LE CONTROLE CITOYEN DE L`ACTION PUBLIQUE EN

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LE CONTROLE CITOYEN DE L`ACTION PUBLIQUE EN
LE CONTROLE CITOYEN DE L’ACTION PUBLIQUE EN AFRIQUE
Par Siaka Coulibaly
Juriste, politologue
Texte présenté au Forum Social de l‟Afrique de l‟Ouest
Lomé, Janvier 2008
SOMMAIRE
INTRODUCTION .................................................................................................................................... 2
I.
THEORIE ET PRINCIPES DU CCAP ............................................................................................. 2
1.1.
LA BONNE GOUVERNANCE ................................................................................................. 2
1.2.
LA PARTICIPATION ................................................................................................................ 3
1.3.
DEFINITION DU CCAP ........................................................................................................... 4
1.4.
FONCTIONS ET UTILITES DU CCAP .................................................................................... 4
1.5.
LES BASES JURIDIQUES DU CCAP ..................................................................................... 5
II. LE CCAP DANS LA PRATIQUE ....................................................................................................... 6
2.1. LES FORMES DU CCAP ............................................................................................................. 6
2.2. LA DEMARCHE DU CCAP .......................................................................................................... 7
2.3. LES EXPERIENCES DE CCAP EN AFRIQUE ............................................................................ 7
2.4. L‟EXPERIENCE DU CDC/CSLP .................................................................................................. 9
2.5. DEFIS ET RISQUES DU CCAP ................................................................................................. 10
2.5.1. Défis environnementaux ...................................................................................................... 10
2.5.2. Les défis structurels ............................................................................................................. 11
CONCLUSION ...................................................................................................................................... 11
INTRODUCTION
Les temps présents sont caractérisés par une remise en question de la nomenclature classique des
acteurs de la gouvernance et du jeu des acteurs de l‟espace public. Pour l‟Afrique sub-saharienne, la
plupart des pays sont en construction démocratique, ce qui se traduit par un remodelage du paysage
politique de ces pays. En effet, depuis l‟apparition du concept de la bonne gouvernance dans les
discours politique et du développement, la liste des acteurs admis à prendre part à la prise des
décisions, notamment de l‟identification et l‟élaboration des politiques publiques, s‟est accrue de
l‟arrivée de nouveaux acteurs. Cette nouvelle configuration de l‟espace public/politique des pays
africains, bien que séduisante en théorie a encore beaucoup de mal à se mettre en place et à produire
les effets et impacts escomptés. Tant du fait de la présence des nouveaux acteurs dont l‟intervention
tend à complexifier le jeu public que, surtout, par la question de la répartition des rôles (pouvoirs)
entre les nouveaux partenaires. La bonne gouvernance renforce l‟idée de la séparation des pouvoirs
dont elle est inspirée, à travers l‟élargissement et la précision de la notion de participation du corps
social aux affaires publiques. De fait, depuis 1990 et le départ des processus de démocratisation en
Afrique, les Etats africains sont amenés à appliquer la bonne gouvernance et la participation
citoyenne à la gestion des affaires publiques. Il importe de procéder de manière régulière à
l‟évaluation de la pratique de cette bonne gouvernance, notamment au regard de l‟action de la société
civile dans les différents champs du plaidoyer au développement. Dès lors, la réflexion sur la
participation des citoyens à l‟action publique soulève certaines questions liées à la forme et à
l‟étendue de cette participation. Au cœur de ces questions, celui de la fonction de contrôle de l‟action
publique par les citoyens. Cette question spécifique comporte également une importante dimension
pratique qui conduit à passer en revue la théorie du contrôle citoyen de l‟action publique et à se
pencher sur une expérience concrète permettant ainsi de ressortir les aspects positifs de ce principe.
I.
THEORIE ET PRINCIPES DU CCAP
Le contrôle citoyen de l‟action publique, s‟il n‟est pas du tout une invention récente, se présente
néanmoins à l‟heure actuelle sous une forme constituant une rupture d‟avec la forme qu‟il avait sous
la démocratie moderne. Pour cela, le CCAP nécessite d‟être étudié pour en saisir les aspects
pratiques. Le CCAP prenant place dans le cadre de la démocratie et de la bonne gouvernance, il
s‟avère alors indispensable, afin de dessiner le cadre conceptuel du CCAP, de revenir sur ces deux
modèles d‟organisation et de fonctionnement du politique qui créent le lit dans lequel le CCAP prend
place. La participation citoyenne, qui marque la différence qualitative entre la démocratie et la bonne
gouvernance, est le support théorique du CCAP, et mérite, pour cela d‟être évoqué.
1.1.
