Interview Laurent Attal

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Interview Laurent Attal
Avec l’aimable autorisation de WWD - Article paru dans WWD en octobre 2013
DOCTEUR DE L’UNIVERS
Depuis qu’il est devenu le responsable de la Recherche et de l’Innovation chez
L’Oréal en 2010, Laurent Attal a redéfini la façon dont le géant de la beauté reste à la
pointe de la science.
Par Pete Born
Photographié par Nathan Pask
Il est probablement un des seuls à reconnaître sa passion pour les cheveux abîmés. Mais Laurent
Attal sort vraiment de l’ordinaire.
Il est responsable de la recherche scientifique révolutionnaire qui date de plus d’un siècle chez
L’Oréal, tradition qui remonte à l’époque où, en 1907, un chimiste du nom d'Eugène Schueller inventa
une teinture capillaire inoffensive pour les cheveux et fonda ce qui est désormais la plus grande
entreprise de produits cosmétiques du monde de la beauté. En 1936, après cette avancée décisive,
Schueller enchaîna avec l’invention de la protection solaire. Laurent Attal, vice-président exécutif de la
Recherche & Innovation de L’Oréal, marche sur ses traces. Il dirige un bataillon de 3 800 scientifiques au
total et d’autres spécialistes techniques qui animent ce que le PDG Jean-Paul Agon appelle « le générateur
de la machine à innover » au « cœur de l’entreprise ».
L’Oréal consacre 3,5 % de son chiffre d’affaires (près d’un milliard de dollars d’après les résultats
de 2012 convertis à taux de change moyen) à la recherche et au développement scientifiques, soit une
augmentation spectaculaire par rapport aux 2,8 % du CA de 2002. L’entreprise assure qu’elle dépense le
plus en R&D (en pourcentage du CA). Selon une note de recherche d’UBS, en euros ou en dollars absolus,
« L’Oréal est l’une des sociétés du secteur qui dépense le plus en la matière, car elle considère que la
science est la clé de son processus d’innovation, ». Tout en soulignant la puissance de l’innovation, UBS
observe que 15 à 18 % des ventes de L’Oréal proviennent des produits commercialisés au cours des 12
derniers mois.
Manifestement, le credo marketing du « rêve dans un pot » qui a sévi pendant des décennies
n’est plus de mise : c’est dans les laboratoires que se jouera l’avenir.
Comme l’a déclaré Jean-Paul Agon, Laurent Attal affichait un profil atypique pour ce poste
lorsqu’il a été nommé en 2010. Le directeur de la recherche a la curiosité disciplinée d’un dermatologue
diplômé, ce qu’il était, doublée de l’enthousiasme et du dynamisme d’un homme de marketing rompu au
profit. Fort de ces deux casquettes, il est animé d’une passion incontestable pour transformer la science
en produits innovants. Laurent Attal a dit que son rêve était de réussir à créer un jour des produits qui
puissent être personnalisés en fonction des consommateurs.
Un autre souhait lui tient particulièrement à cœur : concevoir des traitements dont les résultats
rivaliseraient avec ceux obtenus actuellement par les procédures esthétiques par injection, comme les
injections de Botox. Il réfléchit également à un univers de produits destinés aux femmes de 75 ans.
Au cours d’une des rares interviews qu’il a accordées dans son bureau au siège de L’Oréal à Clichy,
dans la banlieue de Paris, et tout en guidant son visiteur dans le Saint des Saints de la Recherche avancée
et appliquée, Laurent Attal aborde un vaste éventail de sujets, dont il parle souvent avec émotion. À un
moment, durant une discussion qui se prolonge, il s’attarde sur l’un de ses nombreux sujets de
prédilection.
« J’aime cette histoire de cheveux abîmés tout d’abord parce que c’est le problème numéro un»,
dit-il, en parlant de plus en plus vite. « C’est véritablement le problème numéro un, partout, absolument
partout, au même titre que la chute des cheveux. En termes de débouchés, c’est le numéro un ».
En janvier 2010, à la demande de Jean-Paul Agon, Laurent Attal est revenu de New York où il était
PDG de la filiale L’Oréal U.S.A, avec pour mission la réorganisation de la R&D. Le but était d’établir un lien
entre le département de l’Innovation et de la Recherche afin de mieux guider les scientifiques dans leurs
travaux.
Aujourd’hui, la R&D est dirigée par la Recherche Avancée chargée des recherches en science
fondamentale (comment se développent les problèmes cutanés) et de l'élaboration des actifs clé, par euxmêmes ou en collaboration avec d’autres organisations scientifiques ou fournisseurs. Une fois ces actifs
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obtenus, les molécules sont remises à la Recherche Appliquée qui crée les formules en les intégrant.
