Comment les innovations ont passé l`épreuve du feu
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Comment les innovations ont passé l`épreuve du feu
Dossier C. THIRIET Composer Retour Essais 2012 : 1. 2. un programme à une année 3. les bons résultats antirésistances. P. 48 de forte pression. P. 52 des SDHI confirmés. P. 54 Fongicides blé Comment les innovations ont passé l’épreuve du feu La précédente campagne, les maladies du pied comme du feuillage s’en sont donné à cœur joie sur blé. La nuisibilité moyenne nationale a été estimée par Arvalis à 25 q/ha, alors que les deux années précédentes, elle ne dépassait pas 10 q/ha. Avec cette forte pression, il a été possible de mieux jauger les SDHI, fongicides de la famille des carboxamides, arrivés depuis peu sur le marché. Ainsi, s’ils ressortent bien sur les maladies du feuillage, l’institut invite à ne les utiliser qu’une seule fois par saison pour assurer leur longévité. Il ne faudrait pas reproduire ce qui s’est passé avec LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 47 - 23 novembre 2012 les strobilurines, les résistances étant arrivées moins de dix ans après leur lancement. Les SDHI seront donc à intégrer dans les programmes avec des triazoles, des strobilurines, du prochloraze ou du chlorothalonil. Par Isabelle Escoffier et Céline Fricotté Dossier fongicides blé : comment les innovations ont passé l’épreuve du feu 1. Composer un programme antirésistances Le choix des produits permet de diversifier les matières actives tout en atteignant l’optimum économique. Ne pas attendre pour traiter En présence de foyers actifs de rouille jaune (pustules pulvérulentes), mieux vaut traiter tout de suite spécifiquement sans attendre le stade d’intervention idéal contre la septoriose. Deux essais réalisés par Arvalis en Bretagne en 2012 sur variété sensible ont montré qu’en traitant tôt, il était possible de gagner 11 à 14 q/ha pour un investissement de 20 €/ha. Arvalis conseille les triazoles comme Osiris Win 0,8 l/ha ou Opus new 0,6 l/ha… ter légèrement l’investissement en fongicides en acceptant d’investir un peu plus au profit de cette nouvelle famille chimique. Intégrer les Sdhi Les conditions climatiques de 2012 étaient propices pour affiner le profil des SDHI nouvelle génération (Adexar, Aviator Xpro), arrivés en fanfare sur le marché l’an dernier. Leur potentiel respectif a pu être observé en situation de forte pression de maladies (lire page 54). Ces innovations confirment un réel progrès en termes d’efficacité et de rendement. Du fait de leur coût élevé, les produits ont été utilisés à une dose proche de 50 % de celle homologuée, « un constat jamais observé en année de lancement », souligne Arvalis. Sur blé tendre, l’arrivée du bixafen et du fluxapyroxad s’est traduite, selon les panels, par une forte augmentation du pourcentage d’hectares ayant reçu un SDHI, passant de 26 % en 2011 à 45 % en 2012. Ainsi, près d’un hectare sur deux a reçu un SDHI au printemps dernier ! Et 70 % sont prévus en 2013. En 2014, deux nouvelles Packs : une offre prête à l’emploi Il est compliqué de faire un inventaire précis des packs fongicides disponibles tant l’offre est conséquente. En effet, presque toutes les firmes phytosanitaires et certains organismes stockeurs en proposent. Pour les entreprises, les packs permettent d’associer des produits sans créer de dossier d’homologation, ou bien en attendant qu’un produit prêt en l’emploi soit homologué. Pour l’exploitant, ils permettent de toucher plusieurs maladies à la fois et surtout d’alterner les modes d’action. L’objectif est d’éviter l’apparition de souches résistantes en associant, par exemple, du chlorothanonil. Les packs sont encore plus développés depuis l’arrivée des SDHI afin d’éviter les mêmes dérives d’efficacité qu’avec les strobilurines, il y a quelques années. C’est aussi l’assu- rance de répondre aux exigences réglementaires en termes de mélange phytosanitaire et à des prix souvent plus avantageux que les