12.05.08 Statements - Politique des grands predateurs

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12.05.08 Statements - Politique des grands predateurs
Exposé
donné le 8 mai 2012, à l’occasion de la présentation de la convention
adoptée par ChasseSuisse, Pro Natura, la Fédération suisse d’élevage
ovin et le WWF Suisse concernant la politique des grands prédateurs
Kurt Eichenberger, WWF Suisse
Une douzaine de loups vivent en Suisse. Ces quelques individus ont suscité des milliers
d’articles de presse et d’émissions radiotélévisées ces dernières années. Le loup, le lynx et
l’ours ne laissent pas indifférent. En particulier, ils ne vous laissent pas indifférents, vous qui
avez donné suite à notre invitation à cette conférence de presse. Qui sait, ce jour sera peutêtre celui où un processus de réflexion et de dialogue se sera cristallisé dans chacun des deux
« camps » en présence. Ce processus de réflexion et de dialogue, nous l’avons en tout cas
amorcé, raison pour laquelle nous nous adressons à vous aujourd’hui d’une seule et même
voix. Nous, c’est-à-dire les milieux de défense de la nature, les chasseurs, les éleveurs de
moutons et les autorités en la personne de Reinhard Schnidrig, garde-chasse fédéral, qui a
arbitré le processus.
Dix-huit années se sont écoulées depuis la découverte des premières traces de loup sur sol
suisse ; c’était dans le Val Ferret, en Valais. Cet individu, que nul n’a jamais vu, s’en est pris
au cheptel d’éleveurs ovins qui n’étaient pas du tout préparés à y faire face. Après avoir causé de nombreux dégâts parmi des troupeaux de moutons, il fut baptisé du nom peu flatteur
de « bête du Val Ferret ». Depuis, on observe dans les Alpes centrales l’arrivée naturelle de
loups venant des Abruzzes, en Italie, via les Alpes du Sud.
Le lynx, en revanche, n’a pas fait de lui-même son retour sur le territoire helvétique. Huit
spécimens ont été relâchés en Suisse entre 1971 et 1976, avec l’accord de la Confédération.
Quant à l’ours, comme vous le savez, des individus isolés venant du Trentin, toujours en
Italie, nous rendent visite sporadiquement.
L’émotion suscitée par la première apparition du loup en Suisse ne s’est pas dissipée. Le loup
est davantage qu’un simple animal : figure majeure d’innombrables contes et légendes, il est
depuis longtemps un mythe, ravivant chez beaucoup d’entre nous le souvenir ou la nostalgie
d’une nature sauvage et authentique dont, en Suisse, nous avons perdu la trace. C’est justement pour cela qu’il est un animal emblématique aux yeux des citadins et citadines. Emblématique, il l’est d’ailleurs tout autant pour ceux qui le combattent en le voyant comme une
menace pour l’élevage d’animaux de rente et comme le messager d’une nature indomptée. En
réalité, il n’est rien d’autre qu’un prédateur amorçant son retour en Suisse de manière naturelle. Ni plus, ni moins.
L’apparition du loup du Chablais, qui a accédé en automne 2006 à une célébrité inattendue, a
porté l’émotion à son paroxysme. Dans le Bas-Valais, une femelle et un mâle ont tué une
bonne centaine de moutons. La protection des troupeaux initiée à la fin des années 1990
n’avait de loin pas été mise en place partout où des loups surgissaient. Les réactions ne se
sont pas fait attendre. Le nombre d’articles recensés sur le sujet dans les médias helvétiques a
dépassé allègrement le millier. S’en est suivi un jeu du chat et de la souris mettant aux prises
loup et mouton : dénonciation du tir de loups à l’autorité de surveillance, reproches envers
l’inertie des autorités politiques, articles de presse et lettres de lectrices/lecteurs en grand
nombre... C’est à cette époque que, pour la première fois, des loups ont franchi la chaîne alpine en direction du nord. Dans chaque canton nouvellement concerné, le même scénario
s’est produit : le loup a scindé les acteurs en deux camps. Si elle a été largement acceptée au
sein de la population des régions urbaines et, dans une certaine mesure, dans des cantons de
montagne tels le Tessin et les Grisons, sa présence a été vivement combattue par les milieux
agricoles et cynégétiques, en Valais notamment.
Le lynx lui aussi échauffe les esprits, notamment chez les chasseurs. Prédateur, il leur fait
concurrence sur les territoires qu’il occupe, surtout à l’égard du chevreuil et du chamois.
Bien qu’étant un sujet d’importance et de portée secondaires, les grands prédateurs focalisent
toujours l’attention du public. Le loup a suscité pas moins de 13 interventions parlementaires
durant la session d’automne 2010 des Chambres fédérales – soit à peu près une intervention
par spécimen présent en Suisse ! Le Conseil fédéral a notamment été chargé d’entreprendre
des démarches auprès de la Convention de Berne afin d’obtenir un régime dérogatoire pour la
Suisse, faute de quoi notre pays n’aurait d’autre choix que de dénoncer son adhésion à ce
traité international. Un traité qui, soit dit en passant, assure depuis plus de trente ans la protection de centaines d’espèces animales et végétales dans toute l’Europe.