Parfois, les équipes de la Recherche Appliquée inventent des formulations sans nouvel actif. Les formules
sont ensuite remises au département du développement chargé de la création des produits. Les
recherches peuvent s’étendre sur cinq ou dix ans, explique Laurent Attal, fier de souligner que L’Oréal a
déposé 611 brevets, ce qui en fait le quatrième déposant de brevets en France, le premier étant le secteur
automobile.
Le département Innovation, dirigé par Jacques Challes, Directeur de l’Innovation, consulte
fréquemment la Recherche Avancée et Appliquée, bien souvent au début du processus. « Nous pensons
que l’innovation peut venir de partout, de n’importe où, et c’est très important », insiste Laurent Attal, en
reprenant son refrain favori. « Nous favorisons en permanence l’interaction entre le marketing et la
recherche, parce que nous pensons que c'est de ces interactions que naîtront les grandes idées. Cette
interaction est l’interaction entre les consommateurs et la science. Ce modèle «push» [science] et «pull»
[consommateur] définit les grandes innovations de demain, non seulement parce qu'il repose sur les
besoins des consommateurs, mais aussi parce qu'il va changer leurs attitudes».
Il poursuit : « Nous pensions qu’il était pertinent de renforcer notre vision marketing, nos outils de
marketing et de prospection en vue d’alimenter la Recherche Avancée et Appliquée parce que notre
objectif est toujours de transformer la science en produits innovants ».
Le lien établi entre l’innovation et la R&D est directement au cœur de la vision stratégique de
Jean-Paul Agon pour L’Oréal. « Il est important d’identifier dès le départ les domaines dans lesquels les
scientifiques doivent travailler parce que si vous ne le faites pas, [ils] auront très envie d’explorer toutes
sortes de domaines» a déclaré Jean-Paul Agon. « Il faut les canaliser dès le début et leur dire : « Ok, c’est là
que vous devez chercher. »
Puis il poursuit : « Il faut également prévoir en amont des équipes commerciales et marketing
proches des scientifiques afin de s’assurer que leur première découverte pourra être transformée en
innovations. Bien souvent, la bonne idée consiste à associer un grand esprit scientifique et un grand esprit
marketing ».
Jusqu’ici, cette stratégie a bien fonctionné. « Ces deux ou trois dernières années ont été les
meilleures de l’histoire de l’entreprise en termes de produits d’innovation » a déclaré Jean-Paul Agon en
citant comme exemples Lancôme Visionnaire, Skin Perfection by L’Oréal Paris et Vichy Neogenic, le
traitement antichute des cheveux.
Les analystes des marchés sont d’accord. Eva Quiroga, analyste chez UBS, estime que depuis trois
ans et demi, l’innovation s’est considérablement développée chez L’Oréal. « Ce qui est positif dans cette
organisation, c'est le lien direct entre la recherche et le commercial, qui crée un bon équilibre entre le
"pull" du consommateur et le "push" [de la science] » a-t-elle déclaré récemment après avoir effectué une
visite de trois jours dans les laboratoires. Elle a remarqué que L’Oréal dépense énormément en
pourcentage du chiffre d’affaires « et même en euros, les chiffres sont plutôt élevés », ajoutant que la
stratégie de l’entreprise d’accroître les dépenses de R&D est positive.
« C’est toujours une bonne idée de dépenser un peu plus : la R&D est dans leurs gènes, et le
marketing atteint ses limites si le produit n’est pas le bon », ajoute Eva Quiroga.
Karen Grant, vice-présidente et analyste internationale chez NPD Group, observe également une
hausse de l’innovation depuis ces trois dernières années, et cite le positionnement de l’huile dans la
franchise Age Perfect de L’Oréal Paris, l’essor de Garnier et les lancements de Lancôme, Visionnaire et
DreamTone Ultimate Dark Spot Corrector.
Victoria Gustafson, chef d’équipe principale des analyses stratégiques chez IRI, explique que
L’Oréal a fait « d’énormes progrès » dans les teintures capillaires et les produits de soin pour cheveux.
Jean-Paul Agon confirme que L’Oréal va encore développer la R&D cette année et est très satisfait
du travail accompli par Laurent Attal. « En trois ans, Laurent a complètement transformé, modernisé et
internationalisé le département R&D et, d’une certaine façon, il est même allé au-delà de mes rêves les
plus fous ».
L’Oréal compte désormais six pôles régionaux de R&D, la France sert de tête de pont et abrite le
Centre Mondial de Recherche Avancée. Les cinq autres pôles se trouvent aux États-Unis, au Brésil, en Inde,
en Chine et au Japon. Il existe également 17 centres d’évaluation et 50 départements scientifiques dans le
monde entier.
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Laurent Attal explique la théorie qui sous-tend la technologie de la mondialisation. Il ne s’agit pas
des marchés émergeants ou développés : « L’idée est d’innover localement, mais avec une innovation de
portée mondiale ».
