Mathis le Peintre Mathis le Peintre Mathis le Peintre Orlando furioso
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Mathis le Peintre Mathis le Peintre Mathis le Peintre Orlando furioso
L’ŒUVRE Chantal Cazaux Frédéric Delaméa Grazio Braccioli Jean-François Lattarico 3 Points de repère 6 Argument 8 Introduction et Guide d’écoute 12 Livret intégral Nouvelle traduction française REGARDS SUR L’ŒUVRE Philippe Venturini Patrick Barbier Olivier Rouvière Ludovico Ariosto Claudio Scimone 80 84 88 94 98 ORLANDO FURIOSO Orlando furioso Mathis le Peintre Mathis le Peintre Mathis le Peintre Orlando furioso Vivaldi VIVALDI Sommaire Vivaldi et l’opéra Venise, 1727: musique et société Roland, de l’Arioste à Vivaldi ROLAND FURIEUX, CHANT XXIII (extraits) Musica e parole, l’équilibre expressif 260 ÉCOUTER, VOIR ET LIRE 107 Bibliographie Disco-vidéographie L’œuvre à l’affiche ORLANDO FURIOSO à travers le monde (1978-2011) SÉLECTION CD, DVD ET LIVRES par Louis Bilodeau, Jean Cabourg, Alfred Caron, Chantal Cazaux, Gérard Condé, Pierre Flinois, Jean-Charles Hoffelé, Christian Merlin, Didier van Moere, Michel Pazdro et Olivier Rouvière Prochain numéro : Les Vêpres siciliennes (Verdi) -:HSMIOD=]ZW\^Y: Prix : 25 € ISBN 978-2-84385-279-4 www.asopera.com AVANT-SCÈNE OPÉRA Elisabetta Soldini 101 Olivier Rouvière 102 Elisabetta Soldini 106 Avant Scène OPERA Avant Scène asopera.com OPERA N° 260 asopera.com L’AVANT-SCÈNE OPÉRA Numéro publié avec le concours du Centre National du Livre est éditée par les Éditions Premières Loges SARL au capital de 34 600 Euros REMERCIEMENTS Rédaction et administration : 15, rue Tiquetonne BP 6244 75062 Paris Cedex 02 Tél. : 01 42 33 51 51 (33) 1 42 33 51 51 Télécopie : 01 42 33 80 91 (33) 1 42 33 80 91 E-mail : [email protected] www.asopera.com La rédaction de L’Avant-Scène Opéra exprime ses vifs remerciements aux Bibliothèques, Théâtres d’opéra et collectionneurs privés qui l’ont gracieusement aidée à préparer cette édition, et aussi à Tina Keller et le Theater de Bâle Monika Madert et l’Opéra de Bonn Erica Jeal et la revue Opera, Londres Tomáš Vrbka, Centre de documentation, Opéra d'État à Prague Marianne Frippiat, Prague Michèle Verron et la Médiathèque des Halles, Paris Camille Tanguy, Académie Desprez Directeur de la publication : Michel Pazdro Rédactrice en chef : Chantal Cazaux Conseillers de la rédaction : Josée Bégaud, Louis Bilodeau, Jean-Michel Brèque, Jean Cabourg, Hélène Cao, Sandro Cometta, Gérard Condé, Joël-Marie Fauquet, Pierre Flinois, Christian Merlin, Pierre Michot, Alain Perroux, Didier van Moere, Jean-Claude Yon. Secrétariat de rédaction, iconographie : Elisabetta Soldini Conception graphique : Christine Dodos-Ungerer Gravure musicale : Laurence Ardouin Abonnement, vente par correspondance, service aux libraires : Nadine Debray Lundi – jeudi 9h-13h / 14h-17h Vendredi 9h-13h Distributeur en Suisse : Albert le Grand SA, libraire-diffuseur Rte de Beaumont 20, CH-1701 Fribourg Tél. (41) 26 425 85 95 Fax (41) 26 425 85 90 Impression: Chirat, 42540 SAINT JUST LA PENDUE Dépôt légal : 1er trimestre 2011 Bimestriel n° 260 Janvier-février 2011 ISSN 0764-2873 ISBN 978-2-84385-279-4 Tous droits de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays. © L’Avant-Scène Opéra 2011. Ont collaboré à ce numéro Patrick Barbier. Historien de la musique et professeur à l’Université catholique de l’Ouest (Angers), Patrick Barbier a écrit plusieurs ouvrages sur les rapports entre musique et société à l’époque baroque, parmi lesquels Histoire des castrats, Farinelli ou encore La Venise de Vivaldi, chez Grasset. Frédéric Delaméa. Frédéric Delaméa se consacre à l’étude des opéras de Vivaldi. Ses travaux ont été publiés notamment sous l'égide de l'Istituto Italiano Antonio Vivaldi de Venise. Il