Jusqu’à présent, ce jeu stérile n’a fait que des perdants : les loups helvétiques n’ont pas généré de descendance, et aucun soulagement n’a été apporté aux agriculteurs et éleveurs. Seul le
lynx a pu un tant soit peu s’implanter, mais court lui aussi le risque d’un nouveau déclin à
cause de sa modeste population. Litiges juridiques, dénonciations à l’autorité de surveillance,
plaintes pénales, interventions politiques et polémique de part et d’autre ont, à ce jour, compliqué plus que facilité la recherche de solutions. C’est dans cette situation de blocage et de
durcissement que s’est réuni, en automne 2009, le groupe de travail « grands prédateurs »
institué par l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) et associant tous les acteurs concernés
par la question. A cette occasion, le WWF et Pro Natura ont prôné la mise sur pied d’une
table ronde. Cette proposition a été reprise séance tenante par l’OFEV, et l’idée d’une charte a
été lancée. Spontanément, les représentants de ChasseSuisse et de la Fédération suisse
d’élevage ovin se sont déclarés prêts à entrer en discussion. Tous les participants ont manifesté le désir de voir le processus arbitré par l’OFEV. Ce dernier a relevé le défi et, ensemble,
nous avons démarré à la mi-2010 un processus de dialogue et de négociation. Ce processus
est loin d’avoir abouti, mais une étape importante a déjà été franchie, d’où cette conférence
de presse.
Exposé
donné le 8 mai 2012, à l’occasion de la présentation de la convention adoptée par ChasseSuisse, Pro Natura, la Fédération suisse d’élevage ovin et le WWF Suisse concernant la
politique des grands prédateurs
Peter Zenklusen, ChasseSuisse
Sous l’arbitrage de Reinhard Schnidrig, de l’Office fédéral de l’environnement, les représentant-e-s de nos quatre grandes organisations se sont, de leur volonté commune et pour la
toute première fois, réunis autour d’une même table pour dialoguer sur l’avenir de l’ours, du
loup et du lynx en Suisse. Cela dans le but exprès de trouver ensemble ne serait-ce que le
plus petit dénominateur commun leur permettant de définir une future stratégie concertée en
matière de gestion de ces grands prédateurs. Des représentants de l’Office fédéral de
l’agriculture et du KORA ont également participé à ce processus en fournissant un appui
technique.
Lors de notre première réunion, sur le Gurten, les représentant-e-s des quatre organisations se
sont unanimement déclarés prêts à tendre vers ce but. Cette séance initiale a été suivie de six
autres, puis de sept autres encore pour élaborer la première version de la convention « Gestion des grands prédateurs en Suisse ». En principe, au début des séances, chaque participant/e avait la possibilité de « vider son sac » au sujet des derniers dégâts en date occasionnés par le loup, des propos exprimés dans les médias et d’autres événements nouveaux perçus comme irritants par l’un/e ou l’autre.
L’élaboration de ce document a été par moments difficile. Il a souvent fallu batailler ferme
pour surmonter les blocages. Plus d’une fois, le projet a même été à deux doigts d’avorter. Et
pourtant, encore et encore, tous les participant-e-s, ayant à cœur de faire passer l’intérêt
commun avant tout chose, ont persévéré dans la recherche de solutions constructives. Et
nous pensons avoir atteint un premier objectif intermédiaire. Ce résultat, vous pouvez en
prendre connaissance aujourd’hui : il s’agit de la convention « Gestion des grands prédateurs
en Suisse », que nous avons le plaisir de vous présenter.
Dans ce document, Pro Natura et le WWF reconnaissent que, pratiquées dans des conditions
durables, la chasse et la détention d’animaux de rente sont des modes d’exploitation qui
fournissent d’importantes prestations d’intérêt général. De leur côté, la Fédération suisse
d’élevage ovin et ChasseSuisse acceptent la réalité du retour et de l’expansion naturelle des
grands prédateurs en Suisse. C’est là un premier pas vers l’adoption de solutions communes,
y compris dans l’avenir, sur ce dossier.
Exposé
donné le 8 mai 2012, à l’occasion de la présentation de la convention adoptée par ChasseSuisse, Pro Natura, la Fédération suisse d’élevage ovin et le WWF Suisse concernant la
politique des grands prédateurs
Mirjam Ballmer, Pro Natura
La convention « Gestion des grands prédateurs en Suisse » est le résultat des négociations
menées par nos quatre grandes organisations. Elle formule des principes, des objectifs et des
champs d’action.
Les principes énoncés sont notamment les suivants : la chasse, ainsi que l’estivage d’animaux
de rente dans des conditions durables, sont des modes d’exploitation qui fournissent
d’importantes prestations d’intérêt général et qui sont reconnus comme tels par les organisations environnementales. Ces dernières vont dans le sens des associations d’utilisateurs en ce
qu’elles ne considèrent plus la régulation des grands prédateurs comme un tabou. En cas de
conflit mettant aux prises les grands prédateurs, la détention d’animaux de rente et
l’exploitation cynégétique de la faune sauvage, les quatre organisations sont ainsi prêtes à
rechercher, à travers une démarche pragmatique, des compromis et des solutions concertées.