Il enchaîne sur la doctrine de l’universalisation de L’Oréal : « Il ne s’agit pas simplement de
respecter les différences des Chinois, mais d’être inspirés par les rituels de beauté des Chinois, par les
cheveux des Chinois… afin d’inventer de nouvelles techniques pour le reste du monde. Cela est bien plus
ambitieux qu’une simple adaptation ».
Il précise que L’Oréal a des laboratoires en Chine et en Inde en partie parce que ces deux pays ont
depuis toujours des connaissances médicales ancrées dans leurs traditions, que L'Oréal utilise comme
point de départ. « Nous partons de leurs traditions et [ensuite] des observations et nous revenons à la
molécule », dit-il. « C’est très complémentaire ».
Les technologies mondialisées sont également adaptées aux besoins régionaux. Pour illustrer ce
point, Laurent Attal reprend l’un de ses sujets favoris - les cheveux abîmés - et son marché numéro un, le
Brésil. Il donne la liste des cinq caractéristiques principales des cheveux abîmés : fourchus, rêches au
toucher, secs, fragiles, cassants et ternes ; ce qui a inspiré le produit de L’Oréal présent dans le monde
entier, Elseve Total Repair 5. Il a été lancé au Brésil en 2009, utilisant le Céramide R comme ingrédient
principal, mis au point en 1994. « Il y a quatre ans, ce fut un énorme succès au Brésil », relève Laurent
Attal. « Tant et si bien qu’en 2011-2012, nous avons lancé la gamme Total Repair 5 et adapté la formule à
toutes les attentes des consommateurs locaux, et la gamme est devenue mondiale. Nous sommes
[actuellement] en train de la commercialiser aux États-Unis dans la nouvelle gamme, Advanced Care avec
Total Repair 5 Extreme ».
Il ajoute que les femmes américaines apprécient beaucoup les après-shampoings, mais qu’elles
accordent aussi une grande importance à la douceur des cheveux qui en résulte, si bien qu’une nouvelle
formule a été créée pour les États-Unis.
Retour au Brésil : l’équipe de L’Oréal a voulu intégrer la version nord-américaine, mais le coût
était trop élevé. Elle a donc trouvé une solution pour le réduire. Pendant ce temps, en Chine, qui est
principalement un marché de shampoings et où les cheveux abîmés sont également un problème majeur,
l’équipe de Shanghai a adopté la technologie occidentale et mis au point « une technologie complètement
nouvelle pour les shampoings pour cheveux abîmés ».
« Cette technologie a maintenant été adoptée par d’autres pays », conclut Laurent Attal. « Nous
sommes dans un processus continu visant à la rendre mondiale, mais assortie d’adaptations locales ».
Laurent Attal se souvient avoir rendu visite à une Brésilienne de 27 ans de la classe moyenne
« mais classe moyenne inférieure », en février dernier. Dans sa routine de beauté elle utilisait sept
produits, tous pour les cheveux. « Elle sait parfaitement comment appliquer un produit et elle peut
immédiatement, simplement au toucher et selon son mode d’application, dire « Ce produit est mieux que
celui-là ».
L’Oréal a toujours défendu le rôle essentiel que la science joue dans le marketing des
cosmétiques et c’est ainsi que Jean-Paul Agon envisage de gagner à l’avenir. Il raconte qu’il dit toujours
aux investisseurs que L’Oréal est guidé par la conviction que « La beauté c’est aussi de la technologie, c’est
de la qualité, et si vous êtes toujours au meilleur de la qualité et de l’innovation, les R&D et la science n’en
seront que meilleurs. Ceci est plus vrai que jamais. »
Les cheveux abîmés peuvent représenter un énorme débouché, mais Laurent Attal ne quitte pas
son objectif des yeux. Si on lui demande de citer le produit de ses rêves qu’il aimerait créer, le chef de la
R&I répond en nommant les limites qu'il voudrait atteindre. On tourne autour de l’adaptation et de la
personnalisation des produits.
