Comment les innovations ont passé l`épreuve du feu

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Comment les innovations ont passé l`épreuve du feu
Dossier
C. THIRIET
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Essais 2012 :
1.
2.
un programme
à une année
3.
les bons résultats
antirésistances. P. 48 de forte pression. P. 52 des SDHI confirmés. P. 54
Fongicides blé
Comment les
innovations ont passé
l’épreuve du feu
La précédente campagne, les maladies du pied comme du feuillage s’en
sont donné à cœur joie sur blé. La
nuisibilité moyenne nationale a été
estimée par Arvalis à 25 q/ha, alors
que les deux années précédentes, elle
ne dépassait pas 10 q/ha. Avec cette
forte pression, il a été possible de
mieux jauger les SDHI, fongicides de
la famille des carboxamides, arrivés
depuis peu sur le marché. Ainsi, s’ils
ressortent bien sur les maladies du
feuillage, l’institut invite à ne les utiliser qu’une seule fois par saison pour
assurer leur longévité. Il ne faudrait
pas reproduire ce qui s’est passé avec
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 47 - 23 novembre 2012
les strobilurines, les résistances étant
arrivées moins de dix ans après leur
lancement. Les SDHI seront donc à
intégrer dans les programmes avec
des triazoles, des strobilurines, du
prochloraze ou du chlorothalonil.
Par Isabelle Escoffier
et Céline Fricotté
Dossier fongicides blé : comment les innovations ont passé l’épreuve du feu
1. Composer un programme
antirésistances
Le choix des produits permet de diversifier les matières actives tout en atteignant
l’optimum économique.
Ne pas
attendre
pour traiter
En présence de
foyers actifs de
rouille jaune
(pustules pulvérulentes), mieux
vaut traiter tout
de suite spécifiquement sans
attendre le stade
d’intervention
idéal contre la
septoriose. Deux
essais réalisés
par Arvalis en
Bretagne en 2012
sur variété sensible ont montré
qu’en traitant tôt,
il était possible
de gagner 11 à
14 q/ha pour un
investissement
de 20 €/ha. Arvalis conseille les
triazoles comme
Osiris Win
0,8 l/ha ou Opus
new 0,6 l/ha…
ter légèrement l’investissement en
fongicides en acceptant d’investir un
peu plus au profit de cette nouvelle
famille chimique.
Intégrer les Sdhi
Les conditions climatiques de 2012
étaient propices pour affiner le profil des SDHI nouvelle génération
(Adexar, Aviator Xpro), arrivés en
fanfare sur le marché l’an dernier.
Leur potentiel respectif a pu être
observé en situation de forte pression
de maladies (lire page 54). Ces innovations confirment un réel progrès
en termes d’efficacité et de rendement. Du fait de leur coût élevé, les
produits ont été utilisés à une dose
proche de 50 % de celle homologuée,
« un constat jamais observé en année
de lancement », souligne Arvalis.
Sur blé tendre, l’arrivée du bixafen et
du fluxapyroxad s’est traduite, selon
les panels, par une forte augmentation du pourcentage d’hectares ayant
reçu un SDHI, passant de 26 % en
2011 à 45 % en 2012. Ainsi, près d’un
hectare sur deux a reçu un SDHI au
printemps dernier ! Et 70 % sont prévus en 2013. En 2014, deux nouvelles
Packs : une offre prête à l’emploi
Il est compliqué de faire
un inventaire précis des
packs fongicides disponibles tant l’offre est
conséquente. En effet,
presque toutes les firmes
phytosanitaires et certains
organismes stockeurs
en proposent. Pour les
entreprises, les packs
permettent d’associer
des produits sans créer de
dossier d’homologation,
ou bien en attendant
qu’un produit prêt en
l’emploi soit homologué.
Pour l’exploitant, ils
permettent de toucher
plusieurs maladies à la fois
et surtout d’alterner les
modes d’action. L’objectif
est d’éviter l’apparition
de souches résistantes en
associant, par exemple, du
chlorothanonil.
Les packs sont encore plus
développés depuis l’arrivée des SDHI afin d’éviter
les mêmes dérives d’efficacité qu’avec les strobilurines, il y a quelques
années. C’est aussi l’assu-
rance de répondre aux exigences réglementaires en
termes de mélange phytosanitaire et à des prix souvent plus avantageux que
les spécialités seules. Les
packs répondent ainsi aux
pratiques des agriculteurs
mais aussi aux problématiques locales avec, selon
les firmes, des doses ad
hoc en fonction de la pression des maladies. Arvalis
estime pourtant que ces
doses ne sont pas toujours
optimales.