conseille et assiste musiciens et éditeurs discographiques. Il est notamment conseiller musical de l’Édition Vivaldi de Naïve pour le domaine lyrique. Jean-François Lattarico. Formé à l’É.N.S, agrégé d’Italien, Jean-François Lattarico est maître de conférences HDR à l’Université de Saint-Étienne où il enseigne la littérature italienne et l’histoire de l’opéra. Il a publié un livret inédit de Busenello (Il viaggio d’Enea all’inferno, Bari, Palomar, 2010) et prépare l’édition critique de ses drames musicaux. Olivier Rouvière. Diplômé en Histoire de l’Art, docteur ès Études Théâtrales, Olivier Rouvière est l’auteur de Metastasio, musicien du verbe (Hermann, 2008) et Les Arts Florissants de W. Christie (Gallimard, 2004). Critique musical, traducteur et rédacteur spécialisé en librettologie, il collabore régulièrement à Diapason et à L’Avant-Scène Opéra. Philippe Venturini est journaliste à Classica et critique musical au quotidien Les Échos. Il a participé au Guide de la musique ancienne et baroque ainsi qu’au Dictionnaire Mozart (Robert Laffont, collection Bouquins) et a rédigé un essai sur Corelli chez Fayard-Mirare. Points de repère Vivaldi et Orlando Deux fois Antonio Vivaldi a composé sur le sujet d’Orlando furioso : en 1713 puis en 1727. L’opéra de 1727 est un feu d’artifice d’invention, de fantaisie, l’un des chefs-d’œuvre du compositeur. Lire l’Introduction et le Guide d’écoute de Frédéric Delaméa, p. 8-79 La carrière lyrique de Vivaldi Antonio Vivaldi a été non seulement compositeur d’opéras mais aussi impresario de théâtre lyrique. C’est principalement à Venise qu’il a œuvré: il y dirigeait le théâtre Sant’Angelo, qui vit justement la création d’Orlando furioso. Lire l’étude de Philippe Venturini, p. 80 Venise en 1727 La Cité des Doges fascine à l’époque autant qu’aujourd’hui : son régime politique est singulier, sa société fantasque se partage entre d’innombrables lieux de cultes et d’aussi innombrables fêtes débridées, l’opéra y tient une place de choix. Lire l’étude de Patrick Barbier, p. 84 La fureur d’Orlando. Gravure de Gustave Doré pour l’édition Hachette 1879 de l’Orlando furioso de L’Arioste. D.R. La fortune de L’Arioste De nombreux ouvrages lyriques ont pour source l’Orlando furioso de Ludovico Ariosto, publié entre 1516 et 1532. Ses multiples personnages, la fantaisie de sa narration croisée, le souffle d’une atmosphère qui mêle le sentiment, le chevaleresque et le mythologique, sont de fertiles sources d’inspiration. Lire l’étude d’Olivier Rouvière, p. 88 et le texte de L’Arioste, p. 94 Beauté des airs, beauté des récits En couverture : Le bel canto vivaldien, ce ne sont pas seulement de beaux airs fleuris ou alanguis. Ce sont aussi, notamment dans cet ouvrage qui offre au personnage d’Orlando trois scènes de folie, des récits au langage musical et dramatique innovant et toujours surprenant. Lire le texte de Claudio Scimone, p. 98 Sonia Prina (Orlando) dans la production de David Bosch, Opéra de Francfort 2010. M. Rittershaus. En page de gauche : Orlando furioso au disque Trois versions discographiques et une seule vidéographique à ce jour : Orlando furioso est bien peu représenté au catalogue ! Pourtant, chacune de ces entreprises a son point d’intérêt, qu’il soit interprétatif, esthétique ou stylistique. Lire la disco-vidéographie d’Olivier Rouvière, p. 102 Gravure d’Emmanuel De Ghendt d’après Clément-Pierre Marillier pour une édition de l’Orlando furioso de L’Arioste (ca 1780). BnF, Estampes. L’Avant-Scène Opéra n° 260 3 ARGUMENT Numéros de la partition Acte I N° 1 « Un raggio di speme » Angelica, p. 13 N° 2 « Alza in quegl’occhi » Alcina, p. 15 N° 3 « Costanza tu m’insegni » Astolfo, p. 16 N° 4 « Asconderò » Bradamante, p. 17 N° 5 « Nel profondo » Orlando, p. 19 N° 6 « Tu