« Virtual Saigon, écriture d`une nouvelle histoire de la ville à partir

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« Virtual Saigon, écriture d`une nouvelle histoire de la ville à partir
« Virtual Saigon, écriture d’une nouvelle histoire de la ville à
partir des documents visuels »
Laurent Gédéon et François Guillemot
Synthèse de l’atelier F04
Contexte et finalités
Différents statuts et positionnements dans l’histoire ont conféré à Saigon une place
singulière dans le Viêt-Nam d’aujourd’hui. Véritable laboratoire sur l’interpénétration des
cultures et les interactions avec l’étranger, elle fut à la fois créatrice et observatrice d’un flot
de transformations ininterrompues depuis un peu plus de trois siècles (création en 1698).
L’étude de l’évolution de cette ville sur la longue durée est encore largement inédite. Cet
atelier se proposait de présenter quelques unes des potentialités offertes par la nouvelle
plateforme numérique Virtual Saigon dont l’objectif est d’offrir un outil performant pour la
recherche et de construire une mémoire visuelle de Saigon – Hô Chi Minh-Ville à travers le
temps et l’espace. En particulier, l’approche retenue dans le cadre de l’atelier visait à
présenter les possibilités d’élaboration d’une nouvelle histoire de cette cité à partir de cartes,
plans cadastraux, photographies aériennes et de documents iconographiques. Les
différentes évolutions ont été abordées par une approche multidisciplinaire, diachronique et
multiscalaire. Outre la recherche fondamentale en sciences sociales, Virtual Saigon présente
d’autres finalités : recherche appliquée dans le domaine de l’urbain, outil pédagogique pour
l’enseignement supérieur et secondaire.
Contenu et acquis
L’atelier comportait quatre communications. Celle d’Emmanuelle Peyvel et de Dorothée
Rihal, « De Saigon à Ho Chi Minh-Ville, étude diachronique : L’apport de Virtual Saigon »,
présentait le fonctionnement de la plateforme numérique, au service d’une étude
diachronique renouvelée de la ville. S’inscrivant dans le portail des Virtual Cities Project
(VCP), développé à l’IAO depuis plusieurs années, cette plateforme a pour objectif de
compiler des ressources visuelles variées (cartes, plans, photographies) et dispersées entre
plusieurs pays (Viêt-Nam, France, Etats-Unis, Australie) par les vicissitudes historiques. Le
corpus de sources visuelles en cours de constitution, permet ainsi de mieux comprendre
l’évolution morphologique de cette ville, ses dynamiques de croissance, son processus
historique et ses modalités d’inscription dans la mondialisation. Dans ce but, plusieurs
fonctions de la plateforme ont été présentées : la compilation et la confrontation de cartes
topographiques
et
de
photographies
aériennes
géoréférencées,
la
navigation
et
l’interrogation de ces documents par des requêtes spécifiques (exemple de l’évolution des
noms de rues dans le premier arrondissement), la production de nouvelles cartes
interactives en ligne (Live Maps) et la construction de parcours visuels (Map Narratives).
La communication de Laurent Gédéon portait sur « La ville de Cholon, depuis l’origine à nos
jours. Une approche cartographique de l’histoire de la ville ». Cholon est née en 1778 sous
l’impulsion d’une colonie de migrants chinois fuyant les armées des Tây Sơn. Bénéficiant
d’une position géographique favorable, au cœur d’un important réseau de communication
fluvial et terrestre, la cité est rapidement devenue le centre commercial le plus important de
Basse-Cochinchine. Située à quelques kilomètres de Saigon mais différenciée sur le plan
géographique, Cholon s’est développée en complémentarité avec sa voisine. Par un lent
processus de développement urbain, les deux villes ont cependant fusionné au cours de la
première moitié du XXème siècle et Cholon est à présent entièrement enclavée au sein de la
métropole de Hô Chi Minh-Ville. Le « quartier chinois » recouvre aujourd’hui totalement ou
en partie les 6ème, 10ème, 11ème et 5ème arrondissements de la ville, ce dernier étant
généralement assimilé à la ville chinoise. Cette communication visait à mettre en lumière le
processus d’intégration des deux cités de l’origine à nos jours.