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 48 - 23 novembre 2012
S. CHAMPION
rouille jaune
de la nuisibilité attendue sur feuilles :
à 20 q/ha, la dépense fongicide idéale
s’échelonne de 56 à 91 E/ha selon
le prix du blé. Pour 200 E/t, la
dépense idéale serait de 80 E/ha.
Celle-ci tombe à 64 E/ha pour une
nuisibilité de 15 q/ha et à 97 E/ha
pour une nuisibilité de 25 q/ha.
En 2012, la dépense fongicide
moyenne a été de 78 E/ha, en deçà
donc de l’optimum économique.
L’introduction des SDHI (ou carboxamides) dans les programmes
de traitement, même s’ils sont plus
chers que les solutions existantes,
ne doit changer en rien la dépense
fongicide idéale. Ils font certes gagner
des quintaux, d’autant plus si la nuisibilité est importante mais, selon
Arvalis, « il n’y a aucune raison a
priori de dépenser plus sous prétexte d’introduire un SDHI dans le
programme. C’est la pression parasitaire qui détermine le niveau d’investissement. » Le raisonnement est
plutôt : « Si je veux investir 80 E/ha,
mieux vaut que j’investisse dans un
SDHI. » La question peut toutefois se
poser, dans le contexte actuel d’embellie du prix des céréales, d’augmen-
J.-M. NOSSANT
L
a stratégie fongicide contre
les maladies foliaires du blé
doit être élaborée en fonction
des plus nuisibles de la région
et de la tolérance des variétés à ces maladies. Le programme
prévisionnel, généralement calé sur
deux ou trois interventions, sera
ajusté à la hausse ou à la baisse en
cours de campagne en fonction du
contexte climatique, de la parcelle
(date et densité de semis, gestion
des résidus…) et de la pression des
maladies. « Le positionnement des
traitements est également un enjeu
déterminant », alerte Arvalis, qui
l’estime de 5 à 10 q en année de
moyenne pression. Le choix des produits doit aussi prendre en compte
le prix du blé et celui des produits.
Or, selon Arvalis, « le prix des fongicides céréales pourrait connaître une
hausse significative cette année ».
En France, les pertes de rendement
dues aux maladies foliaires s’établissent à 16,5 q/ha en moyenne sur les
dix dernières années, avec de fortes
amplitudes (27,1 q/ha en 2008 et
8,3 q/ha en 2011). Il faut donc calibrer la
fourchette d’investissement en fonction
« Il n’y a aucune raison
a priori de dépenser
plus sous prétexte
d’introduire un SDHI
dans le programme »,
estime Arvalis
molécules devraient arriver sur le
marché, l’isopyrazam et le penthiopyrad. Toutefois, l’époxiconazole, avec
le prothioconazole et le prochloraze,
restent les trois matières actives les
plus utilisées sur céréales.
Pour cette campagne, les SDHI
seront donc encore au cœur des
programmes, les nouveautés homologuées récemment n’apportant pas
de bouleversement majeur. A coût
équivalent, les carboxamides nouvelle génération figurent parmi les
meilleures spécialités du moment.
A condition d’adapter les doses au
niveau de pression des maladies, en
substituant 1 E de fongicide classique par 1 E de SDHI.
Les solutions hors SDHI ne sont
pas pour autant hors-jeu et trouvent
leur place au premier traitement.
Certaines présentent sur septoriose
un rapport qualité-prix équivalent à celui des carboxamides. Par
exemple, Osiris Win (époxiconazole
+ metconazole) + Bravo (chlorothalonil) rivalisent avec Adexar. Mais
il faudra attendre 2014 pour utiliser ce mélange non encore autorisé
(lire l’encadré page 49). Sur rouille
brune, les strobilurines associées
à des triazoles conservent un réel
Mélanges : Premier dossier autorisé
Le mélange Swing Gold 0,75 l
(dimoxystrobine + époxiconazole) + Caramba Star 0,5 l
(metconazole) a été homologué cette année. C’est une
première depuis la mise en
place de la réglementation.
Ce mélange était jusqu’alors
interdit du fait de la présence
de la même phrase de risque
R40 dans ses deux composants. Selon Arvalis, il est du
même niveau que Swing Gold
solo en termes d’efficacité.
Cette homologation pourrait
ouvrir la porte à d’autres.
Deux dossiers sont en effet
en attente depuis longtemps.
