La voie percutanée dépassera t-elle les limites de la

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La voie percutanée dépassera t-elle les limites de la
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La voie percutanée dépassera t-elle les limites de la chirurgie valvulaire aortique ?
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25 mai 2006 Vincent Bargoin
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Paris, France -Pour la première fois au congrès de l'EuroPCR, le remplacement
valvulaire aortique percutané n'était plus représenté comme une technique réservée à un
usage « compassionnel » mais comme une véritable option thérapeutique qui pourrait,
un jour, se substituer à la chirurgie dans certaines indications. L'an prochain, toute une
partie de ce congrès de cardiologie interventionnelle devrait même être consacrée aux
techniques de reparation valvulaire. Le remplacement aortique percutané qui semblait, il
y a encore peu de temps, extrêmement « périlleux » évolue vers une plus grande
« faisabilité » comme l'ont montré les orateurs durant une session de réparations
valvulaires filmées en direct. [1]
Voie transseptale, voie aortique rétrograde, voie transapicale
Après un long développement en laboratoire et chez l'animal, le remplacement de la
valve aortique par voie percutanée est expérimenté chez l'homme. La valve implantée
est une bioprothèse en péricarde, sertie dans un stent en acier, expansible par gonflage
d'un ballonnet. Les premières implantations ont été réalisées par voie transseptale, avec
une valve de 23 mm de diamètre.
Actuellement, grâce au Flex catheter, dont on peut ajuster la courbure en cours
d'intervention pour traverser les calcifications, la voie rétrograde est privilégiée.
L'intervention est plus aisée, et permet d'utiliser des valves de 26 mm, qui réduisent le
risque de fuites paravalvulaires.
Enfin, plus récemment, la voie transapicale a également été empruntée pour réaliser
l'intervention,toujours avec le même type de valve.
Les travaux princeps reviennent à l'équipe d'Alain Cribier à Rouen, suivis par ceux de
John Webb à Vancouver. Aujourd'hui, les centres de Cleveland, Détroit, New-York,
Essen, Francfort, et Rouen, réalisent des implantations percutanées de valve aortique.
En France, les centres de Massy et de Bichat devraient également se lancer
prochainement.
Jusqu'à présent, quel que soit le centre, l'intervention a toujours été réalisée dans un
cadre compassionnel.
Interrogé par Heartwire, le Pr Alain Cribier (Hôpital Charles Nicole,
Rouen) explique que "l'intervention percutanée n'est envisageable
que chez des patients inopérables, ou présentant un risque de
mortalité lors d'une chirurgie cardiaque (Logistic Euroscore) supérieur
à 20%".
Pr Alain Cribier
Dans ces conditions, les résultats décrivent moins les performances
de la méthode que sa faisabilité.
-A Rouen : 56 interventions percutanées ont été réalisées depuis 2002. Selon le Pr
Cribier, sur 33 patients extrêmement sévères, implantés par voie transseptale, 11 ont
survécu au-delà de quinze mois, et 3 survivent avec un recul de trois ans.
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-Au Canada : sur une série de 50 patients, dont 7 ont été implantés par voie apicale, le
registre canadien rapporte un décès en cours de procédure, six décès à trente jours, un
AVC, et sept échecs de la procédure, résolus dans six cas à la seconde tentative. D'une
manière générale, aucune occlusion coronaire n'est apparue dans les essais en cours, et
les valves implantées fonctionnent normalement. Par ailleurs, les problèmes de fuites
paravalvulaires et de migration secondaire, rencontrés avec les valves de 23 mm,
semblent résolus avec les valves de 26 mm.
Pour Alain Cribier "compte tenu de ce que l'on pouvait attendre d'une phase I, ces
résultats sont très favorables. L'implantation percutanée est là pour rester, et pourrait
devenir la meilleure option thérapeutique pour un grand nombre de patients atteints de
sténose aortique dégénérative. L'approche transseptale étant réservée « à des mains
expertes », l'avenir est probablement à l'approche rétrograde ou, en cas de problèmes
artériels, transapicale - cette dernière pouvant intéresser, de l'ordre d'un tiers de
patients."
Reste, aujourd'hui, à évaluer plus précisément les performances de la technique, et à
situer ses indications par rapport à celles de la chirurgie. Pour ce faire, l'essai REVIVE a
été lancé en Europe, et l'essai REVIVAL en Amérique du Nord : ils s'adressent à des
patients moins sévèrement atteints que ceux traités jusqu'à présent.
Prudence et méfiance du côté des chirurgiens
Compte-tenu des excellents résultats de la chirurgie valvulaire, le passage à la voie
percutanée n'est pas une affaire simple. Dans le cas du remplacement de la valve
aortique, l'intervention percutanée n'a jusqu'à présent été réalisée que chez des patients
très mauvais candidats, voire récusés par la chirurgie. Mais l'évaluation d'indications
élargies change la donne et nécessite quelques rappels de bon sens - dont se chargent
les chirurgiens...
