Trans*: au-delà des préjugés

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Trans*: au-delà des préjugés
>> printemps 2014
#18
SUISSE
Dossier
Trans*:
au-delà des
préjugés
II
>> Sommaire
18
Suisse #
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ID
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Comité de rédaction :
Claude Bonjour, Hervé́ Coltel, Giancarlo Foglietta,
Claire Fontaine, Deborah Glejser, Miguel Limpo, Diego
Lindlau, Sascha Moore, David Perrot, Christel Rapo,
Céline Schaer, Barbara Seck.
III
VI
Edito
Dossier
Chargée du comité de rédaction :
Anne Courvoisier-Fontaine
Gratuité des dépistages VIH-IST :
et la Suisse ?
Trans*: au-delà des préjugés
Chargé de publication :
Nicolas Gevaert
par Anne Courvoisier-Fontaine
et Sascha Moore
Coordination éditoriale :
Deborah Glejser
Tél. 022 700 15 00,
courriel : [email protected]
Diffusion, abonnements
et petites annonces en Suisse :
Tél. 022 700 15 00,
courriel : [email protected]
IV
Actus
News, société, santé, campagnes,
associations, etc.
Maquette : Nicolas Ducret.
Il existe de nombreux termes pour désigner les
personnes avec une identité de genre atypique
– des termes appropriés et des termes
inappropriés. Il est difficile d’utiliser un mot qui
convienne à toutes les personnes concernées.
Le terme de personne trans* semble être un
bon compromis, car chaque personne est libre
d’imaginer et d’exprimer ce qu’elle ressent
derrière l’astérisque.
X
Rencontres
Photos et illustrations avec nos remerciements :
Nicolas Ducret, Samuel Killermann, Plonk et Replonk,
Niels Rebetez, Alexandra Ryser.
V
Remerciements à Jean-François Laforgerie.
Bons Plans
Impression :
Corlet Roto, 53300 Ambrières-les-Vallées.
Trimestriel. Tirage : 2 500 ex., ISSN : 11620544.
CPPAP N°1212 H 82735.
Les articles publiés dans Remaides peuvent être
reproduits avec mention de la source.
La reproduction des photos, des illustrations et des
témoignages est interdite, sauf accord de l’auteur.
La reproduction des petites annonces est interdite.
Boissons rafraîchissantes
Rencontres entre PVA
Deux associations romandes organisent des
rencontres régulières pour créer des liens,
pour se soutenir.
Les vertus de la menthe.
XI
Droit
Révision sur la loi sur les épidémies
en Suisse : l’après votations
Remaides Suisse
Groupe sida Genève, 9 rue du Grand Pré,
1202 Genève. Fax : 022 700 15 47.
Remaides sur internet :
www.groupesida.ch/remaides
www.aides.org/remaides
Avec le soutien : Aide Suisse contre le Sida, Antenne
sida Valais Romand, Dialogai, Empreinte, Fondation
Profa, Groupe sida Jura, Groupe sida Neuchâtel,
Santé Sexuelle Suisse, PVA Genève, Sid’Action,
ainsi que de la République et canton de Genève.
Nous regrettons de devoir vous annoncer le décès de Daniel, membre de
Sid’action, Lausanne. Celui-ci avait évoqué sa vie en établissement médical
dans le numéro 17.
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Edito <<
Pour Remaides Suisse à renvoyer à
Groupe sida Genève. 9 rue du Grand Pré, CH-1202 Genève.
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Suisse #
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Gratuité du dépistage VIH-IST :
et la Suisse ?
P
ourquoi, en Suisse, la collectivité paierait-elle les frais de la
prise de risque individuelle ? C’est dernièrement une question posée de plus en plus souvent dans notre pays.
En effet, entre autres exemples, une initiative populaire visant à
retirer de la couverture de l’assurance obligatoire l’interruption
volontaire de grossesse a récemment abouti. Si elle était acceptée aux votations, ce serait un
terrible retour en arrière vers
une médecine à deux vitesses
qui pénaliserait lourdement les
personnes à revenus modestes
ne pouvant pas s’offrir le soidisant "luxe" d’une interruption
de grossesse.
