Une mere tue son enfant - Bulletin canadien d`histoire de la médecine

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Une mere tue son enfant - Bulletin canadien d`histoire de la médecine
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Une mere tue son enfant
Michel Sanchez-Gardenaset Marcel Zins-Ritter
Coll. «Les empêcheurs de penser en rond
Le Plessis-Robinson, Institut Synthélabo, 1997,99p.
I
Ces deux auteurs, psychiatres des hôpitaux de France, empruntent leur titre à
Étienne Esquirol («Une mère tue son enfant, et non l'enfant de l'étrangère; un
mari veut tuer sa femme, avec laquelle il a vécu la plus douce harmonie pendant vingt ans» etc.), lequel voulait ainsi illustrer sa création du concept nosographique de la folie partielle ou monomanie, conçu vers 1810 à la fois comme
une élaboration du travail de son maître Philippe Pinel et comme une réponse
aux détracteurs dudit. La vogue de la monomanie, vaste catégorie regroupant
des troubles mentaux aussi bien affectifs qu'intellectuels ou instinctifs, voire
érotiques, durera une bonne soixantained'années, au bout de quoi elle tombera
sous les coups de Jules Falret et de ses étudiants. Ces derniers dénonceront la
quasi non-existence, dans les «monomaniesintellectuelles», d'un délire partiel
laissant indemne le fonctionnement mental global, et, dans les «monomanies
affectives», l'impossibilité d'un délire qui, par définition, atteint l'intellect et
non les sentiments. «Splendeur et décadence d'une maladien, écrit Jan Goldstein (voir la recension de son ouvrage par Guy Grenier). Mais l'importance de
la monomanie est ailleurs : dans son aptitude, facilement démontrable sur le
plan historique, à assurer, par le truchement de la «monomanie homicide*, la
place des «aliénistes»sur la scène juridique, et par le fait même à légitimer
comme spécialité médicale ce qui allait devenir la psychiatrie.
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Après avoir rappelé l'oeuvre d'Esquirol, les auteurs s'attachent à la monomanie et à son rôle en tant que «catégorie médico-légale». Puis ils retracent
la longue histoire des affrontements entre juristes et aliénistes : l'avocat Élias
Regnault, qui ne croit pas en la monomanie et va jusqu'à mettre en cause la
compétence de ses opposants, le médecin Jules Baillarger, qui defend envers et
contre tous, notamment Jules Falret et Étienne Georget, les idées de son maître
Esquirol, etc. Histoire bien connue, démarquée d'auteurs classiques (Goldstein,
Gauchet, Swain parmi d'autres), qui n'ajoute pas grand-chose à ce que nous savons. Et l'on ne peut s'empêcher de trouver mal venues ces erreurs qui (p. 59),
font de Çcipion Pinel «leneveu du grand Philippe Pinel» (il est son fils aîné), ou
encore, nous parlent de «Butin» (p. Il), de «Régnault» (p. 41, 42). À moins
qu'un typographe attardéet malveillant. ..
ANDRÉE YANACOPOW
Université de Montréal