LA BONNE GOUVERNANCE
Dans le contexte de l‟Etat moderne, tous les processus publics sont conduits par l‟Etat qui reste le
maître d‟ouvrage de l‟intérêt général. L‟approche de la bonne gouvernance fait de la participation
citoyenne la pierre angulaire des systèmes de gouvernance des pays en développement dans le
cadre de l‟Aide Publique au Développement. Et l‟idée de participation a conduit à la formalisation de
celle de société civile en tant que composante distincte des autres composantes que sont l‟Etat et le
secteur privé. Cette théorie vise à établir une gouvernance équilibrée où se retrouvent face à face
l‟Etat, le secteur privé et la société civile. Bien entendu, les trois acteurs agissent dans des registres
bien différents et chacun d‟eux détient des rôles bien précis, dictés par les contextes socio-politiques,
culturels et économiques. Le mécanisme qui permet à chaque acteur de jouer ses rôles systémiques
et de remplir ses missions est la subsidiarité. La subsidiarité se dit d‟un dispositif multi-acteurs dans
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lequel un acteur n‟entreprend une action que si ou quand un autre ne le fait pas mieux. La subsidiarité
entraîne une répartition des responsabilités et des moyens entre les acteurs en présence.
La bonne gouvernance est apparue dans le cadre de l‟aide aux pays en développement du fait de la
Banque Mondiale après l‟abandon, par cette institution internationale, des programmes d‟ajustement
structurel à la fin de la décennie 1980. La Banque, forte du constat des limites de son approche
dirigiste, technocratique et top-down de la période d‟avant 1990, a voulu opérer un revirement dans
son approche du développement. Au final, la bonne gouvernance, proposée comme la nouvelle
théorie politique du développement, est censée créer un contexte plus favorable à celui-ci. Cette
bonne gouvernance prévoit des reformes d‟ordre politique et économique au plan institutionnel
(responsabilité de l‟Etat), mais aussi, propose une conception différente des rapports entre les
membres de la société à l‟occasion de la gestion des ressources/affaires publiques. La bonne
gouvernance fait une place importante à la participation courante des citoyens aux décisions
publiques. Dorénavant, les citoyens bénéficiaires des programmes et projets de développement
devront être associés à l‟identification, la formulation, l‟exécution et l‟évaluation de ces projets et
programmes. Les citoyens seront associés à ces processus des politiques publiques individuellement
ou à travers des organisations plus ou moins formelles.
1.2.
LA PARTICIPATION
La Banque Mondiale définit la participation comme le processus par lequel les parties prenantes
peuvent contrôler, et influer sur,




l‟établissement des priorités,
l‟élaboration des politiques,
l‟affectation des ressources et
l‟accès aux biens et services publics.
De manière plus précise, il faut considérer la participation comme la possibilité (juridique) pour les
citoyens, individuellement ou par groupes, n‟agissant pas pour le compte d‟un organisme public
(étatique), de prendre part à un processus public (politique, développement). Le principe de la
participation emporte des obligations au chef des parties prenantes :


une obligation des acteurs étatiques de
o prévoir et organiser la participation des autres acteurs (sociaux et privés)
o de rendre compte de leur gestion aux citoyens
un droit des citoyens ou des clients à contribuer aux politiques, suivre leur exécution, évaluer
les actes publics et interpeller les exécutants.
Une telle participation citoyenne se situe au cœur de la notion de bonne gouvernance et ne produit
ses effets les plus significatifs que dans ce modèle/système de gestion politique.
La participation n‟est pas un simple droit au profit des citoyens. Elle leur fait également des devoirs
d‟exercer ces droits qui leur ont été concédés. Pour que la démocratie et la bonne gouvernance
produisent les effets escomptés sur la société et le développement, elles doivent être équilibrées.
Cela suppose que tous les acteurs, en particulier la société civile, jouent les rôles qui leur ont été
confiés. Les citoyens et la société civile doivent par exemple suivre la gestion des ressources
publiques, évaluer les programmes et projets et éventuellement interpeller, informer ou s‟opposer. Car
comme le dit si bien Antoine Bevort, un sociologue ancien syndicaliste et militant, « la démocratie
n‟est pas un sport de spectateurs ». Ainsi, la société civile qui est la voix et représente les intérêts des
citoyens dans le jeu de la gouvernance, entre autres tâches, porte la responsabilité de contrôler
l‟action des gouvernants.
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1.3.