Il en est précisément ainsi,
malheureusement, de la prise
en charge des dépistages des
infections sexuellement transmissibles, qui sont à la charge
des personnes concernées.
Plonk et Replonk
Les tests de dépistage anonymes pour le VIH, pour ne citer que
ceux-là, coûtent en Suisse, rappelons-le, CHF 50 et CHF 25 pour
les moins de 25 ans. Les tests non anonymes, en principe facturés à la caisse maladie, seront pourtant répercutés sur les assurés
qui n’auront pas encore épuisé leur franchise ou leur quote-part.
D’une manière ou d’une autre, le dépistage en Suisse se paie.
Si, selon la formule consacrée "mieux vaut prévenir que guérir",
le dépistage étant une mesure de prévention autrement moins
chère à mettre en œuvre que les diverses prises en charge post
infection, ne serait-il pas logique de rendre ces mesures aussi
accessibles que possible ? La plupart des pays avoisinants pratiquent eux, gratuitement, les tests de dépistages des IST.
Le dépistage du VIH connaît un autre obstacle de taille : en maintenant des sanctions pénales contre les personnes séropositives,
on entrave non seulement le dévoilement du statut séropositif,
mais aussi la volonté même de le connaître et ceci a pour conséquences le refus du dépistage, l’absence de traitement, le
manque de mesures de protection et potentiellement des cas de
nouvelles contaminations parfaitement évitables.
Le dépistage est le premier
maillon de la chaîne de prise
en charge, c’est un maillon
essentiel pour stratégiquement endiguer si possible
l’épidémie et arriver un jour,
espérons-le, à l’éradiquer
complètement. Encourager
les personnes les plus à
risque à se faire dépister est
déjà difficile, ajouter des obstacles artificiels revient à ne
pas prendre les responsabilités qui incombent à une
société : celles de défendre
les moins chanceux en ne les pénalisant pas doublement, par
une sanction non seulement morale, mais financière ! Car au
pays du Swiss Statement, apparemment, la médecine curative
est privilégiée au profit d’une médecine préventive.
Il semble dès lors que si l’on veut à la fois faire des économies
dans le domaine de la santé et tenter de diminuer les nouveaux
cas de contamination au VIH et par d’autres IST, il est impératif de
promouvoir des tests de dépistages gratuits ou en tous cas nettement moins chers.
Anne Courvoisier-Fontaine
Sascha Moore
Lire à ce sujet la brève en page 4 "Des députés genevois demandent à rendre gratuits les tests de dépistage VIH"
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>> Actus
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Lipoatrophie : Prise en charge du
comblement du visage, en Suisse
Bonne nouvelle ! Depuis le 1 er juillet 2013, les coûts pour un traitement de la lipoatrophie faciale découlant d’un traitement
médicamenteux ou d’une maladie sont à la charge des assurances-maladie. Le traitement se fait par des produits de
comblement et il faut que – avant le début du traitement – l’assurance donne une garantie spéciale avec l’autorisation de son
médecin-conseil. Par ce système, c’est donc bien l’assurance de
base LAMal qui prend ces frais en charge. Une consultation pluridisciplinaire pour la prise en charge des
personnes séropositives sous trithérapie
est proposée aux Hôpitaux Universitaires
de Genève. Plus d’informations sur le
Groupe Lipo : 022 372 98 12 ou
[email protected]
Assurance-maladie :
les transfrontaliers vont passer à la caisse
Selon les projets actuels du gouvernement français, l'assurancemaladie des frontaliers devrait beaucoup évoluer. La possibilité de
souscrire un contrat d'assurance privée disparaîtrait. Cette nouvelle disposition aura de nombreuses conséquences dès le 1 er
juin 2014. Les frontaliers ou les rentiers, ayant fait le choix de l’assurance-maladie obligatoire (LAMal) en Suisse, ne sont pas
