La méthode française de dimensionnement

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La méthode française de dimensionnement
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La méthode française
de dimensionnement
Honoré GOACOLOU
Eurovia
fournissent un premier outil
d’analyse du mode
de fonctionnement
et des éventuels désordres
des chaussées existantes
et déterminent les modifications
à apporter aux structures
(enlèvement, retraitement,
apport de matériaux).
Jean-Michel PIAU
Laboratoire central des Ponts et chaussées
(LCPC)
Jean-Maurice BALAY
LCPC
Hugues ODÉON
Laboratoire régional des Ponts et chaussées
(LRPC) Strasbourg
Jean-Claude PETITGRAND
Rolf KOBISCH
DR
Laboratoire régional de l’Ouest parisien (LROP)
LRPC Saint Brieuc
Michel PAILLARD
LRPC Autun
Emmanuelle FRÉNÉAT
Scetauroute
Patrick LERAT
Service technique des bases aériennes (STBA)
Finalité et définition
des méthodes
de dimensionnement
des chaussées
Historique
Les chaussées (routières, ferroviaires,
aéroportuaires, de tramway, industrielles,
etc.) sont des structures composites,
multicouches, plus ou moins complexes,
conçues pour résister sur l’ensemble
de leur durée de vie aux multiples
sollicitations mécaniques
(liées principalement au passage
de charges lourdes) et climatiques
(cycles de température, pluie, gel, UV,
etc.), qui l’une après l’autre, sapent
imperceptiblement les performances
initiales des matériaux
et de leurs interfaces.
L’objectif premier des méthodes
de dimensionnement des chaussées
est de fixer les règles qualitatives
et quantitatives permettant à l’ingénieur
de choisir et concevoir le profil vertical
des structures de chaussée, compte tenu
des données des projets (durée de vie,
trafic annuel, climat, contraintes
de réalisation, etc.) et de la politique
économique des maîtres d’ouvrage
(investissement initial, budget
d’entretien/renforcement).
Dans le cas de chaussées neuves,
les méthodes de dimensionnement
des chaussées favorisent la préconisation
des différentes solutions techniques
admissibles et, pour chacune d’entre elles,
le scénario prévisible d’entretien.
Le choix de la solution incombe,
au final, au maître d’ouvrage.
Dans le cas des études de renforcement,
les méthodes de dimensionnement
Les méthodes en vigueur
peuvent se classer principalement
en deux catégories :
> Les méthodes de type empirique, basées
sur l’observation en grand nombre
du comportement de chaussées existantes
(dont certaines construites spécifiquement
en vue de l’élaboration de la méthode)
et induisant des corrélations entre
conditions de trafic et climatiques
à supporter et type de structure,
épaisseurs des couches à adopter.
> Les méthodes de type semi-empirique
ou « rationnel », qui ne sauraient
se dispenser de l’apport « terrain »,
mais qui reposent aussi pour une certaine
part sur l’utilisation de modèles
« mécanistiques » de comportement
des matériaux et structures de chaussées.
Cette double approche sert non seulement
au dimensionnement des projets,
mais est également utilisée dans la phase
même d’élaboration de la méthode
afin de réduire la part d’observations
de terrain à réaliser. L’importance allouée
aux modèles varie d’une méthode
à l’autre, même si, finalement,
beaucoup de ces méthodes
se rejoignent par l’utilisation
de modèles multicouches élastiques.
Les méthodes de dimensionnement
intègrent également un corpus de règles
techniques et recommandations portant
sur les conditions de construction
et réalisation des chaussées (contraintes
technologiques, profils transversaux,
dévers, etc.) et font référence
pour les chaussées routières aux règles
de tracé en long, qui relèvent
d’un ensemble d’autres documents.
Dans le domaine routier, le besoin
de méthodes de dimensionnement
dûment explicitées s’est véritablement
fait ressentir avec la forte expansion
économique des pays d’Amérique du Nord
et d’Europe de l’Ouest, qui a suivi
la Seconde Guerre mondiale
et qui se révélait indissociable
de l’amélioration et du développement
des réseaux routiers pour le transport
des biens et des personnes.
Leur élaboration s’est faite de façon
progressive aux échelons nationaux,
souvent sur la base de principes distincts
d’un pays à l’autre, et leur amélioration
est toujours d’actualité.
Retraçons brièvement
cet historique pour la France.
Jusqu’aux années 50, les structures
de chaussée routière utilisées en France
étaient peu diversifiées ; la quasi-totalité
d’entre elles étaient à assises granulaires
et dimensionnées le plus souvent de façon
empirique par analogie avec les chaussées
existantes, plus rarement en utilisant
la méthode américaine CBR (Californian
Bearing Ratio). Le dimensionnement
des rares chaussées en béton s’inspirait
des règles américaines fondées
sur le modèle de Westergaard (1927).
En 1959, MM. Jeuffroy et Bachelez
publient une série d’abaques
correspondant au fonctionnement
de structures tricouches élastiques
selon une méthode proche
de celle de Burmister.
Les chaussées se diversifient
avec l’introduction, notamment,
de couches d’assises traitées aux liants
hydrauliques pour faire face
à l’augmentation du trafic.
Sous cette impulsion, l’Administration
oriente, dans les années 60, la doctrine
française vers une démarche rationnelle
qui profite, d’une part, du développement
des moyens d’essais sur matériaux
de chaussée et de leur approche
performantielle (module d’élasticité,
module complexe, essai de fatigue)
et, d’autre part, des moyens
d’auscultation (déflectographe
Lacroix et extensomètres notamment),
permettant une meilleure compréhension
du fonctionnement des structures
et du rôle fonctionnel de chaque couche.
Dans le même temps, la Direction
des routes entreprend de standardiser
les matériaux utilisés sur le réseau
national en publiant, en 1968,
des directives et recommandations
précisant leurs formulations
et méthodes de mise en œuvre.
En 1971, paraît un premier Catalogue
des structures types de chaussées
neuves, dimensionnées sur un critère
de poinçonnement du sol
et un allongement limite
dans les couches liées.
•••
La méthode française de dimensionnement
•••
Le développement de l’informatique
facilite l’usage des modèles multicouches
élastiques, notamment au travers
du programme Alizé, reposant
sur le modèle de Burmister (développé
au Laboratoire central des Ponts
et chaussées - LCPC -, dès 1964).
La méthode des éléments finis complète
l’approche pour les structures rigides
par le calcul des facteurs de concentration
de contrainte, dans les zones
de discontinuités géométriques.
Ceci déboucha sur une nouvelle version
du Catalogue, publiée en 1977,
avec des structures pré-calculées.
La méthode avait été, entre-temps, affinée
en introduisant la notion de plate-forme
et de risque de rupture de la chaussée,
et une méthode de prise en compte
du gel/dégel avait été définie.
Depuis lors, cette méthode,
ainsi que l’approche performantielle
des matériaux qui va de paire,
n’ont pas été remises en cause
et sont adoptées en France
sur l’ensemble des réseaux routiers,
avec des cadres d’application
spécifiques à chacun d’entre eux.
En 1994, sous l’impulsion
de Jean-François Corté, sont réunies
et explicitées à l’intérieur d’un même
guide l’ensemble des règles de la méthode
de dimensionnement [1] et, en 1998,
est publié un nouveau catalogue
des structures de chaussée [2].
Le plus récent document en la matière
est le Guide des variantes SETRA/LCPC [3],
entré en vigueur en 2002, qui fixe
les règles de prise en compte
dans les marchés publics de l’Etat
des solutions proposées en variantes
aux solutions de base.
Description de la méthode
française de dimensionnement
Les principes de la méthode
La démarche française
de dimensionnement des structures
de chaussées repose depuis plus
de trente ans sur une méthode
rationnelle qui permet de déterminer
une structure de chaussée
en deux étapes successives.
La première étape, de type mécanique,
consiste à vérifier par le calcul
qu’une structure choisie a priori suffit
à supporter le trafic qui devra circuler
sur la chaussée pendant sa durée de vie
sur un sol donné. La démarche consiste
à choisir un type de structure, à retenir
les matériaux constitutifs des différentes
couches et à en fixer les épaisseurs
respectives, puis à calculer :
> Les sollicitations induites
dans cette structure au passage
d’un essieu représentatif du trafic poids
lourd (l’essieu isolé à roue jumelée
de 130 kN, dit « essieu de référence »)
à l’aide du modèle multicouche
élastique linéaire de Burmister.
> Les sollicitations jugées admissibles
par les matériaux, en fonction
de leur position dans la structure,
du trafic cumulé devant circuler
sur la chaussée pendant sa durée de vie
et de leur mode de dégradation (rupture
par fatigue pour les matériaux liés
ou par cumul de déformation permanente
pour les matériaux non liés).
La structure convient si les sollicitations
induites au passage de l’essieu
de référence restent inférieures
ou égales aux sollicitations admissibles,
pour chaque couche sollicitée
mécaniquement. Le choix de la structure
finale se fait par calculs itératifs
intégrant, d’une part,une optimisation
du fonctionnement mécanique et,
d’autre part, les contraintes de faisabilité
en phase de construction.