DEFINITION DU CCAP
Le contrôle citoyen de l‟action publique se définit comme «… toute action de la part des citoyens
ou des organisations de la société civile (OSC) qui vise à contrôler l’action publique ou à
obliger l’état à rendre comptes aux citoyens ». Cette définition induit les obligations mentionnées
plus haut d‟imputabilité des dirigeants ou des gestionnaires vis-à-vis des citoyens. Est également
induit le droit des citoyens à exiger d‟être informé et à recevoir des comptes de la part de ceux qui ont
reçu la responsabilité de la gestion des ressources publiques. Le contrôle citoyen s‟oppose au
contrôle institutionnel exercé par le parlement et l‟appareil judiciaire et à l‟auto évaluation de l‟Etat.
Cette définition, cependant, occulte le contenu du CCAP, dans lequel pourrait résider des nuances de
fonds. L‟approche néo-institutionnelle favorise un contrôle « négocié » par les citoyens auprès de
l‟autorité et s‟intégrant dans les dispositifs des programmes de développement, tandis que la
conception de la société civile tendrait plutôt vers un contrôle détenu par le corps social comme un
recours contre l‟arbitraire des gouvernants. Cette approche sociale du contrôle laisse entrevoir, sur la
base des résultats du contrôle, l‟éventail des possibilités comprenant la négociation, le plaidoyer et la
contestation.
1.4.
FONCTIONS ET UTILITES DU CCAP
Mais pourquoi donc pratiquer le CCAP ? Cette interrogation en soulève beaucoup d‟autres liées à
l‟effectivité des mécanismes démocratiques. Pourquoi les citoyens doivent-ils s‟impliquer dans le suivi
de l‟action publique/gouvernemental alors que plusieurs mécanismes de contrôle existent déjà ? En
effet, le modèle républicain de l‟Etat prévoit que celui aie une orientation populaire de la souveraineté
et mette l‟intérêt général au centre de son action. En vertu de la séparation des pouvoirs, le parlement
et le pouvoir judiciaire sont chargés de contrôler l‟action du pouvoir exécutif. L‟un au profit du peuple
et l‟autre au nom des grands principes de justice et d‟équité. Le contrôle institutionnel de l‟action
publique met en branle un certains nombre d‟institutions et de mécanismes :
-
le parlement (examen et transaction du budget, loi de règlement, questions orales et écrites)
les administrations publiques (contrôle interne)
l‟Inspection d‟Etat
les commissions et cadres de suivi-évaluation des départements ministériels et de l‟action
gouvernementale
le discours sur l‟état de la nation
le contrôle judiciaire (Cour des Comptes, Haute Cour de Justice, Conseil Constitutionnel,
Conseil d‟Etat, etc.).
Un réponse à la question de l‟utilité du CCAP nous vient du consultant sénégalais Bara Guèye qui
affirme que : «Le Contrôle Citoyen de l’Action Publique renvoie au pouvoir et à la capacité qui sont
donnés aux citoyens de demander aux agents des services publics (y compris les élus locaux) et aux
fournisseurs de services de rendre des comptes, ce qui implique qu’ils doivent répondre de leurs
politiques, de leurs actions, de leurs comportements et de l’utilisation des fonds. Il nécessite
un Engagement des citoyens à appuyer l’action de l’état et des collectivités par un contrôle constructif.
Contrôle citoyen ne signifie pas usurpation ou remise en cause de prérogatives mais renforcement de
l’action des agents publics/élus. Il est bénéfique pour le citoyen et le service ou agent public: meilleur
ciblage des besoins et meilleure performance du service public ; est facilité par un engagement
1
volontaire des agents du service public et/ou des élus locaux ».
1
Cité par Mohamed Fouad Barrada, Société civile et contrôle de l’action publique, in LA TRIBUNE N°371 du
24 octobre 2007
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Le CCAP détient d‟autres justifications. Il s‟agit de :




Promouvoir la bonne gouvernance en corrigeant
o la crise de légitimité de l‟état et
o les insuffisances des mécanismes conventionnels
Accroître l‟efficacité du développement par
o une meilleure prestation des services publics et
o une conception plus éclairée des politiques
Renforcer les moyens d‟action des projets de développement
Enregistrer les contributions des communautés en
o faisant entendre la voix des citoyens défavorisés et vulnérables
o mobiliser les ressources locales dans les projets (contribution
d‟engagement, force de travail).
financière
Vu sous un autre angle, le CCAP à travers certaines expériences novatrices a démontré que
l‟application du concept de contrôle citoyen à travers des méthodes participatives permet d‟instaurer
des changements positifs et d‟établir le lien entre bonne gouvernance et développement durable.
Ce contrôle, pour pouvoir s‟exercer, nécessite des supports juridiques qui vont encadrer et organiser
sa pratique. Les différents pays en développement qui ont choisi la bonne gouvernance comme mode
de gestion des affaires publiques ont dû procéder à des reformes de leur droit positif afin de
conformer celui-ci à la nouvelle approche.