concernés par cette réforme et continueront à être couverts par
la LAMal. Les frontaliers en emploi, s'ils ont fait le choix de
s'assurer auprès d'une caisse d'assurance-maladie privée, avant
le 1 er juin 2014, basculeront automatiquement au régime de la
Sécurité sociale. Les personnes qui trouveront un emploi en
Suisse pourront, quant à elles, choisir entre la Sécurité sociale ou
la LAMal, pour leur couverture d'assurance-maladie. Le Groupement transfrontalier européen et l’Association des Transfrontaliers franco-suisses a mis à disposition un calculateur afin d’évaluer les conséquences financières de ces changements :
www.frontalier.org/cmu.htm
Assurance-invalidité :
pas de compromis sur la 6b)
L’évaluation de la 5 e révision publiée fin
2012 par l’Office fédéral des assurances
sociales révèle que l’objectif de 20 % de
nouvelles rentes en moins jusqu’en 2025
est largement atteint (baisse de 50 % par
rapport à 2003), mais l’essentiel de cette
diminution a été réalisé avant son entrée
en vigueur en 2008. L’objectif de la réintégration n’a pas non plus
été vraiment atteint, le nombre de personnes employées à la fin
d’une procédure AI reste relativement modeste passant de 40 %
en 2006 à 44 % en 2010. La 6 e révision devait permettre d’économiser 320 millions de francs supplémentaires par année, réduire
des rentes pour enfants, durcir les conditions d’accès à une rente
ainsi que réduire les frais de voyage. En juin 2013, le deuxième
volet de la 6 e révision a été enterré par les chambres fédérales.
Tiraillé entre la droite et la gauche, le Conseiller fédéral Alain Berset et les centristes n’ont pas réussi à trouver un compromis. Les
rentes resteront donc soumises au système actuel des ¼ de
rente, ½ rente, ¾ de rente et rente entière. Les rentes ne seront
pas non plus amputées de quelques 320 millions d’économies.
Guide sur l’assurance invalidité : www.groupesida.ch/ai
Des députés genevois demandent
à rendre gratuits les tests de dépistage VIH
Initiée par le président du parti socialiste genevois, Romain de
Sainte Marie, une motion interpartis, réunissant des signatures du
PS, mais aussi des Verts, d'Ensemble à Gauche, du MCG et de
l'UDC, demande de rendre gratuits les tests de dépistage du VIH
effectués aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG).
La motion prend acte de l'augmentation de cas positifs au VIH en
2012, et note que Genève a, pour cette même année, le pourcentage de cas VIH le plus élevé en Suisse, et souligne par ailleurs
que, selon les estimations de l'Office fédéral de la santé publique,
les 15 à 25 % des personnes séropositives non diagnostiquées
seraient à l'origine de 80 % des cas de transmission du VIH. Elle
rappelle aussi que les voisins européens de la Suisse, la France,
l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, l'Espagne et le Portugal notamment, pratiquent la gratuité des tests du VIH.
Pour les députés signataires, "tant que la Confédération ne prend
pas la décision de rendre gratuit les tests VIH, il est nécessaire
pour le canton de Genève d'agir en tant que canton le plus touché de Suisse". Lire la motion : bit.ly/Kaqmf6
L’équipe de Remaides suisse a décidé de rajouter une nouvelle rubrique à son
cahier. Celle-ci sera dédiée aux petits trucs et astuces santé. Elle sera rédigée
selon l’humeur, par les uns ou les autres et aura, pour le coup, une saveur
différente à chaque numéro.
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Bons Plans <<
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Boissons rafraîchissantes
Voici deux recettes de boissons fraîcheur qui ont le triple mérite de procurer des vitamines, de soulager les problèmes digestifs et d’être aphrodisiaques (si on en croit
l’herbier érotique de Bernard Bertrand) (1).