Résumé succinctement, ce document signifie que ChasseSuisse et la Fédération suisse
d’élevage ovin acceptent la réalité du retour et de l’expansion naturelle des grands prédateurs
en Suisse, et que les organisations environnementales reconnaissent clairement l’utilité de la
chasse et de l’estivage ovin.
La protection des troupeaux doit constituer un pilier central de la stratégie à suivre. Cette
protection doit à l’avenir bénéficier de l’appui des éleveurs ovins, sur son principe comme
dans la pratique. Les chasseurs reconnaissent officiellement que les grands prédateurs sont
pour eux des concurrents naturels. En contrepartie, les organisations de protection de la nature sont ouvertes à la régulation des grands prédateurs, pour autant que leurs effectifs soient
bien établis. Conformément aux concepts en vigueur concernant les grands prédateurs, le tir
d’individus causant des dégâts est déjà possible aujourd’hui et d’ailleurs pratiqué depuis des
années.
Parmi les champs d’action mentionnés figurent la collaboration avec les pays voisins, le développement et la poursuite du monitoring scientifique des grands prédateurs, la mise en œuvre
– si possible et si nécessaire – de mesures appropriées pour la protection des troupeaux, de
même que l’élevage et l’emploi de chiens de protection aptes à remplir ce rôle.
Cette convention ne règle pas tout. Elle n’est rien de plus – mais aussi rien de moins – qu’une
déclaration d’intention. Nous sommes conscients qu’elle ne clarifie pas toutes les questions.
Dans le cadre de la révision des concepts relatifs aux grands prédateurs, de nombreux détails
non encore traités dans ce document devront être discutés. Il existe également des sujets que
cette convention n’aborde absolument pas, les positions des uns et des autres étant encore
trop incompatibles. Il ne faut pas s’attendre à des miracles.
Mais il ne faut pas non plus sous-estimer l’importance de cette convention. C’est la première
fois, après de longues années de confrontation, que nos quatre organisations se sont réunies
(à plusieurs reprises) autour d’une table afin d’identifier ensemble leurs points de convergence et les possibilités de compromis.
Cette démarche a suscité et suscitera sans doute encore, ces prochains temps, de nombreuses
discussions tant parmi les participant-e-s qu’au sein des organisations elles-mêmes. Les participant-e-s espèrent que cette première étape permettra de dépassionner le débat dans les médias, les parlements et les exécutifs. Nous voulons donner un signal selon lequel les gagnants
ne sont pas ceux qui restent le plus longtemps sur le ring et quittent celui-ci avec le moins de
blessures. Les gagnants, au contraire, sont ceux qui ne montent plus du tout sur le ring et
qui, en lieu et place, recherchent avec l’« adversaire » des solutions communes.
Exposé
donné le 8 mai 2012, à l’occasion de la présentation de la convention adoptée par ChasseSuisse, Pro Natura, la Fédération suisse d’élevage ovin et le WWF Suisse concernant la
politique des grands prédateurs
German Schmutz, Fédération suisse d’élevage ovin
Ce document commun nous aidera à aborder les conflits dans un esprit constructif, que ce
soit à travers l’information et le conseil, la mise en œuvre de mesures de protection ou le règlement des litiges en cas de dégâts aux cheptels. Eleveurs et détenteurs d’animaux de rente
sont disposés à prendre des mesures raisonnables, compte tenu des conditions régionales,
pour protéger leurs troupeaux, permettre la présence de grands prédateurs et assurer une
garde et un estivage durables de leurs bêtes.
Le travail va se poursuivre : le Parlement a chargé l’Office fédéral de l’environnement de réexaminer les concepts en vigueur au sujet des grands prédateurs (motion Hassler « Gestion
des grands prédateurs » 10.3605, voir ci-dessous). De son côté, le Conseil de l’Europe n’a pas
encore répondu à la demande d’adaptation de la Convention de Berne faite par la Suisse (motion Fournier 10.3264).
Les responsables de la gestion des grands prédateurs au sein de ChasseSuisse, de Pro Natura,
de la Fédération suisse d’élevage ovin et du WWF Suisse sont prêts à collaborer dans un esprit constructif à la révision des concepts en vigueur concernant le loup, le lynx et l’ours. Les
principes, objectifs et champs d’action définis en commun devront être pris comme base de
cette révision. Le processus démarrera vraisemblablement après l’entrée en vigueur de la
nouvelle ordonnance sur la chasse, à l’automne 2012.
10.3605 – Motion
Gestion des grands prédateurs. Faciliter la régulation
Le Conseil fédéral est chargé d’élaborer à long terme une gestion des grands prédateurs en
concertation avec les autres pays et de créer les bases légales nécessaires. L’objectif est de
minimiser durablement les dégâts causés par le loup, le lynx et l’ours tout en répondant aux
obligations internationales, à l’instar de la France.
Motion déposée le 18 juin 2010 par le conseiller national Hansjörg Hassler, PBD

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