Il fait référence aux études menées par L’Oréal qui montrent qu’une peau âgée se répare plus
lentement qu’une peau jeune, ce qui oblige à adapter les formules des produits. Autre constatation plus
déroutante (et défi plus opportun) encore : pour quelles raisons un produit donne des résultats pour
certaines personnes et pas pour d’autres, même dans un contexte similaire. Laurent Attal renchérit qu’il a
également été prouvé que « certains ingrédients de cosmétiques ont des réactions différentes pour le
même type de peau ». « Pour obtenir de meilleurs résultats, l’individualisation, la personnalisation, les
ingrédients sur-mesure pour nos produits nous mèneront vers de nouveaux sommets, et ce sera un
nouveau niveau de performance. »
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À la question de la date éventuelle de l’arrivée de ces produits d’avenir personnalisables, il
répond : « Nous sommes sur la bonne voie. »
Un autre produit de rêve serait de « se rapprocher des performances des procédures de
l’esthétique tout en restant dans le domaine des cosmétiques et préserver un look naturel », a-t-il déclaré
en faisant apparemment référence aux procédures telles que les injections de Botox. « Nous avons un
programme de recherche à cet égard » a-t-il précisé, en ajoutant que les travaux se déroulent « dans le
respect total des réglementations en matière de cosmétiques. »
Dans le domaine des soins capillaires, les objectifs de Laurent Attal deviennent plus radicaux :
« en finir avec la chute des cheveux, en finir avec les cheveux blancs. Trouver la solution universelle et
durable pour les cheveux abîmés dans le monde entier. Nous avons énormément à faire en la matière. J’ai
beaucoup, beaucoup de rêves à ce sujet. »
Certains « rêves » de Laurent Attal sont sur le point de devenir réalité. Dans une récente
interview au Centre Mondial de Recherche Avancée, qui occupe un campus dans la banlieue d’Aulnay,
Isabel Marey-Semper, directrice de la Recherche Avancée, explique que les équipes de chercheurs
travaillent sur la façon de personnaliser des produits pour des individus ou des groupes présentant des
caractéristiques communes (clusterisation). « En matière de cosmétiques, nous nous orientons de plus en
plus vers une solution personnalisée », a-telle souligné. « Nous cherchons à comprendre les différences non
seulement entre les âges et les ethnicités mais également entre les gens ».
Laurent Attal s’intéresse également énormément à la croissance démographique des plus de
75 ans et constate que les chiffres prévoient que d’ici 2030, 385 millions de femmes et d’hommes auront
plus de 75 ans. "C’est plus que la population des États-Unis", remarque-t-il, en précisant que 90 millions
viendront de Chine, 80 millions d’Europe, 30 millions de l’Amérique du Nord et 22 millions du Japon.
L’Oréal a étudié la consommation des seniors et découvert qu’ils utilisent moins de teintures capillaires et
de cosmétiques de couleur mais « le fond de teint se vend encore beaucoup ainsi que les produits de soin
pour la peau » a déclaré Laurent Attal. « Cela montre clairement que nous devons absolument adapter
notre formule aux seniors. Il est très important d’en tenir compte. Cela ne va pas être évident. Il va falloir
travailler énormément. »
« D’aucuns disent que la Chine sera vieille avant d’être riche - par habitant », confirme Jacques
Challes du département de l’Innovation. « Si nous voulons réussir dans les dix prochaines années, nous
devrions plutôt nous pencher sur le vieillissement de la population chinoise, car le vieillissement de cette
population n’est pas le même que celui des populations européenne et américaine. »
Par ailleurs, outre les habitudes décrites par Laurent Attal en matière de cosmétiques, Jacques
Challes précise que ces « super seniors » préfèrent les fonds de teint, les poudres et les blushs « parce
qu’ils vous donnent un air plus dynamique », dit-il. Ils arrêtent de se mettre du mascara, parce que c’est
trop compliqué à appliquer. « Les teintures capillaires : beaucoup abandonnent parce que c’est une corvée.
Nous pourrions créer des teintures capillaires plus faciles à utiliser ou avec des nuances plus claires pour
que le contraste ne soit pas trop grand entre traits et cheveux », ajoute-t-il. En outre, les comportements
auront peut-être changé d’ici 2030. Tout comme on constate à l’heure actuelle que les 55 ans pensent et
se comportent comme si elles en avaient encore 30, Jacques Challes souligne que « la seule chose sur
laquelle les responsables marketing peuvent parier aujourd’hui, c’est que les personnes âgées de 75 ans de
demain ne seront pas celles d’aujourd’hui. » Sa recette pour demain : “Eclaircir le teint, illuminer le regard,
intensifier les cils, les sourcils, utiliser un maquillage qui corrige les imperfections, accentuer le contraste
de la féminité, tonifier la surface de la peau, etc. »
Jacques Challes, qui était chargé précédemment de diriger la filiale indienne de L’Oréal, est
maintenant à la tête d’une équipe de 25 spécialistes de l’innovation. « Notre travail consiste à toujours
avoir une longueur d’avance et aussi à aider les laboratoires à comprendre les besoins des consommateurs
avant les autres. » Il raconte qu’un membre de ses équipes « m’a dit que nous étions comme des phares
dans la nuit pour certains chercheurs. Les scientifiques ne savent pas toujours s’il y aura un débouché ou
un marché quelconque pour leur invention. Nous pouvons les aider parce que nous les connaissons, nous
nous parlons en toute confiance. Nous n’allons pas commercialiser n’importe quoi demain matin, ils nous
font confiance et ils ont cette liberté de pouvoir réfléchir et discuter avec nous. »
Il montre l’un des outils qu’il utilise, un graphique pour chaque marché mondial affichant les 10
meilleurs débouchés de produits cosmétiques consommés localement. Il mesure le degré de désagrément
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ressenti par les consommateurs en matière de problèmes de beauté. « Si un problème est très
important » dit-il, « votre potentiel est énorme si vous pouvez apporter une solution. »
En Chine, par exemple, Jacques Challes explique que le problème numéro un est la finesse et la
chute des cheveux, alors qu’au Brésil, ce sont les cheveux abîmés.