spécialités seules. Les packs répondent ainsi aux pratiques des agriculteurs mais aussi aux problématiques locales avec, selon les firmes, des doses ad hoc en fonction de la pression des maladies. Arvalis estime pourtant que ces doses ne sont pas toujours optimales. LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 48 - 23 novembre 2012 S. CHAMPION rouille jaune de la nuisibilité attendue sur feuilles : à 20 q/ha, la dépense fongicide idéale s’échelonne de 56 à 91 E/ha selon le prix du blé. Pour 200 E/t, la dépense idéale serait de 80 E/ha. Celle-ci tombe à 64 E/ha pour une nuisibilité de 15 q/ha et à 97 E/ha pour une nuisibilité de 25 q/ha. En 2012, la dépense fongicide moyenne a été de 78 E/ha, en deçà donc de l’optimum économique. L’introduction des SDHI (ou carboxamides) dans les programmes de traitement, même s’ils sont plus chers que les solutions existantes, ne doit changer en rien la dépense fongicide idéale. Ils font certes gagner des quintaux, d’autant plus si la nuisibilité est importante mais, selon Arvalis, « il n’y a aucune raison a priori de dépenser plus sous prétexte d’introduire un SDHI dans le programme. C’est la pression parasitaire qui détermine le niveau d’investissement. » Le raisonnement est plutôt : « Si je veux investir 80 E/ha, mieux vaut que j’investisse dans un SDHI. » La question peut toutefois se poser, dans le contexte actuel d’embellie du prix des céréales, d’augmen- J.-M. NOSSANT L a stratégie fongicide contre les maladies foliaires du blé doit être élaborée en fonction des plus nuisibles de la région et de la tolérance des variétés à ces maladies. Le programme prévisionnel, généralement calé sur deux ou trois interventions, sera ajusté à la hausse ou à la baisse en cours de campagne en fonction du contexte climatique, de la parcelle (date et densité de semis, gestion des résidus…) et de la pression des maladies. « Le positionnement des traitements est également un enjeu déterminant », alerte Arvalis, qui l’estime de 5 à 10 q en année de moyenne pression. Le choix des produits doit aussi prendre en compte le prix du blé et celui des produits. Or, selon Arvalis, « le prix des fongicides céréales pourrait connaître une hausse significative cette année ». En France, les pertes de rendement dues aux maladies foliaires s’établissent à 16,5 q/ha en moyenne sur les dix dernières années, avec de fortes amplitudes (27,1 q/ha en 2008 et 8,3 q/ha en 2011). Il faut donc calibrer la fourchette d’investissement en fonction « Il n’y a aucune raison a priori de dépenser plus sous prétexte d’introduire un SDHI dans le programme », estime Arvalis molécules devraient arriver sur le marché, l’isopyrazam et le penthiopyrad. Toutefois, l’époxiconazole, avec le prothioconazole et le prochloraze, restent les trois matières actives les plus utilisées sur céréales. Pour cette campagne, les SDHI seront donc encore au cœur des programmes, les nouveautés homologuées récemment n’apportant pas de bouleversement majeur. A coût équivalent, les carboxamides nouvelle génération figurent parmi les meilleures spécialités du moment. A condition d’adapter les doses au niveau de pression des maladies, en substituant 1 E de fongicide classique par 1 E de SDHI. Les solutions hors SDHI ne sont pas pour autant hors-jeu et trouvent leur place au premier traitement. Certaines présentent sur septoriose un rapport qualité-prix équivalent à celui des carboxamides. Par exemple, Osiris Win (époxiconazole + metconazole) + Bravo (chlorothalonil) rivalisent avec Adexar. Mais il faudra attendre 2014 pour utiliser ce mélange non encore autorisé (lire l’encadré page 49). Sur rouille brune, les strobilurines associées à des triazoles conservent un réel Mélanges : Premier dossier autorisé Le mélange Swing Gold 0,75 l (dimoxystrobine + époxiconazole) + Caramba Star 0,5 l (metconazole) a été homologué cette année. C’est une première depuis la mise en place de la réglementation. Ce mélange était jusqu’alors interdit du fait de la présence