sei degli occhi miei » Angelica, p. 23 N° 7 « Troppo è fiero » Orlando, p. 25 N° 8 « Rompo i ceppi » Medoro, p. 25 N° 9 « Sol per te » Ruggiero, p. 31 N° 10 « Amorose ai rai del sole » Alcina, p. 32 N° 11 « Vorresti amor » Alcina, p. 33 N° 12 « Benché nasconda » Astolfo, p. 35 N° 13 « Taci non ti lagnar » Bradamante, p. 37 N° 14 « Sorge irato nembo » Orlando, p. 38 N° 15 « Qual candido fiore » Medoro, p. 41 N° 16 « Chiara al pari » Angelica, p. 41 N° 17 «Precipitio», Orlando, p.44 6 L’Avant-Scène Opéra n° 260 Au palais d’Alcina, Angelica confie à l’enchanteresse ses tourments amoureux : en fuyant les assiduités d’Orlando, elle a perdu son cher Medoro. Orlando surgit justement. Alcina, autant pour aider Angelica que pour satisfaire son désir naissant pour le beau chevalier, lui propose de séjourner dans son palais. Astolfo révèle à Orlando les origines magiques du charme puissant d’Alcina : elle possède les cendres du mage Merlin. Survient Bradamante, cousine d’Orlando, à la recherche de son amant Ruggiero qu’elle pense prisonnier d’Alcina. Pour l’aider dans sa quête, la magicienne Melissa lui a donné un anneau enchanté. Orlando se décide alors à réaliser la prophétie de Malagigi : défaire Alcina pour vaincre en amour. Sur les rivages du royaume d’Alcina, Angelica sauve Medoro du naufrage. Mortellement blessé, il ne doit son salut qu’à l’irruption de l’enchanteresse, qui le guérit en quelques formules magiques. Angelica exprime sa reconnaissance éternelle à Alcina. Mais Orlando survient. Afin de détourner sa jalousie, on lui fait croire que Medoro est le frère d’Angelica – qui, elle, feint de répondre à ses avances. Orlando est apaisé… et Medoro, quelque peu perturbé par le stratagème. Pendant ce temps, Alcina reçoit la visite de Ruggiero et, par un philtre magique, lui fait oublier Bradamante pour mieux le séduire. Bradamante les surprend, en prétendant s’appeler Olimpia et pourchasser Bireno, traître à son amour; mais Ruggiero ne la reconnaît pas. Furieuse, Bradamante part. Alcina, elle, chante son contentement. Acte II Astolfo, qui courtise Alcina, essuie ses infidélités dans la souffrance. Il encourage donc Bradamante qui médite sa vengeance. Rencontrant de nouveau Ruggiero, elle lui donne l’anneau de Melissa qui, immédiatement, libère sa mémoire. Mais Bradamante reste inflexible devant la repentance de son amant. Angelica, de son côté, tend un piège à Orlando pour se débarrasser de lui : elle l’envoie quérir un élixir de jeunesse en haut d’un rocher. Flatté par le péril annoncé, Orlando se précipite en dépit des mises en garde d’Astolfo. En fait, le rocher s’écroule en caverne afin de le rendre prisonnier d’Alcina. Furieux, Orlando parvient néanmoins à s’échapper. Introduction &Guide d’écoute par Frédéric Delaméa Approuvé par la censure le 9 novembre 1727, Orlando furioso 1 fut créé le 15 du même mois au Teatro Sant’Angelo de Venise. La carrière du nouvel opéra du Prete Rosso devait être brève. Dès le 10 décembre, il était en effet remplacé par une reprise de Farnace, représenté avec succès dans le même théâtre au mois de février précédent. La programmation d’un second opéra au cours de la saison d’automne, à laquelle l’usage n’accordait qu’une unique production, signait l’échec du premier. Quelques jours après la création d’Orlando, dans une lettre écrite de Venise, l’Abbé Conti avait confié à son amie la Comtesse de Caylus « Nos opéras sont commencés mais il n’y a rien qui mérite de vous être mandé.» 