Friedrich Möhr (Clinique de chirurgie cardiaque, Université de Leipzig), souligne ainsi
que jusqu'à nouvel ordre, "l'intervention chirurgicale reste le « gold standard » pour la
valve aortique, de même que l'annuloplastie pour la valve mitrale. Les contre-indications
à la chirurgie sont par ailleurs relativement limitées, tandis que ses résultats sont attestés
sur des centaines de milliers de patients, avec un suivi à très long terme. Enfin, il ne faut
pas perdre de vue que l'intérêt de l'industrie consiste à équilibrer ses marchés entre
chirurgiens et cardiologues. Ce qui fait de chacun « un acteur du big business ».
A ces rappels d'ordre général s'ajoute une question plus spécifique : le matériel
implantable par voie percutanée est garanti durant cinq ans par le fabricant. Or, citant le
Pr Carpentier, FMöhr souligne que " l'objectif est la réparation à vie. En bref, la voie
percutané reste aujourd'hui une approche expérimentale. Il faut se garder d'adopter des
techniques moins performantes au motif qu'elles sont placées au bout d'un cathéter."
Du côté des cardiologues, le message est relativisé. Concernant la nécessaire prudence,
Alain Cribier rappelle qu'aux Etats-Unis, " la FDA a tendance à freiner fortement les
techniques nouvelles , tandis qu'en France, l'Afssaps contrôle chaque patient et toutes
les complications. Ces précautions expliquent d'ailleurs la lenteur du recrutement. Quant
à la durée de vie des valves implantées, la limitation à cinq ans de la garantie du
fabricant relève de la mesure conservatoire. Selon les tests réalisés au banc d'essai, la
durée de vie des valves serait d'au moins quinze ans. Les conditions des tests
reproduisant les conditions physiologiques en accéléré, il n'est pas possible pour le
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moment de certifier la durée de vie d'une valve chez l'homme, note le spécialiste de
Rouen. Mais dans notre expérience, aucun argument en faveur d'une détérioration
valvulaire n'est apparu avec trois ans de recul."
Enfin, en contrepoint du débat rationnel, la classique querelle de
territoire n'est pas absente. Là où le Pr Möhr réaffirme que "les
chirurgiens sont les experts en matière d'intervention chez les
patients valvulaires", PhilipBonhoeffer (Great Ormond Street
Hospital, Londres), tout en reconnaissant l'absolue nécessité d'une
évaluation de la voie percutanée, évoque "les anticorps développés
par les chirurgiens vis à vis des cardiologues interventionnels dont il
ne faut pas stimuler la croissance."
Quant au Pr Cribier, il remarque que la situation reproduit
exactement celle des débuts de l'angioplastie : "déjà, les chirurgiens Pr Philip Bonhoeffer
étaient contre l'angioplastie. Cependant, dans le cas du remplacement de la valve
aortique, la voie apicale, expérimentée pour contourner les problèmes artériels chez
certains patients, constitue une approche ouverte aux chirurgiens, et par conséquent, un
terrain d'entente."
Clipage de la valve mitrale pour limiter la fuite
Le développement de techniques percutanées concerne aussi la valve mitrale, avec
l'apparition d'un clip, permettant de rattacher les deux feuillets de la valve, selon un
principe analogue à l'intervention d'Alfieri. L'objectif, ici, n'est pas de supprimer, mais
de limiter l'importance de la fuite mitrale, et ainsi, de repousser la chirurgie.
"Contrairement à l'intervention réalisée sur la valve aortique, le recrutement vise des
patients en bon état général, susceptibles de subir une intervention chirurgicale
quelques années plus tard" explique le Pr Cribier à Heartwire. Concrètement, la fuite
résiduelle est évaluée en cours d'intervention. En cas de régurgitation excessive, le
clip peut être repositionné, et un second clip peut éventuellement être posé.
Les résultats obtenus jusqu'à présent sont qualifiés « d'excellents » par Peter Block
(Atlanta). Un premier registre américain, EVEREST I, regroupe 55 patients traités dans
le cadre d'une phase I. Selon ce registre, la technique de clipage est utilisable en cas
de valvulopathie dégénérative ou fonctionnelle. Les régurgitations mitrales résiduelles
sont inférieures ou égales à 1+ dans une majorité de cas, et se maintiennent avec un
recul de 24 mois. Le taux de complication est faible, et l'intervention préserve l'option
chirurgicale. Compte tenu de ces résultats, EVEREST II, un essai randomisé
comparant l'intervention percutanée à la chirurgie mitrale, a été lancé. Quinze patients
ont été inclus à ce jour. Les techniques sont toutefois encore susceptibles d'évoluer. "Il
est probable qu 'à l'avenir, le clipage des feuillets sera associé à l'implantation d'un
anneau dans le sinus coronaire" prévient Alain Cribier.
Philipp Bonhoeffer, un virtuose du cathétérisme cardiaque qui défie les valvulopathies
[heartwire > Actualités; 21 avril 2006]
Chirurgie mitrale et aortique par voie percutanée : deux « premières » encourageantes
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au Canada [heartwire > Actualités; 28 février 2006]
Le remplacement valvulaire percutané a encore un long chemin à parcourir avant d'être
validé [EuroPCR > Actualités; 3 juin 2005]
Source
1. The emergence of percutaneous valve interventions. EuroPCR, 19 mai 2006.
dimanche 28 mai 2006 AOL: Evelyne Germe