Sirop de menthe
Thé froid "maison"
Pour environ 2 litres de sirop, il vous faut :
- 2 bols de feuilles de menthe
- 1 litre d’eau bouillante
- 1 kg de sucre
- Bouteilles vides
Pour un récipient d’environ 2 litres,
il vous faut :
- 4 sachets de tisane aux fruits
- quelques pétales d’hibiscus (vendus
en sachets ou en vrac)
- une lampée de jus d’orange ou pulco
- une poignée de plantes aromatiques
comme la menthe, la verveine ou la
mélisse
1. Laver les feuilles de menthe et bien
les égoutter.
2. Les mettre dans un récipient et verser
dessus l’eau bouillante.
3. Laisser infuser à couvert pendant
quelques heures.
4. Filtrer et ajouter le sucre puis cuire
pendant une heure à feu doux.
5. Mettre en bouteilles.
Le sirop est de couleur brune, contrairement aux sirops des magasins qui
contiennent des colorants ! Il faut réfrigérer les bouteilles une fois ouvertes.
Cette boisson rappelle le goût du thé de
menthe marocain ultra sucré.
1. On fait bouillir de l’eau que l’on verse
sur les plantes.
2. On peut ajouter du sucre ou du sirop
d’agave, lequel édulcore tout en
contenant peu de calories.
3. On laisse infuser jusqu’à ce que le
liquide soit refroidi et on réfrigère.
Vous verrez, cette tisane est vraiment délicieuse et possède une belle couleur rouge
grâce aux fleurs d’hibiscus. De plus ce
mélange est bien vitaminé !
Les vertus
de la menthe
"La menthe incite tant à l’amour
qu’elle diminue le courage !" disaiton en Grèce où l’on interdisait aux
soldats d’en consommer.
En réalité, il existe plus de 200 variétés de menthes différentes et si
toutes ont des vertus stimulantes
de la digestion et sont rafraîchissantes, la menthe poivrée est la
seule à stimuler les sens ! Ne vous
trompez pas en préparant vos tisanes ou alors, vos nuits, au lieu
d’être paisibles et reposantes pourraient bien être torrides !
Il est bien clair que l’automédication
doit être surveillée et que vous ne
devez rien essayer de votre propre
chef, sans en parler à votre médecin,
car les risques d’interactions
néfastes de substances existent et
peuvent être dangereux.
Anne Courvoisier-Fontaine
(1) L’herbier érotique, Histoires et légendes des Plantes Aphrodisiaques de Bernard Bertrand aux éditions plume de carotte.
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Le sexe est déterminé, au plan juridique, sur la base de huit critères :
les chromosomes, les gonades (testicules ou ovaires), la morphologie interne
(utérus, prostate), la morphologie externe (pénis, clitoris), les hormones,
le phénotype (seins, pilosité, hanches), le sexe assigné à la naissance et
le sentiment psychique d’appartenance. Mais tout n’est pas si simple…
Bien au contraire, la complexité semble plutôt être la règle !
Trans*: au-delà des préjugés
Propos recueillis
par Miguel Limpo
et Diego Lindlau
S
elon certaines études, les caractéristiques d’une personne sur 4 000
ne correspondent pas aux huit critères énoncés (ci-dessus). On peut donc
avoir des seins et pas d’utérus, se sentir
homme alors qu’on est biologiquement
femme, ou inversement. Les corps qui ne
répondent pas anatomiquement à la classification médicale occidentale en vigueur
sont catalogués sous les termes d’intersexualité et de transsexualité. Les termes
"transgenre" ou "travesti" sont souvent
employés dans la presse écrite, mais pas
toujours à bon escient.
Il existe de nombreux termes pour désigner les personnes avec une identité de
genre atypique – des termes appropriés et
des termes inappropriés. Il est difficile
d’utiliser un mot qui convienne à toutes
les personnes concernées. Le terme de
personne trans* semble être un bon compromis, car chaque personne est libre
d’imaginer et d’exprimer ce qu’elle ressent derrière l’astérisque.