de la même phrase de risque R40 dans ses deux composants. Selon Arvalis, il est du même niveau que Swing Gold solo en termes d’efficacité. Cette homologation pourrait ouvrir la porte à d’autres. Deux dossiers sont en effet en attente depuis longtemps. Celui de BASF porte sur le mélange Osiris Win 1,5 l + Bravo 1 l. Cette demande pourrait aboutir en 2013 pour une utilisation en 2014. Les résultats d’essais sont très prometteurs sur septoriose en T1 car le mélange allie la « préventivité » du chlorothalonil et la « curativité » de l’époxiconazole et du metconazole (lire page 54). Autre mélange intérêt dans les situations à risque (variétés sensibles, régions régulièrement touchées…). Différents modes d’action « Les SDHI ne méritent donc pas d’être généralisées », soutient Arvalis, qui réitère aussi sa recommandation de ne pas utiliser plus d’un carboxamide (boscalid, bixafen, fluxapyroxad) par campagne. L’objectif étant de réduire les risques d’apparition de résistances à ces molécules afin attendu : Opus 0,5 l/ha + Bravo Premium 2 l/ha, demandé par Syngenta. La firme espère recevoir l’autorisation en fin d’année. Selon elle, ce mélange s’utilise déjà beaucoup en Angleterre et en Irlande. « Cette offre supplémentaire permet d’alterner les modes d’action pour éviter l’apparition de souches résistantes », affirme Syngenta. Selon Arvalis, cette solution serait plus efficace que Cherokee. de les faire durer le plus longtemps possible. Les SDHI sont en effet des substances actives à risque vis-à-vis de résistances spécifiques. « Cette année en France, avec une nuisibilité de 26 q/ha, l’application d’un deuxième SDHI aurait permis de gagner 2 q/ha bruts supplémentaires. Mais en année à faible pression, ce n’est pas le cas. Nous conseillons donc de n’en utiliser qu’un seul dans la saison », explique Jean-Claude Maufras, spécialiste des fongicides chez Arva- LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 49 - 23 novembre 2012 ••• Dossier fongicides blé : comment les innovations ont passé l’épreuve du feu ••• lis, qui ajoute : « En Irlande, ils ont Chlorothalonil et prochloraze en T1 Le chlorothalonil ainsi que le prochloraze confirment en effet leur intérêt technico-économique pour lutter contre la septoriose, en renforçant l’efficacité des triazoles. Le positionnement naturel des SDHI en T2 « pousse » finalement ces associations triazoles + prochloraze ou chlorothalonil plutôt en T1. « Opus New + Pyros ou Cherokee risquent d’être soumis plus durement à la concurrence s’ils sont positionnés en T2 », argumente Jean-Yves Maufras. Les SDHI seront donc plutôt appliqués en T2 dans le cadre d’un programme à deux ou trois traitements, associés ou non à une triazole. Les carboxamides peuvent être aussi valorisés en positionnement unique, dans un contexte de faible pression et d’arrivée tardive des maladies. Ils n’ont pas une grande efficacité sur la fusariose de l’épi et n’ont donc pas leur place en T3. A l’inverse, ces nouvelles matières actives pourraient occuper le segment des T1. Mais attention dans ce cas à l’alternance des modes d’action des substances actives : ce segment est déjà occupé par les associations à base de chlorothalonil à positionner à ce stade. A noter par ailleurs que les programmes Cherokee + Aviator Xpro (0,6 l) et Cherokee puis Adexar (0,8 l) donnent des résultats identiques pour un coût similaire. L’écart observé dans les essais en faveur d’Adexar se resserre donc en pro- C. WATIER raison d’appliquer deux SDHI car la nuisibilité est de 80 q/ha ! » Dans l’Hexagone, en cas de forte pression de maladies, mieux vaut renforcer le T1 en changeant de produit ou en renforçant la dose. Les strobilurines et le prochloraze doivent aussi être limités à une seule pulvérisation par campagne. Quant aux triazoles, il convient de les alterner au cours du printemps, en évitant d’utiliser deux fois la même substance active. « Finalement, il n’y a pas tant de solutions possibles pour établir son programme », estime