La seconde étape consiste à vérifier
que cette structure issue du calcul
mécanique peut supporter sans désordre
majeur un cycle de gel/dégel. Dans le seul
cas où le sol est gélif, la vérification
permet de s’assurer que le sol
ne sera pas (ou que peu) atteint
par le gel lors d’un hiver d’intensité
donnée. Pratiquement, on compare :
> L’indice de gel caractéristique de l’hiver
contre lequel le maître d’ouvrage
souhaite protéger la chaussée
(dit « hiver de référence »),
issu de données météorologiques.
> Et l’indice de gel admissible
par la chaussée, qui intègre la gélivité
du sol en place, la nature et l’épaisseur
des différentes couches de la chaussée
(couche de forme et structure).
La structure convient si l’indice de gel
admissible est supérieur ou égal à l’indice
de l’hiver choisi comme référence.
A défaut, l’on peut modifier la première
étape du dimensionnement en changeant
le type de structure retenu initialement
ou en augmentant l’épaisseur
de la couche de forme, ou choisir
de limiter le trafic poids lourd
lors d’une période de gel/dégel
(par la pose des barrières de dégel).
Les fondements de la méthode
Cette démarche rationnelle s’inscrit plus
largement dans un contexte technique
afin, d’une part, de garantir
la représentativité de la méthode
et, d’autre part, de recaler les inévitables
écarts résultant d’une approche
purement calculatoire.
La méthode repose sur le choix
d’un modèle de calcul représentant
de façon satisfaisante, dans le cas
de chaussées neuves et continues plus
particulièrement, le comportement réel
des matériaux et de la structure
dans son ensemble, en recourrant
à un nombre limité de paramètres.
Le modèle aujourd’hui retenu
dans la méthode française est celui
de Burmister. Celui-ci décrit la structure
de chaussée comme une superposition
de couches élastiques linéaires,
homogènes et isotropes,
dont les interfaces sont soient collées,
soient glissantes ; les couches
sont infinies en plan et la couche
la plus profonde est d’épaisseur infinie.
La charge appliquée en surface,
représentative de l’empreinte
du pneumatique sur la chaussée,
est un disque de rayon r exerçant
une pression uniforme q. Le modèle
restitue en tout point la structure définie
a priori, les tenseurs des contraintes
et déformations. D’autres modèles
pourraient également être utilisés,
abordés plus loin. Cette approche
est complétée, dans le cas des structures
rigides ou semi-rigides présentant
des discontinuités géométriques,
par l’utilisation de facteurs
de concentration de contrainte pré-établis
et issus de calculs aux éléments finis.
Le calcul des valeurs admissibles s’appuie
pour sa part sur le comportement
en fatigue des matériaux liés,
traduisant la rupture d’une éprouvette
en laboratoire pour l’application
d’un grand nombre de sollicitations,
et sur le caractère « plastique »
des matériaux non liés, expliquant
l’apparition de déformation permanente.
Ces comportements sont traduits
au travers de lois d’évolution et cumul
de dommage de type Woehler-Miner,
dont il est fait abondamment usage
dans la méthode française
de dimensionnement des chaussées
pour simplifier, dans les calculs
courants et pour un contexte donné,
les descriptions statistiques du trafic
et des variations climatiques.
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RGRAN° 823 décembre 2003
Celles-ci sont, en effet, ramenées
aux notions de coefficient d’agressivité
du trafic et de température équivalente,
qui moyennent, au sens de ces lois
de dommage, la complexité du réel.
Ce modèle théorique nécessite
donc une caractérisation mécanique
des matériaux constitutifs des différentes
couches. Ainsi, la plate-forme conçue
sur la base d’une approche empirique
[4] fait l’objet de mesures de contrôle
de portance, restituant un module
de rigidité global. Les matériaux utilisés
dans la construction de la structure
de chaussée elle-même sont,
pour leur part, encadrés par un corpus
technique (hier réglementaire,
aujourd’hui normatif) qui standardise
leurs caractéristiques performantielles.
La désignation normalisée d’un matériau
donné garantit ainsi l’obtention
de performances minimales, validées
par la réalisation d’essais en laboratoire
plus ou moins nombreux (compactage,
module de rigidité, fatigue)
selon le niveau de fiabilité requis.
ensuite être soumises à une circulation
continue, simulant un trafic routier
de plusieurs années, afin d’évaluer
l’évolution de leur comportement
sous circulation. Des structures
expérimentales en site réel font
également l’objet de suivis spécifiques,
soit de façon ponctuelle, soit à plus
Structures types
Souples
La méthode de dimensionnement
y est détaillée sous tous ses aspects.
Les points principaux qui la caractérisent
concernent la prise en compte :
Nature des couches
Surface
Base
Bitumineuse
Bitumineuses
épaisses
Semi-rigides
de structures actuellement utilisées
en France sur le réseau routier
et autoroutier (tableau 1).
Fondation
Matériaux granulaires
Matériaux bitumineux
Bitumineuse
Matériaux traités aux liants
hydrauliques (MTLH)
Rigides
Béton de ciment
(avec ou sans dispositif de liaison)
MTLH ou
béton de ciment
Mixtes
Matériaux bitumineux
MTLH
Inverses
Bitumineuse
Grave non traitée
(12 cm)
MTLH
Tableau 1
Principales familles de structures de chaussées
Main pavement structures
grande échelle (cas des chaussées
en béton armé continu - BAC -,
par exemple). La comparaison
entre comportement réel et prédiction
du modèle aide à « recaler » la méthode
et de définir des coefficients dits
« de calage » par famille de matériaux.
C’est ainsi que de nouveaux matériaux
ou types de structures peuvent être
intégrés en quelques années
dans la démarche de dimensionnement.
Guide technique conception
et dimensionnement
des structures
de chaussées neuves
> Des dispersions
par une approche probabiliste
C’est le cas des propriétés en fatigue
des matériaux mais aussi des épaisseurs
des couches. Ces deux paramètres
présentent un caractère aléatoire,
source d’incertitude importante
sur la détermination de la durée de vie
réelle des structures. Cela conduit
à raisonner en termes probabilistes ;
ainsi, à la durée de vie d’une structure
de chaussée est associé un risque
qui correspond à la probabilité
d’apparition de dégradations structurelles
sur une surface ou un linéaire donnés.
> Du trafic
Cette méthode française appliquée
au cas des chaussées neuves est décrite
dans le Guide technique conception
et dimensionnement des structures
de chaussées neuves [1]. Le guide
s’applique aux six principales familles
DR
Les hypothèses du modèle et ses résultats
sont validés par des expérimentations
conduites sur chaussées réelles
ou expérimentales. Ainsi, les conditions
de collage entre couches résultent
des observations faites sur carottes
réalisées in situ. Le comportement
des structures elles-mêmes
et leurs dégradations sous trafic
sont analysés en vraie grandeur
et comparés à celui prédit par la méthode.
En ce qui concerne les chaussées
expérimentales, le LCPC dispose
d’un outil privilégié : le manège
de fatigue (photo 1). Des chaussées
instrumentées de forme annulaire
(rayon moyen de 20m) y sont soumises
à la circulation de charges correspondant
à des demi-essieux de poids lourds.
On peut ainsi étudier le comportement
de ces structures sous différentes
configurations de charges, vitesses
de circulation et/ou conditions
de température ; les chaussées peuvent
Photo 1
Manège de fatigue du LCPC, un outil de validation des structures
LCPC (French TR labs) fatigue test track, a structural validation tool
Le trafic à prendre en compte
pour le dimensionnement des structures
est à considérer sous trois aspects :
> Le trafic cumulé devant circuler
sur la chaussée pendant sa durée de vie,
dont seul le nombre de poids lourds
(NPL) est à retenir.
> L’essieu isolé à roues jumelées
de 130 kN, dit essieu de référence,
servant, d’une part, à représenter
la charge lors du calcul mécanique
et, d’autre part, à évaluer le trafic cumulé
sous forme d’un nombre équivalent (NE)
de passages par l’intermédiaire
des coefficients d’agressivité
déterminés pour les différentes
classes de poids lourds.
> La classe de trafic Ti (tableau 2) utilisée
d’une part pour choisir le risque associé
•••
La méthode française de dimensionnement
•••
Classes
T5
T4
T3
Centres(MJA)
T2
85
200
T1
500
T0
1 200
TS
TEX
> la déformation verticale en surface
des couches en GNT et du sol.
3 000
à la durée de vie (en général,
plus le trafic est élevé et plus le risque
retenu est faible), d’autre part pour
spécifier les classes de matériaux
ou de granulats à retenir.
est faite en terme de rigidité
par une valeur du module de Young
représentative de l’état hydrique
le plus défavorable à l’exclusion
des périodes de dégel (tableau 3).
Les limites admissibles sont calculées
à partir des trois formules générales
suivantes :
> Déformation admissible
des matériaux bitumineux :
εadm = ε6 (10°C;25 Hz) x kθ x (NE/106)b x
kr x ks x kc
Les coefficients k permettent
de tenir compte, respectivement,
de la température, du risque,
de la qualité de la portance du support,
du comportement réel observé in situ.
> Contrainte admissible des matériaux
traités aux liants hydrauliques :
σadm = σ6 x (NE/106)b x kδ x kr x ks x kc
> Déformation admissible des matériaux
granulaires non liés :
εadm = ε1 x (NE)–0,222
avec ε1 = 12 000 sauf pour les faibles
trafics ou ε1 = 16 000.