1.5.
LES BASES JURIDIQUES DU CCAP
En tant que corollaires de la démocratie et de la bonne gouvernance, la participation citoyenne et le
CCAP tirent leur légalité du cadre juridique de l‟Etat de droit. La démocratie se construit sur le socle
de l‟Etat de droit qui lui est indispensable. L‟Etat de droit est un Etat dans lequel les actes des
autorités sont soumis à la règle de droit (loi). Cela implique que l‟intervention de la société civile dans
la gouvernance doit être prévue et organisée par la règle de droit.
La source juridique la plus importante et la plus ancienne est la Déclaration universelle des droits de
l‟homme et du citoyen de 1789, qui édicte le droit, pour tous les citoyens, " de constater, par euxmêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique [et] d’en suivre l’emploi
(…) " (art. 14), et qui stipule que " la société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration " (art. 15).
Des instruments juridiques internationaux constituent également des sources de légalité du CCAP. On
peut retenir à ce niveau la Déclaration de Paris, la Déclaration de Bamako, le Protocole Additionnel de
la CEDEAO de 2001 sur la bonne gouvernance.
En général, la constitution définit le principe de la participation des citoyens à la chose publique. En
tant que norme supérieure, la constitution énonce les grandes orientations et les principes, en laissant
aux normes inférieures (loi, règlement), le soin de les préciser tout en les appliquant à des situations
spécifiques.
Pour le Burkina Faso, le principe de la participation citoyenne est énoncé par l‟article 12 de la
constitution du 2 juin 1991 qui dispose que « Tous les Burkinabè sans distinction aucune ont le droit
de participer à la gestion des affaires de l'Etat et de la Société ». L‟article 30 est une autre base légale
du contrôle citoyen : « Tout citoyen a le droit d'initier une action ou d'adhérer à une action collective
sous forme de pétition contre des actes:

lésant le patrimoine public;
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

lésant les intérêts de communautés sociales;
portant
atteinte
à
l'environnement
ou historique ».
ou
au
patrimoine
culturel
Dans les différents pays, on peut retrouver d‟autres dispositions juridiques contenues dans les lois, les
décrets, les arrêtés et autres décisions et circulaires.
Le Décret N°99-198/PRES/PM/MFPDI du 14 juin 1999 (publié dans le Journal Officiel N° 26/1999)
portant Plan National de Gouvernance prévoit la participation des ONG et des citoyens aux activités
de la bonne gouvernance. L‟article 11 de ce décret prévoit que la présidence des comités sectoriels
de la bonne gouvernance est assurée par « Un des Secrétaires Généraux des Ministères et des
Institutions concernés ou le Secrétaire Permanent des ONG ». Le même article prévoit parmi les
membres de ces comités sectoriels « toutes personnes désignées en raison de leurs compétences et
de leurs expériences ». Ainsi, à travers ces dispositions juridiques, les citoyens peuvent prendre part
au travail de la gouvernance.
Pour le cas spécifique du CCAP appliqué au Burkina Faso, à travers l‟expérience du Cdc/CSLP, le
Décret N° 2000-513/PRES/PM/MEF du 3 novembre 2000 (JO N°47-2000) portant adoption du
document intitulé “Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté” (CSLP)” propose une base juridique
pour le CCAP. L‟article 14 stipule que « Le dispositif institutionnel de suivi du CSLP peut faire appel à
toute personne physique ou morale pour ses qualités et compétences ». Les Commissions
Sectorielles et Techniques (CST), dans les travaux desquelles participent les Organisations de la
Société Civile depuis 2005, ont entre autres attributions, la compétence d‟ « établir les bilans de mise
en œuvre des différentes politiques dans la perspective de la lutte contre la pauvreté » ; et
d‟ « apprécier le système de monitoring et d'évaluation au niveau sectoriel ».
2
L‟article 12 du Code Général des Collectivités Territoriales organise la participation citoyenne à la
gestion communale.
Les mêmes provisions juridiques existent dans les autres pays en construction démocratique et
appliquant l‟approche de la réduction de la pauvreté soutenue par la Banque Mondiale. C‟est donc
bien en toute légalité que la société civile pratique le CCAP dans les différents pays en
développement.
II. LE CCAP DANS LA PRATIQUE
Plusieurs expériences de CCAP peuvent être observées en Afrique. Ces expériences prennent des
formes diverses et se déroulent dans des contextes différents.