Jean-Yves Maufras. On peut commencer par choisir le produit du T3, une triazole par exemple (Prosaro…), faire un SDHI en T2 (Adexar...) et en T1 un chlorothalonil (Cherokee), fongicide multisite qui présente un risque de résistances limité. traitements du feuillage : adjuvants possibles Jusqu’à présent, dans ses essais, Arvalis ne semblait pas avoir démontré d’intérêt à l’ajout d’un adjuvant à une bouillie fongicide. Pourtant, de récentes expérimentations (1) menées sur septoriose du blé durant trois années dans le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie ne vont pas dans le même sens. « Si, avec une dose habituelle de 150 l/ha, l’ajout d’adjuvant a rarement d’effet, c’est l’inverse en cas de baisse de volume ou de dose, ceci d’autant plus lorsque les deux sont diminués », rapporte Thierry Denis, ingénieur régional Arvalis en Picardie. Les adjuvants permettraient donc de compenser la baisse d’efficacité dans le cas d’une quantité plus faible de produit, d’eau ou avec des conditions climatiques limitantes. Leur intérêt serait par ailleurs réel les années de faible pression de la maladie et lorsque le prix du blé est moyen, voire bas. En revanche, dans un contexte similaire à la campagne 20112012 (beaucoup de maladies et des prix élevés), Arvalis estime qu’il est plus raisonnable de ne pas baisser la dose de fongicide. Historiquement, l’adjonction d’un adjuvant à un fongicide céréales se faisait plutôt à l’épiaison pour permettre à la gramme : Aviator Xpro n’est plus placé en curatif et Cherokee en T1 a fait son travail. Peu utiles contre la septoriose, les strobilurines (50 à 75 g/ha) peuvent trouver leur place en T2 en complément des triazoles, du stade dernière feuille au stade épiaison, pour contrôler la rouille brune. En PoitouCharentes ou en Bretagne, sur un complexe septoriose-rouille brune, le mélange trois voies triazoles-SDHIstrobilurine sera à privilégier. En T3, mieux vaut éviter l’azoxystrobine et la picoxystrobine dans les situations où le risque est avéré. Dans ce cas, Arvalis conseille une bouillie de mieux atteindre le cœur de l’épi et donc d’avoir une meilleure efficacité sur les fusarioses. Depuis quelques temps, des firmes proposent également des adjuvants sur le créneau des maladies du feuillage, comme la septoriose. C’est le cas de JouffrayDrillaud, avec par exemple Cantor, qui permet d’augmenter la pénétration des produits, notamment en conditions limitantes (temps peu poussant, fenêtre d’intervention courte…). (1) En partenariat avec Arvalis, des chambres d’agriculture, des coopératives et négoces, des Ceta et une firme phytosanitaire. triazole antifusarium seule : Prosaro reste le meilleur compromis qualitéprix quelle que soit la dose (entre 0,5 et 1 l/ha en fonction du risque à couvrir et de l’investissement consenti). Il est aussi possible d’utiliser Swing Gold (dimoxystrobine) ou Fandango S (fluoxastrobine), les résultats récents ayant montré que les effets négatifs observés sur la qualité sanitaire étaient généralement absents ou peu marqués. En situation de forte pression de septoriose, le traitement antifusariose doit également être efficace contre la maladie foliaire (avec un prothioconazole ou un metconazole). n LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 50 - 23 novembre 2012 Dossier fongicides blé : comment les innovations ont passé l’épreuve du feu 2. Retour à une année de forte Les attaques de maladies, septoriose en tête, ont été souvent tardives et très intenses. vidéos Clefs de reconnaissance Arvalis propose sur www.arvalistv.fr, des vidéos visant notamment à mieux identifier les maladies. ROUILLE jaune Invasion spectaculaire d’une nouvelle race Remarquée pour la première fois en 2011, la rouille jaune Warrior/ Ambition représenterait désormais 95 % de la population française. Cette invasion simultanée (Royaume-Uni, Allemagne, Scandinavie, France et Espagne) est jugée spectaculaire. Elle serait le fait d’une race exotique. Si la majorité des variétés