Celui de BASF porte sur le
mélange Osiris Win 1,5 l + 
Bravo 1 l. Cette demande
pourrait aboutir en 2013 pour
une utilisation en 2014. Les
résultats d’essais sont très
prometteurs sur septoriose en
T1 car le mélange allie la « préventivité » du chlorothalonil
et la « curativité » de l’époxiconazole et du metconazole
(lire page 54). Autre mélange
intérêt dans les situations à risque
(variétés sensibles, régions régulièrement touchées…).
Différents modes d’action
« Les SDHI ne méritent donc pas
d’être généralisées », soutient Arvalis,
qui réitère aussi sa recommandation
de ne pas utiliser plus d’un carboxamide (boscalid, bixafen, fluxapyroxad) par campagne. L’objectif étant
de réduire les risques d’apparition
de résistances à ces molécules afin
attendu : Opus 0,5 l/ha +
Bravo Premium 2 l/ha,
demandé par Syngenta. La
firme espère recevoir l’autorisation en fin d’année. Selon
elle, ce mélange s’utilise déjà
beaucoup en Angleterre et en
Irlande. « Cette offre supplémentaire permet d’alterner
les modes d’action pour éviter
l’apparition de souches résistantes », affirme Syngenta.
Selon Arvalis, cette solution
serait plus efficace que
Cherokee.
de les faire durer le plus longtemps
possible. Les SDHI sont en effet des
substances actives à risque vis-à-vis
de résistances spécifiques. « Cette
année en France, avec une nuisibilité
de 26 q/ha, l’application d’un deuxième SDHI aurait permis de gagner
2 q/ha bruts supplémentaires. Mais
en année à faible pression, ce n’est
pas le cas. Nous conseillons donc de
n’en utiliser qu’un seul dans la saison », explique Jean-Claude Maufras,
spécialiste des fongicides chez Arva-
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 49 - 23 novembre 2012
•••
Dossier fongicides blé : comment les innovations ont passé l’épreuve du feu
••• lis, qui ajoute : « En Irlande, ils ont
Chlorothalonil
et prochloraze en T1
Le chlorothalonil ainsi que le prochloraze confirment en effet leur
intérêt technico-économique pour
lutter contre la septoriose, en renforçant l’efficacité des triazoles. Le
positionnement naturel des SDHI
en T2 « pousse » finalement ces associations triazoles + prochloraze ou
chlorothalonil plutôt en T1. « Opus
New + Pyros ou Cherokee risquent
d’être soumis plus durement à la
concurrence s’ils sont positionnés en
T2 », argumente Jean-Yves Maufras.
Les SDHI seront donc plutôt appliqués en T2 dans le cadre d’un programme à deux ou trois traitements,
associés ou non à une triazole.
Les carboxamides peuvent être aussi
valorisés en positionnement unique,
dans un contexte de faible pression
et d’arrivée tardive des maladies. Ils
n’ont pas une grande efficacité sur la
fusariose de l’épi et n’ont donc pas
leur place en T3. A l’inverse, ces nouvelles matières actives pourraient
occuper le segment des T1. Mais
attention dans ce cas à l’alternance
des modes d’action des substances
actives : ce segment est déjà occupé
par les associations à base de chlorothalonil à positionner à ce stade.
A noter par ailleurs que les programmes Cherokee + Aviator Xpro
(0,6 l) et Cherokee puis Adexar
(0,8 l) donnent des résultats identiques pour un coût similaire. L’écart
observé dans les essais en faveur
d’Adexar se resserre donc en pro-
C. WATIER
raison d’appliquer deux SDHI car
la nuisibilité est de 80 q/ha ! » Dans
l’Hexagone, en cas de forte pression
de maladies, mieux vaut renforcer
le T1 en changeant de produit ou en
renforçant la dose.
Les strobilurines et le prochloraze
doivent aussi être limités à une
seule pulvérisation par campagne.
Quant aux triazoles, il convient de les
alterner au cours du printemps, en
évitant d’utiliser deux fois la même
substance active. « Finalement, il n’y
a pas tant de solutions possibles pour
établir son programme », estime
Jean-Yves Maufras. On peut commencer par choisir le produit du T3,
une triazole par exemple (Prosaro…),
faire un SDHI en T2 (Adexar...) et en
T1 un chlorothalonil (Cherokee),
fongicide multisite qui présente un
risque de résistances limité.
traitements du feuillage : adjuvants possibles
Jusqu’à présent, dans ses
essais, Arvalis ne semblait
pas avoir démontré d’intérêt
à l’ajout d’un adjuvant à une
bouillie fongicide. Pourtant, de
récentes expérimentations (1)
menées sur septoriose du
blé durant trois années dans
le Nord-Pas-de-Calais et la
Picardie ne vont pas dans le
même sens. « Si, avec une
dose habituelle de 150 l/ha,
l’ajout d’adjuvant a rarement
d’effet, c’est l’inverse en cas de
baisse de volume ou de dose,
ceci d’autant plus lorsque les
deux sont diminués », rapporte Thierry Denis, ingénieur
régional Arvalis en Picardie.