2.1. LES FORMES DU CCAP
Les initiatives de CCAP, à travers les pays, se font en utilisant des outils et adoptent des
méthodologies différentes. Généralement, le CCAP se fait à travers certaines activités des OSC. On
peut retenir :
2
les études d‟évaluations ou d‟impact
les revues à mi-parcours
les ateliers de restitution ou d‟évaluation
les analyses de performance
les activités courantes de suivi-évaluation
les projets spécifiques de suivi des politiques
l‟analyse budgétaire
La planification participative du budget
LOI N° 055-2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code Général des Collectivités Territoriales au Burkina Faso
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-
L‟analyse indépendante des politiques et budgets
Les audits sociaux
Le suivi des dépenses publiques par les citoyens ou les communautés
L‟évaluation des services/programmes publics par les citoyens
Les comités de co-gestion,
les „jurys‟ de citoyens.
2.2. LA DEMARCHE DU CCAP
Les étapes essentielles du processus de mise en œuvre du CCAP sont :
-
L‟identification d‟une porte d‟entrée (information et sensibilisation des acteurs locaux du CCAP
et des partenaires (services étatiques, projets)
La collecte de l‟information
L‟analyse de l‟information
La production du rapport citoyen sur l‟action publique
La diffusion de l‟information
La mobilisation des énergies
La négociation des changements.
Une place primordiale est accordée aux médias dans la démarche du CCAP. En effet, il s‟est révélé,
au fil de l‟approfondissement de la démocratie dans les pays africains, que les média constituent le
seul mécanisme non institutionnel qui ait une efficacité certaine à influencer les gouvernements.
L‟appellation de quatrième pouvoir prend alors ici toute sa portée. Les initiatives de CCAP doivent, de
ce fait, impliquer intimement les organes de presse comme support de communication et d‟information
sur les résultats de la collecte et de l‟analyse des données.
2.3. LES EXPERIENCES DE CCAP EN AFRIQUE
A travers le continent africain, on peut citer quelques exemples de CCAP par la société civile.
Au Sénégal
L‟Institut International pour l‟Environnement et le Développement, Programme du Sahel (IIED Sahel),
en collaboration avec la Banque mondiale a organisé, du 3 au 6 mars 2004, un atelier de formation
sur les « approches participatives appliquées au contrôle citoyen de l’action publique ». Ce
premier atelier a réuni des représentants de différentes catégories d‟acteurs (parlementaires, élus
locaux, membres de la société civile, représentants de l‟administration, projets bilatéraux) et a permis
d‟explorer tout le potentiel des outils CCAP pour le renforcement de la bonne gouvernance dans la
gestion des affaires locales. Le besoin d‟appuyer une institutionnalisation de cette approche, par le
réseautage et le partage d‟expériences, a été largement exprimé par les participants. En réponse à
cette demande, un deuxième atelier s‟est tenu du 10 au 12 Août 2004 à Savana Saly (Sénégal). Au
delà de l‟initiation au CCAP, cet atelier a été l‟occasion d‟une réflexion sur les mécanismes et outils
d‟application pratique du CCAP dans le cadre de programmes qui seront identifiés à cet effet. De
façon plus spécifique, il a permis de :

Mener une analyse approfondie sur les conditions et les modalités pour une mise en
application réussie de l‟approche CCAP dans des programmes mis en œuvre par les
différentes institutions participantes,

Mettre en place un réseau sur le CCAP qui a identifié les différentes actions
d‟accompagnement nécessaires ainsi qu‟un programme de travail pour appuyer ce processus
d‟institutionnalisation du CCAP au Sénégal.
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Au Bénin
Le Réseau Social Watch Bénin, avec un appui financier de l‟ambassade des Pays-Bas, a organisé un
atelier de renforcement des capacités des journalistes en matière de lecture et d‟analyse des finances
publiques et de contrôle citoyen de l‟action publique. Cet atelier s‟est tenu du 05 au 07 septembre
2006 à Cotonou (l‟hôtel Sun Beach à Fidjrossè calvaire).
L‟objectif de l‟atelier était de mettre à la disposition des médias des informations, des analyses et des
études qui les aideront à développer une vision critique par rapport aux propositions budgétaires de
l‟exécutif, à lire et à bien comprendre la spécificité du budget général de l‟Etat, mais aussi à pouvoir
exprimer clairement au gouvernement ou au parlement, le fruit de leurs analyses.
Toujours au Bénin, une autre expérience a été celle menée par l‟ONG ALCRER.
Dans le cadre de ses activités de contrôle de l‟action publique pour la promotion de la bonne
gouvernance dans les institutions de la République et dans les Communes en particulier,
l‟observatoire de la société civile de l‟Ong Alcrer a organisé, sur l‟autorisation des autorités de la
Mairie de Cotonou, une opération de contrôle citoyen qui s‟est déroulé à la Mairie de Cotonou du
mercredi 12 au vendredi 21 décembre 2007. Cette opération a conduit les membres de la commission
de l‟Ong Alcrer dans toutes les directions techniques de la mairie. La commission a également eu
l‟occasion de rencontrer le contrôleur général des services municipaux et la cellule de passation des
marchés conformément à un calendrier élaboré par la mairie à cet effet.
