IREN Peter M. Lewis, Chercheur, London School of

Transcription

IREN Peter M. Lewis, Chercheur, London School of
RADIO
IREN
Peter M. Lewis, Chercheur, London School of Economics ;
Spécialiste de l’étude académique de la radio, IREN,
International Radio Research Network
2004/26 – DIFFUSION en ligne
1
IREN
Peter M. Lewis
Chercheur, London School of Economics ;
Spécialiste de l’étude académique de la radio,
IREN, International Radio Research Network
Pour l’homme de la rue,
la radio n’est pas un sujet
de conversation.
Si vous travaillez dans une radio ou si
vous êtes spécialiste de l’étude
académique de la radio, cette
constatation est difficile à accepter, car
le nombre d’heures de radio diffusées
n’a jamais été aussi élevé, les chiffres
d’audience ne baissent pas et la radio
ne perd pas de terrain face à la
télévision ou à d’autres loisirs.
Lors des interviews et des études de
marché, les gens évoquent volontiers
et longuement l’importance de la
radio dans leur vie. Mais, en règle
générale, elle n’est pas un sujet de
conversation. Contrairement à ce qui
se passe pour la télévision, personne
ne demande ce que vous pensez des
programmes diffusés la veille.
Quel moment radiophonique est
comparable aux images du 11
Septembre ?
À la radio, les instants les plus
mémorables sont probablement les
silences – comme celui qui a suivi les
derniers mots du commentateur de
2
la Guerre des mondes de Welles, ou
l’explosion de la bombe atomique
dans l’adaptation de la BBC de When
the Wind Blows, de Raymond Briggs.
La vision
La plupart des Européens vivent dans
une culture visuelle, nos langues sont
pleines d’expressions concernant la
vision : une culture qui, au fil des
siècles et en commençant par
l’invention de l’imprimerie, a accordé plus d’importance à la vue qu’à
l’ouïe.
L’écoute de la radio fait tellement
partie de la vie qu’elle est devenue une
activité habituelle ou mécanique, un
peu comme se nourrir ou ouvrir une
fenêtre. Lorsqu’on écoute, la
perception se répercute à l’intérieur
de la tête, nous l’intégrons, cela fait
partie de nous, cela nous appartient
(on dit ma station, notre chanson) et
nous ne voulons pas nécessairement
partager cette expérience avec
d’autres.
DIFFUSION en ligne – 20043/26
RADIO
Est-ce important ? Le fait qu’il est
difficile de décrire ce qu’est la radio
avec des mots, alors que les mots sont
justement le moyen d’expression de
la radio, a-t-il une importance ? Ou,
pour utiliser un jargon plus
académique, est-il important que la
radio soit dépourvue de présence
discursive ?
De plus en plus d’universités européennes considèrent que cette absence
discursive est l’un des motifs de
l’invisibilité de la radio au niveau
décisionnel. Au moment de décider
de l’allocation des ressources ou de
garantir la diversité par le biais de la
législation, les décideurs ne peuvent
s’appuyer sur aucune théorie
communément acceptée. En outre,
dans la mesure où les médias euxmêmes contribuent largement à la
formation de l’opinion publique et
à celle des lignes de conduite à
suivre, nous pouvons nous
demander : comment les médias
traitent-ils la radio ?
La réponse est simple : mal.
L’attention que les critiques de
presse lui consacrent est bien
inférieure à celle dont bénéficient le théâtre, le cinéma, la
littérature ou même la télévision.
Un certain nombre de spécialistes
de l’étude de la radio tenteront de
faire évoluer la situation : nous
croyons qu’elle est à la fois art,
source d’information, divertissement
et moyen de faire participer les
citoyens aux affaires publiques.
Par conséquent, pour se développer
pleinement, elle a besoin d’un cadre
constitué d’études critiques et de
recherches.
Dans un environnement où les
médias, les études culturelles et la soif
de la communication ne cessent
d’augmenter, l’intérêt pour la radio
s’est développé lentement. Toutefois,
depuis quelques années, il prend une
certaine ampleur. Pour mûrir, une
discipline a besoin de créer ses propres
réseaux, de rechercher des sources de
2004/26 – DIFFUSION en ligne
financement, d’organiser des conférences, de trouver des débouchés. Ces
activités aboutissent à la mise en place
de programmes d’étude dont
l’existence même au sein des
universités devrait commencer à
influencer ce qui est enseigné dans les
écoles : savoir écouter est aussi un art,
un art duquel on pourra tirer d’autant
plus de satisfaction que l’on sera
capable de le replacer dans un
contexte historique et culturel.
En Scandinavie, un groupe de radios
nordiques a été créé il y a quelque
temps ; en France, le GRER (groupe
de recherches et d’études sur la radio
– http://greriren.free.fr/grer.htm) a
organisé deux colloques internationaux ; en Italie, l’université de
Sienne a joué un rôle de première
importance en mettant sur pied une
conférence et des cours d’été sur la
radio dont le deuxième a lieu à Sienne
la dernière semaine de juillet ; en Grande
Bretagne, le Radio Studies Network
(http://www.radiostudiesnetwork.
org.uk/), créé en 1998, a lancé un
journal consacré à la radio (http://
www.intellectbooks.com/journals/
radio.htm).