> Des conditions climatiques
> Des matériaux
Les outils généraux de calcul
Le comportement des structures
est influencé directement
ou indirectement par les conditions
climatiques. La température affecte
les caractéristiques mécaniques
des matériaux bitumineux (module
élastique et tenue en fatigue). Elle génère
aussi des cycles d’ouverture/fermeture
des fissures de retrait des matériaux
traités aux liants hydrauliques.
Enfin, elle est à l’origine des cambrures
des dalles des chaussées rigides.
Les conséquences de ces phénomènes
sont prises en compte soit directement
en retenant pour les matériaux
bitumineux les caractéristiques
mécaniques correspondant
à la température équivalente de service,
soit indirectement par un coefficient
correcteur (kd pour les structures
rigides et semi-rigides).
De plus, l’incidence des périodes
de gel/dégel fait l’objet
d’une vérification particulière.
Enfin, l’environnement hydrique des sols
est pris en compte à travers le choix
de la portance de la plate-forme
support de chaussée.
Il s’agit essentiellement de familles
de matériaux codifiés par des normes,
mais le cas des matériaux non normalisés
ou non conformes est aussi abordé.
Les règles pour fixer les valeurs
des paramètres nécessaires
au dimensionnement sont explicitées
famille par famille. Elles portent,
pour les matériaux liés, sur :
> le module élastique
et le coefficient de Poisson,
> les paramètres de la droite
de fatigue (σ6 ou ε6 ; -b la pente ;
SN l’écart type).
Limites (MJA)
25
50
150
300
750
2 000
5 000
Tableau 2
Définition des classes de trafic journalier
Definition of daily traffic classes
Classes de
plate-forme
PF1
PF2
PF3
PF4
Module (MPa)
20
50
120
200
Tableau 3
Classes de portance à long terme de la plate-forme support
Long-term roadbed bearing capacity classes
> De la plate-forme support
de chaussée
Les règles de caractérisation
des sols support et de choix
des matériaux utilisables en couche
de forme sont celles définies par le Guide
technique réalisation des remblais
et des couches de forme (GTR).
La caractérisation mécanique du sol
support et de la couche de forme
> De la détermination
des sollicitations admissibles
La ruine de ces différentes chaussées
sous l'effet du passage répété
des charges est due à l'un
ou l'autre (parfois aux deux)
des phénomènes suivants :
> la rupture par fissuration des couches
liées, attribuée à la fatigue
de ces matériaux rigides reprenant
les efforts dus au trafic
par traction/extension en flexion ;
> la déformation permanente
des couches non liées (grave non traitée GNT - ou sol support) due au cumul
de déformations non réversibles observé
en surface de ces matériaux.
Par suite, les critères sur lesquels
va porter l’analyse mécanique sont :
> la déformation en extension
à la base des couches bitumineuses ;
> la contrainte en traction à la base
des couches en matériau traité
aux liants hydrauliques ;
Les logiciels de calcul
des structures
Les logiciels de calcul des structures
sont en général basés sur la solution
semi-analytique de Burmister (Alizé [5],
Ecowin [6], etc.), mais des logiciels aux
éléments finis peuvent aussi être utilisés.
Les paramètres d’entrée sont :
> pour chacune des couches, l’épaisseur,
le module de Young et le coefficient
de Poisson,
> les conditions d’interface
(collée-glissante),
> les caractéristiques des charges
(rayon de l’aire de contact, pression
de contact, dispositions géométriques).
Les résultats fournis sont :
> les contraintes et déformations
en partie haute et basse des couches,
> la déflexion et le rayon de courbure.
Au fil des années, ces logiciels
ont connu une évolution continue,
parallèlement à celle des possibilités
de traitement numérique offertes par
l’informatique puis la micro-informatique.
Actuellement, certains logiciels
ont intégré l’ensemble de la procédure
de dimensionnement (calcul
de structures, calcul des limites
admissibles, vérification au gel/dégel,
etc.) [5, 6, 7, 8] Ils présentent de plus
une interface homme-machine
d’une grande convivialité, tant pour
ce qui concerne la saisie des données
de calcul (figure 1), que la consultation
12 13
RGRAN° 823 décembre 2003
Figure 1
Ecran de saisie des caractéristiques
de la structure de chaussée
Pavement structure data input screen
et l’édition des résultats, des différentes
aides et des bibliothèques de matériaux.
La méthode de calcul
aux éléments finis
Le modèle classique de calcul
des contraintes et déformations s’avère
trop simpliste dans un ensemble
de situations où les hypothèses
du modèle multicouches, continu,
élastique et linéaire se justifient mal.
Il est parfois nécessaire de disposer
de modélisations permettant
d’introduire pour les matériaux des lois
de comportement autre que l’élasticité,
d’avoir en tant que de besoin
une représentation tri-dimensionnelle
de la géométrie et une prise en compte
des discontinuités du problème étudié,
enfin de simuler de manière plus fidèle
les chargements appliqués et les effets
de bords. Ces préoccupations ont amené
à développer, dans le domaine
des chaussées, des modélisations
relevant pour leur calcul de la méthode
aux éléments finis (CÉSAR-LCPC [7]).
Le développement des méthodes
numériques et la puissance de calcul
des ordinateurs permettent actuellement
de traiter correctement :
> le caractère tridimensionnel associé
aux géométries non infinies en plan
(ex : chaussées rigides),
> les non-linéarités éventuelles liées
à la modification des conditions
de contact unilatérales entre couches
du fait des sollicitations appliquées :
gradient hydro-thermique dans le béton,
poids propre, trafic (figure 2),
Figure 2
Application de CÉSAR-LCPC aux chaussées de béton de ciment
Modélisation des effets des gradients verticaux de température dans le béton
Application of the CÉSAR-LCPC method to cement concrete pavements
Modelling of vertical temperature gradient effects in concrete
> la réponse sous charges roulantes
de structures comportant des matériaux
ayant un comportement viscoélastique,
> l’élasticité non-linéaire des matériaux
non traités,
> le caractère tridimensionnel associé
à la géométrie ou à la configuration
des charges de certains problèmes.
La vérification au gel/dégel
La démarche de vérification au gel/dégel,
par comparaison de l’indice de gel
admissible (IA) à l’indice de gel
de référence (IR), comporte
trois phases de calculs (figure 3) :
> La première consiste à déterminer
la quantité de gel admissible au niveau
de la plate-forme (QPF) en fonction
des caractéristiques du sol
et de la couche de forme.
> La deuxième calcule l’indice
de gel de surface (IS) en fonction
de QPF et des caractéristiques
géométriques et thermiques
du corps de chaussée.
> Enfin, la troisième permet
d’aboutir à IA connaissant IS.
La deuxième phase nécessite
des calculs relativement complexes
de propagation de la chaleur
qui doivent être réalisés
par un logiciel particulier,
comme Gel1D du LCPC [8].
Il repose sur le modèle de Fourier,
résolu sur la base d’une méthode
aux différences finies.
La structure y est décrite par l’épaisseur
de ses couches et les caractéristiques
thermiques des matériaux
qui la constituent (tableau 4).
Figure 3
Schéma de la méthode de calcul de l’indice de gel admissible
Diagram of permissible frost index calculation method
•••
La méthode française de dimensionnement
•••
γ (kg/m3)
w (%)
λ ng (W/m2.°C)
λ g (W/m2.°C)
BB
2350
1
2
2,1
GB3
2350
1
1,9
1,9
GC
2250
3
1,8
1,9
GL
2150
4
1,4
1,5
Sol A
1300
32
1,1
1,8
Matériau
Documents d’application
aux routes et autoroutes
Tableau 4
Caractéristiques thermiques de quelques matériaux de chaussées
> Catalogue des chaussées neuves
sur le réseau routier national
Thermal characteristics of some pavement materials
La méthode de calcul suppose
la structure soumise à un refroidissement
type. Les conditions initiales
de température imposent un profil
de température variant continûment,
de 1°C en surface de chaussée, à 14°C
à 10 m de profondeur, puis restant
constant au-delà. La température
de surface décroît alors dans le temps
selon une loi exponentielle pour tendre
progressivement vers - 5°C, provoquant
la pénétration de l’isotherme 0°C
dans la structure de chaussée.
Le logiciel en déduit l’indice
de gel en surface et à la base
de la structure de chaussée.
Calculs des limites admissibles
Les règles de calcul des limites
admissibles comportent de nombreux
coefficients qui offrent la possibilité
de tenir compte de tous les facteurs
considérés dans la méthode
de dimensionnement.
Le calcul peut s’effectuer dans le cadre
d’une feuille Excel (figure 4) ou être
intégré au logiciel de calcul de structures.
Ces logiciels spécialisés assurent
les contrôles nécessaires pour
une application correcte des règles
définies par le Guide technique 1994
ou par les différents guides et catalogues.
Ils sont indispensables pour optimiser
les épaisseurs en fonction
des caractéristiques propres du projet
ou encore pour calculer des structures
alternatives à la solution de base lors
d’appels d’offres ouverts aux variantes.