Au cours de ces différentes rencontres, les directeurs, les chefs de département et les chefs de
service, chacun en ce qui le concerne ont exposé de long en large, avec des documents à l‟appui, les
activités que mène la municipalité depuis janvier 2003. Aussi, étaient-ils disposés à se prêter aux
questions de la commission.
A l‟issue de ses travaux d‟investigation, la commission a présenté ses conclusions réparties en forces
et faiblesses de l‟institution contrôlée. Des recommandations ont complété le rapport de la mission de
contrôle commanditée par la société civile.
Au Cameroun
L‟expérience d‟une radio communautaire de contrôle de l‟action publique mérite d‟être relatée. La Voix
Du Paysan (LVDP) est un des outils de communication de l‟ONG SAILD (Service d‟Appui aux
Initiatives Locales de Développement) qui a été créée en 1988. Ses objectifs sont d‟informer le
maximum de paysans, et d‟informer les autres acteurs de la société sur ce que sont et font les
paysans. La Voix Du Paysan a entrepris une large campagne d‟information/sensibilisation sur la
gestion des fonds PPTE, initiative de la Banque Mondiale à laquelle le Cameroun a été éligible en
octobre 2000. L‟action de LVDP a consisté à rechercher des informations sur les fonds PPTE et
d‟informer les paysans, principaux bénéficiaires des projets de ce fonds. Entre autres résultats, LVDP
a réussi à obtenir l‟information qu‟en 2003, à quatre mois du point d‟achèvement, seulement 12
milliards, soit 2,3% de l‟enveloppe totale de ces fonds qui s‟élève à 213 milliards de FCFA ont été
dépensés. Il y a là un motif de mobilisation des paysans afin d‟exiger des comptes des responsables
de ce fonds.
Au Nigéria
L‟antenne nationale de l‟ONG international Action Aid a entrepris en 2004 un projet de soutien de la
société civile dans le contrôle citoyen de l‟action publique. Le projet dénommé « Accroître la
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participation citoyenne dans la gouvernance à travers une analyse des finances publiques » a été
officiellement lance le 30 Aout 2004 à l‟hôtel Chelsea à Abuja, capitale du Nigeria.
Dans ce projet, Action Aid International Nigéria a joué un rôle de facilitateur et de catalyseur et a
travaillé avec six partenaires (organisations de la société civile) afin de renforcer les capacités des
groupes communautaires et soutenir leurs actions au niveau local. D‟autre part, Action Aid
International Nigéria recherche des acteurs compétents aux niveaux national et international pour agir
soit directement avec les groupes communautaires, soit à travers des partenaires dans le but d‟ériger
des compétences et de renforcer les citoyens dans la participation aux processus budgétaires et de
gouvernance.
Du 14 au 26 février 2005 et du 11 au 24 avril 2005, Action Aid International Nigeria a tenu deux
ateliers de formation des acteurs en matière de revue littéraire et d‟analyse budgétaire. A l‟issue de la
formation, les organisations de la société civile ont entrepris de sensibiliser des communautés au
CCAP à travers l‟analyse du budget.
Le Ghana HIPC Watch
A partir de l‟année 2000, un dispositif de suivi des fonds et projets PPTE a été mis en place à Tamalé
au centre du Ghana. L‟organisation a pris la dénomination de Ghana HIPC Watch (Observatoire des
fonds PPTE du Ghana) et s‟articule autour de plusieurs organisations focales et de Disctrict HIPC
Monitoring Committees (Comités de suivi des fonds PPTE). Les DHMC sont chargés de suivre les
réalisations d‟infrastructures planifiées par le programme PPTE du Ghana Poverty Reduction Strategy
et que le gouvernement mets en oeuvre. Les résultats des observations font l‟objet de plaidoyer au
niveau local auprès des autorités communales et au niveau central auprès du gouvernement. Ce
travail des organisations de citoyens permet de corriger certains dysfonctionnements des programmes
de réduction de la pauvreté.