En pointant un autre graphique, il ajoute : « Voici les soins de la peau en Chine qui - tout le monde
en convient - représenteront dans 10 ans le plus gros marché du monde. Le secteur des soins de la peau en
Chine sera peut-être plus vaste que l’ensemble du marché des cosmétiques de France ou d’Allemagne. »
Jacques Challes précise que son équipe se plonge dans les études réalisées, prend des photos de
femmes dans les champs, se rend chez elles, puis retourne au laboratoire et demande aux chercheurs :
« Que pouvons-nous faire pour chacune d’elles ? »
Jacques Challes n’est pas le seul à chercher à avoir toujours une longueur d’avance. Laurent Attal
est du même avis. Lorsqu’on lui demande quelle est l’empreinte qu’il voudrait laisser, Laurent Attal
répond qu’il aimerait laisser derrière lui une entreprise mondiale aux multiples piliers dotée d’une équipe
de chercheurs, internationale et fortement créative, qui s’efforcera d’attirer un milliard de nouveaux
consommateurs de produits L’Oréal, comme l'a déclaré Jean-Paul Agon. « Cela veut dire des innovations
majeures » dit-il, « des innovations majeures pour le soin de la peau et le soin des cheveux. L’innovation
sera l’élément moteur de cette nouvelle aventure. »
Tandis que l'objectif global est la conquête d’un milliard de nouveaux consommateurs, le travail
au jour le jour est plus circonscrit. « La véritable cible, c'est la nouvelle classe moyenne qui émerge partout
qui va constituer un énorme débouché », dit Laurent Attal. « Les riches de demain ne seront pas les riches
d’aujourd’hui. Les nouveaux Chinois sont des gens très riches. En une génération, ils n’ont plus les mêmes
aspirations en matière de beauté. Par exemple, la personnalisation pourrait être beaucoup plus
importante pour eux. Tout cela va changer, mais la classe moyenne émergente ouvre de vastes horizons. Si
vous regardez L’Oréal juste après la Seconde Guerre mondiale et la façon dont ils ont séduit la classe
moyenne en Europe, c’est exactement ce que nous devons faire. »
Laurent Attal pense que la conquête dépend des innovations scientifiques ; le cœur de ces
travaux bat au sein de la Recherche Avancée. Les bougies d’allumage du vaste moteur R&D de L’Oréal se
trouvent dans la recherche d’ingrédients actifs exclusifs. Les scientifiques de la Recherche Avancée
peuvent passer cinq à dix ans à mettre au point ces molécules, parce qu’elles peuvent donner lieu à des
produits destinés à une succession de marques pour plusieurs dizaines d’années. Le développement des
ces super molécules, aussi coûteux et chronophage soit-il, offre à L’Oréal la possibilité d’utiliser en
cascade les mêmes ingrédients actifs dans différentes marques, en adoptant diverses signatures
chimiques dans le même processus. Habituellement, ces ingrédients sont tout d’abord utilisés dans les
marques haut de gamme et les marques spécialisées, puis déclinés dans les autres marques. Laurent Attal
coche une série de molécules qui changent la donne du marché, en commençant par le Pro-Xylane,
apparu en premier dans Lancôme Absolue en 2006, puis travaillé dans des formules pour Vichy,
SkinCeuticals et La Roche-Posay avant de terminer l’an dernier dans Revitalift Laser X3 par L’Oréal Paris.
Pour reprendre les termes de Laurent Attal, c’est une arme antiâge « extraordinairement efficace » dans
le traitement des rides, qui favorise la fermeté et repulpe la peau. Autre avancée majeure des
laboratoires de L’Oréal, le LR 2412, intégré dans la formule de le soin anti-âge 2011 de Lancôme,
Visionnaire. Laurent Attal affirme que ce fut « un grand bond en avant, qui a permis de créer une nouvelle
catégorie d’antivieillissement, qui s’est traduit par une amélioration de la qualité de la peau (même du
teint) en réduisant la taille des pores et en lissant la peau ».