Ces outils permettent aussi de calculer
une valeur admissible pour tout autre
paramètre que les contraintes
ou les déformations. En pratique, pour
une structure donnée, ils aident à calculer
un trafic, une durée de vie ou encore
un risque admissible. Cette démarche
est préalable au calcul d’une structure
alternative par simple équivalence
avec une structure de référence.
se décline de différentes façons
en fonction de la nature des réseaux
considérés et de la politique des diverses
maîtrises d’ouvrage. Elle donne ainsi lieu
à différents documents d’application
succinctement présentés ci-après.
Les documents d’application
de la méthode française
de dimensionnement
La doctrine générale de dimensionnement
des chaussées préalablement exposée
La maîtrise d’ouvrage Etat publie
périodiquement un Catalogue
des structures types de chaussées neuves
pour son réseau national. La dernière
version de ce document date de 1998 [2].
Les structures figurant dans ce catalogue
sont calculées à l’aide de la méthode
Calcul des limites admissibles
EME de classe 2
Type de Voie (VRS ou VNRS)
Classe de trafic cumul
trafic journalier (PL/j)
nb de jours par an
durée (année)
croissance linéaire
VRS
TC5
500
365
30
0,050
TRAFIC CUMULÉ (million)
9,581
CAM EME 2 (agressivité)
CAM Sol (agressivité)
0,80
1
TRAFIC Equivalent EME 2 (million)
TRAFIC Equivalent Sol (million)
E(10°C)(MPa)
E(15°C)(MPa)
Coefficient de Poisson
7,665
9,581
20 200
16 000
0,35
epsilon 6 (10°C-25Hz)(10 E-6)
pente de la droite de fatigue : b
130
-0,175
écart-type sur la loi de fatigue : sigma N
écart-type sur les épaisseurs : sigma H
0,28
2,5
risque (%)
t
5
-1,645
coefficient Kt (temp rature) : (E(10¡C)/E(15¡C))^0,5
coefficient KT (trafic) : (Neq/10^6)^b
Delta
coefficient Kr (risque)
coefficient Kc (calage)
1,124
0,70
0,40
0,77
1,0
coefficient 1/Ks (rigidité de la couche support)
1,0
EPSILON T admissible (10 E-6)
78,5
EPSILON Z admissible (10 E-6)
338,3
Paramètres choisis par l’utilisateur
Paramètres définis automatiquement
Résultats intermédiaires
Limites admissibles
Figure 4
Exemple de feuille de calcul des limites admissibles
Example of permissible limit calculation data sheet
14 15
RGRAN° 823 décembre 2003
décrite précédemment,
avec des hypothèses propres
au réseau national.
Ainsi, traditionnellement, l’Etat adopte
pour son réseau une logique
d’investissement initial élevé,
associé à de longues durées de vie
des structures et un entretien réduit.
Cette hypothèse a été maintenue
dans la dernière version.
Fait nouveau, le réseau a été classé
en deux catégories de voies :
> les voies du réseau structurant (VRS),
à caractère autoroutier ;
> les voies du réseau non structurant
(VRNS), correspondant aux autres routes.
Les premières adoptent une durée
de calcul des structures de 30 ans
et des valeurs élevées des coefficients
d’agressivité du trafic lourd ;
les secondes une durée de calcul
de 20 ans et des coefficients
d’agressivité moindres.
Ces hypothèses distinctes conduisent
à des structures différentes, présentées
dans deux jeux de fiches différents.
Chaque fiche récapitule pour un type
de structure donné et des matériaux
d’assise fixés (par exemple GB3/GB3,
(figure 5) les épaisseurs à mettre
en œuvre pour un ensemble de couples
classe de plate-forme/classe de trafic
donné, et propose des abaques
permettant de vérifier la conformité
de la structure au gel/dégel.
Cette nouvelle édition du catalogue
innove en retenant :
> Trois classes de plate-forme : PF2, PF3
et PF4, encourageant ainsi le recours
à des plates-formes de qualité
élevée (et en abandonnant les PF1,
jugées trop médiocres).
> Sept classes de trafic cumulé, couvrant
ainsi un spectre de trafic allant
de quelques centaines de milliers
de poids lourds (TC2) à plusieurs
dizaines de millions (TC8).
Au total, ce sont 25 fiches pour les VRS
et 27 pour les VRNS décrivant
autant de structures différentes
qui sont proposées au projeteur.
> Guide des variantes
Un guide variantes est paru
depuis 1998 [3], qui définit les règles
de conception des solutions variantes
dans le cadre des appels d’offres
pour les marchés publics de l’Etat.
Il est destiné à la maîtrise d’œuvre
et aux entreprises.
Ces variantes peuvent porter sur :
> les couches de surface
(matériaux et épaisseurs) ;
> les couches d’assise (matériaux,
épaisseurs, combinaison base/fondation) ;
> la couche de forme (matériaux
et épaisseurs), et
> sur les matériaux :
>> ayant soit fait l’objet d’un avis
technique SETRA/LCPC, soit
d’un certificat technique
dans le cadre de la Charte
de l'innovation routière ;
>> appartenant sinon aux classes
de matériaux normalisés,
mais avec possibilité de valoriser
dans certaines limites et sous certaines
conditions des performances supérieures
aux valeurs normalisées.
Figure 5
Exemple de planche de structures du catalogue du réseau routier national
Example of national roadnetwork catalogue of structures
Les propositions de variante doivent,
par ailleurs, respecter les choix
du maître d’ouvrage spécifiés
dans le document de consultation
des entreprises (DCE).
Les hypothèses de dimensionnement
qui auront conduit à la solution
de base devront être explicitées.
Un appel d’offres sera d’autant
plus riche que la consultation
sera lancée en amont,
afin que les différents acteurs
maîtrisent bien toutes les données
d’une éventuelle modification
du projet de base.
•••
La méthode française de dimensionnement
•••
> Document spécifique
aux autoroutes
Le Manuel de conception des chaussées
d’autoroutes, conçu et édité
par Scetauroute est un exemple
d’application dédié aux structures
autoroutières. Il s’inscrit dans le cadre
de la méthode française
de dimensionnement,
avec des hypothèses spécifiques
à ces grands chantiers.
Compte tenu du niveau de service élevé
visé sur autoroutes et du caractère
industriel des travaux, la conception
des chaussées d’autoroutes tient compte
des particularités suivantes :
> exigences élevées
sur les caractéristiques de surface
(uni, adhérence, profil en travers,
bruit, etc.),
> minimalisation de la gêne aux usagers
liée aux travaux d’entretien,
> régularité de la qualité des travaux
(compacités, épaisseurs),
> valorisation des matériaux
locaux du tracé,
> conception globale et réalisation
coordonnée des ouvrages
de terrassements et de chaussées.
Ce contexte implique des choix
et des hypothèses particulières
qui diffèrent de celles présidant
à la conception des routes traditionnelles.
La gamme de trafic est étendue
vers le haut et ouverte, pour
des dimensionnements à l’étranger,
sur l’essieu européen de 115 kN.
Les classes de plate-forme
sont adaptées au trafic chantier
lourd et intense, avec des critères
de réception à court et long
terme spécifiques.
La prise en compte de la qualité
des travaux et de sa régularité
se traduit directement en terme
de dimensionnement
par des dispersions minimisées.
La durée de vie est adaptée
à chaque type de structure
(15 ans pour les structures souples
et tout bitume, 20 ans pour les structures
mixtes, 25 ans pour les structures
en béton), et assortie d’une stratégie
d’entretien préventif.
Le manuel propose, en outre,
une méthode de vérification au gel
simplifiée, qui intègre la protection
mécanique apportée par les couches
de forme traitées.
Enfin, le manuel définit des structures
pour aires de service et de repos,
et donne les grands principes
de conception des revêtements
pour ouvrages d’art.
> Chaussées à faible trafic
Les chaussées à faible trafic,
de 0 à 150 poids lourds/jours par sens
de circulation, nécessitent une approche
différente due à leurs caractéristiques
spécifiques par rapport aux réseaux
routiers et autoroutiers nationaux.
Elles se caractérisent par :
> Une stratégie de dimensionnement
et d’entretien variable d’une maîtrise
d’ouvrage à l’autre (collectivités locales,
départementales, etc.), qui se traduit
par des durées de vie de calcul pouvant
varier de 10 à 50 ans (cas de la Ville
de Paris) et, en général, des niveaux
de risque plus élevés (jusqu’à 45 %).
> Une politique de valorisation
des matériaux locaux, voire des déchets,
produits par la collectivité elle-même.
La palette des matériaux utilisables
est donc très large : aux matériaux
normalisés s’ajoutent les matériaux
locaux et les déchets valorisables
en technique routière.
> Une prise en compte des problèmes
de gel/dégel moins contraignante au plan
structurel dans la mesure où la pose
de barrières de dégel peut être envisagée
pour des hivers de rigueur
non exceptionnelle.
En conséquence de ces spécificités,
le « Manuel de conception
des chaussées neuves à faible trafic »
est plus un guide pour la conception
et le dimensionnement qu’un catalogue
de structures pré-calculées comme
le catalogue 1998 de la Direction
des routes. Il s’adresse aux spécialistes
en charge d’établir des catalogues
locaux ou régionaux évoqué plus loin,
mais peut aussi être utilisé
pour définir des structures
par simple lecture des abaques
d’application qu’il contient.