Les adjuvants permettraient
donc de compenser la baisse
d’efficacité dans le cas d’une
quantité plus faible de produit,
d’eau ou avec des conditions
climatiques limitantes. Leur
intérêt serait par ailleurs réel
les années de faible pression
de la maladie et lorsque le prix
du blé est moyen, voire bas.
En revanche, dans un contexte
similaire à la campagne 20112012 (beaucoup de maladies
et des prix élevés), Arvalis
estime qu’il est plus raisonnable de ne pas baisser la dose
de fongicide.
Historiquement, l’adjonction
d’un adjuvant à un fongicide
céréales se faisait plutôt à
l’épiaison pour permettre à la
gramme : Aviator Xpro n’est plus
placé en curatif et Cherokee en T1
a fait son travail.
Peu utiles contre la septoriose, les
strobilurines (50 à 75 g/ha) peuvent
trouver leur place en T2 en complément des triazoles, du stade dernière feuille au stade épiaison, pour
contrôler la rouille brune. En PoitouCharentes ou en Bretagne, sur un
complexe septoriose-rouille brune, le
mélange trois voies triazoles-SDHIstrobilurine sera à privilégier.
En T3, mieux vaut éviter l’azoxystrobine et la picoxystrobine dans
les situations où le risque est avéré.
Dans ce cas, Arvalis conseille une
bouillie de mieux atteindre le
cœur de l’épi et donc d’avoir
une meilleure efficacité sur les
fusarioses. Depuis quelques
temps, des firmes proposent
également des adjuvants sur
le créneau des maladies du
feuillage, comme la septoriose. C’est le cas de JouffrayDrillaud, avec par exemple
Cantor, qui permet d’augmenter la pénétration des produits,
notamment en conditions
limitantes (temps peu poussant, fenêtre d’intervention
courte…).
(1) En partenariat avec Arvalis, des
chambres d’agriculture, des coopératives et négoces, des Ceta et une firme
phytosanitaire.
triazole antifusarium seule : Prosaro
reste le meilleur compromis qualitéprix quelle que soit la dose (entre
0,5 et 1 l/ha en fonction du risque
à couvrir et de l’investissement
consenti). Il est aussi possible d’utiliser Swing Gold (dimoxystrobine)
ou Fandango S (fluoxastrobine), les
résultats récents ayant montré que
les effets négatifs observés sur la qualité sanitaire étaient généralement
absents ou peu marqués. En situation de forte pression de septoriose,
le traitement antifusariose doit également être efficace contre la maladie
foliaire (avec un prothioconazole ou
un metconazole). n
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 50 - 23 novembre 2012
Dossier fongicides blé : comment les innovations ont passé l’épreuve du feu
2. Retour à une année de forte
Les attaques de maladies, septoriose en tête, ont été souvent tardives et très intenses.
vidéos
Clefs de reconnaissance
Arvalis propose
sur www.arvalistv.fr, des vidéos
visant notamment à mieux
identifier les
maladies.
ROUILLE jaune
Invasion spectaculaire
d’une nouvelle race
Remarquée pour la première fois
en 2011, la rouille jaune Warrior/
Ambition représenterait désormais
95 % de la population française. Cette invasion simultanée
(Royaume-Uni, Allemagne, Scandinavie, France et Espagne) est jugée
spectaculaire. Elle serait le fait d’une
race exotique. Si la majorité des variétés du marché garde un bon niveau de
résistance partielle, Hystar, Allez-y, Expert,
Arkeos, Selekt et surtout Ephoros seraient
beaucoup plus sensibles à Warrior/Ambition. Arvalis estime que cette race est très virulente et très nuisible sur toutes les espèces
mais qu’elle est encore bien contrôlée.
Septoriose. Des symptômes
tardifs. La septoriose demeure la
maladie
qui fait le plus de dégâts. En
2012, Arvalis évalue sa nuisibilité à
au moins 20 q/ha. Cette dernière irait
localement jusqu’à plus de 35 q/ha,
notamment en présence de fortes
pluviométries.
