez
qu’il y a un an, après la faillite de
Lehman Brothers, le dollar US
avait vigoureusement rebondi
tandis que les investisseurs
mondiaux fuyaient mettre leur
argent en lieu sûr. À l’époque,
personne ne se plaignait d’avoir
des obligations du Trésor
américain – qui constituaient
l’instrument le plus sûr pour toute
personne cherchant à placer
temporairement des sommes importantes. Mais maintenant que la panique s’est calmée, les
investisseurs internationaux commencent à remettre ce choix en question, car le
gouvernement des États-Unis a notoirement abusé du statut privilégié de «monnaie de
réserve mondiale» du dollar en imprimant des titres d’emprunt et du papier-monnaie à tour
de bras.
Pour bien comprendre dans quel guêpier sont tombés les États-Unis en matière
d’endettement, le plus simple est de jeter un coup d’œil aux chiffres. Pour les 12 mois se
terminant le 31 août 2009, les recettes du gouvernement américain se sont établies à 2,2
1
billions de dollars US (2 157 940 000 000 $), toutes sources confondues1. Selon le
département du Trésor des États-Unis, au 31 août 2009, l’encours de la dette courante
atteignait 11,8 billions de dollars US (11 812 870 150 873,53 $2) – auxquels il faut ajouter
les promesses non capitalisées faites par le gouvernement des États-Unis à ses citoyens.
Bien qu’aucune obligation à court ou à long terme n’ait été émise pour soutenir ces
engagements, ces derniers sont bien réels et devront être honorés à coups de dollars US.
Selon le National Center for Policy Analysis (NCPA), la portion non capitalisée du
programme de sécurité sociale des États-Unis atteignait au total 17,5 billions de dollars US
(17 500 000 000 000 $) en juin 2009. Le NCPA estime par ailleurs que les obligations
globales non capitalisées relatives à Medicare se chiffrent au total à la somme faramineuse
de 89,3 billions de dollars (89 300 000 000 000 $3). Le tableau A récapitule la situation.
Selon le département du Trésor américain, les charges annuelles pondérées de la dette
active totale (titres négociables ou non) des États-Unis s’élèvent à 3,36 %4; et 3,36 % de
11,8 billions de dollars donnent environ 400 milliards de dollars. Des intérêts débiteurs
annuels de 400 milliards de dollars versés à même des recettes de 2,2 billions de dollars
semblent certes raisonnables, mais si l’on y ajoute le coût des obligations non capitalisées
des États-Unis, on commence à se faire une idée de l’ampleur du problème.
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Comme il ne faut pas compter sur les recettes fiscales courantes pour combler ces passifs
non capitalisés, les promesses faites au titre de la sécurité sociale et de Medicare
nécessiteront assurément l’émission de nouvelles obligations. Nul besoin de faire des
calculs compliqués pour comprendre que les États-Unis ne pourront jamais couvrir le coût
d’une dette de 118 billions de dollars. Même si le gouvernement des États-Unis affectait la
totalité de ses recettes fiscales au service de la dette, il ne pourrait rationnellement pas
emprunter plus de 64,2 billions de dollars (2,157 billions ÷ 3,36 %) aujourd’hui. Ce qui est
flagrant, c’est que le penchant des États-Unis à multiplier ses «engagements de dépense»
menace directement l’avenir du dollar US. En approuvant sans rigueur de nouvelles
promesses de dépenses futures, les responsables politiques américains font fi des coûts
réels associés – et nous ne voyons absolument pas comment les États-Unis pourront
s’acquitter de ces promesses dans les conditions économiques prévisibles.
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Dans ce contexte, vous vous demandez peut-être pourquoi le monde continue à acheter
des obligations américaines. Normalement, lorsqu’un pays est tenté de dépenser à outrance
sans vergogne, sa monnaie (ou ses obligations d’État) subit les foudres des «justiciers»
obligataires – soit des francs-tireurs sur les marchés obligataires et monétaires mondiaux
qui imposent de la discipline aux autorités. L’exemple le plus notoire est celui de George
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1 Department of the Treasury Financial Management Service – Monthly Treasury Statement of Receipts and Outlays of the United States Government August 31,
2009. Table No. 1. Summary of Receipts, Outlays, and the Deficit/Surplus of the U.S. Government, Fiscal Years 2008 and 2009, by Month. Consulté le 15 septembre
2009 sur : http://www.fms.treas.gov/mts/mts0809.pdf
2 Treasury Direct. The Debt to the Penny and Who holds it. Consulté le 15 septembre 2009 sur : http://www.treasurydirect.gov/NP/BPDLogin?application=np
3 Villarreal, Pamela (11 juin 2009). Social Security and Medicare Projections: 2009. National Center for Policy Analysis (NCPA). Consulté le 15 septembre 2009 sur :
http://www.ncpa.org/pub/ba662
4 Treasury Direct. August Statement of Average Interest Rates. Consulté le 15 septembre 2009 sur :
http://www.treasurydirect.gov/govt/rates/pd/avg/2009/2009_08.htm
2
Soros, qui a «brisé la Banque d’Angleterre» en 1992 en refusant de laisser la livre sterling
se dévaluer. Le fait est que tout autre pays ayant essayé de dépenser autant que les ÉtatsUnis a été lourdement sanctionné. Prenons l’exemple de la Pologne. La semaine dernière,
le gouvernement polonais a subi un revers dévastateur en voyant achopper une émission
obligataire, ce qui a réduit à néant son ambition de doubler le déficit budgétaire. Les
analystes recommandaient aux investisseurs de vendre leurs obligations polonaises «d’une
extrémité à l’autre de la courbe», soit, grosso modo, de s’en débarrasser intégralement. La
multiplication par deux d’un déficit gouvernemental paraît être une mesure relativement
modérée dans le contexte de la frénésie actuelle de dépenses des pays du G20; pourtant, la
Pologne a été sanctionnée pour y avoir songé. L’expérience récente de la Pologne soulève
la question de savoir comment les États-Unis sont encore capables d’émettre des
obligations alors que le fardeau de leurs dettes est aussi écrasant et qu’aucune restriction
des dépenses n’est planifiée. La réponse nous paraît évidente : ils ont agi dans le cadre du
programme d’assouplissement quantitatif de la Réserve fédérale, qui n’est en somme
qu’une expression bureaucratique désignant le recours à la planche à billets.
