beaux-parents - Vanessa ABOUT

Transcription

beaux-parents - Vanessa ABOUT
RÉUNION
BEAUX-PARENTS
plus pour David. Je crois qu’il faut adapter
la législation aux familles recomposées.
Mais je pense qu’il y aura une levée de
boucliers de la part des “géniteurs”, car ils
pourraient penser que cela remet en cause
leur place”, analyse le cadre.
DANS LE FLOU !
COUPS DURS
La relation avec son beau-fils n’a pas été
facile à l’adolescence. L’ado’ enchaîne les
bêtises. Déclenche la colère de Manu à
plusieurs reprises. David voulait revoir son
père biologique qui l’a quasiment abandonné. “Peu de temps avant de partir
chez ce dernier, il m’a lancé : «T’es pas
mon père !» 15 jours après, en revenant,
il avait compris qui était réellement son
paternel et perdu ses illusions. Celui-ci n’a
jamais cherché à le revoir.” Manu prodigue
quelques conseils aux BP actuels. “Ne pas
s’imposer avec autorité quand on arrive
dans une famille recomposée. Malgré les
coups durs il faut l’assumer jusqu’au bout.”
ACTTÉU
SOCIÉ
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Des avis éclairés, Henry aussi en à distiller. Ce Sudiste de 50 ans vit dans une
famille de ce type depuis 11 ans. Le
Saint-Joséphois d’origine participe depuis à
l’éducation de ses deux belles-filles, âgées
aujourd’hui de 21 et 13 ans. Et livre son
expérience : “Quand vous arrivez dans un
pays, vous vous adaptez.
La loi “Famille” doit être
présentée en avril. Mais elle ne
prévoit pas d’accorder un statut
aux beaux-parents. Pourtant
720 000 familles recomposées
vivent en France. À La Réunion,
deux beaux-pères, Manu* et
Henry* témoignent de leur
expérience.
Par Thomas SELLY
Reculer pour mieux sauter ? Pas sûr que
le gouvernement voit les choses ainsi. On
peut le penser avec le report de l’examen
du projet de loi “Famille”. Il devait être
examiné au Parlement au premier semestre
2014. Il a finalement été repoussé au
second. Prévue en mars, avant les municipales, sa présentation en conseil des
ministres interviendra désormais en avril.
Dominique Bertinotti, ministre de la Famille
l’annonçait le 16 janvier. “Quatre groupes
d’experts chargés de plancher sur la loi doivent rendre leurs conclusions en février”,
indiquait-elle. Inquiétant pour les familles
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recomposées. Celles-ci espèrent se voir
reconnues. Mais les mesures envisagées
pour le moment ne prévoient pas d’accorder un statut aux beaux-parents. “Un
mandat éducatif pour des actes usuels.
Une possible transmission du patrimoine,
un maintien des liens après séparation”,
ont ainsi été évoqués par la ministre. Rien
de plus. Autre piste avancée : permettre à
un beau-parent de léguer ses biens à ses
beaux-enfants sans être taxé à 60%.
720 000 FAMILLES RECOMPOSÉES
En France métropolitaine, ils sont 1,5 million d’enfants de moins de 18 ans à
vivre dans 720 000 familles recomposées. Un chiffre de l’Insee datant de 2011.
940 000 d’entre eux habitent avec un
parent et un beau-père ou une belle-mère.
Les 530 000 autres avec leurs deux parents
et des demi-frères ou sœurs. La Réunion
compte évidemment des familles recomposées. Comment les beaux-parents viventils ce flou autour de leur rôle ? Réponses
avec Manu et Henry, beaux-pères depuis
plus de 10 ans. Débutons par une histoire
d’amour. Manu rencontre Claire*. Une relation voit le jour. Elle, est déjà maman d’un
garçon de six ans prénommé David*. Le
couple se mariera plus tard. Maintenant
âgé de 44 ans, Manu élève David depuis
20 ans comme s’il était son père. Une
relation fusionnelle. À tel point que le duo
se donne du “mon père” ou du “mon fils”
en public. Plus petit, il lui faisait réviser
ses devoirs. Se partageait son éducation
avec sa femme. Subvenait aux besoins de
son beau-fils. “Être beau-père n’a jamais
été un handicap. Ni à l’école, ni ailleurs”,
relève Manu.
LOI OU PAS LOI ?
“Je m’en fiche d’être reconnu. Ce que j’ai
accompli c’était pour lui. Mais si sa mère
meurt, je deviens un étranger”, souligne
le Dionysien. En cas de décès du parent,
l’enfant peut se voir confier à son beauparent (BP). La loi le permet. Y compris si
son autre parent est vivant. Un juge peut
confier le “bambin” au BP s’il constate
un attachement fort ou si des demi-frères
ou sœurs vivent avec lui sous le même
toit. David désormais âgé de 26 ans reste
proche de Manu. Il a vu naître Jeanne*, sa
demi-sœur, s’en est occupé, prenant son
rôle très à cœur. Les deux s’entendent bien.
Aucune tension ne règne entre eux. Alors,
loi ou pas loi ? “Cela paraît compliqué.