Comme pour d’autres maladies présentes très précocement, l’inoculum
de septoriose a survécu, malgré les
températures négatives de début
d’année. Les symptômes sont apparus sur les feuilles basses mais ont
surtout explosé tardivement, à la
sortie de la dernière feuille.
Rouilles. La zone s’élargit. A l’automne, l’inoculum de la rouille
jaune
a été particulièrement fort
du fait du climat doux mais s’expliquerait aussi par la présence d’une
nouvelle race Warrior/Ambition (lire
ci-dessus).
Il semble que la rouille jaune ne peut
survivre sur des tissus morts mais
elle a redémarré au printemps sur
les feuilles restantes. Au final, elle a
Les conditions climatiques rencontrées au
cours de la précédente campagne ont favorisé les champignons dans le sol et les résidus. Certaines attaques ont été très précoces,
parfois moins visibles que d’habitude, mais
élevées.
S’il passe généralement inaperçu, le rhizoctone a été très virulent. Le froid a affecté
certaines plantes et donc favorisé son installation. Dans de nombreuses régions, des épis
blancs isolés, échaudés, voire de la verse ont
été observés. Ces symptômes ont été remarqués dans la région Centre sur des variétés
comme Garcia ou Arlequin. Les pertes ont
ponctuellement atteint plus de 15 q/ha.
Les semis précoces et les températures
excédentaires ont été favorables au piétin
échaudage. Il est apparu très tôt, y compris
sur des espèces comme l’orge. Ces attaques
sont passées inaperçues compte tenu des
conditions humides de fin de cycle pas toujours propices à l’échaudage, voire confondues avec d’autres symptômes comme la
jaunisse nanisante de l’orge. Au final, des
épis blancs étaient visibles en rond dans les
parcelles et ont impacté le potentiel jusqu’à
40 q/ha.
Les attaques de fusariose sur tiges (Fusarium graminearum) ont été favorisées par
les conditions fraîches et humides de fin de
cycle. Elles ont fortement affecté le rendement, notamment en Bretagne. Les épis ont
été échaudés, le bas des tiges présentait des
nécroses brunes et un mycelium blanchâtre
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 52 - 23 novembre 2012
P. CRAPON/GFA
Maladies du pied : un cortège d’épis échaudés
Le froid a favorisé le rhizoctone. Des épis
blancs isolés ont été remarqués dans la
région Centre sur certaines variétés.
est apparu sur les nœuds, voire le col de l’épi.
Le piétin verse n’a été observé que sur les
variétés les plus sensibles, dans les sols de
limons battants et dans le cas d’implantations précoces.
AR
VA
LIS
A
près deux campagnes
calmes, les blés ont subi
une forte pression des
maladies en 2011-2012.
L’automne et l’hiver ont
été exceptionnellement doux, favorisant les pathogènes. Puis les températures très froides de février et le
climat doux et sec de mars ont créé
des conditions défavorables. En avril,
une période de pluies a permis aux
maladies de se développer.
Arvalis estime leur nuisibilité à
25 q/ha, soit l’une des plus élevées
des dix dernières années. Les régions
Bretagne, Basse-Normandie, Centre
et Rhône-Alpes ont vu cette nuisibilité
proche ou légèrement supérieure à
30 q/ha. La Haute-Normandie et le
Nord-Pas-de-Calais étaient les régions
les plus touchées, avec respectivement
35,8 q/ha et 33,7 q/ha.
Par conséquent, les exploitants ont
augmenté le nombre de passages.
Toutes céréales confondues, le
nombre d’hectares traités trois fois
ou plus a progressé, pour atteindre
25 %. Un quart des surfaces a reçu
un seul traitement et la moitié deux
applications. Le poste fongicides est
passé de 63 e/ha en 2011, à 78 e/ha
au printemps dernier, soit en
moyenne 39 e/ha pour un traitement unique, 73 e/ha pour deux et
101 e/ha pour trois passages.
pression
rouille brune
septoriose
rouille jaune
été présente sur une plus large zone,
avec parfois des symptômes atypiques peu sporulants. La présence
de pustules noires, de chloroses et
de nécroses a également été notée.
En outre, les symptômes ont souvent
été observés sur épis, preuve que
l’attaque a été conséquente. Arvalis
recommande d’éviter les variétés
qui se sont avérées sensibles à cette
maladie (Chevron, Alixan, Trapez,
Altigo, Ephoros, Hysun et Fairplay),
notamment dans les régions habituellement concernées en bordure
maritime nord.