Au Centre de Recherche Avancée d’Aulnay, Maria Dalko, désignée par Isabel Marey-Semper
comme « la mère du LR 2412 », dirige le groupe de développement chimie et process. Avec son équipe,
elle a synthétisé la molécule en s'inspirant de l’acide jasmonique. L’acide jasmonique est une substance
produite par de nombreuses plantes comme mécanisme de défense en réaction au stress. Ce fut l’une des
occasions où la molécule synthétisée avait dû être stabilisée par une formule créée par l’équipe de
Recherche Appliquée. La division Recherche Avancée, qui compte 800 personnes, est à l'origine d'une
série de molécules qui ont fait date : le filtre solaire Mexoryl qui protège contre les rayons UVA et UVB ; la
Céramide R qui renforce les cheveux et lisse la fibre ; la Stemoxydine qui favorise la densité des cheveux
grâce aux travaux de L’Oréal sur leur cycle de pousse.
Isabel Marey-Semper explique le fonctionnement du département. Tout commence par la
recherche fondamentale, en creusant pour comprendre comment naissent les troubles de la peau,
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comme les rides et les taches. « Notre mission est de comprendre les origines scientifiques des problèmes
cosmétiques, afin de mieux les gérer et de créer et mettre au point des ingrédients actifs et efficaces
majeurs » dit-elle, ajoutant que ces produits chimiques propres à l’entreprise en constituent un atout
essentiel. « Le facteur décisif est le bénéfice de L’Oréal » dit-elle. « Si nous sommes capables de développer
de nouveaux ingrédients avec d’importants résultats sur la peau, le cuir chevelu, les cheveux, les aisselles,
etc., nous savons que ces ingrédients pourront durer des décennies ».
Parmi les projets en cours, les équipes travaillent sur l’impact biologique des rayons UVA longs et
étudient la chimie moléculaire non covalente (super-molécules maintenues ensemble par une liaison
faible), qui pourrait figurer dans le développement de matériaux flexibles. Laurent Attal fait également
allusion à tout ce que promet l’acquisition par L'Oréal, de Clarisonic, la brossette de nettoyage de la peau
qui se vend comme des petits pains. « Clarisonic atteint un niveau de performance inégalé jusqu’à présent
en matière de nettoyage de la peau » dit-elle. « Demain, il apportera également des progrès inégalés aux
soins de la peau ».
Tout en faisant remarquer que L’Oréal travaille également avec des fournisseurs de matières
premières tels que Dupont, Dow Chemical et Symrise, Isabel Marey-Semper précise que la Recherche
Avancée collabore aussi avec des Instituts de recherche de renommée internationale, comme le MIT et le
Shanghai Institute, à la mise au point de technologies d’avant-garde. Néanmoins, malgré toute l’énergie
dépensée en recherche fondamentale et en invention de nouveaux actifs, l’évaluation du fruit du travail
scientifique joue également un rôle capital. « Nous pouvons inventer beaucoup, beaucoup d’ingrédients
actifs », dit Isabel Marey-Semper. « Maria peut inventer des centaines de milliers de nouvelles molécules.
La question n’est pas d’inventer des molécules, mais de [trouver] la bonne molécule, qui donne les bons
résultats ».
Une visite des laboratoires d’évaluation laisse entrevoir que le double objectif est l’efficacité et la
sécurité. Laurent Attal, citant François Rabelais « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », fait
remarquer fièrement que L’Oréal a commencé à trouver des solutions de remplacement aux tests sur
animaux il y a 34 ans. Tout d’abord, l’entreprise a inventé un procédé de reconstruction de l’épiderme à
des fins de tests en 1979, elle a ensuite annoncé avoir été la première en 1989 à mettre un terme aux
tests sur animaux pour les produits finis. Depuis, L’Oréal a continué à trouver d’autres méthodes de tests
pour les ingrédients. Pour se prémunir contre une toxicité systémique, L’Oréal est passé des essais
alternatifs à un système d’évaluation prédictive plus rigoureux, auquel s’est ajoutée l’ouverture d’un
centre d’évaluation prédictive en 2011. Même si l’Union Européenne a interdit les tests sur animaux le
13 mars, la Chine exige qu’on fasse des tests. Laurent Attal reconnaît que la Chine reste « un
prescripteur » de tests sur animaux. « C’est à nous de promouvoir des méthodes alternatives en Chine »,
dit-il. « Nous faisons des progrès significatifs avec eux ».
Naturellement, les cultures de peau sont pratique commune chez L’Oréal. José Cotovio, directeur
du département des modèles et méthodes prédictifs, a fait une démonstration, au centre d’Aulnay, sur la
façon dont un morceau de peau humaine, récupérée pendant une opération de chirurgie plastique, peut
être cultivé pour donner des échantillons suffisamment grands pour un laboratoire, dotés de tous les
composants cellulaires nécessaires. Dans un autre laboratoire, un microscope multiphoton pénètre les
couches de l’épiderme et produit une image en 3D des fonctions cellulaires, montrant les différents
matériaux — collagène, élastine et kératine, etc. La machine révèle les colorants naturels de la peau pour
montrer les fonctions de la couleur, si bien que les chercheurs peuvent repérer l’effet des molécules. Par
exemple, les chercheurs peuvent surveiller le Pro-Xylane, qui favorise la production de collagène par
fibroblastes. Fréderic Leroy, directeur du département de physique, donne un autre exemple et souligne
que l’étude de la mélanine est importante pour le développement de la protection solaire et des produits
blanchissants. Dans un autre laboratoire, des essais mesurent le niveau de friction dans les cheveux pour
évaluer l'efficacité d'un démêlant.