Actuellement en cours de révision,
ce manuel verra privilégié son rôle
de guide pour la réalisation
de catalogues régionaux.
La méthode et les paramètres
de dimensionnement, en conformité
avec le Guide technique de 1994,
seront largement explicités
pour les grandes familles de structures
de chaussées (souple, bitumineux,
semi-rigide et rigide) les plus adaptés
au faible trafic.
> Guide de renforcements
Les études nécessaires à la mise
en place des programmes
de renforcements coordonnés
des années 1968 à 1985 ont conduit
à une évolution des connaissances
et pratiques synthétisées par le réseau
technique dans les documents ci-après :
> Guide d’auscultation
des chaussées [9],
> Guide pour l’auscultation
des chaussées à assise traitée
aux liants hydrauliques [10],
> Guide technique de dimensionnement
des chaussées souples [11].
Depuis cette période, les structures
rencontrées sur les réseaux routiers
ont changé. Il y a eu une réduction
du linéaire de chaussées à structures
souples au profit des linéaires
de structures bitumineuses épaisses,
de structures semi-rigides
et de structures mixtes.
Les moyens de reconnaissance
se sont améliorés, d’une part,
au niveau des paramètres mesurables
par les appareils à grand rendement
(rayon de courbure et bassin de déflexion
en complément de la déflexion)
et, d’autre part, grâce à un nouveau
matériel tel que le déflectographe
avec inclinomètre, le curvimètre,
le Falling Weight Deflectometer (FWD)
pour la déformabilité ou encore le RADAR
pour la connaissance de l’homogénéité
de la structure, etc.
Il en est de même des moyens
de traitement et d’analyse
des données avec les banques de données
routières et les logiciels de calcul
et de modélisation du comportement
des structures comme Alizé, Ecoroute
ou encore CÉSAR pour les structures
discontinues.
Ces évolutions ont été accompagnées
par une codification des pratiques
sous forme de normes, méthodes
d’essais ou d’études LCPC.
De ces évolutions, on notera
les documents les plus récents ci-après :
> « Actualisation du guide
de dimensionnement des renforcements
des chaussées souples » [12],
> « Aide à la gestion de l’entretien
des réseaux routiers - volet chaussées »
avec ses 5 méthodes (M1 : connaissance
des réseaux routiers, M2 : évaluation
et suivi des réseaux routiers, etc.) [13],
> « Guide d’entretien des chaussées
béton » [14].
Actuellement, une opération
de mise à niveau et d’actualisation
des documents des années 70-80
est en cours, sous l’égide du Comité
français pour les techniques routières
(CFTR). Ce futur document, provisoirement
baptisé « Dimensionnement
des renforcements de chaussées Méthodologie », doit être conçu
16 17
RGRAN° 823 décembre 2003
comme une référence méthodologique,
d’une part, pour l’auscultation
et le diagnostic des chaussées
et, d’autre part, pour la conception
des solutions d’entretien. Il s’appuiera
sur les connaissances actuelles
et l’expérience des experts,
et devrait être applicable
sur toutes les chaussées sauf
les chaussées en béton.
> Les catalogues régionaux
La parution du manuel de conception
« Chaussées neuves à faible trafic »
de 1981 avait suscité le besoin
de catalogues de structures régionaux
(Ouest - 1981 -, Ile-de-France - 1984 -,
Midi-Pyrénées - 1985 -, Centre - 1990)
et locaux (Communauté urbaine de Lille,
départements de Seine-Maritime
et de Saône-et-Loire).
L’arrivée (1998) du catalogue
des structures types de chaussées neuves
pour le réseau routier national fut
un élément déclenchant pour une refonte
des catalogues régionaux. Ainsi le club
d’échanges d’expériences sur les routes
départementales Ouest a publié
une nouvelle version en 2002 intitulée
« Guide pour la construction
des chaussées à faible trafic - Bretagne,
Pays-de-la-Loire » et le catalogue
des structures de chaussées Ile-de-France
est en cours de publication.
Pour des facilités d’emploi, ces
catalogues régionaux présentent des
structures types fonction des classes
de plate-forme et de trafic, directement
applicables par les projeteurs.
Qualification
de la portance de PST(1)
Pourquoi des catalogues de structures
régionaux ou locaux ? Essentiellement
pour prendre en compte les politiques
techniques des maîtrises d’ouvrage
locales ou départementales.
Ainsi, la stratégie de dimensionnement
des structures de chaussées retient
des durées de calcul qui influent
sur les dépenses d’entretien. Les durées
de calcul retenues par la maîtrise
d’ouvrage des régions Ouest furent
de 12 ans pour la rase campagne
et de 20 ans pour le milieu urbain
en présence de bordures de trottoir.
Ces durées étaient jugées satisfaisantes
compte tenu des niveaux faibles de trafic
et des cycles d’entretien généralement
appliqués sur ces types de voies.
Même pour de faibles linéaires, la maîtrise
des coûts des travaux passe par une
reconnaissance géotechnique adaptée.
Ainsi, une démarche simplifiée
d’application du GTR est utilisée
dans le guide Ouest. Ce sont les
expériences régionales, par la spécificité
des sols rencontrés, les différentes mesures
de portance sur chantier
et les comportements dans le temps
des structures qui ont conduit à :
> Ecarter la classe de portance PF1
qui posait problème.
> Diviser la classe PF2 en PF2- et PF2+,
cette dernière étant caractéristique
des couches de forme granulaires
qui présentent fréquemment
un module de rigidité compris
entre 80 et 120 MPa (tableau 5).
> Retenir la classe PF3 pour les couches
de forme traitées.
Contexte
de réalisation
Déblai
sans drainage
Sols déformables
à très déformables
Déblai avec drainage
profond
Sols très peu
déformables
insensibles à l’eau
La voirie urbaine
L'application aux chaussées urbaines
de la méthode de dimensionnement
se trouve confrontée aux spécificités
du contexte urbain qui imposent
des contraintes particulières.
Ces contraintes sont liées
à la prise en compte :
> de l'aspect multifonctionnel de la voirie
urbaine (photo 2). La voirie urbaine
se caractérise par la multiplicité
des fonctions à assurer vis-à-vis d'un grand
nombre d'usagers : automobilistes, poids
lourds, transports en commun, deux roues,
piétons, riverains. La hiérarchie
des objectifs assignés aux liaisons routières
est modifiée : outre les objectifs
de solidité, de confort et de circulation
des véhicules, les préoccupations
d'esthétique, d'intégration dans un projet
d'aménagement et de limitation
des nuisances peuvent devenir
prépondérantes.
> des paramètres économiques et,
en particulier, ceux liés à l'entretien
Epaisseur de couche de forme
pour une classe de plate-forme PF2-
Epaisseur de couche de forme
pour une classe de plate-forme PF2+
0,75 m (0,20 m de 0/63
+ 0,55 m de 0/150)
1,00 m (0,20 m de 0/63
+ 0,80 m de 0/150)
ou 0,60 m (0,20 m de 0/63 + 0,40 m
de 0/150) sur géotextile
ou 0,85 m (0,20 m de 0/63
+ 0,65 m de 0/150) sur géotextile
0,60 m (0,20 m de 0/63
+ 0,40 m de 0/150)
ou 0,50 m de 0/63 sur géotextile
Sols peu
déformables mais
sensibles à l’eau
La nature de la couche de roulement
reste stratégique pour les maîtres
d’ouvrage. Elle traduit un niveau
de service pour les usagers et le confort
des riverains (dans le cas d’emploi
d’enrobés phoniques). Ainsi, les enrobés
sont généralement appliqués pour
les zones en agglomération et les trafics
les plus agressifs, les enduits retenus
pour les faibles trafics en rase campagne
(en zone peu urbanisée).
0,80 m (0,20 m de 0/63 + 0,60 m
de 0/150)
Déblai sans drainage
0,45 m de 0/63
0,60 m (0,20 m de 0/63
+ 0,40 m de 0/150)
Remblai ou déblai
avec drainage
0,30 m de 0/63
0,45 m de 0/63
Remblai ou déblai
Couche de réglage de 10 cm
d’épaisseur de 0/31,5 ou 0/20
Tableau 5
Exemple d’adaptation du GTR : décomposition de la classe PF2 en PF2- et PF2+
Epaisseurs des couches de forme en matériaux granulaires nécéssaires
Example of adaptation GTR (Road Earthworks Guide): Breakdown of Class PF2 into PF2- and PF2+
Required thickness of granular material subgrade layers
•••
Couche de réglage de 20 cm
d’épaisseur de 0/31,5 ou 0/20
Si EV2 > 120 MPa obtention de PF3
(1)
PST : plate-forme supérieure
de terrassement
La méthode française de dimensionnement
DR
•••
> Des durées de vie adaptées
Le choix de la durée de vie se fonde
sur les principaux points suivants :
>> le taux de renouvellement réel
des structures basé sur la tenue
d'un historique et de statistiques
sur les surfaces reconstruites ;
>> l'occupation du sous-sol
par différents réseaux. Le choix
de la durée de vie doit prendre
en compte la fréquence des interventions
sur ces réseaux : par exemple 10, 20,
ou 30 ans pour, respectivement,
des interventions très fréquentes,
fréquentes et très peu fréquentes.
