Ich liebe dich….Moi non plus : un festival à front renversé
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Ich liebe dich….Moi non plus : un festival à front renversé
Ich liebe dich….Moi non plus : un festival à front renversé De Wagner, on n’aura joué, tout au long des concerts du Festival franco-allemand, que des arrangements et autres transcriptions, mais aucune des partitions originelles de ses œuvres orchestrales ou opératiques, la compilation symphonique de son Tristan et Isolde étant ellemême réalisée en 1993 par Henk de Vlieger, sans, évidemment, sa partie vocale, et néanmoins restituée avec vigueur et dynamisme par Jacques Mercier à la tête de l’O.N.L. La séance avait débuté par la Suite (Prélude, Fileuse, Sicilienne, Adagio) du Pelléas et Mélisande de Gabriel Fauré, sagement écrite par rapport à l’arrangement du même opéra de Debussy- mais sans voix non plus-, qu’en a fait Marius Constant, réalisant la synthèse des préludes, interludes et postludes orchestraux, soit des extraits des cinq actes dont le raccourci suivait le parcours narrateur de l’ouvrage. Ce n’était pas courant mais fort intéressant. Ce qui l’était moins, c’est la perception, soi-disant éclairée de la Tétralogie, alors que c’en fut une remarquable défiguration par rapport aux 16 heures que l’on dit inabsorbables du Prélude et de ses trois opéras, ici condensés en cent longues minutes par les passionnés sympathiques du Piano Ambulant. Une manière de lessivage roboratif débarrassé de sa gangue mythologique reconvertie en scène de théâtre moderne aux dialogues de polar sentimental ou féroce que croient diviniser les six musiciens aux instruments amplifiés, aux timbres parfois détournés et flirtant avec l’électronique, artistes visiblement peu formés à l’art dramatique bien que bons instrumentistes. Ils font du Ring cet objet du désir brûlant dont ils redéveloppent à leur manière et avec délices les thèmes essentiels : un frétillant Or du Rhin, un Siegfried entrelardé du texte pamphlétaire de Tolstoï, le Dieu Wotan parlant dans un tuyau et autres inventions, les Walkyries du Crépuscule des Dieux s’affrontant entre amour intense et déliquescence absolue. On a un peu de mal à suivre la chronologie, tout en sublimant les solos de l’alto, du cor anglais ou du violoncelle, à partir des airs transcrits. Malgré tout, on reste sans voix…puisqu’il n’y en a pas ! HENSCHEL AU SOMMET Par contre, au concert final, celle du baryton allemand Dietrich Henschel, dans la trajectoire du mythique Dietrich Fischer-Dieskau, aura livré, de chacun des Lieder de Zemlinsky, d’Hugo Wolf et de Gustav Mahler, la juste restitution de la langue de Goethe sans en avoir cependant appuyé la prononciation. Son rendu vocal expressif en épousait la prosodie, son organe volontairement détimbré dans le registre grave en abordait avec retenue le profond contenu, Henschel montant aux aigus dramatiques, tendus vers leur impérieux métal tranché. L’ensemble Oxalys aux douze instrumentistes se dirigeant eux-mêmes, entouraient le chanteur qu’ils accompagnèrent avec rigueur, de même qu’ils jouèrent le Siegfried Idyll avec beaucoup de sensibilité, la réduction à dix, du Prélude à l’après-midi d’un faune étant plus appuyée dans ses couleurs, que celle, plus discrète et chambriste de l’ONL quatre jours auparavant. Était-il vraiment besoin d’en donner deux fois la version réduite ? En conclusion, on peut s’interroger quant à la conception générale des concerts du Festival, non en matière de comparatifs parfois singuliers, mais en terme d’équité, et qui détournerait la sacrée formule du « Je t’aime…Ich auch nicht ». La tendance dépréciative dans laquelle étaient logés les trois compositeurs français au programme, par rapport aux dix-huit d’OutreRhin, laissait dubitatif. Et on semble avoir fait de Debussy une sorte de tapir du génie de Bayreuth. Mais où est passé le vrai Claude de France, chef de file de l’impressionnisme ? Georges MASSON