Efficacité des Clauses Limitatives de Réparation: Incertitude en

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Efficacité des Clauses Limitatives de Réparation: Incertitude en
Efficacité des Clauses Limitatives de Réparation:
Incertitude en France et aux Etats-Unis ?
Par Eric Wallenbrock
(Janvier 2008)
L’arrêt du 13 février 2007 de la Cour de cassation dans l’affaire Oracle contre Faurecia a confirmé la
volonté de la cour régulatrice de refuser l’application des clauses limitatives de réparation aux
cocontractants n’ayant pas respecté leurs obligations essentielles. Cette décision importante constitue
l’épilogue du feuilleton judiciaire dont le premier épisode remonte à l’arrêt Chronopost du 22 Octobre
1996 dans lequel la Cour de cassation avait jugé que les clauses limitatives de responsabilité
contractuellement établies entre les parties n’avaient pas à s’appliquer au transporteur susnommé alors
même que celui-ci n’avait pas respecté son obligation de livraison du courrier.
L’arrêt du 13 février 2007 consacre une interprétation extensive de l’arrêt Chronopost en élargissant le
principe susmentionné aux différents contrats entre professionnels, y compris en l’espèce à une série de
contrats concernant la livraison et l’octroi de licences de logiciels.
Les faits : en vertu d’une série de contrats, le prestataire de logiciels Oracle s’était engagé à fournir à
société Faurecia, équipementier automobile, un progiciel informatique dénommé V12 qui n’a
finalement jamais été livré (Arrêt n°05-17.407 de la Cour de Cassation du 13 Février 2007). Oracle
se prévalait de la clause limitative de réparation contractuelle pour faire obstacle aux demandes de la
société Faurecia visant à obtenir réparation quand aux sommes versées au titre des différents contrats.
La Cour de cassation fonde sa décision sur le fait qu’Oracle n’a pas rempli une obligation essentielle
du contrat en n’exécutant pas son obligation de livraison du progiciel V12 à Faurecia. La Cour de
cassation a adopté une approche objective ne nécessitant pas la constatation de l’existence d’une
faute lourde par la partie ayant manqué à ses obligations contractuelles.
La Cour de Cassation a retenu que Oracle n’avait exécuté son obligation de livraison sans qu’il soit
justifié d’un cas de force majeure et sans qu’il ait jamais été question entre les parties d’un autre
déploiement que celui de la version V 12, ce dont il résulte un manquement à une obligation
essentielle de nature à faire échec à l’application de la clause limitative de réparation.
Ainsi, une clause limitative de réparation devrait être écartée en cas de non-exécution par le
cocontractant d’une de ses obligations essentielles (sauf si ladite non-exécution se justifie par un cas de
force majeurs ou fait l’objet d’un accord entre les parties).
Cette approche diffère sensiblement de celle des tribunaux américains.
La question qui divise les tribunaux américains
La jurisprudence américaine relative aux clauses limitatives de réparation suit une évolution différente
car le problème n’est pas tant de savoir si l’une des parties au contrat n’a pas respecté l’une des ses
obligations essentielles que d’établir si la mise en œuvre d’un remède à un manquement a été
entravée par la clause limitative de réparation – et donc si ledit remède a manqué à son objet
principal, à savoir la réparation des conséquences provoquées par un manquement et anticipées par
les parties.
Les dispositions américaines régissant les modifications contractuelles et les limitations de réparation
sont codifiées dans le Livre §2-719 du Uniform Commercial Code («UCC»). La question qui divise les
tribunaux américains porte sur la compatibilité entre deux articles de ce Livre traitant des clauses
limitatives de réparation. L’article 2 du UCC §2-719 stipule que « Lorsque les circonstances font échec
à l'objet principal d’un remède exclusif ou limité, la réparation peut s’effectuer conformément aux
dispositions ci-avant ». L’Article 3 précise « Les dommages et intérêts peuvent être limités ou exclus
sauf dans la mesure où ladite limitation ou exclusion est grossièrement déraisonnable
(« unconscionable ») ».
« La limitation des dommages et intérêts pour préjudice corporel au titre de la responsabilité produit en
matière de biens de consommation est présumée grossièrement déraisonnable mais la limitation des
dommages et intérêts en cas de préjudice commercial ne l’est pas ». Les commentaires officiels de ce
Livre démontrent que ces dispositions visent bien laisser à la discrétion des parties le soin de
déterminer - voire de limiter – la réparation en fonction des spécificités de leurs relations.
Commentaire officiel, UCC §2-719.
Cette liberté contractuelle est cependant limitée dans la mesure où le contrat doit prévoir « au
minimum des remèdes adéquats » en cas de rupture des obligations ou engagements contractuels.
Quand la mise en œuvre d’un remède à un manquement a été entravée, les parties au contrat
peuvent se prévaloir des autres réparations visées à l’UCC. S’agissant de l’Article 3, les commentaires
officiels indiquent que ce Livre de l’UCC « admet la légalité des clauses limitant ou excluant le
paiement de dommages et intérêts, sous réserve cependant que ladite limitation ou exclusion ne soit
pas grossièrement déraisonnable ».
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L’interprétation et l’application de ces deux dispositions du Livre §2-719 de l’UCC divisent les
tribunaux américains d’est en ouest. Tout l’enjeu est de savoir si ces dispositions doivent être
appréhendées indépendamment l’une de l’autre de sorte à ce qu’une clause limitative de réparation
puisse s’appliquer même dans l’hypothèse où elle n’a pas rempli son objet.
Certains tribunaux ont jugé que même si la mise en œuvre d’un remède à un manquement a été
entravée par la clause limitative de réparation, la limitation ou l’exclusion de dommages et intérêts ne
doit pas être écartée.
Selon les tribunaux qui mettent en œuvre cette approche, les clauses 2 et 3 du Titre §2-719
s’appliquent de façon exclusive de sorte à ce que même si la mise en œuvre d’un remède à un
manquement a été entravée par la clause limitative de réparation, toute autre limitation des
dommages et intérêts demeure pleinement applicable sauf dans la mesure où ladite limitation ou
l’exclusion s’avère grossièrement déraisonnable.
D’autres tribunaux ont jugé qu’une clause limitative de réparation et une stipulation relative aux
dommages et intérêts doivent être interprétées de sorte à ce que l’inapplicabilité de l’une entraîne
automatiquement l’inapplicabilité de l’autre. Le raisonnement sous-jacent est alors le suivant : le fait
de juger que la mise en œuvre d’un remède à un manquement a été entravée par la clause limitative
de réparation n’aurait finalement aucune incidence si la limitation pouvait être mise en œuvre en vertu
d’autres stipulations contractuelles.
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