2 La sentence de ce grand amateur d’opéra, qui s’était enflammé au début de cette même année pour Farnace et sa musique « variée dans le sublime comme dans le tendre » 3, annonçait implicitement ce revers. Certes, en écrivant ces lignes, Conti songeait peut-être au Bertarido re de’ Longobardia de Giuseppe Bonniventi, affiché depuis le 25 octobre par le Teatro San Cassiano, ou au Regno galante du violoniste Giovanni Reali, représenté sur la petite scène du Teatro San Moise depuis le 8 novembre, plus qu’à l’Orlando de Vivaldi. Peut-être même n’avait-il pas encore assisté à une représentation du nouvel opéra donné au Sant’Angelo ? Hypothèses envisageables mais que fragilise l’absence de toute référence à Orlando dans les lettres ultérieures de l’abbé, d’autant que ce dernier y loue en revanche l’Arianna e Teseo de Nicolò Porpora, présenté au Teatro San Giovanni Grisostomo à compter du 22 novembre 4. Il semble donc plus probable qu’à l’image du public vénitien, Conti ait été dérouté par l’œuvre lyrique la plus atypique jamais sortie de la plume vivaldienne. Orlando (selon le titre du livret) furioso (selon celui du manuscrit autographe 5), devait attendre deux siècles et demi avant d’être reconnu comme le chef d’œuvre dramatique du compositeur des Quattro Stagioni. Joutes vénitiennes L’année 1727 marquait pour Vivaldi le point culminant d’une entreprise de reconquête des scènes de Venise entamée deux ans plus tôt. Après s’être heurté aux milieux conservateurs et avoir subi un exil artistique de quatre années, le compositeur avait savamment orchestré son retour à compter de l’automne 1725. Cumulant à la fois les fonctions de compositeur et d’impresario et affichant fièrement le titre de Direttore delle opere in musica, il était redevenu le maître du Teatro Sant’Angelo, la scène de ses débuts. 8 L’Avant-Scène Opéra n° 260 Plus encore que Giovanni Porta ou Tommaso Albinoni, le Prete Rosso incarnait alors cette école lyrique vénitienne que les conservateurs n’étaient pas parvenus à fédérer derrière eux durant son absence. Comme tel, il lui appartenait désormais de faire face à une nouvelle concurrence, venue cette fois de l’extérieur: durant son éloignement de Venise, la vogue napolitaine qui s’apprêtait à déferler sur l’Europe musicale avait en effet commencé à conquérir la Sérénissime et les œuvres de Vinci ou de Porpora dominaient déjà l’affiche du grand théâtre de la ville, le San Giovanni Grisostomo. Naples conquérait Venise. À l’automne 1727, alors que cette poussée napolitaine s’amplifiait, Orlando furioso fut donc conçu par son auteur comme l’arme de la riposte dans un contexte d’affrontement stylistique. Orlando primo La formule choisie fut celle d’un hommage moderne aux fondamentaux du théâtre vénitien. Démarche audacieuse et originale qui s’appuyait sur une solide référence en forme de retour aux sources : celle d’un premier Orlando furioso, présenté au public du Sant’Angelo quatorze ans plus tôt, et qui avait connu un succès mémorable avec plus de quarante représentations – précisons d’emblée que ce premier Orlando furioso est distinct d’un autre opéra que Vivaldi présentera en1714, et intitulé Orlando finto pazzo. Démarche symbolique également dès lors que ce premier Orlando avait marqué, à l’automne 1713, le début officiel de la carrière lyrique vénitienne de Vivaldi, en qualité de compositeurimpresario du Teatro Sant’Angelo. Cette mise en musique originale d’un livret dû au poète ferrarais Grazio Braccioli, avait été officiellement attribuée à l’époque au jeune compositeur bolonais Giovanni Alberto Ristori. Il est toutefois aujourd’hui admis que Vivaldi en fut, à tout le moins, le co-auteur, sinon son unique responsable et qu’en toute hypothèse, il en assura seul la révision, l’année suivante, lors de sa reprise au Sant’Angelo. Les étonnantes similitudes entre le style de la musique attribuée à Ristori et celui des œuvres contemporaines de Vivaldi d’une part, les contributions autographes du Prete Rosso et de son père à l’élaboration matérielle du manuscrit original d’autre