2.4. L’EXPERIENCE DU CDC/CSLP
L‟expérience burkinabé de CCAP débute en 2003 lorsque le DED (service allemand de coopération
technique) s‟est engagé à soutenir les OSC qui ont dans leurs objectifs la lutte contre la pauvreté. Une
vingtaine d‟OSC a été identifié et ont entamé un processus de réseautage et de planification afin de
doter les différents acteurs de la société civile d‟outils adéquats pour le suivi des politiques publiques,
en particulier le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP). Le processus ne pouvait
prendre forme sans l‟inspiration d‟une expérience similaire. Ainsi, les OSC concernées, avec l‟appui
financier du DED ont effectué un voyage d‟étude au Ghana où une expérience de suivi de l‟utilisation
des fonds PPTE était en cours. Le Ghana HIPC Watch, réseau d‟acteurs communautaires soutenu
par SEND Foundation effectuait depuis 2001 le suivi de la mise en œuvre des projets des fonds PPTE
dans certaines communes du Ghana. Il était indispensable pour les OSC du Burkina Faso de
s‟approprier des outils développés par le GHIPCW et surtout de la démarche utilisée par ce réseau.
Le voyage d‟études qui eut lieu en novembre 2005 à Tamalé a consisté en un concentré de
renforcement des capacités pour les OSC burkinabé. Des présentations du contexte politicoinstitutionnel du Ghana, de l‟historique du GHIPCW et des résultats du suivi ainsi que les difficultés
rencontrées ont éclairé les participants sur le CCAP appliqué au suivi des fonds PPTE.
De retour au Burkina Faso, les OSC tinrent, dès décembre 2005, une rencontre de capitalisation du
voyage au Ghana et d‟identification d‟une démarche adaptée au contexte burkinabé. En cette période,
sous l‟égide de la Banque Mondiale, plusieurs pays en développement dont le Burkina Faso, avaient
formulé et adopté un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté, devant servir de cadre de politique
en matière de lutte contre la pauvreté. Le groupe d‟OSC décida d‟adopter la dénomination de « Cadre
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de Concertation des OSC engagées dans le processus CSLP au Burkina (Cdc/CSLP)». De janvier à
Avril 2006, plusieurs ateliers de planification furent organisés et aboutirent à la formulation d‟un Cadre
Logique commun qui allait guider les actions du Cdc/CSLP. Le 12 avril 2006 se tint la rencontre de
validation du Cadre Logique et de formalisation du CdC/CSLP.
Le Cdc/CSLP commença par renforcer les capacités de ses membres en matière de suivi-évaluation
et définit une stratégie de suivi des réalisations au titre du CSLP au niveau de la base par les
communautés bénéficiaires. Des outils de suivi furent élaborés en conséquence, des villages
d‟intervention identifiés et les acteurs locaux du suivi formés aux outils et à la méthodologie du suivi à
la base. Le Cdc/CSLP a une structuration qui part des organisations membres (13) appelées
Organisations Focales (OF), dont l‟une est désignée « pilotage ». Les OF installent des Comités de
Suivi à la Base dans leurs villages d‟intervention. Ces CSB sont formées et dotés de fiches de suivi où
ils reportent toutes les observations concernant les réalisations publiques relevant des programmes
de lutte contre la pauvreté. Les données collectées dans les villages sont rassemblées par les OF,
acheminées auprès du pilotage et synthétisées en un rapport de suivi à la base qui est présenté à la
revue annuelle du CSLP.
Pendant le processus de consolidation du Cdc/CSLP les défis commencèrent à surgir devant lui. En
effet, le dispositif du CSLP proposé par le gouvernement burkinabé prévoit la participation de la
société civile au Commissions Sectoriels et Thématiques chargées du suivi-évaluation du CSLP par
départements ministériels et aux revues annuelles ainsi qu‟aux revues mi-parcours. En 2004, à
travers la Cellule Nationale de Renforcement des Capacités des OSC, qui est le point d‟entrée de la
société civile et l‟interlocuteur du gouvernement, le Cdc/CSLP dut en quelques jours examiner et
apporter une appréciation au rapport d‟exécution du CSLP présenté par le gouvernement. Ce défi fut
difficilement relevé et le Cdc/CSLP fut ainsi impliqué dans le processus du CSLP au Burkina Faso.
Les autres années, les résultats du suivi à la base commencèrent à être disponibles et les
participations du Cdc/CSLP à la revue annuelle du Cdc/CSLP se professionnalisèrent
progressivement.
Aujourd‟hui, le Cdc/CSLP est confronté à des défis qui pourraient menacer son existence. Il s‟agit de
la volonté du gouvernement de ne plus admettre la société civile comme acteur à part entière du
CSLP et de l‟émergence d‟autres groupes de la société civile disposant de moyens et qui
ambitionnent de jouer le rôle d‟interlocuteur du gouvernement.
2.5. DEFIS ET RISQUES DU CCAP
Bien que l‟idée et les processus de CCAP soient lancés dans plusieurs pays en Afrique, d‟énormes
défis restent à surmonter pour les groupes de la société civile. Au Nigéria, au Ghana et au Burkina
Faso entre autres, le CCAP se confronte à plusieurs défis tant environnementaux que structurels.