Le gouvernement chinois, qui est de loin le principal investisseur en obligations d’État
américaines, est parfaitement conscient de la situation actuelle. Déjà, en février 2009, Luo
Ping, directeur général de la Commission de régulation du système bancaire chinois, aurait
dit en parlant des États-Unis : «Vous êtes haïssables. Quand vous commencez à émettre un
à deux billions de dollars, nous savons que le dollar va se déprécier. Nous vous détestons,
mais nous ne pouvons pas y faire grand-chose5.» Ce mois-ci, Cheng Siwei, un responsable
chinois s’est exprimé ainsi : «S’ils continuent à imprimer de l’argent pour acheter des
obligations, ils vont créer de l’inflation, et un ou deux ans plus tard, la chute du dollar sera
rude. La plupart de nos réserves étrangères sont constituées d’obligations américaines et
c’est très difficile à changer; nous allons donc diversifier nos réserves supplémentaires en
euros, en yens et dans d’autres monnaies6.» La Chine a récemment été jusqu’à promouvoir
l’achat d’or et d’argent auprès de ses citoyens7. Des publicités sont actuellement diffusées à
la télévision chinoise pour présenter le lingot d’argent comme un placement prudent pour le
grand public8. Les banques chinoises ont même prévu vendre des lingots d’or et d’argent de
quatre tailles différentes. C’est un revirement total par rapport à l’ancienne politique chinoise
de contrôle rigoureux de la distribution d’or et d’argent.
Comment la crise de la dette américaine finira-t-elle donc par se résoudre? Voyons un peu.
Il ressort de notre analyse que les «promesses» de dépenses sont le noeud du problème
qui se pose maintenant au gouvernement des États-Unis. S’il n’y a pas suffisamment de
nouveaux capitaux dans le contexte actuel pour financer de nouvelles émissions de bons du
Trésor (comme nous l’avons expliqué dans «Le problème réside dans… la solution»), alors
il n’y en a assurément pas suffisamment non plus pour régler les futures obligations non
capitalisées des États-Unis. Le gouvernement a le choix entre plusieurs solutions, toutes
plus déplorables les unes que les autres :
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1. Ne pas tenir les promesses au titre de Medicare. (Peu probable compte tenu du
débat actuel qui se déroule à Washington sur l’expansion de la couverture
médicale.)
2. Ne pas tenir les promesses au titre de la sécurité sociale. (Peu probable compte
tenu du vieillissement moyen de l’électorat.)
5 Sender, Henny (11 février 2009). China to stick with US Bonds. Financial Times. Consulté le 15 septembre 2009 sur : http://www.ft.com/cms/s/0/ba857be6-f88f11dd-aae8-000077b07658.html?nclick_c&nclick_check=1
6 Evans-Pritchard, Ambrose. (6 septembre 2009). China Alarmed by US money printing. Consulté le 15 septembre 2009 sur :
http://www.telegraph.co.uk/finance/economics/6146957/China-alarmed-by-US-money-printing.html
7 Williams, Lawrence. (3 septembre 2009). China pushes silver and gold investment to the masses. Mineweb. Consulté le 15 septembre 2009 sur :
http://www.mineweb.com/mineweb/view/mineweb/en/page33?oid=88452&sn=Detail
8 China encourages Silver Bullion for investment. http://www.youtube.com/watch?v=PqFpl31UwPI
10 Matthews, Steve et Minshi, Millie (9 septembre 2009). Greenspan Sees ‘Fairly Pronounced Recovery’ in U.S. (Update2). Bloomberg. Consulté le 15 septembre
2009 sur : http://www.bloomberg.com/apps/news?pid=20601068&sid=aFBopI.OOyKM
3
3. Présenter un plan crédible pour équilibrer le budget. (Peu probable compte tenu
des dernières projections budgétaires.)
4. Ne pas rembourser la dette en cours. (Impensable)
Aucune de ces solutions n’étant acceptable pour le gouvernement des États-Unis, il ne lui
reste plus qu’une possibilité : faire tourner la planche à billets pour se sortir de la crise.
Nous en revenons toujours aux chiffres de la dette des États-Unis, et cela ne colle pas.
Même Alan Greenspan, ex-président de la Réserve fédérale, estime que les déficits
budgétaires croissants ne sont pas viables. Comme le gouvernement des États-Unis
imprime du papier-monnaie pour financer ses obligations, il est peu probable que nous
soyons un jour témoins d’une adjudication d’obligations tournant court, comme en Pologne.
Cette stratégie aboutira par contre fort probablement à une crise du dollar US – raison pour
laquelle nous accordons tant de place aux métaux précieux dans nos fonds de couverture et
nos fonds communs. En fin de compte, lorsque le monde réalisera enfin ce que les ÉtatsUnis ont fait de la monnaie de réserve mondiale, les investisseurs internationaux
transféreront leurs avoirs dans des instruments qu’aucun gouvernement ne peut imprimer.
Le dollar US a, selon nous, officiellement perdu le statut de valeur «refuge» dont jouissait en
période de tourmente financière.
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