Les termes d’intersexualité et de transsexualité sont inappropriés, puisqu’ils font
référence à la sexualité, alors qu’il s’agit
d’un côté de l’identité sexuée, de l’autre
côté de l’identité de genre. On préfère
donc parler d’intersexuation ou de variation du développement sexuel et de
transidentité. De plus, le terme transsexualité fait référence à la littérature
psychiatrique et pathologisante des identités de genre atypiques (IGA) rejetée par
une grande partie des personnes trans*.
Le terme "transgenre" est parfois également utilisé pour parler des personnes
avec une IGA, puisqu’il met l’accent sur le
genre. Quant aux personnes travesties,
c’est-à-dire qui adoptent un style vestimentaire et une attitude considérés
socialement comme appartenant au sexe
opposé à celui de naissance, elles sont
souvent dénigrées par la population en
général, y compris par les personnes
trans* avec lesquelles elles sont régulièrement confondues.
Remaides Suisse a souhaité connaître les
luttes, les combats et les préoccupations
des trans* dans notre pays et a donc interrogé un spécialiste de la question, Niels
Rebetez, membre du comité de Transgender Network Switzerland et consultant
pour les personnes trans* au Checkpoint
Vaud et à la fondation Agnodice.
Combien de personnes trans*
vivent en Suisse ?
Niels Rebetez : Il n’existe à ce jour
aucune donnée sur le nombre de personnes trans* dans notre pays. Les
questionnaires de recensement de l’OFS
(Office Fédéral de la Statistique) par exemple ne les prennent pas en compte,
puisqu’on ne peut être qu’homme ou
femme, et aucune question ne permet de
déceler les personnes vivant une IGA. On
peut évaluer leur nombre entre 4 600 (1) et
35 000 (2). Les estimations dépendent énormément de la méthodologie et de la
définition de "personne trans*".
Vous animez une permanence
d’accueil et de conseil au
sein du Checkpoint Vaud
s’adressant spécifiquement aux
personnes trans*. Comment
fonctionne-t-elle ?
La permanence propose des informations, du soutien et de l’écoute, et si mes
compétences ne sont pas suffisantes,
j’oriente la personne demandeuse dans
un réseau de personnes concernées et
de professionnel-le-s compétent-e-s et
bienveillant-e-s. Depuis l’ouverture du
Checkpoint et de la permanence en juillet
2013, une vingtaine de personnes environ
se sont adressées cette permanence.
J’occupe un poste similaire pour la fondation Agnodice (dont la mission est de
promouvoir en Suisse une société considérant les variations de l’identité de genre
et du développement sexuel comme une
richesse relevant de la diversité humaine),
où je reçois en moyenne trois à quatre
nouvelles demandes par mois. Les
demandes concernent surtout les
aspects qui touchent à une transition de
genre : comment démarrer, où trouver
un-e médecin bienveillant-e, quels sont
les effets des hormones, que faire si une
assurance maladie refuse un remboursement, etc. Cette année, il y a particulièrement beaucoup de demandes d’informations sur la procédure de changement
d’état civil. Il existe trois permanences de
ce type en Suisse : au Checkpoint Vaud,
au Checkpoint Zurich et la fondation
Agnodice à Lausanne.
Quelles sont les personnes
de cette communauté les plus
vulnérables et les principales
données épidémiologiques
(VIH/sida et autres IST) les
concernant ?
Les plus vulnérables sont les femmes
trans* migrantes travailleuses du sexe, car
elles cumulent plusieurs facteurs de vulnérabilité comme le stigma social, la
migration et le travail du sexe. Les études
internationales montrent des prévalences
alarmantes, de 7 % à 35 %, voire plus, de
prévalence au VIH/sida. Les personnes
trans* sont également plus touchées par
la dépression/le suicide que la moyenne
des personnes de la population générale,
dans la mesure où elles vivent une situation de mal-être dans une société qui les
rejette encore massivement. Deux études
européennes ont donné des taux de 29,9
% (3) et 35 % (4) de tentatives de suicide
VIII
Gender is one of those things everyone thinks
hinks they understand, but most people don’t.
t. Like Inception
Inception.. Gender
er isn’t binary
binary..