2.5.1. Défis environnementaux
Les défis environnementaux sont des obstacles plus liés au contexte socio-politique et aux mentalités
qu‟au cadre légal et politique de ces pays. Les pays africains ont été dotés d‟Etats de type centralisé
où l‟activité de l‟individu citoyen reste limitée. Habitués depuis les indépendances à vivre l‟Etat toutpuissant, les individus ont reçu l‟irruption de la notion de société civile assez lentement et assez
faiblement. Ainsi, les organisations sociales et citoyennes ont-elles encore du mal à se représenter
face à l‟Etat et à exiger des comptes des gestionnaires publics. A l‟opposé, les autorités
administratives et politiques ainsi que leurs agents, opposent-t-ils quelques fois des réticences à
coopérer avec les organisations citoyennes, notamment dans le domaine de l‟accès à l‟information.
CS, Le Contrôle Citoyen de l’Action Publique, Lomé, janvier 2008
L‟expérience de l‟analyse budgétaire par la société civile menée de 2005 à 2007 au Burkina Faso a
connu cet obstacle de l‟accès à l‟information publique.
Un autre défi environnemental est le risque politique. La société civile, dans sa dimension du plaidoyer
politique, intervient dans le champ traditionnel des acteurs politiques. Jusqu‟à présent, les limites
entre action citoyenne de changement social et compétition politique ne sont pas nettement définies
pour tous les acteurs de part et d‟autre. D‟où la confusion de rôles et de mandats qui conduit certains
acteurs de la société civile à franchir certaines limites. Ce faisant, ils handicapent leur mission
originelle et jette l‟opprobre sur toute la classe civile.
2.5.2. Les défis structurels
Ce sont ceux qui concernent la société civile elle-même, son niveau d‟organisation et son potentiel
opérationnel. Plusieurs études sur le cas de la société civile au Burkina Faso ont établi que la société
civile n‟arrivait pas à assumer son rôle sociétal efficacement. Le cadre légal et institutionnel du pays
autorise une participation significative des organisations sociales dans les politiques publiques, mais
des insuffisances organisationnelles empêchent celles-ci de remplir l‟espace qui leur est réservé dans
le jeu de la gouvernance nationale et locale. Il s‟agit, dès lors, de poursuivre les nombreuses initiatives
de renforcement qui sont en cours pour créer des cadres de concertation, d‟échanges d‟expérience et
de représentation des OSC. De même, le besoin de relever le niveau des capacités opérationnelles
des OSC/ONG est plus que crucial. Recherche, analyse, rédaction, négociation, plaidoyer sont des
champs qui restent largement déficitaires dans l‟arsenal des organisations de la société civile. Le
CCAP qui est, en définitive, le domaine d‟intervention par excellence de la société civile doit faire
l‟objet de vastes programmes de renforcement au profit des OSC/ONG.
CONCLUSION
Le CCAP, qui est l‟une des missions essentielles de la société civile a bien du mal à trouver sa place
réelle dans la vie des organisations de la société civile en Afrique. Bien que le cadre juridique et
institutionnel des différents pays permette la participation citoyenne et le CCAP, cette provision
juridique est très peu utilisée par les citoyens et la société civile. Le CCAP reste le fait de très peu
d‟OSC alors que cette fonction devrait être celle de toute la société civile. Les exemples de CCAP
recensées dans les différents pays africains nécessitent d‟être finement analysées afin d‟en
déterminer la portée réelle. Par ailleurs, le développement du concept par la Banque Mondiale
représente une lacune lorsqu‟une large partie de la société civile du plaidoyer politique, en
l‟occurrence les altermondialistes, considère cette institution comme le cheval de Troie du néo
libéralisme en Afrique. La société civile africaine qui disposerait de ressources humaines
conséquentes devrait s‟atteler à produire des publications sur le sujet tant les exemples de CCAP sont
nombreux. Cette pratique souffre d‟une part de la faiblesse de documentation que connait l‟ensemble
des activités de la société civile en Afrique et d‟autre part de la contrainte financière. En effet, la
société civile africaine est prise dans l‟engrenage du financement fourni par le Nord. Cette aide est
concernée par des règles très rigides qui ne laissent aucune place à l‟autonomie des acteurs, mais
surtout est idéologiquement connotée. De là, se soulève une contradiction pour les acteurs de la
société civile ouest africaine : comment développer des approches autonomes et endogènes avec des
ressources exogènes ? Un défi se présente ici pour ces acteurs sociaux soucieux du développement
de leur continent.
CS, Le Contrôle Citoyen de l’Action Publique, Lomé, janvier 2008

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