>> l'existence d'un règlement de voirie
fixant les procédures des interventions
sous chaussées ;
>> l'évolution de l'urbanisme
et l'importance des projets
de requalification de la ville.
Photo 2
La voirie urbaine : la multiplicité des fonctions
Urban roadways: multiplicity of functions
et aux réparations. La capacité
de réparation est un point important
pour les chaussées urbaines qui font
l'objet de travaux liés à la présence
de réseaux enterrés. Ils doivent se faire
avec un triple souci de rapidité,
de simplicité et de faisabilité
avec des matériaux disponibles
en petite quantité.
> du contexte d'environnement
et d'aménagement spécifique.
Des considérations d'ordre esthétique
ou visuel peuvent imposer une couche
de roulement spécifique ou de couleur
claire, ou d'aspect particulier,
par exemple pavage en pierre naturelle
pour s'intégrer au mieux à proximité
d'un monument historique.
> de la réduction des nuisances sonores
qui passe par le choix de revêtements
peu bruyants,
> de la possibilité de réalisation
des chantiers généralement
sous circulation,
> etc.
>> la réhabilitation de chaussées
existantes, avec contraintes d'épaisseur.
Dans ce cas le niveau final
de la chaussée est fixé, la desserte
des immeubles devant être assurée
dans les mêmes conditions
qu'auparavant ; l'épaisseur
de la chaussée à réaliser dépend
directement de celle en place.
Pour résoudre ce problème un choix
judicieux des matériaux en fonction
de leurs performances permet
d'obtenir l'adéquation entre
les contraintes calculées
et celles admissibles par les matériaux.
D'autres aspects, en revanche,
sont plutôt favorables vis-à-vis
de la durabilité des chaussées urbaines
comme l'agressivité du trafic nettement
plus faible que celle sur routes
nationales, la portance élevée du sol
support des anciennes chaussées
qu'il sera important de préserver
dans le cas d'une reconstruction,
ainsi que l'imperméabilisation
des chaussées qui est en général
soignée, etc.
Le dimensionnement des chaussées
urbaines doit également tenir compte
d’un certain nombre de paramètres
spécifiques :
> Des règles particulières de conception
En milieu urbain, la conception
d'une structure de chaussée se présente
suivant trois contextes bien distincts :
>> la réalisation de chaussées neuves,
sans contraintes d'épaisseur
dans les zones en extension
ou en rénovation d'urbanisme
(ZAC, lotissements),
> Des conditions climatiques moins
sévères. Le contexte urbain se traduit
pour le corps de chaussée par moins
d'eau et moins de froid. Le gel n’est pas
souvent facteur de dimensionnement.
> Guides, catalogues et logiciels
pour voirie urbaine
Des documents spécifiques à la voirie
urbaine ont été établis à l’intention
des projeteurs.
Au niveau national, on peut citer
le Guide de dimensionnement
des structures des chaussées urbaines
du Centre d’étude sur les réseaux,
les transports, l’urbanisme
et les constructions publiques (CERTU)
ainsi que le Guide pratique de la voirie
urbaine [15]. Ils sont complétés par deux
logiciels spécifiques : Struc-Urb pour
le dimensionnement des structures
de chaussées urbaines (CERTU)
et VoiriB. pour le dimensionnement
et la mise en œuvre des chaussées
revêtues de pavés ou de dalles
en béton (CERIB).
18 19
RGRAN° 823 décembre 2003
Au niveau local, comme les qualités
recherchées en voirie urbaine
sont nombreuses et leur hiérarchisation
variable d’une maîtrise d'ouvrage
à l’autre, un certain nombre de grandes
métropoles ont souhaité disposer
de catalogues de structures types
leur pour répondre plus spécifiquement
à leurs besoins. Cette démarche permet
une simplification et une standardisation
des types de structures y compris
en terme d'épaisseurs des couches
à mettre en œuvre.
Cette formule fournit une épaisseur réelle
pour un massif homogène constitué
d’une GNT, concassée et bien graduée,
ayant un module de déformation
de 500 MPa reposant sur un support
défini par son CBR.
> Chaussées rigides aéronautiques
Le critère de dimensionnement
des chaussées rigides est la contrainte
admissible σa de traction par flexion
dans la dalle de béton.
aéronautiques). Celui-ci permet
de dimensionner des chaussées souples
ou rigides à partir d’un trafic plus
ou moins complexe.
> Les documents d’application
Les documents d’application
sont regroupés en trois volumes [16].
Le volume 1 présente de manière
détaillée les règles de dimensionnement ;
le volume 2 est un manuel
pour l‘utilisateur qui comporte
Les chaussées aéronautiques
Le contexte des chaussées aéronautiques
a toujours eu une dimension plus
internationale que celui des chaussées
routières. Aussi la méthode
de dimensionnement des chaussées
aéronautiques utilisée en France restet-elle fortement inspirée de la méthode
américaine de type semi-empirique,
qui prévaut dans le monde. Signalons
toutefois que l’ouverture au trafic
d’aéronefs de plus en plus lourds,
pour la prise en compte desquels
la méthode actuelle se heurte
à des difficultés d’extrapolation,
a récemment relancé un certain nombre
de travaux de recherche expérimentaux
et théoriques en vue d’une évolution
vers une méthode rationnelle
plus élaborée et plus apte
à intégrer les évolutions du secteur.
Figure 6
Abaques de dimensionnement des structures aéronautiques
Structural design charts for airfield pavements
> Chaussées souples aéronautiques
Le dimensionnement des chaussées
souples aéronautiques repose
sur la méthode CBR (California Bearing
Ratio) du Corps of Engineers.
Le complexe formé par le sol support
et la chaussée est assimilé,
dans un premier temps, à un massif
semi-infini, homogène isotrope
de type Boussinescq.
Le critère retenu pour
le dimensionnement des chaussées
souples est celui de la contrainte
verticale σz au niveau du sol support.
La formule CBR permet de calculer
l’épaisseur e de chaussée
pour laquelle est admissible
la contrainte verticale produite
par une charge P appliquée
10 000 fois avec une pression q
uniformément répartie sur l’aire
a d’un cercle.
Le moment de flexion de la dalle
est calculé par la méthode
de la Portland Cement Association (PCA)
avec les hypothèses de Westergaard
(le sol se comporte comme un liquide
dense, il est caractérisé par son module
de réaction K, la théorie des plaques
est appliquée à la dalle, les charges
sont situées au centre d’une dalle infinie).
Les abaques de dimensionnement
permettant de calculer les moments
de flexion pour tous les types
d’atterrisseurs ont été élaborés
par Ray et Pickett de la PCA.
Ils ont été construits en s’appuyant
sur une relation entre la charge
appliquée, le module de réaction K0
du sol support, l’épaisseur de la dalle
et la déformation de celle-ci.
des abaques relatifs aux avions ;
enfin, le volume 3 est consacré
aux charges admissibles par les pistes.
A titre d’exemple (figure 6), dans le cas
des chaussées souples, on détermine
pour un avion donné en fonction
de la charge P0 et du CBR du sol
support, l’épaisseur équivalente
à mettre en œuvre.
En fonction de cette épaisseur
déterminée, on utilise un deuxième
abaque qui donne l’épaisseur
équivalente de matériaux bitumineux
à mettre en œuvre.
Le passage des épaisseurs équivalentes
aux épaisseurs réelles est possible
par l’introduction de coefficients
d’équivalence entre le matériau réel
mis en œuvre et la grave de référence.
> Les outils
Les autres chaussées
spécifiques
Ces différents abaques ont été
informatisés dans les logiciels Souplex
et Rigix qui ont, par la suite,
été regroupés sous le logiciel DCA
(Dimensionnement des chaussées
> Les chaussées réservoir
Elles sont en fait des chaussées
multifonctions (figure 7).
•••
La méthode française de dimensionnement
•••
En ce qui concerne le support,
la mise en place d’une étanchéité
sous la couche de fondation
permet la prise en considération
des caractéristiques habituelles
des sols à travers des indices
de plate-forme (Pfi).
Dans le cas d’une infiltration sous
chaussée, la perte de portance des sols
doit être prise en compte et conduit
à une surépaisseur de la couche de base.
> Les infrastructures
de transport en commun
La méthode de calcul par éléments finis
a ouvert de nouvelles perspectives
au dimensionnement assez largement
empirique des infrastructures
pour tramways sur rails.
L’une des particularités de ce problème
tient à la présence du rail,
de son montage sur des traverses
avec des pièces d’appui intermédiaires.
Des applications plus récentes concernent
le nouveau concept de tramway guidé
sur pneus, comportant en partie centrale
un rail de guidage reprenant des efforts
appréciables de basculement
et de soulèvement. Dans les deux cas,
les structures ne peuvent être
représentées que par des modèles
tri-dimensionnels (figure 8).
Moyennant la transposition
au domaine ferroviaire de la démarche
de dimensionnement rationnelle
des structures routières, ce type
de modèle a été appliqué pour l’étude
du dimensionnement des infrastructures
de divers projets de tramways,
notamment avec la RATP et Semaly.
