I. Le transfert d`argent reçu en tant que don ou cotisation

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I. Le transfert d`argent reçu en tant que don ou cotisation
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TRANSFERTS DE FONDS ENTRE ASSOCIATIONS
En dehors des règles de comptabilité ordinaires qui s’appliquent aux associations, même celles qui
entreprennent de manière régulière des activités commerciales, il existe des contrôles spéciaux de l’utilisation
et du transfert des fonds. Une grande partie du droit en vigueur est le fruit du climat politique des années
1900 et traite en détail des associations cultuelles. Les autres associations sont gouvernées par l’interprétation
fait par la jurisprudence et la doctrine de l’article 314-1 du Code pénal, sur l’abus de confiance (I) et du décretloi du 2 mai 1938 sur les subventions publiques aux associations (II).
I.
Le transfert d’argent reçu en tant que don ou cotisation
Selon l’article 314-1 du Code pénal, « L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner,
au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à
charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé. » En ce qui concerne les
associations, ceci est interprété comme stipulant que les fonds récoltés doivent être utilisés conformément à
l’engagement pris à leur égard38. Autrement dit, des fonds sollicités pour la construction d’un refuge ne
peuvent pas être utilisés pour une campagne publicitaire, par exemple. C’est d’ailleurs pour cette raison que
ces « fonds dédiés » figurent au passif du bilan de l’association. La Compagnie nationale des commissaires
aux comptes a déjà eu à se prononcer sur ce sujet, et considère que toute utilisation des fonds autre que celle
pour laquelle ils étaient accordés est constitutive du délit d’abus de confiance.
Plus généralement, il est accepté que même les fonds récoltés sans but particulier ne peuvent servir
que à des fins mentionnées dans le statut de l’association. Comme nous avons vu dans la section 1.II.B, les
juges français ont tendance à favoriser une lecture très stricte des statuts des associations. Si une déclaration
très générale qui dit simplement que l’objectif de l’association est de « protéger les lévriers espagnols » ou «
sauver des galgos des fourrières espagnoles » ou similaire ne donne pas à l’association le droit de faire du
commerce, même dans un but d’assurer cet objectif. Similairement, elle ne donne pas la possibilité de faire
des dons à d’autres associations, même ayant le même but. En pratique les associations ayant l'intention de
donner une partie de leurs fonds à d’autres organismes en font mention dans leurs statuts afin d’éviter toute
confusion. Ceci est rarement le cas des statuts d’associations de sauvetage des lévriers que nous avons pu
rassembler.
Il existe certains exemples de formulations relativement claires et exhaustives parmi les statuts des
associations de sauvetage des lévriers, notamment ceux de Lévriers sans frontières :
Déclaration à la préfecture de la Somme.
LEVRIERS SANS FRONTIERES.
Objet : venir en aide aux lévriers galgos et greyhounds subissant abus, maltraitance ou abandon, à l’étranger ou en France; ces
abus pouvant être le fait d’actes de propriétaires particuliers ou liés à l’utilisation des-dits Lévriers pour la chasse récréative ou à
la pratique de la course dans un but commercial ou non; organiser le placement (via un contrat d’adoption) et le suivi de ces
Lévriers; mettre en œuvre tout moyen visant à médiatiser le martyr des Lévriers auprès du grand public avec pour finalité
l’obtention d’une loi interdisant a pratique de la chasse avec les lévriers et toute action visant à obtenir la fermeture des
cynodromes commerciaux en activité; relayer les annonces de placement de lévriers en difficulté dans des refuges français ou
étrangers; lévriers sans frontières se réserve le droit de verser des dons à toutes structures déclarés œuvrant dans le domaine de la
protection animale; collecter des fonds pour soutenir des refuges pour le paiement des soins et pour l’entretien des lévriers dont ils
ont la charge.
38
Comité de la réglementation comptable, règlement 99-01 du 16 février 1999
Et de Galgos France :
Déclaration à la préfecture de Lot-et-Garonne.
GALGOS FRANCE.