Enfin, les tests d’écotoxicité visent à déceler les effets d’une substance sur l’environnement,
comme sur les microalgues d’eau douce.
Quant aux essais plus globaux, L’Oréal effectue des évaluations exhaustives à deux niveaux — in
vitro et in vivo — soit des examens en laboratoire sur des cellules de la peau et des tests sur des modèles.
Isabel Marey-Semper cible un taux de réussite de 50 % aux deux niveaux d’essais.
Les équipes de Recherche Avancée ne sont pas les seules à faire d’importantes découvertes.
Laurent Attal signale que celles de la Recherche Appliquée ont mis au point le système ODS (Oil Delivery
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System). Lancé pour la première fois dans la coloration Inoa par L’Oréal Professionnel en 2009, l’ODS
permettait aux auteurs de la formule d’éviter d’utiliser de l’ammoniaque, éliminant ainsi son odeur.
L’huile utilisée dans l’émulsion permet d’améliorer la pénétration de la coloration dans la fibre. « Vous
obtenez donc un vaste choix de couleurs » précise Laurent Attal qui ajoute que la formule « change
vraiment la donne ».
Jean-Marc Ascione, directeur international des métiers capillaires, a déclaré que la technologie a
ensuite été utilisée avec Matrix et Redken.
Dans la proche banlieue à Saint-Ouen se dresse un nouveau Centre Mondial de Recherche
Capillaire flambant neuf avec 25 000 mètres carrés d’espace de travail, et dont la construction a coûté
près de 135 millions de dollars. C’est le domaine de Jean-Marc Ascione. La Recherche Appliquée crée des
formules avec les ingrédients actifs soit mis au point par la Recherche Avancée, soit obtenus de sources
externes. « Nous étudions leur potentiel » dit Jean-Marc Ascione, ajoutant que les ingrédients pourraient
être très spécifiques, comme une teinture pour cheveux, ou plus généraux, comme un agent tensioactif
ou un polymère. « C’est la beauté de la Recherche Appliquée, analyser et voir ce qui pourrait être le plus
gros potentiel du nouvel ingrédient actif issu de la Recherche Avancée. » Jean-Marc Ascione précise que
l’objectif est de créer des « formules gagnantes ». « Nous répondons aux objectifs spécifiques des attentes
des consommateurs, du marché, mais aussi des marques ».
Le pilier final de leur recherche est l’évaluation, souvent effectuée avec un matériel hautement
sophistiqué. Une machine analyse la capacité d’une mèche de cheveux à bouger et à se balancer. « Cela
fait des années, que nous analysons les caractéristiques du toucher des cheveux (douceur et brillance),
mais le mouvement est quelque chose que nous essayons de décoder parce que c’est très important »,
déclare Jean-Marc Ascione. « Tout un chacun a envie d’un mouvement naturel ».
« Lorsque [le cheveu] est raide, lorsqu’il est dévitalisé et sans mouvement, il ne donne pas
l’impression d’être en bonne santé. Il ne fait pas passer le bon message » renchérit-il, ajoutant que la
raideur est une des caractéristiques des cheveux abîmés. Les coiffeurs qui travaillent avec des modèles
dans un salon laboratoire se livrent à un autre genre d'évaluation. Il est fréquent de voir des femmes,
assises dans des fauteuils, dont les deux côtés de la tête sont traités différemment afin qu’un spécialiste
puisse analyser la différence. « Ces spécialistes sont capables, en touchant simplement les cheveux ou en y
passant leurs doigts, de donner une description fiable des performances du produit ».
Comme il sied à tout nouveau centre de recherche flambant neuf, le matériel ultramoderne
comprend une salle remplie de robots, conçues pour épargner aux scientifiques des tâches
inintéressantes et répétitives comme la pesée des matières premières. Un robot a déjà exécuté un million
de pesées pour 130 000 formules, et le robot mélangeur peut créer jusqu’à 100 formules par jour. Le
troisième robot, chargé des évaluations, « simule de multiples gestes routiniers associés aux cheveux,
comme le lavage répété de cheveux colorés » conclut Jean-Marc Ascione.