du marché garde un bon niveau de résistance partielle, Hystar, Allez-y, Expert, Arkeos, Selekt et surtout Ephoros seraient beaucoup plus sensibles à Warrior/Ambition. Arvalis estime que cette race est très virulente et très nuisible sur toutes les espèces mais qu’elle est encore bien contrôlée. Septoriose. Des symptômes tardifs. La septoriose demeure la maladie qui fait le plus de dégâts. En 2012, Arvalis évalue sa nuisibilité à au moins 20 q/ha. Cette dernière irait localement jusqu’à plus de 35 q/ha, notamment en présence de fortes pluviométries. Comme pour d’autres maladies présentes très précocement, l’inoculum de septoriose a survécu, malgré les températures négatives de début d’année. Les symptômes sont apparus sur les feuilles basses mais ont surtout explosé tardivement, à la sortie de la dernière feuille. Rouilles. La zone s’élargit. A l’automne, l’inoculum de la rouille jaune a été particulièrement fort du fait du climat doux mais s’expliquerait aussi par la présence d’une nouvelle race Warrior/Ambition (lire ci-dessus). Il semble que la rouille jaune ne peut survivre sur des tissus morts mais elle a redémarré au printemps sur les feuilles restantes. Au final, elle a Les conditions climatiques rencontrées au cours de la précédente campagne ont favorisé les champignons dans le sol et les résidus. Certaines attaques ont été très précoces, parfois moins visibles que d’habitude, mais élevées. S’il passe généralement inaperçu, le rhizoctone a été très virulent. Le froid a affecté certaines plantes et donc favorisé son installation. Dans de nombreuses régions, des épis blancs isolés, échaudés, voire de la verse ont été observés. Ces symptômes ont été remarqués dans la région Centre sur des variétés comme Garcia ou Arlequin. Les pertes ont ponctuellement atteint plus de 15 q/ha. Les semis précoces et les températures excédentaires ont été favorables au piétin échaudage. Il est apparu très tôt, y compris sur des espèces comme l’orge. Ces attaques sont passées inaperçues compte tenu des conditions humides de fin de cycle pas toujours propices à l’échaudage, voire confondues avec d’autres symptômes comme la jaunisse nanisante de l’orge. Au final, des épis blancs étaient visibles en rond dans les parcelles et ont impacté le potentiel jusqu’à 40 q/ha. Les attaques de fusariose sur tiges (Fusarium graminearum) ont été favorisées par les conditions fraîches et humides de fin de cycle. Elles ont fortement affecté le rendement, notamment en Bretagne. Les épis ont été échaudés, le bas des tiges présentait des nécroses brunes et un mycelium blanchâtre LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 52 - 23 novembre 2012 P. CRAPON/GFA Maladies du pied : un cortège d’épis échaudés Le froid a favorisé le rhizoctone. Des épis blancs isolés ont été remarqués dans la région Centre sur certaines variétés. est apparu sur les nœuds, voire le col de l’épi. Le piétin verse n’a été observé que sur les variétés les plus sensibles, dans les sols de limons battants et dans le cas d’implantations précoces. AR VA LIS A près deux campagnes calmes, les blés ont subi une forte pression des maladies en 2011-2012. L’automne et l’hiver ont été exceptionnellement doux, favorisant les pathogènes. Puis les températures très froides de février et le climat doux et sec de mars ont créé des conditions défavorables. En avril, une période de pluies a permis aux maladies de se développer. Arvalis estime leur nuisibilité à 25 q/ha, soit l’une des plus élevées des dix dernières années. Les régions Bretagne, Basse-Normandie, Centre et Rhône-Alpes ont vu cette nuisibilité proche ou légèrement supérieure à 30 q/ha. La Haute-Normandie et le Nord-Pas-de-Calais étaient les régions les plus touchées, avec respectivement 35,8 q/ha et 33,7 q/ha. Par conséquent, les exploitants ont augmenté le nombre de passages. Toutes céréales confondues, le nombre d’hectares traités trois fois ou plus a progressé, pour atteindre 25 %. Un quart des surfaces a reçu un seul