Concernant la rouille brune, si les
attaques ont été localement fortes
(Sud-Est), elles ont été plus tardives
et moins fortes qu’en 2007. Cela s’explique par des conditions de fin de
cycle froides et pluvieuses. Arvalis
recommande pour l’an prochain de
surveiller les variétés Aerobic, Atlon
et Azerty incluant le gène de résistance LR 24, qui peut être contourné.
les SDHI sélectionnent Des Multirésistances
Les souches de S. Tritici
apparaissent moyennement
résistantes aux triazoles. Elles
sont par ailleurs faiblement
résistantes, voire sensibles
(façade atlantique) au
prochloraze (notamment
les IDM). Pourtant plusieurs
phénotypes émergents, plus
résistants à ces deux familles
de fongicides, sont observés
depuis quelques années. Ils
progressent encore lentement. L’étude d’échantillons
réalisée par le réseau Perfor-
mance (1) montre que leur
fréquence moyenne est passée de 6,2 % en 2011 à 8 %
en 2012. Les phénotypes dits
MDR (MultiDrug Resistant)
sont fortement résistants à
tous les IDM mais aussi, dans
une certaine mesure, aux strobilurines et aux SDHI. Leur fréquence dans les échantillons
analysés progresserait rapidement, passant de 10,6 % en
2011 à 20 % en 2012. Quant
aux phénotypes non MDR, ils
ne sont très résistants qu’à
coïncidé avec la floraison des blés.
Les températures fraîches à cette
même période ont favorisé F. graminearum et Microdochium sp,
davantage présentes. Cette dernière
a été remarquée sur feuille.
Microdochium favoOïdium et helminthosporiose.
risé. Les conditions de fin de cycle Quasi absents. Si l’oïdium a
ontFusarioses.
été favorables aux fusarioses ponctuellement être observé à l’aumais les pluies n’ont pas toujours
tomne comme au printemps sur des
certains IDM (pyrifenox, tébuconazole, fluquinconazole…).
Les derniers essais sur SDHI
ont confirmé les résultats de
2011 : une double application
augmente la proportion de
souches MDR. La fréquence
des souches émergentes étant
encore faible, l’efficacité des
solutions testées n’est pas
affectée.
(1) Sont associés pour ce réseau d’essais des organismes stockeurs, des
chambres d’agriculture, des firmes et
des instituts.
variétés sensibles comme Bermudes,
Alixan, Premio ou Dinosor, les pluies
lui ont été souvent fatales, en lessivant les spores. L’helminthosporiose
a pour sa part été quasi absente.
Par ailleurs, Aschochyta, une maladie liée aux températures froides
parfois confondue avec la septoriose, a souvent été observée. Elle
n’aurait pas d’incidence sur le rendement. n
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 53 - 23 novembre 2012
Dossier fongicides blé
3. Essais 2012 : les bons
résultats des SDHI confirmés
Arvalis a testé l’efficacité intrinsèque des produits soumis
à une forte pression des pathogènes.
Rouille jaune. Le bixafen en
retrait. Dans l’essai réalisé dans
le Calvados,
c’est Opus New à pleine
dose (1,5 l) qui obtient la meilleure
efficacité. A 1,6 l/ha, Bell Star obtient,
à coût égal, une efficacité équivalente
mais surtout une meilleure réponse
rendement, supérieure à celle
d’Opus New de plus de 8,5 q/ha.
Adexar ressort bien à 1 l/ha, ce qui
est moins le cas d’Aviator Xpro, qui
a donné en 2012 des résultats en
retrait aux deux doses testées (0,5
et 0,75 l), sur le plan de l’efficacité
comme celui du rendement. Le projet IZM 51 (isopyrazam) présente
des résultats intéressants, même à
demi-dose, équivalents à Adexar 1 l.
Rouille brune. Osiris Win,
meilleure triazole en rapport
qualité-prix.
Les deux essais réalisés
dans l’Aude et la Drôme confirment
ceux de 2011 concernant les SDHI,
qui ne s’avèrent pas indispensables
pour lutter efficacement contre la
rouille brune, même si Adexar étudié
à demi-dose (1 l/ha) présente un bon
niveau d’efficacité. L’isopyrazam a
fait bonne impression. Les triazoles,
associées entre elles (Osiris Win) ou à
une strobilurine (Fandango S, Priori
Xtra), sont très bien adaptées. En cas
de fortes attaques, les mélanges trois
voies triazole + SDHI + strobilurine
comme BAS 702 F et Viverda présentent les meilleurs efficacités et rendements, avec une grande souplesse de
dose et de positionnement. L’époxiconazole seul (Opus New 1,5 l)
ou associé au metconazole (Osiris
Win 2 l) rivalisent avec ces mélanges
trois voies.