Figure 7
Structures types de chaussées réservoir
Typical reservoir pavement structures
A la fonction de base qui est d’assurer
la circulation et le stationnement
des véhicules viennent s’ajouter :
> une fonction hydraulique
de régulation des eaux
de ruissellement,
> parfois, une fonction acoustique
de réduction des nuisances phoniques
générées par la circulation des véhicules,
> souvent, une fonction de dépollution
car les matières en suspension contenant
des éléments dangereux sont en partie
retenues dans les matériaux filtrants.
Un double dimensionnement
est à réaliser.
D’abord, un calcul hydraulique
pour définir les besoins de stockage
en eau, puis après avoir choisi
un type de structure, un calcul
de mécanique des chaussées
pour déterminer l’épaisseur
de la couche de base.
>> Dimensionnement hydraulique
Les éléments nécessaires pour calculer
un projet sont :
> Le rapport de la surface
imperméabilisée à la surface
de la chaussée réservoir (Si/Sr).
La surface des espaces verts
est généralement exclue mais pas
celle des constructions dont on souhaite
aussi stocker les eaux de pluie.
> Les caractéristiques de l’averse
de référence.
Il s’agit, en général, de l’orage décennal.
>> Dimensionnement strcturel
La tenue mécanique de la structure
est assurée en dimensionnant
la couche de base, en tenant compte
des caractéristiques mécaniques
des matériaux utilisés : enrobé
drainant, enrobé à haut module,
béton poreux, etc.
> Les chaussées
de plates-formes industrielles
Le dimensionnement de ces structures
de chaussées doit tenir compte
de leurs spécificités liées essentiellement
aux caractéristiques des engins,
de leur plan de circulation et des stocks
qui les solliciteront :
> charge par roue souvent très élevée ;
plusieurs dizaines de tonnes (photo 3),
> des chargements répétés en nombre
parfois faible (quelques milliers
de passages) et plus ou moins canalisés
selon les plans de circulation
mis en oeuvre. Il en résulte
des paramètres de dimensionnement,
en particulier ceux liés à la fatigue
des matériaux, en limite du domaine
de validité de la méthode.
> pression de contact roue-revêtement
élevée (2 à 10 MPa) ou présence
de charges statiques nécessitant
20 21
RGRAN° 823 décembre 2003
Le dimensionnement de ces chaussées
se révèle encore problématique,
notamment lorsque celles-ci peuvent
également servir d’aires de stockage.
Il faut alors concilier les approches
de dimensionnement de chaussées
avec celles de dimensionnement
de dallage pour charges statiques,
qui ne relèvent pas, en l’état actuel
des documents, des mêmes approches.
Développements
et perspectives
Figure 8
Tramway de Strasbourg, vue de la voie en cours de montage
et du modèle EF-3D CÉSAR
Strasbourg tramway. View of track during setup,
and CÉSAR EF-3D model
de caractérisation des matériaux
ne s’appliquent pas toujours,
ni les méthodes empiriques
de dimensionnement jugées
trop longues à fournir
des réponses (même s’il ne sera jamais
possible dans ce domaine de faire
l’économie d’essais en vraie grandeur
avec des durées d’observation
suffisamment longues).
> Souhait de parvenir au niveau
international à des normes
performantielles homogénéisées,
sur la base d’essais jugés réellement
pertinents vis-à-vis du comportement
des structures.
> Généralisation de l’utilisation
d’outils de gestion pour l’entretien
des chaussées (Pavement Management
System), qui nécessitent de s’appuyer
sur des lois d’évolution fiables d’état
des chaussées et de règles performantes
d’aide à la décision d’entretien
des chaussées.
La tendance générale dans le monde
est aujourd’hui à l’infléchissement
des méthodes de dimensionnement
vers des approches de type rationnel
et à leur amélioration,
ceci en combinaison
avec le développement de méthodes
performantielles de caractérisation
des matériaux.
Dans le domaine aéronautique,
la principale motivation pour une telle
évolution tient à l’augmentation
du trafic aérien et à l’avènement
de porteurs de plus en plus lourds
(tel que prochainement l’A 380)
vis-à-vis desquels l’extrapolation
des méthodes empiriques
ou semi-empiriques traditionnelles
n’est pas garantie.
Les progrès réalisés en mécanique
des chaussées dans les moyens d’essai
en laboratoire ou in situ, les modèles
et les méthodes de calcul rendent a priori
ces objectifs de plus en plus réalistes.
Néanmoins, il est important ici
de relativiser l’impact potentiel
de ces progrès sur les méthodes
de dimensionnement stricto sensu.
Dans le domaine routier, les motivations
sont multiples et plus ou moins
explicites. Citons les principales :
> Nécessité de pouvoir prendre
en compte l’émergence de solutions
techniques (matériaux, structures)
de plus en plus nombreuses,
souvent alternatives aux solutions
classiques et pour lesquelles
les méthodes anciennes
Si, en effet, les facteurs de progrès
mentionnés plus haut ont des apports
directement tangibles et valorisables
en tant que tels sur l’étude
et la modélisation du comportement
des matériaux et structures
de chaussées, il reste toujours difficile
d’en faire bénéficier les méthodes
de dimensionnement.
Les raisons à cela sont profondes.
DR
un choix de matériaux résistants
au poinçonnement,
> charges caractérisées par
des vitesses de déplacement faibles
de quelques km/h, voire nulles
(engins à l’arrêt) qui influent,
pour des matériaux viscoélastiques,
sur la rigidité à prendre
en considération dans les modèles
de calcul,
> engins à essieux multiples
nécessitant l’emploi de logiciels
permettant leur prise en compte
simultanée ;
> exposition aux sollicitations
climatiques différente
de celle des routes dans le cas d’aires
abritées (variations de température
moindre, absence de pluie et gel, etc.).
Photo 3
Elévateur à bateaux équipé de 16 roues pouvant être chargées
à 70 t chacune
Boat lift equipped with 16 wheels, each with a loading capacity of 70 t
Les méthodes de dimensionnement
de chaussées comportent par nature
tout un ensemble de données « floues »,
à distributions statistiques plus ou moins
connues au stade d’un projet, liées
aux incertitudes sur les matériaux
en place, à la réalisation de l’ouvrage,
à la description du trafic, aux conditions
environnementales et à leurs variations ;
ce qui, d’une part, rend particulièrement
complexe le problème à traiter et, d’autre
part, « lisse » et relativise toute précision
apportée sur la connaissance
et la description du comportement
des matériaux et des structures.
•••
La méthode française de dimensionnement
•••
C’est sans doute l’une des raisons
pour lesquelles la plupart des méthodes
rationnelles en restent actuellement
au stade des modèles multicouches
élastiques, leurs évolutions consistant
à déterminer les valeurs des paramètres
(modules, déformations admissibles,
coefficient de calage, etc.) associées
à chaque nouveau matériau
ou technique de construction.
Néanmoins, l’on peut tenter de dégager
sans donner de calendrier certaines
perspectives d’évolution sur le fond
de ces méthodes, sur la base
de travaux engagés en France
comme à l’international, notamment
aux Etats-Unis dans le cadre
du programme Superpave.
Matériaux granulaires
non liés (sols, graves)
et chaussées souples
Les comportements génériques réversibles
de ces matériaux, de type élasticité
non linéaire et anisotrope pour la gamme
usuelle des sollicitations routières
(< 10-3), sont aujourd’hui bien connus,
grâce notamment aux études
en laboratoire sur cellules triaxiales
à chargements répétés (TCR) [17].
La programmation de telles lois
de comportement à l’intérieur de modèles
aux éléments finis tri-dimensionnels
ou à symétrie de révolution permet
ainsi de mieux appréhender
au cas par cas (à matériau fixé
et à teneur en eau donnée)
le comportement des chaussées
souples au passage de poids lourds.
En raison des difficultés mentionnées
(diversité des matériaux non liés,
variabilité de leur comportement
en fonction de la teneur en eau, etc.),
ces travaux n’ont pas donné lieu
pour l’instant à de nouvelles règles
de calcul des chaussées souples,
mais on est en droit de penser
que ce sera là une évolution
assez prochaine des méthodes
de dimensionnement.
Les recherches actuelles portent
sur la prédiction des déformations
permanentes dans les couches de sols
et GNT, et plus spécifiquement
sur le passage des résultats d’essai TCR
au terrain, en s’intéressant cette fois
à la partie irréversible du comportement
des matériaux non liés. La démarche reste
encore à finaliser et à valider dans le cas
d’essais sous conditions de trafic et teneur
en eau contrôlées, avant d’envisager
de possibles transpositions à l’intérieur
de méthodes de dimensionnement.
Bétons bitumineux
et chaussées bitumineuses
épaisses
Les travaux menés ces dernières
années ont confirmé la pertinence
et la quasi-universalité du modèle
de Huet & Sayegh (1963) [18, 19].
comme mode de description du module
complexe des bétons bitumineux
en fonction de la fréquence
et de la température.
La pertinence du modèle et
sa plus grande justesse comparées
aux modèles élastiques a également
été démontrée à l’échelle de structures
de chaussée routière et aéronautique,
par des comparaisons entre mesures
de déformation au passage
de charges roulantes et résultats
de calcul visco-élastique aux éléments
finis [20, 21, 22, 23].