Dans les pays qui bénéficient de la
présence de ces institutions, les
chercheurs, souvent marginalisés dans
les départements d’étude des médias,
peuvent trouver des contacts, faire
valoir des précédents et demander des
financements. Il est beaucoup plus
difficile de maintenir élevé l’intérêt
académique si les chercheurs sont
isolés, sans le bénéfice d’un réseau de
contacts.
L’International Radio Research
Network a soumis une demande de
financement à la Commission
européenne afin de créer une infrastructure de recherche au niveau
européen dans le dessein de répondre
plus particulièrement aux besoins des
jeunes chercheurs et des spécialistes
travaillant en Europe orientale et
méridionale. Cette demande a été
approuvée et le projet, d’une durée
de trente mois lancé en mars 2004,
3
RADIO
comprend l’organisation de conférences et la création d’une association
internationale qui prendra le relais à
la fin de la période de financement.
Cette association constituera une
source permanente d’encouragement
et de soutien pour les études et la
recherche dans le domaine de la radio.
Internet
Treize partenaires, représentant dix
pays, sont membres fondateurs
d’IREN. Parmi les tâches qu’ils se sont
données, on peut citer le recensement
des projets de recherche académique
et des compétences dans le domaine
de la radio en Europe, afin de
constituer une base de données
accessible sur Internet. Cette base de
données devrait permettre d’identifier
les domaines où la collaboration serait
possible entre les universités et avec
les radiodiffuseurs, notamment en ce
qui concerne la capacité de la radio à
encourager les citoyens européens à
participer à la création d’une sphère
publique européenne.
Le dialogue avec les radiodiffuseurs
est une condition essentielle pour la
réussite des recherches académiques.
Il est évidemment possible d’étudier
les structures du secteur et les formats
de programmes sans consulter les
stations de radio. Nous pouvons
parler aux auditeurs, et nous le
faisons. Mais notre travail est enrichi
de manière considérable si nous
arrivons à collaborer avec les créateurs
de programmes et les responsables de
la programmation, si nous pouvons
observer la manière de travailler des
radiodiffuseurs et leurs processus
décisionnels (par exemple eu égard
aux nouvelles technologies) ou si nous
avons l’occasion d’observer leurs
méthodes d’analyse et d’interprétation des données d’audience.
Pour être clair : les chercheurs ont
besoin d’avoir accès aux sources de
données.
Quel intérêt ?
Que peut apporter un tel dialogue aux
radiodiffuseurs ? Il existe deux
domaines où les intérêts des
universités et des radiodiffuseurs
peuvent converger : les études et la
recherche. Il serait intéressant pour
les radiodiffuseurs de savoir ce que
les universités enseignent à leurs
étudiants dans leurs départements de
recherche sur les médias et de
journalisme. En outre, les radiodiffuseurs pourraient suggérer des
sujets, de manière à s’assurer que les
étudiants reçoivent une formation
adaptée. De nombreux cours universitaires bénéficient de la présence
de radiodiffuseurs, présents en tant
que professeurs invités – c’est ce que
font deux des partenaires fondateurs
d’IREN. Mais les études universitaires
dans le domaine de la radio ne doivent
pas se limiter à une formation
pratique. Elles doivent également
poser les bases d’un discours critique
dont l’absence commence à se faire
sentir. Le problème est que les
radiodiffuseurs, qui sont bien sûr
capables de réfléchir de manière
critique sur leurs productions, n’ont,
en règle générale, pas le temps de le
faire.
C’est ici que le deuxième point de
convergence, la recherche, prend son
importance. Il peut parfois être
intéressant pour une institution de
bénéficier de la présence, pendant un
temps limité, d’un chercheur universitaire autorisé à poser des questions
de fond à propos des procédures, des
programmes et des méthodes de
travail. Plus simplement, une
comparaison des besoins au niveau
de la recherche permettra d’identifier
les sujets de préoccupation pour les
deux parties, sujets sur lesquels la
recherche académique peut
contribuer à lever les incertitudes.
Par ailleurs, mon université, la
London School of Economics,
accueille parfois des collaborateurs
des radiodiffuseurs ou des journalistes, qui ont la possibilité de
prendre du temps pour réfléchir à
leur travail, dans un cadre éloigné des
pressions qu’ils peuvent subir dans
leurs activités quotidiennes.
Un domaine de collaboration évident
est constitué par les conférences que
les deux parties organisent pour
examiner leurs activités. La présence
de radiodiffuseurs lors d’une
conférence académique ou celle
d’un représentant du monde
universitaire à un séminaire organisé
par un radiodiffuseur facilite le
débat. C’est sans aucun doute de
discussions et d’échanges d’idées
qu’un discours commun peut se
dégager.
Contacts
Coordonnateur du projet : Jean-Jacques Cheval
[email protected], [email protected]
Coordonnateur scientifique : Peter M. Lewis
[email protected]
International Radio Summer School, Sienne : www.radiouniversity.net/in
Radio Studies Network : www.radiostudiesnetwork.org.uk/
4
DIFFUSION en ligne – 20043/26