It’s
It’s not either/or.
either/orr. In many cases it’s
it’s both/and.
h/and. A bit of this, a dash of that. This tastyy little guide is meant to
o be an appetizer
for gender understanding.
that’ss the idea.
tanding. It’s
It’s okay if you’re
u’re hungry for more. In
n fact, that’
IIdentity
dentity
ntity
chez les personnes trans*. Dans la grande
majorité des cas, le fait de faire une transition et/ou le fait de vivre dans le genre
ressenti permettent aux personnes
concernées de se sentir mieux et en
accord avec elles-mêmes, ce qui réduit
drastiquement ces phénomènes.
Parlons santé. En Suisse,
la jurisprudence du Tribunal
Fédéral des Assurances a
progressivement imposé la prise
en charge par la LAMAl d’une
partie des frais médicaux liés
à un parcours de transition
médicale de genre. Quelles sont
les conditions à réunir pour
en bénéficier ?
Il est aujourd’hui obligatoire de suivre une
psychothérapie pendant deux ans pour
bénéficier de la prise en charge, puisque
c’est un-e psychothérapeute (le plus souvent un-e psychiatre) qui donne le feu vert
pour un traitement hormonal et/ou des
opérations chirurgicales. Cette exigence
ne devrait pas se faire de manière systématique et doit être étudiée au cas par
cas. Pour les opérations, une condition
supplémentaire est qu’elles aient lieu en
hôpital public. Les assurances-maladie
disposent également de la possibilité arbitraire de refuser la prise en charge d’une
opération chirurgicale aux personnes de
moins de 25 ans, mais la plupart des assurances n’appliquent plus cette disposition
qui date des années 1980.
Pouvez-vous donner quelques
exemples de traitements et
actes chirurgicaux pris en
charge, ainsi que leurs coûts
moyens ?
Une hormonothérapie est en principe
prise en charge avec certaines restrictions
concernant les produits disponibles, qui
ne sont pas tous remboursés. Quant aux
IX
Person
The Genderbread
derbread
ead P
ersonn v3.23 2
opérations, la chirurgie génitale et la
mastectomie (construction d’un torse
masculin) sont prises en charge. D’autres
opérations existent, comme par exemple
la chirurgie de féminisation du visage,
mais il est pratiquement impossible d’en
obtenir un remboursement, alors que
beaucoup de femmes trans* souffrent
d’avoir un visage qui reste très masculin
dans les traits. Les hormones coûtent
maximum quelques dizaines de francs par
mois et certaines personnes choisissent
de les payer elles-mêmes, car certains
produits non remboursés leur conviennent mieux. Quant aux opérations, les
coûts sont variables et dépendent beaucoup de leur qualité. Ils peuvent varier de
quelques milliers à plusieurs dizaines de
milliers de francs, en fonction de l’opération et des éventuelles complications.
Enfin, une partie non négligeable des
personnes trans* ne prennent pas
d’hormones ou ne se font pas opérer.
D’après les estimations, la proportion
d’opérations génitales se situe aux alentours des deux tiers pour les parcours
masculin vers féminin, et probablement pas au-delà de 25 % pour les parcours féminin vers masculin. Un vrai
problème pour les femmes trans* est
l’épilation. La plupart des assurancesmaladie ne l’acceptent qu’après que la
personne a obtenu son changement
d’état civil. C’est absurde : comment une
femme trans* peut-elle être reconnue
comme femme si elle ne peut pas bénéficier d’un traitement qui fait disparaître sa
pilosité faciale ? D’autant qu’il faut souvent compter plusieurs années jusqu’à un
changement d’état civil.
