Le Nobel de mdecine pour la dcouverte d`un mcanisme de
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Le Nobel de mdecine pour la dcouverte d`un mcanisme de
Le Nobel de médecine pour la découverte d'un mécanisme de désactivation des gènes LE MONDE | 03.10.06 e prix Nobel 2006 de médecine et de physiologie rompt avec la tradition qui veut que cette prestigieuse distinction ne soit accordée qu'à des chercheurs en fin de carrière, chercheurs dont les travaux ont été depuis longtemps reconnus par la communauté scientifique comme source de progrès dans la compréhension du vivant, normal ou pathologique. En décernant, lundi 2 octobre, ce prix de 1,1 million d'euros à Andrew Z. Fire et Craig C. Mello, respectivement âgés de 47 et 45 ans, les jurés de l'institution suédoise ont à la fois couronné deux jeunes chercheurs et un secteur naissant et très prometteur - quoique méconnu - de la génétique. Craig Mello, 45 ans, professeur de médecine moléculaire à l'école de médecine de l'université du Massachusetts, aux EtatsUnis. Son intérêt pour la science lui vient de son père, un paléontologue de la Smithsonian Institution qui l'emmenait souvent rechercher des fossiles lors d'expéditions dans l'Ouest américain. "Déjà enfant, j'étais captivé par (...) l'histoire de la Terre et les origines de la vie humaine", a expliqué Craig Mello. A la tête de son propre laboratoire, il s'est attaché à développer une façon efficace de bloquer l'expression de gènes spécifiques dans l'embryon. Andrew Fire, 47 ans, professeur à l'université de Stanford (Californie), a toujours été précoce : à 19 ans, il entrait au prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) et, à 23 ans, avait son doctorat en biologie en poche... après avoir commencé ses études universitaires en décrochant une licence de mathématiques. Au MIT, il a travaillé avec le généticien Philip Sharp (Nobel de médecine 1983) avant de se rendre en Angleterre pour collaborer avec l'un des pères de la biologie moléculaire, Sidney Brenner (Nobel 2002). Il est revenu aux Etats-Unis en 2003. - (AFP.) Craig C. Mello (à droite) et Andrew Z. Fire (à gauche) posent près de la statue du scientifique allemand Paul Ehrlich le 14 mars 2006. "Je suis vraiment surpris, surtout parce que je suis relativement jeune et que je pensais qu'il y avait bien d'autres découvertes méritant un prix Nobel", a ainsi confié Craig Mello à la radio publique suédoise peu après avoir appris qu'il était l'un des lauréats. C'est que les travaux des deux Américains, qui les ont menés à la découverte des bases moléculaires de "l'interférence de l'ARN", datent de moins de dix ans. Les recherches en cours laissent espérer une série d'applications thérapeutiques résultant de modifications dans la lecture et la traduction moléculaire du code génétique humain. Page 1 Ce qui est perçu comme une révolution a commencé en 1990 grâce à un biologiste amoureux des changements de couleur des fleurs de pétunias. Le professeur Richard Jorgensen, de l'université de Tucson (Arizona), intervenait alors sur les mécanismes moléculaires de coloration en intégrant dans le patrimoine héréditaire de ces plantes des gènes capables de modifier la lecture des gènes naturellement impliqués dans la coloration. Parvenu à transformer ses pétunias mauves en pétunias blancs, le professeur Jorgensen avait bâti une autre expérience, visant à introduire plusieurs copies du "gène mauve" pour obtenir des fleurs d'un mauve encore plus intense. Il obtint à l'inverse des fleurs d'une totale blancheur. OUTIL EXPÉRIMENTAL La déception passée, restait à comprendre comment les gènes introduits étaient devenus muets tout en rendant silencieux les propres gènes de la plante. Pour résoudre cette énigme, il fallut attendre la publication dans Nature - le 19 février 1998 - d'un article signé par Andrew Fire et Craig Mello. Ces deux chercheurs démontraient, chez le ver Caenorhabditis elegans, de quelle manière il était possible d'inactiver un gène en interceptant l'ARN messager, maillon essentiel entre l'ADN et les protéines. Les auteurs fournissaient ainsi à la communauté scientifique une clé moléculaire essentielle permettant de comprendre différents phénomènes contradictoires que ne parvenaient pas à expliquer les connaissances d'alors. Page 2 Fire et Mello proposèrent de dénommer "interférence de l'ARN" ce phénomène dont le champ d'application apparaît désormais beaucoup plus large qu'on ne pouvait l'imaginer il y a huit ans. On a tout d'abord compris que ce phénomène fournissait un nouvel et remarquable outil expérimental permettant - en leur imposant progressivement une inactivation partielle voire quasi totale - d'étudier la fonction des milliers de gènes qui constituent les génomes des organismes vivants. Mais c'est la perspective d'user bientôt de ce phénomène à des fins thérapeutiques qui, aujourd'hui, mobilise les énergies. L'idée centrale est d'utiliser certaines molécules ciblées d'ARN venant interférer avec un processus physiopathologique. De nombreux travaux sont en cours chez l'animal, qui visent à traiter des affections cancéreuses ou des infections d'origine virale. L'administration de l'ARN étranger peut, comme pour les médicaments, se faire très simplement, par voie intraveineuse ou orale. La capacité d'inactiver directement un gène permet aussi d'ores et déjà d'aborder de manière originale un large éventail de pathologies - notamment cancéreuses - pour lesquelles une approche pharmaceutique classique n'est pas disponible ou pas envisageable. Aux Etats-Unis, des dizaines de sociétés de biotechnologie et des géants de l'industrie pharmaceutique développent cette technique, et les premiers essais cliniques sont en cours. Le prix Nobel 2006 de médecine, attribué à MM. Fire et Mello, devrait amplifier ce phénomène. Jean-Yves Nau Article paru dans l'édition du 04.10.06 Page 3