traitement et la moitié deux applications. Le poste fongicides est passé de 63 e/ha en 2011, à 78 e/ha au printemps dernier, soit en moyenne 39 e/ha pour un traitement unique, 73 e/ha pour deux et 101 e/ha pour trois passages. pression rouille brune septoriose rouille jaune été présente sur une plus large zone, avec parfois des symptômes atypiques peu sporulants. La présence de pustules noires, de chloroses et de nécroses a également été notée. En outre, les symptômes ont souvent été observés sur épis, preuve que l’attaque a été conséquente. Arvalis recommande d’éviter les variétés qui se sont avérées sensibles à cette maladie (Chevron, Alixan, Trapez, Altigo, Ephoros, Hysun et Fairplay), notamment dans les régions habituellement concernées en bordure maritime nord. Concernant la rouille brune, si les attaques ont été localement fortes (Sud-Est), elles ont été plus tardives et moins fortes qu’en 2007. Cela s’explique par des conditions de fin de cycle froides et pluvieuses. Arvalis recommande pour l’an prochain de surveiller les variétés Aerobic, Atlon et Azerty incluant le gène de résistance LR 24, qui peut être contourné. les SDHI sélectionnent Des Multirésistances Les souches de S. Tritici apparaissent moyennement résistantes aux triazoles. Elles sont par ailleurs faiblement résistantes, voire sensibles (façade atlantique) au prochloraze (notamment les IDM). Pourtant plusieurs phénotypes émergents, plus résistants à ces deux familles de fongicides, sont observés depuis quelques années. Ils progressent encore lentement. L’étude d’échantillons réalisée par le réseau Perfor- mance (1) montre que leur fréquence moyenne est passée de 6,2 % en 2011 à 8 % en 2012. Les phénotypes dits MDR (MultiDrug Resistant) sont fortement résistants à tous les IDM mais aussi, dans une certaine mesure, aux strobilurines et aux SDHI. Leur fréquence dans les échantillons analysés progresserait rapidement, passant de 10,6 % en 2011 à 20 % en 2012. Quant aux phénotypes non MDR, ils ne sont très résistants qu’à coïncidé avec la floraison des blés. Les températures fraîches à cette même période ont favorisé F. graminearum et Microdochium sp, davantage présentes. Cette dernière a été remarquée sur feuille. Microdochium favoOïdium et helminthosporiose. risé. Les conditions de fin de cycle Quasi absents. Si l’oïdium a ontFusarioses. été favorables aux fusarioses ponctuellement être observé à l’aumais les pluies n’ont pas toujours tomne comme au printemps sur des certains IDM (pyrifenox, tébuconazole, fluquinconazole…). Les derniers essais sur SDHI ont confirmé les résultats de 2011 : une double application augmente la proportion de souches MDR. La fréquence des souches émergentes étant encore faible, l’efficacité des solutions testées n’est pas affectée. (1) Sont associés pour ce réseau d’essais des organismes stockeurs, des chambres d’agriculture, des firmes et des instituts. variétés sensibles comme Bermudes, Alixan, Premio ou Dinosor, les pluies lui ont été souvent fatales, en lessivant les spores. L’helminthosporiose a pour sa part été quasi absente. Par ailleurs, Aschochyta, une maladie liée aux températures froides parfois confondue avec la septoriose, a souvent été observée. Elle n’aurait pas d’incidence sur le rendement. n LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 53 - 23 novembre 2012 Dossier fongicides blé 3. Essais 2012 : les bons résultats des SDHI confirmés Arvalis a testé l’efficacité intrinsèque des produits soumis à une forte pression des pathogènes. Rouille jaune. Le bixafen en retrait. Dans l’essai réalisé dans le Calvados, c’est Opus New à pleine dose (1,5 l) qui obtient la meilleure efficacité. A 1,6 l/ha, Bell Star obtient, à coût égal, une efficacité équivalente mais surtout une meilleure réponse rendement, supérieure à celle d’Opus New de plus de 8,5 q/ha. Adexar ressort bien à 1 l/ha, ce qui est moins le cas d’Aviator Xpro, qui a donné en 2012 des résultats en retrait aux deux doses testées (0,5 et 0,75 l), sur