Nouvel objet : sauvetage et organisation de l’adoption des lévriers espagnols et autres races martyrisés, par des tiers agréés par
l’association, sans exclusive; placement en familles d’accueils dûment agrées par l’association des lévriers espagnols et autres races
martyrisés, en attente d’adoption; participer aux manifestations organisées pour les droits des animaux et contre leur torture;
organiser toute manifestation qui pourra être utile à la défense de la cause animale; participer aux expositions, salons ou autres
lieux publics pour informer le public de la condition des «galgos» dans leur pays; faire adopter des chiens venus d’Espagne sans
exclusive et en assurer le suivi; faire des collectes et des dons matériels ou numéraires pour venir en aide aux refuges en difficulté;
médiatiser par tous moyens utiles la cause des lévriers; transport et covoiturage des chiens en France, dans la communauté
européenne et la suisse.; vente de tout produit et service dont le bénéfice servira ses buts.
Ces deux paragraphes recouvrent la majorité des activités que les associations pourraient, au moment
de leur fondation/révision, s'attendre à entreprendre, et laissent peu de marge à des actions en matière de
droit fiscal ou pour abus de confiance.
Pourtant, les statuts de la majorité des associations sont très vagues. Par exemple :
Déclaration à la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye.
LE BULLETIN DES LEVRIERS (B.D.L.).
Objet : organiser le sauvetage et le placement de lévriers martyrs de la chasse ou des courses.
Déclaration à la préfecture du Val-d’Oise.
LE REVE D’ALFA.
Objet : améliorer le sort des animaux de toutes races, et lutter contre la maltraitance animale.
Déclaration à la préfecture de la Charente-Maritime.
LEVRIERS & COMPAGNIE GRAND OUEST.
Objet : aider à placer des lévriers ; établir des partenariats.
Ces manquements pourraient être rectifiés
très facilement, pas une simple modification des
statuts (comme dans l’exemple de Galgos France).
Jusqu’à ce que ceci soit fait, les associations dont les
statuts sont insuffisamment clairs ne seront pas en
conformité avec le droit actuel.
II. Le transfert d’argent reçu en
tant que subvention publique
Le droit et encore plus clair s’agissant de
fonds reçus de l’administration centrale ou
décentralisée, qui, comme les fonds dédiés, doivent
absolument être utilisés dans l’accomplissement
d’un projet particulier.
Selon le décret-loi du 2 mai 1938, les
subventions publiques sont accordées avec des fins
précises, et doivent obligatoirement être utilisées à
ces fins et non dans le cadre d’autres projets, que
ces derniers soient mentionnés par les statuts de
Exemple de virement entre associations, envoi de 800 euros à la
refuge Scooby par l'association Galgos éthique
l’association ou non. A l’origine, la seule exception à cette règle était le cas dans lequel le ministère autorisait
une utilisation différente. Depuis, le Conseil d’Etat a, par son avis du 5 juin 1962, étendu cette autorisation
aux collectivités locales dans les cas des subventions octroyés par ces mêmes collectivités. Selon le Conseil,
accorder aux associations la libre utilisation des fonds d’origine publique équivaudrait à leur donner le droit
de se substituer aux autorités publiques dans l’octroi de subventions.
Dans le cas d’espèce un audit des comptes des associations serait nécessaire pour vérifier l’utilisation
des fonds. Ceci est difficile à faire compte tenue du fait qu’il n’y a pour le moment que très peu de
centralisation de données en ce qui concerne le financement des associations. Les comptes des plus grandes
(celles qui bénéficient de plus de 153 000 euros de dons ou de subventions) sont publiés sur le site web du
Journal officiel. Certaines autorités décentralisées et déconcentrées publient des listes d’associations
subventionnées, dont les comptes sont des documents administratifs de facto et donc ouverts au public, mais
l’éparpillement de ces informations rend difficile la tache de l’auditeur. Il paraît que certaines associations
bénéficient de subventions limitées de la part des conseils municipaux si leurs activités comprennent la prise
en charge de chiens errants39, mais ce sont de faibles montants (ce n’est qu’au-delà de 23 000 euros par an
que les subventions aux associations doivent être accompagnées d’une convention) accordés de manière
ponctuelle, et donc difficile à tracer.
39
Voir, par exemple: http://www.levriersansfrontiere.com/article-ma-commune-villette-sur-aube-42977249.html