L’introduction du modèle
de Huet & Sayegh à l’intérieur
d’un programme semi-analytique
de calcul de multicouches
viscoélastiques est en cours au LCPC.
Il permettra d’obtenir des résultats
en un temps nettement inférieur
à celui des modèles aux éléments
finis et de mieux évaluer l’apport
potentiel de ce type d’outil
pour le dimensionnement
des chaussées, en comparaison
aux modèles élastiques actuels.
De multiples études et recherches,
dont certaines sont en cours, restent
par ailleurs nécessaires dans le domaine
du dimensionnement des chaussées
bitumineuses et de prédiction
de leur évolution. Citons parmi celles-ci :
> La comparaison entre les phénomènes
d’endommagement par fatigue
des enrobés bitumineux se produisant
en laboratoire au cours des essais
de fatigue usuels et ceux se produisant
sur le terrain, compte tenu des temps
de repos entre véhicules, des capacités
d’autoréparation du matériau,
de la création avérée de fissures, etc.
> La prédiction du phénomène
d’orniérage (une démarche analogue
à celle menée sur les déformations
permanentes des matériaux
non traités semble possible).
> La prise en compte des enrobés à froid
dans le dimensionnement des couches
structurantes, étant donné les propriétés
fortement évolutives de ces matériaux
sur la durée de vie des chaussées.
Chaussées rigides,
chaussées spéciales
Un besoin important dans ce domaine
concerne l’accélération des temps
de calcul des modèles aux éléments
finis, qui sont généralement utilisés
pour l’analyse de ces structures,
à géométries discontinues
et comportement non linéaire
(du fait de conditions
de contact unilatérales).
Plusieurs voies sont examinées
dans ce sens au LCPC, notamment
à l’aide d’éléments finis de type nouveau,
à géométrie plane (2D au lieu de 3D)
et cinématique enrichie.
Il est attendu également que l’utilisation
de tels éléments fournisse un moyen
d’analyse rapide des phénomènes
de fissuration dans les chaussées
et permette ainsi de dégager et mieux
comprendre les lois d’évolution
de ce type de pathologie
sur chaussée neuve ou renforcée.
Approches probabilistes
explicites
Le dimensionnement des structures
est inéluctablement environné d’une notion
de risque, liée au caractère statistique
ou probabiliste de nombreux
de paramètres en jeu. Un certain nombre
de travaux tendent aujourd’hui à opérer
explicitement sur les distributions
statistiques relatives aux données
du problème et à restituer
les résultats de calcul, telle que la durée
de vie de l’ouvrage en fonction
de son dimensionnement,
sur le même mode.
Ce type d’approche rend compte
par principe de la sensibilité
des résultats vis-à-vis des nombreuses
données à caractère aléatoire
du problème et présente l’intérêt
pour le projeteur de quantifier
et illustrer concrètement
le risque lié au choix
d’un dimensionnement.
Chaussées
à longue durée de vie
Mentionnons pour finir ce bref
tour d’horizon, non exhaustif,
sur les études en cours dans le domaine
du dimensionnement des chaussées,
RGRAN° 823 décembre 2003
quelques réflexions et recherches
connexes portant sur les chaussées
à très longue durée de vie structurelle
(à condition d’un entretien
de surface adapté).
L’origine de ces travaux provient
en partie de la constatation faite
dans certains pays de l’existence
de chaussées, notamment de type
bitumineuse épaisse, à durées
de vie avérées, en trafic cumulé,
bien supérieures aux valeurs de projet.
D’où un certain nombre d’études
visant à expliquer les écarts observés,
à modifier en conséquence les méthodes
de dimensionnement et à expliciter
les règles de conception et construction
de telles chaussées. Parmi les explications
recherchées figure celle de l’existence
d’un seuil en fatigue des enrobés
bitumineux, sous sollicitation réelle
de trafic - distincte des sollicitations
entretenues souvent utilisées
en laboratoire - ou encore l’effet
du vieillissement des liants bitumineux
en couche de base, dont l’augmentation
bénéfique de module, et donc
de diminution des déformations,
l’emporterait sur l’effet négatif
de fragilisation du matériau
et d’abaissement de ses performances
en fatigue.
Conclusion
Le dimensionnement des chaussées
reste une discipline ouverte face à :
> l’évolution du contexte d’exploitation
des ouvrages,
> la diversité croissante des matériaux
et techniques offerts à la construction,
> l’avènement des méthodes
performantielles de caractérisation
des matériaux.
L’orientation des méthodes
de dimensionnement vers des approches
de type rationnel est aujourd’hui la voie
généralement suivie par l’ensemble
des pays pour répondre à ces défis.
Toutefois, l’évolution sur le fond
de ces méthodes, afin d’augmenter
leur caractère prédictif et pouvoir
diminuer la part d’essais in situ,
reste une tâche techniquement ardue,
qui ne peut résulter que de multiples
progrès amonts en mécanique
des chaussées.
Pour clore ce chapitre, nous voudrions
insister à la fois sur le contenu
pédagogique généralement riche
des manuels et méthodes
de dimensionnement des chaussées,
qui par nature sont le lieu de convergence
d’un grand nombre de savoirs,
mais aussi sur le besoin de les lire
et de les mettre en œuvre en gardant
à l’esprit les notions générales
de mécanique, telles que tenseurs
de contrainte et de déformation,
lois de comportement écrites
sous forme tensorielle, interprétation
des états de contrainte dans le plan
de Mohr-Coulomb, etc.
La vocation des méthodes
de dimensionnement à être
opératoire conduit en effet souvent
à afficher les résultats sous une forme
réductrice, qui risque d’obérer la vision
d’ensemble du comportement
des ouvrages calculés et de faire oublier
les hypothèses et limites des modèles
théoriques manipulés. Bibliographie
[1] « Conception et dimensionnement des chaussées neuves »,
guide technique SETRA-LCPC, 1994
[2] Catalogue des structures types de chaussées neuves,
SETRA-LCPC, 1998
[3] « Construction des chaussées neuves sur le réseau routier national - Spécifications des variantes », guide technique SETRA-LCPC, 2203
[4] Guide technique pour les terrassements routiers, LCPCSETRA, 1992
[5] Alizé - LCPC : logiciel de dimensionnement des chaussées,
diffuseur ITECH
[6] Ecowin : logiciel de dimensionnement des chaussées, diffuseur Ponts Formation Editions
[7] Progiciel CÉSAR-LCPC, modules de calcul ainsi que de préet post-processeurs graphiques spécifiques aux applications
routières, diffuseur ITECH
[8] Gel1D : logiciel LCPC de calcul thermique dans les chaussées, diffuseur LCPC
[9] Guide d’auscultation des chaussées souples (sous la direction R. SAUTEREY et P. AUTRET), Collection du LCPC,
éditions Eyrolles, 1977
[10] Guide pour l’auscultation des chaussées à assise traité
aux liants hydrauliques - éditions LCPC, 1979
[11] Guide technique de dimensionnement des chaussées
souples, SETRA/LCPC, 1978
[12] Actualisation du guide de dimensionnement des renforcements des chaussées souples, SETRA/LCPC, 1988
[13] « Aide à la gestion de l’entretien des réseaux routiers volet chaussées », SETRA/LCPC, 2000
[14] « Guide d’entretien des chaussées béton », SETRA/LCPC,
2002
[15] Collection des Guides pratiques de la voirie urbaine, 19992000, éditions RGRA
[16] « Instruction sur le dimensionnement des chaussées
d’aérodromes et la détermination des charges admissibles »,
Direction générale de l’Aviation civile
[17] Balay J., Gomes Correia A., Hornych P., Jouve P., Paute J.L.,
« Etude expérimentale et modélisation du comportement
mécanique des graves non traitées et des sols supports de
chaussées », Bulletin de liaison des LPC n° 216, pp 3-18, 1998
[18] Huet C., « Etude par une méthode d’impédance du comportement viscoélastique des matériaux hydrocarbonés »,
thèse de docteur ingénieur, Faculté des sciences de l’Université de Paris, 1963
[19] Sayegh G., « Contribution à l’étude des propriétés
viscoélastiques des bitumes purs et des bétons bitumineux »,
thèse de docteur ingénieur, Faculté des sciences de Paris, 1965
[20] J. Petitjean, J.-M. Balay, C. Fabre, « Le dimensionnement
des chaussées aéronautiques », RGRA n° 800, novembre 2001
[21] Piau J.-M., Heck J.-V., Gramsammer J.-C., Odéon H.,
« Modélisation viscoélastique des chaussées et comparaison avec le comportement observé sur manège routier »,
compte-rendu du congrès EC’97 « Comparaison entre
résultats expérimentaux et résultats de calcul », Strasbourg,
22-23 mai 1997
[22] Hornych P., Kazai A., Piau J.M. (1998), « Study of the
resilient behaviour of unbound granular materials, processions »,
5th Conference on Bearing Capacity of Roads and Airfields,Trondheim, Norvège, juillet 1998
[23] Heck J.V., Piau J.M., Gramsammer J.C., Kerzreho J.P.,
Odéon H., « Thermo-visco-elastic modelling of pavements behaviour and comparison with experimental data from the LCPC test
track », Proceedings BCRA’98,Trondheim, Norvège, juillet 1998
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