le plan de l’efficacité comme celui du rendement. Le projet IZM 51 (isopyrazam) présente des résultats intéressants, même à demi-dose, équivalents à Adexar 1 l. Rouille brune. Osiris Win, meilleure triazole en rapport qualité-prix. Les deux essais réalisés dans l’Aude et la Drôme confirment ceux de 2011 concernant les SDHI, qui ne s’avèrent pas indispensables pour lutter efficacement contre la rouille brune, même si Adexar étudié à demi-dose (1 l/ha) présente un bon niveau d’efficacité. L’isopyrazam a fait bonne impression. Les triazoles, associées entre elles (Osiris Win) ou à une strobilurine (Fandango S, Priori Xtra), sont très bien adaptées. En cas de fortes attaques, les mélanges trois voies triazole + SDHI + strobilurine comme BAS 702 F et Viverda présentent les meilleurs efficacités et rendements, avec une grande souplesse de dose et de positionnement. L’époxiconazole seul (Opus New 1,5 l) ou associé au metconazole (Osiris Win 2 l) rivalisent avec ces mélanges trois voies. P. CRAPON/GFA L es essais d’Arvalis conduits en 2012 sur blé tendre ont permis de comparer en curatif (une seule application) l’efficacité des spécialités dans un contexte favorable au développement des maladies. « Les produits sont soumis à rude épreuve dans le seul but de mieux exprimer leurs points faibles comme leurs qualités, souligne Arvalis. En programme et en fonction de la pression parasitaire, les différences observées peuvent être plus modérées. » Le choix des doses prend en compte le prix des produits pour établir des comparaisons sur la base d’un même coût par hectare. Intérêt des SDHI en association. Osiris Win s’impose là Septoriose. encore comme la nouvelle réfé- rence triazole du marché avec un bon rapport qualité-prix. C’est ce qui ressort des cinq essais conduits par Arvalis (voir l’infographie). A 1,5 l/ha, il donne un résultat comparable à Nouveautés : pas de grands chamboulements cette campagne Viverda (boscalid + époxiconazole + pyraclostrobine) de BASF Agro sera commercialisée pour la première fois cette campagne. La firme attend pour 2013-2014 l’homologation de BAS 663 F (époxyconazole + prochloraze), qui devrait se substituer au pack Opus + Pyros EW, de BAS 712 F (metconazole + fluxapyroxad), de BAS 62702 F (époxyconazole + metconazole), une spécialité proche d’Osiris Win, et enfin de BAS 702 F (époxyconazole + fluxapyroxad + pyraclostrobine). En attendant que cette dernière soit autorisée, BASF propose Adexar et Comet 200 en pack pour la campagne 2013. Bayer CropScience a reçu l’homologation de Kestrel (Onnel), qui sera disponible au printemps 2013. Il est comparable à Prosaro. Pour 2013-2014, le projet F148 associe du bixafen avec du prothioconazole et de la fluoxastrobine. Cheminova commercialisera en 2013 Rubric, un produit générique identique à Opus dans sa composition mais formulé diffé- remment. Son intérêt reste son prix très compétitif. Dupont Solutions espère l’homologation de trois spécialités pour la campagne 2013-2014, des déclinaisons autour du penthiopyrad. La première associe cette SDHI à du chlorothalonil (DPX-QFA61). DPX-LEM17 sera composé de penthiopyrad seul et sera mis sur le marché en pack avec Credo (chlorothalonil + picoxystrobine). La troisième associera la SDHI à du cyproconazole (DPX-QEK67). LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 54 - 23 novembre 2012 Malgré la récente autorisation par l’Union européenne de l’isopyrasam, Syngenta Agro estime que les trois projets qui en découlent (IZM 51, IZM 85 et IZM 30) ne pourront être disponibles que pour 2013-2014. Ces produits associeront cette nouvelle SDHI respectivement à de l’époxyconazole, de l’azoxystrobine et du cyproconazole ou bien à du cyprodinil. Même délai pour M 7590, l’équivalent du mélange Amistar + Horizon EW prêt à l’emploi. Meilleur gain net pour Adexar sur septoriose Cinq essais dans les départements 02, 24, 27, 41, 56. Le gain net est calculé à partir du rendement brut en déduisant le rendement du témoin et