Mme Ton Nu Quynh Tran et M. Truong Hoang Truong (CEFURDS, Hô Chi Minh-Ville) sont
intervenus sur « Le réseau des canaux et arroyos à Saigon - Cholon jusqu’à la première
moitié du XX° siècle : Évolution du processus d’utilisation du réseau hydraulique entre flux
commerciaux et urbanisation coloniale ». En 1815, Saigon était cerné par un réseau de
cours d'eau naturels composé du canal de Th Nghè au nord, de la rivière de Saigon à l est
et du canal de B n Nghé au sud. A l intérieur de la ville, un système de canaux artificiels
avait été creusé afin de protéger la citadelle de Gia Đ nh, système qui servait en même
temps de voie d'eau reliant la citadelle à la rivière. Au cours du processus de développement
urbain, ces canaux artificiels ont été progressivement comblés, donnant naissance aux
boulevards importants de la ville. Parallèlement, dans le sud de Saigon, d’autres grands
canaux ont été creusés, créant ainsi les cours d eau nécessaires pour l’import et l’export du
port de la cité conférant à la ville son importance économique. L’objectif de cette
communication était, en partant de ces éléments, de mettre en lumière un processus
d’utilisation des ressources hydrauliques encore méconnu.
Enfin, François Guillemot, à partir d’un état des lieux de la production livresque sur Saigon –
Hô Chi Minh-Ville depuis la réunification du pays, s’est livré à une analyse des thèmes
historiques récurrents. Intitulée « L’historiographie de Saigon – Ho Chi Minh-Ville depuis la
réunification : Quelle mémoire pour quelle histoire ? (1975-2011) », sa communication visait
à identifier la place accordée par l’histoire officielle aux événements majeurs traversés par
cette ville qui échappait au nouveau pouvoir politique avant 1975. Il a posé plus
particulièrement la question des moments-clés (1955, 1963, 1968 et 1975) qui entrent en jeu
pour la construction de la mémoire historique de Saigon ainsi que des problèmes posés pour
l’élaboration d’une histoire de Saigon post-réunification. A travers l’identification d’un certain
nombre de lieux d’histoire et la construction de lieux de mémoires, cette communication a
proposé un parcours historiographique visuel permettant d’interroger l’histoire de Saigon telle
qu’elle est élaborée depuis trente-cinq ans, assimilable à une « historiographie d’Etat ».
Perspectives
L’objectif de cet atelier était donc de promouvoir une nouvelle histoire de Saigon sous l’angle
de l’histoire spatiale et de l’histoire numérique, deux approches conductrices de la
plateforme générique des Virtual Cities. Par l’utilisation des cartes, des images ou
documents compilés dans la base de données, les chercheurs pourront envisager de
nouvelles études sur des thématiques autrefois délaissées : morphologie urbaine,
hydrologie, démographie, sociologie de Saigon et analyse spatiale. En abordant les
questions de métropolisation, de spatialisation et de gouvernance sur la longue durée,
Virtual Saigon enrichira nos connaissances tout en offrant à la communauté scientifique un
outil interactif et participatif performant et un espace de discussion. En ce sens, l’atelier s’est
avéré un lieu d’échange très utile, réunissant une vingtaine de chercheurs issus de différents
champs disciplinaires : démographie, ethnologie, histoire, urbanisme ainsi que des
archivistes. Patrick Gubry, chercheur à l’IRD, a souligné par exemple, la nécessité de
revisiter les données démographiques de Hô Chi Minh-Ville en mettant en avant les
difficultés liées à la catégorisation des habitants de cette cité-province. Sylvie Fanchette
(IRD) a, de son côté, démontré l’importante question de la périurbanisation de la citéprovince en regard avec le développement de Hanoi dans une perspective comparative.
Shawn F. McHale, historien américain (George Washington University), a rappelé
l’importance de mener des recherches sur le Saigon en guerre au vu de la richesse des
sources américaines sur ce sujet. Dominique Rolland (INALCO) a évoqué les recherches qui
pourraient être menées sur le Saigon colonial et le métissage sous ses aspects sociaux et
culturels à travers la création de parcours visuels inédits. Les organisateurs de l’atelier ont
abondé en ce sens en présentant les développements futurs de la base de données avec
des partenariats envisageables avec le Service Historique de la Défense à Vincennes
(présent à l’atelier) ou l’IPRAUS (L'Institut Parisien de Recherche Architecture Urbanistique
Société). Au moment de cet atelier, la plateforme Virtual Saigon n’était pas encore
opérationnelle. Depuis, un travail important de collecte d’informations, de cartes, d’images,
de textes sources a été mené en vue d’une ouverture officielle des Virtual Cities Project
prévue en mars 2012. Grâce à un financement de la Région Rhône-Alpes (CMIRA 2010 et
2011), deux missions de recherche photographique et documentaire au Viêt-Nam ont pu être
effectuées. Un projet d’ouvrage collectif est d’ores et déjà à l’étude.
25 février 2012