Chaque cas est différent. Si on me donnait
un statut, ça me ferait plaisir de représenter
VIDE JURIDIQUE
J’ai fait la même chose quand j’ai commencé à vivre avec ma concubine et ses
deux enfants”, lance d’entrée ce cadre de
la fonction publique. Le couple s’installe
chez elle au Tampon. L’homme discute
avec les petites. N’endosse pas le rôle
du chef. Cherche à connaître leur histoire. L’intégration avec ses belles-filles
se déroule rapidement. Que pense le quinquagénaire du vide juridique autour de
son rôle ? “Pas besoin de reconnaissance.
Par contre, je songe à ma succession. Il
faut clarifier ce point. Je souhaite léguer
un bien à ma belle-fille de 13 ans, Léa*.
Elle n’a pas été reconnue par son père. Je
désire qu’elle ait une part. Si un statut rend
cela effectif, je dis oui.” Transmettre ses
biens, c’est possible. Vanessa About, avocate spécialisée dans le droit de la famille
nous éclaire. Prenons l’exemple d’Henry
et Léa. “L’adoption simple le permet. Elle
ne supprime pas les liens de filiation entre
parents et enfants. Mais rajoute une filiation
nouvelle entre adopté et adoptant.”
PATRIMOINE
Avec ce processus, Léa, peut hériter à
la fois de ses parents mais aussi de son
père adoptif. Avec un impôt sur la succession moins lourd (40%) que si elle n’avait
pas été adoptée (60%). Cette procédure
entraîne l’ajout du nom de l’adoptant ou
la substitution de celui-ci au nom d’origine. Rendant possible la transmission du
patrimoine comme s’ils étaient parents et
enfants de sang. “L’assurance-vie est une
solution. Il suffit de désigner cet enfant
comme bénéficiaire des capitaux décès
de l’un des contrats d’assurance-vie”,
décrypte l’avocate. Henry pense à l’avenir. Mais s’investit énormément avec ses
beaux-enfants : vacances, anniversaires.
Il a toujours été présent. Depuis, la famille
s’est agrandit avec l’arrivée d’un petit garçon âgé de six ans aujourd’hui. L’ambiance
semble à l’harmonie. Marine*, l’autre bellefille d’Henry le confirme. “Ce n’est pas
mon papa mais si tous les beaux-pères
pouvaient être comme lui…”, souffle admirative la jeune maman de 21 ans.
DISTANCE
“Marine m’a toujours appelé par mon prénom. Mais Léa a commencé à me prénommer papa. Je lui ai précisé que moi c’était
tonton. En lui expliquant que son vrai père
pouvait revenir un jour ou l’autre.” Une
distance. Même s’il la considère comme
sa propre fille. Gardant des souvenirs
émus d’elle, lorsqu’il l’accompagnait,
petite, au judo. Ou lors des pique-niques
le dimanche. Une complicité perceptible.
“J’ai essayé de jouer un rôle de père
avec elle”, glisse-t-il avec fierté. Vanessa
About, est avocate mais aussi spécialiste de la famille. Elle réalise également
des médiations familiales. “J’ai reçu un
couple recomposé en compagnie de l’ex de
Monsieur qui s’était crêpée le chignon avec
sa compagne actuelle. Une plainte était
envisagée. J’ai tenté de calmer les choses.
Il fallait intervenir”, ponctue Maître About.
Et plaide : “La législation ne donne pas de
place particulière au beau-parent.
Ce dernier n’a aucun droit.”
PAS DE STATUT
Aristide Payet de l’UDAF Réunion (Union
départementale des associations familiales)
ne partage pas cette vision et le clame avec
force : “On ne veut pas d’un statut. Des dispositions existent déjà. En cas de séparation, un droit de visite du beau-parent peut
exister à condition que ce soit dans l’intérêt
de l’enfant. La délégation de partage à un
tiers également. Celui-ci peut alors effectuer des actes usuels quotidiens”, clôt le
président de l’UDAF. Le combat continue
donc pour les beaux-parents. Le gouvernement doit communiquer d’ici février sur les
mesures envisagées. D’ici là, les familles
recomposées risquent de trouver le temps
long.
PAROLE DE PSY
Christelle Cuche, 33 ans,
psychologue depuis dix ans
s’exprime sur les difficultés
rencontrées par les familles
recomposées.
“Le parent doit indiquer à son
enfant la place du beau-parent.
De façon à ce que ce dernier
gagne en légitimité.”
La spécialiste met en
lumière l’importance de la
communication. “Il y aura des
moments difficiles, de rejet de
la part des enfants. Chacun doit
faire preuve de tolérance, de
patience pour empêcher que la
situation ne dégénère”, expose
la professionnelle exerçant à
Sainte-Clotilde.
Vanessa
ABOUT
L’avocate
souhaite
que la loi
évolue en
accordant
des droits
aux beauxparents.
Aristide
PAYET
Le président
de l’UDAF est
favorable aux
avantages
fiscaux pour
les beauxparents
mais refuse
l’instauration
d’un statut.
*Prénoms d’emprunt
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