P. CRAPON/GFA
L
es essais d’Arvalis conduits en
2012 sur blé tendre ont permis de comparer en curatif
(une seule application) l’efficacité des spécialités dans
un contexte favorable au développement des maladies. « Les produits
sont soumis à rude épreuve dans le
seul but de mieux exprimer leurs
points faibles comme leurs qualités,
souligne Arvalis. En programme et
en fonction de la pression parasitaire, les différences observées peuvent être plus modérées. » Le choix
des doses prend en compte le prix
des produits pour établir des comparaisons sur la base d’un même
coût par hectare.
Intérêt des SDHI en
association. Osiris Win s’impose
là Septoriose.
encore comme la nouvelle réfé-
rence triazole du marché avec un
bon rapport qualité-prix. C’est ce qui
ressort des cinq essais conduits par
Arvalis (voir l’infographie). A 1,5 l/ha,
il donne un résultat comparable à
Nouveautés : pas de grands chamboulements cette campagne
Viverda (boscalid + époxiconazole + pyraclostrobine) de BASF
Agro sera commercialisée pour
la première fois cette campagne.
La firme attend pour 2013-2014
l’homologation de BAS 663 F
(époxyconazole + prochloraze),
qui devrait se substituer au pack
Opus + Pyros EW, de BAS 712 F
(metconazole + fluxapyroxad),
de BAS 62702 F (époxyconazole
+ metconazole), une spécialité
proche d’Osiris Win, et enfin de
BAS 702 F (époxyconazole +
fluxapyroxad + pyraclostrobine).
En attendant que cette dernière
soit autorisée, BASF propose
Adexar et Comet 200 en pack
pour la campagne 2013.
Bayer CropScience a reçu l’homologation de Kestrel (Onnel), qui
sera disponible au printemps 2013.
Il est comparable à Prosaro. Pour
2013-2014, le projet F148 associe
du bixafen avec du prothioconazole et de la fluoxastrobine.
Cheminova commercialisera en
2013 Rubric, un produit générique identique à Opus dans sa
composition mais formulé diffé-
remment. Son intérêt reste son
prix très compétitif.
Dupont Solutions espère l’homologation de trois spécialités
pour la campagne 2013-2014, des
déclinaisons autour du penthiopyrad. La première associe
cette SDHI à du chlorothalonil
(DPX-QFA61). DPX-LEM17 sera
composé de penthiopyrad seul
et sera mis sur le marché en
pack avec Credo (chlorothalonil
+ picoxystrobine). La troisième
associera la SDHI à du cyproconazole (DPX-QEK67).
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 54 - 23 novembre 2012
Malgré la récente autorisation
par l’Union européenne de
l’isopyrasam, Syngenta Agro
estime que les trois projets qui
en découlent (IZM 51, IZM 85
et IZM 30) ne pourront être
disponibles que pour 2013-2014.
Ces produits associeront cette
nouvelle SDHI respectivement à
de l’époxyconazole, de l’azoxystrobine et du cyproconazole ou
bien à du cyprodinil. Même délai
pour M 7590, l’équivalent du
mélange Amistar + Horizon EW
prêt à l’emploi.
Meilleur gain net pour Adexar sur septoriose
Cinq essais dans les départements 02, 24, 27, 41, 56. Le gain net est calculé à partir du rendement
brut en déduisant le rendement du témoin et le coût du traitement avec un prix du blé à 200 €/t.
La nuisibilité était de 20,7 q.
Coût indicatif
Témoin
65,2 q/ha
* Les coûts indiqués sont ceux de 2011-2012.
QF A61 2 l
QF A61 1,5 l
IZM 51 0,8 l
IZM 51 0,5 l
Cherokee 2 l
Cherokee 1,4 l
Aviator Xpro 0,5 l + Bravo 1 l
F148 BCS 1,1 l
F148 BCS 0,7 l
Aviator Xpro 0,75 l
Aviator Xpro 0,5 l
BAS 702 F 1,25 l
BAS 702 F 0,75 l
BAS 712 F 1 l
BAS 712 F 0,6 l
Gain net
q/ha
+ 13,7
+ 11,3
+ 14,1
+ 15,1
+ 12,3
+ 19,5
Adexar 1 l
Sur septoriose,
Osiris Win s’impose
comme la nouvelle
référence triazole du
marché avec un bon
rapport qualité-prix
Opus New à pleine dose mais avec
10 E/ha de moins. Cette association
d’époxiconazole et de metconazole
donne aussi un très bon résultat à
demi-dose. Mais c’est encore mieux,
pour 3 à 5 E de plus, lorsqu’il est couplé avec du prochloraze (Pyros EW)
ou du chlorothalonil (Bravo par
exemple, mais le mélange n’est pas
encore homologué) en T1 à 1,25 l/ha.