part, constituent en effet autant d’indices en faveur de cette conclusion, que viennent en outre étayer deux données fondamentales : il est tout d’abord fort peu probable que Vivaldi ait abandonné la responsabilité de sa première saison vénitienne à un jouvenceau inconnu d’à peine vingt ans ; il est en outre désormais établi que Vivaldi fit ses débuts scéniques sous le masque Disco-Vidéographie Trentième (ou trente-et-unième) opéra de Vivaldi, l’Orlando furioso de 1727 se situe exactement au mitan de sa carrière de compositeur lyrique. Créée au Théâtre Sant’Angelo de Venise, où le Prêtre roux tenait aussi le rôle d’imprésario, l’œuvre voit converger deux pans de son activité, ce qui n’a pas été sans incidence sur sa conception. Complexe, celle-ci synthétise les expériences d’au moins trois autres Orlando (celui de Ristori de 1713, suivi d’une réfection avec ajouts de Vivaldi en 1714, année qui voit aussi la composition d’Orlando finto pazzo), auxquels sont empruntés divers détails du livret comme de la partition (notamment les scènes de démence de Roland, conçues en 1714 pour baryton, ou l’air final d’Al- cina, qui est le même que celui d’Ersilla dans Orlando finto pazzo). Et, à son tour, la musique d’Orlando essaimera dans les opéras suivants («Sorge l’irato nembo » du protagoniste échoira à Pompée dans la seconde version de Farnace). Cette gestation sans fin, typique d’un temps où chaque reprise, voire chaque représentation ou nouvelle distribution, amenait des modifications dans la trame textuelle et musicale d’une œuvre, rend difficile l’établissement d’une version «définitive» d’Orlando. L’ouvrage nous est parvenu, par exemple, dépourvu d’ouverture: chacun des quatre chefs dont nous parlons ci-dessous en a choisi une différente (celle d’Arsilda pour Scimone, celle de Farnace pour Sar- Olivier Rouvière delli, etc.), sans qu’aucun de ces choix apparaisse préférable aux autres – même si la restitution de Scimone reste la mieux défendue. Nous connaissons en revanche la distribution originelle mais, là non plus, aucune parfaite équivalence moderne ne s’impose. À la création, le seul rôle interprété par une voix d’homme « naturelle » fut celui d’Astolfo (basse). Pour le reste, le casting réclamait quatre altos et deux sopranos, un castrat étant requis dans chacun de ces registres, d’ailleurs peu éloignés l’un de l’autre. Puisque nous ne disposons plus de castrats, il faut imaginer des « substituts » pour ces rôles, ce à quoi chaque maître d’œuvre s’emploie à sa façon… Scimone Sans cesse primée depuis sa parution en 1978 et au fil de ses multiples rééditions, cette lecture est connue, au moins par extraits, de tout amoureux du Vénitien. Aux rares profanes qui n’en sauraient rien encore, adressons quelques avertissements: il s’agit bien plus de l’Orlando de Scimone/Horne que de celui de Vivaldi. Non que l’œuvre ait été abordée avec désinvolture : Scimone reste un grand découvreur, un analyste subtil des partitions, un érudit amateur de restitutions. La pertinente notice dont il accompagne le coffret (original) suffit à prouver que, s’il a modifié l’ouvrage, ce n’est pas par méconnaissance des sources 1. Simplement, il se refuse à l’aborder avec davantage de précautions qu’il n’en prend pour ses contemporaines résurrections rossiniennes, ou dans une optique moins belcantiste. Pour Scimone, Rossini et Vivaldi sont, d’un point de vue expressif, nos contemporains, nos proches. Et il les empoigne comme tels, au risque de choquer les puristes. Dommages collatéraux de cette appropriation : coupures, transpositions, modifications, ajouts, (ré)orchestrations. Pour justifier la suppression d’une douzaine d’airs sur vingt-sept (sans compter les da capo omis), Scimone argue de la durée a 102 L’Avant-Scène Opéra n° 260