« Il y a autant de recherches pour les produits cosmétiques que pour une navette spatiale »,
proclame Laurent Attal. « Le fait que nous soyons un “pure player” dans le secteur de la beauté est un
avantage extraordinaire, en raison de sa complexité. Plus vous travaillez sur les sujets liés à la beauté, plus
vous [affinez] votre expertise sur le vieillissement, sur les cheveux abîmés, sur la densité des cheveux, plus
vous serez fort dans l’avenir. Imaginez le volume de données scientifiques que nous avons accumulé depuis
plus de 104 ans ».
En observant combien l’entreprise s’est diversifiée, Laurent Attal, qui a rejoint L’Oréal il y a 28 ans,
rappelle que « le monde de la beauté était [autrefois] beaucoup plus, disons, homogène. Nous étions
partout pareils. Maintenant, nous regardons le monde de la beauté différemment. Nous avons à notre
disposition des études très sophistiquées portant sur l’avis des consommateurs, les recherches cliniques,
les recherches biologiques, etc. C’est vraiment passionnant ».
—Avec la contribution de Jennifer Weil
Une histoire d’innovations (schéma pages 21/22)
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Avec l’aimable autorisation de WWD - Article paru dans WWD en octobre 2013
L’innovation est un élément-clé de la mission de L’Oréal. Voir ci-dessous quelques-unes des molécules et techniques les plus innovantes,
découvertes par ses laboratoires au cours des 50 dernières années.
1978
IONENE G
Polymère protecteur de la fibre du cheveu
Premier lancement des colorants capillaires Majirel et Crescendo de L’Oréal Professionnel
1993
MEXORYL SX
Filtre UVA hydrophile
Premier lancement des produits solaires Vichy et La Roche Posay.
1994
PLANCTON THERMAL
Vitreoscilla Filiformis, Ferment obtenu par biotechnologie à partir d’une bactérie
Premier lancement des produits Biotherm
1995
MEXORYL XL
Filtre lipophile UVA et UVB
Premier lancement des produits solaires Vichy et La Roche Posay.
1995
CERAMIDE R
Réparateur de la fibre du cheveu
Premier lancement du shampoing Elsève de L’Oréal Paris
1996
AMNEXIL
Contre la chute des cheveux
Premier lancement des produits de soin capillaire Vichy-Dercos.
2005
SP94
Combat les cheveux fins
Premier lancement dans les produits de soin capillaire de Vichy-Dercos.
2006
PRO-XYLANE
Ingrédient antivieillissement de la chimie verte dérivé du xylose
Premier lancement de la gamme de produits de soin de la peau Absolue BX de Lancôme
2007
PSEUDOBLOCS
Polymère ramifié
Premier lancement de Glam Shine lip gloss de L’Oréal Paris.
2008
RUBILANE
Coloration rouge
Premier lancement des teintures capillaires Majirouge et LuoColor de L’Oréal Professionnel.
2010
INTRA-CYLANE
Fortifiant des fibres capillaires
Premier lancement de Volumorphose de Kérastase et Fiberceutic de L’Oréal Professionnel.
2011
LR2412
Ingrédient antivieillissement pour tous les âges de la peau
Premier lancement dans Visionnaire Advanced Skin Corrector de Lancôme.
2012
CELLULES DE ROSE DEDIFFERENCIEES
Produit obtenu à partir de la biotechnologie des plantes
Premier lancement de la gamme de soins de la peau Absolue l’Extrait de Lancôme
2012
STEMOXYDINE
Actif favorisant la densité des cheveux
Premier lancement de Neogénic de Vichy Dercos
[carte] L’ORÉAL DANS LE MONDE
Le géant de la beauté a des centres de recherche et d’innovation dans le monde entier. (Cf. carte)
ÉTATS-UNIS
REDMOND, WA : Cosmétique instrumentale (PBL / Clarisonic)
CHICAGO : Recherche peau et cheveux ethniques
CLARK, N.J. : Siège du pôle régional US.
(Recherche Avancée, Recherche Appliquée et Développement)
BRÉSIL
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RIO DE JANEIRO : Siège du pôle régional brésilien
(Recherche Avancée, Recherche Appliquée et Développement)
FRANCE
AULNAY : Recherche fondamentale
CLICHY : Recherche fondamentale
CHEVILLY : Recherche Produits cosmétiques
SAINT-OUEN : Recherche produits capillaires
PARIS (Hôpital Saint-Louis) : Recherche Clinique
LYON : Méthodes prédictives
TOURS : Biotechnologies végétales
GIGORS-ET-LOZERON : Développement des produits bio
LASSIGNY : Produits cosmétiques YSL
INDE
MUMBAI : Siège du pôle régional indien
(Recherche Avancée, Recherche Appliquée et Développement)
BANGALORE : Recherche Avancée
CHINE
PUDONG : Siège du pôle régional chinois
(Recherche Avancée, Recherche Appliquée et Développement)
JAPON
TOKYO : Siège du pôle régional japonais
(Recherche Avancée, Recherche Appliquée et Développement)
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