Le très bon résultat obtenu pour
l’association avec le chlorothalonil
place cette solution sur un pied
d’égalité avec certaines solutions
SDHI comme Bell 0,7 + Pyros 0,7
ou encore Viverda 1 l. L’association
Opus New + Pyros EW (1,2 + 0,7)
confirme l’intérêt du prochloraze
en mélange : avec un coût similaire,
elle donne des résultats supérieurs
en efficacité et en rendement à la
pleine dose d’Opus New mais pour
7 E de moins.
Par ailleurs, 2012 confirme l’intérêt
des carboxamides en association.
Ils apportent un gain d’efficacité et
surtout un gain de rendement. Les
+ 16,5
+ 17,5
+ 15,4
+ 14,7
+ 17,5
+ 14,8
Mélange interdit
+ 17,7
+ 15,5
+ 15,2
+ 11,6
+ 12,5
+ 15,9
+ 14,1
Adexar 0,6 l
Viverda 1,6 l
Viverda 1 l
Bell 0,7 l + Pyros EW 0,7 l
Bell Star 1,6 l
Bell Star 1 l
Osiris Win 1,25 l + Bravo 1 l
Osiris Win 1,25 l + Pyros EW 0,7 l
Osiris Win 1,5 l
Opus New 0,6 l + Pyros EW 0,7 l
Opus New 0,9 l + Pyros EW 0,7 l
Opus New 1,2 l + Pyros EW 0,7 l
Opus New 1,5 l
0
innovations Adexar, Aviator Xpro,
Skyway Xpro, Bell Star, Viverda
sont compétitives par rapport aux
solutions plus classiques comme
Opus New + prochloraze. Adexar
1 l/ha (53 E) a la palme du meilleur
gain net dans les essais. Et à 0,6 l/ha
(32 E), cette spécialité dépasse
très nettement l’association Opus
New 0,6 + Pyros 0,7 (31 E). Adexar
devance Aviator Xpro en essai
avec une seule application mais
les deux produits font jeu égal en
programme. « En curatif, le prothioconazole contenu dans Aviator Xpro
est moins bon que l’époxyconazole,
il n’est donc pas favorisé dans les
essais cette année », note-t-on chez
Arvalis.
Quant aux spécialités en projet
pour 2014, IZM 51 et QFA 61, elles
sont au niveau des références du
marché comme Cherokee mais
inférieures aux SDHI déjà homologués sur septoriose. BAS 702 F reste
proche d’Adexar. En revanche, une
bonne synergie du fluxapyroxad et
20
40
60
65
Rendement
brut q/ha
78,8
76,9
83,2
79,7
42
81,0
29,4
78,0
45
81,5
83,4
79,5
53
82,9
35
79,3
87,8
84,7
88,2
84,6
53
87,4
32
83,3
62
85,9
39
82,6
40
81,9
52
85,3
33
81,6
84,9
42
82,8
36
82,2
31
78,5
41
79,8
51
83,7
50
81,8
80 q/ha 100
du metconazole est observée avec
BAS 712 F. « C’est la surprise de
l’année, considère Jean-Yves Maufras, spécialiste des fongicides chez
Arvalis. Mais on sait que le metconazole est plus curatif que l’époxyconazole. »
Fusariose. Toujours le prothioconazole. Quatre essais ont été
réalisés
en 2012, deux pour l’éva-
luation de l’efficacité des fongicides
contre F. graminearum (Dordogne et
Haute-Garonne), deux autres contre
Microdochium spp (Loir-et-Cher et
Essonne). Sur la première espèce,
les meilleurs résultats sont obtenus
avec le nouveau produit Kestrel et
Prosaro. « A 0,5 l, les résultats obtenus avec ces deux produits restent
comparables à ceux obtenus par la
référence Horizon EW à pleine dose,
mais avec 10 E de moins », souligne
Arvalis. Contre Microdochium, Kestrel et Prosaro sont aussi supérieurs.
Cependant, à dose réduite, ils perdent en efficacité. n
LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 55 - 23 novembre 2012
du programme *
en ¤ /ha