le coût du traitement avec un prix du blé à 200 €/t. La nuisibilité était de 20,7 q. Coût indicatif Témoin 65,2 q/ha * Les coûts indiqués sont ceux de 2011-2012. QF A61 2 l QF A61 1,5 l IZM 51 0,8 l IZM 51 0,5 l Cherokee 2 l Cherokee 1,4 l Aviator Xpro 0,5 l + Bravo 1 l F148 BCS 1,1 l F148 BCS 0,7 l Aviator Xpro 0,75 l Aviator Xpro 0,5 l BAS 702 F 1,25 l BAS 702 F 0,75 l BAS 712 F 1 l BAS 712 F 0,6 l Gain net q/ha + 13,7 + 11,3 + 14,1 + 15,1 + 12,3 + 19,5 Adexar 1 l Sur septoriose, Osiris Win s’impose comme la nouvelle référence triazole du marché avec un bon rapport qualité-prix Opus New à pleine dose mais avec 10 E/ha de moins. Cette association d’époxiconazole et de metconazole donne aussi un très bon résultat à demi-dose. Mais c’est encore mieux, pour 3 à 5 E de plus, lorsqu’il est couplé avec du prochloraze (Pyros EW) ou du chlorothalonil (Bravo par exemple, mais le mélange n’est pas encore homologué) en T1 à 1,25 l/ha. Le très bon résultat obtenu pour l’association avec le chlorothalonil place cette solution sur un pied d’égalité avec certaines solutions SDHI comme Bell 0,7 + Pyros 0,7 ou encore Viverda 1 l. L’association Opus New + Pyros EW (1,2 + 0,7) confirme l’intérêt du prochloraze en mélange : avec un coût similaire, elle donne des résultats supérieurs en efficacité et en rendement à la pleine dose d’Opus New mais pour 7 E de moins. Par ailleurs, 2012 confirme l’intérêt des carboxamides en association. Ils apportent un gain d’efficacité et surtout un gain de rendement. Les + 16,5 + 17,5 + 15,4 + 14,7 + 17,5 + 14,8 Mélange interdit + 17,7 + 15,5 + 15,2 + 11,6 + 12,5 + 15,9 + 14,1 Adexar 0,6 l Viverda 1,6 l Viverda 1 l Bell 0,7 l + Pyros EW 0,7 l Bell Star 1,6 l Bell Star 1 l Osiris Win 1,25 l + Bravo 1 l Osiris Win 1,25 l + Pyros EW 0,7 l Osiris Win 1,5 l Opus New 0,6 l + Pyros EW 0,7 l Opus New 0,9 l + Pyros EW 0,7 l Opus New 1,2 l + Pyros EW 0,7 l Opus New 1,5 l 0 innovations Adexar, Aviator Xpro, Skyway Xpro, Bell Star, Viverda sont compétitives par rapport aux solutions plus classiques comme Opus New + prochloraze. Adexar 1 l/ha (53 E) a la palme du meilleur gain net dans les essais. Et à 0,6 l/ha (32 E), cette spécialité dépasse très nettement l’association Opus New 0,6 + Pyros 0,7 (31 E). Adexar devance Aviator Xpro en essai avec une seule application mais les deux produits font jeu égal en programme. « En curatif, le prothioconazole contenu dans Aviator Xpro est moins bon que l’époxyconazole, il n’est donc pas favorisé dans les essais cette année », note-t-on chez Arvalis. Quant aux spécialités en projet pour 2014, IZM 51 et QFA 61, elles sont au niveau des références du marché comme Cherokee mais inférieures aux SDHI déjà homologués sur septoriose. BAS 702 F reste proche d’Adexar. En revanche, une bonne synergie du fluxapyroxad et 20 40 60 65 Rendement brut q/ha 78,8 76,9 83,2 79,7 42 81,0 29,4 78,0 45 81,5 83,4 79,5 53 82,9 35 79,3 87,8 84,7 88,2 84,6 53 87,4 32 83,3 62 85,9 39 82,6 40 81,9 52 85,3 33 81,6 84,9 42 82,8 36 82,2 31 78,5 41 79,8 51 83,7 50 81,8 80 q/ha 100 du metconazole est observée avec BAS 712 F. « C’est la surprise de l’année, considère Jean-Yves Maufras, spécialiste des fongicides chez Arvalis. Mais on sait que le metconazole est plus curatif que l’époxyconazole. » Fusariose. Toujours le prothioconazole. Quatre essais ont été réalisés en 2012, deux pour l’éva- luation de l’efficacité des fongicides contre F. graminearum (Dordogne et Haute-Garonne), deux autres contre Microdochium spp (Loir-et-Cher et Essonne). Sur la première espèce, les meilleurs résultats sont obtenus avec le nouveau produit Kestrel et Prosaro. « A 0,5 l, les résultats obtenus avec ces deux produits restent comparables à ceux obtenus par la référence Horizon EW à pleine dose, mais avec 10 E de moins », souligne Arvalis. Contre Microdochium, Kestrel et Prosaro sont aussi supérieurs. Cependant, à dose réduite, ils perdent en efficacité. n LA FRANCE AGRICOLE 3462 - 55 - 23 novembre 2012 du programme * en ¤ /ha