En Suisse, depuis le 1 er février
2012, la stérilisation ou les
opérations chirurgicales ne
doivent pas être exigées comme
préalable au changement de
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interpretted based on gender norms.
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(Men/Males/Masculinity)
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illermann at www
.ItsPronouncedMetrosexual.com
ouncedMetrosexual.com
www.ItsPronouncedMetrosexual.com
cbna by Samuel KKillermann
"The genderbread person",
par Sam Killermann.
Pour voir l’illustration dans
sa version complète, nous vous
invitons à la télécharger
depuis le lien suivant :
itspronouncedmetrosexual.com
sexe. Qu'en est-il de la
procédure à suivre pour changer
d'identité ?
Il existe actuellement deux possibilités :
soit demander d’abord un changement de prénom puis plus tard un
changement d’état civil, ou alors faire le
double changement en même temps.
Dans le premier cas, la demande de changement de prénom est adressée à l’Office
d’état civil du canton de résidence. Un
changement de prénom peut être accordé
s’il y a "motifs valables" à la demande.
Dans un système fédéral comme le nôtre,
cela implique des conditions parfois très
variables d’un canton à l’autre. La plupart
du temps cependant, une lettre d’un-e
médecin certifiant que la personne requérante est trans* est requise. Certains
cantons exigent un traitement hormonal,
d’autres de prouver que la personne est
connue sous son prénom d’usage. Dans le
deuxième cas de figure, soit le changement d’état civil (après ou avec une
demande de changement de prénom),
c’est le tribunal de première instance du
canton de domicile (5) qui se prononce.
Avant l’avis de droit de l’OFEC (Office
Fédéral de l’Etat Civil) de février 2012, il
était effectivement quasiment impossible
d’obtenir un changement d’état civil sans
stérilisation chirurgicale irréversible, condi-
tion fréquemment couplée à l’obligation
de construction d’organes génitaux opposés à ceux de naissance, et de divorce
pour les personnes mariées avant transition. Depuis cet avis de droit, plusieurs
tribunaux ont accordé des changements
d’état civil à des personnes non stérilisées
et/ou mariées. La tendance pour les prochaines années va dans le sens d’un plus
grand respect de l’intégrité physique des
personnes et d’un plus grand pragmatisme : une personne qui possède des
documents d’identité qui contredisent son
apparence physique risque fortement la
désinsertion sociale. Il faut en principe
compter quelques mois pour la procédure,
pour autant qu’il n’y ait pas de recours
contre une décision négative. Les coûts
varient d’un canton et d’un dossier à l’autre. Les frais pour un changement de
prénom se situent à 300 francs suisses
environ. Pour un changement d’état civil,
la fourchette va en général de 200 à 1 500
francs suisses.
Pourtant, certaines personnes
concernées voient un avantage
non négligeable à la
pathologisation, lié au
remboursement de certains
frais médicaux lors du parcours
de transition, et craignent un
changement de statut. Quels
sont les enjeux ?
de genre atypique, mais leur reclassement
dans une catégorie non-pathologique. A
titre de comparaison, la maternité n’est
pas une maladie, mais fait l’objet d’un
remboursement. Pour les personnes
trans*, l’idée de base reste que le fait
d’être transgenre implique très souvent
une souffrance importante – en partie
liée à la stigmatisation sociale et à des
dispositions juridiques et administratives
restrictives – qui nécessite une prise en
charge pour mener ces personnes à un
mieux-être.
Quels sont les axes prioritaires
ces prochaines années pour les
personnes trans* ?
L’intégration sur le marché du travail, la
sensibilisation à la thématique des transidentités, notamment dans les écoles et la
lutte contre les discriminations, qui sont
encore peu prises en compte officiellement, mais omniprésentes sur le terrain.
Le risque de licenciement abusif et de
mobbying est également très élevé lors
d’une transition, et le sujet mal connu et
entouré de nombreux mythes et préjugés.
Il y a donc encore beaucoup de travail !
Informations,
conseils et soutien
Fondation Agnodice
CP 121
1000 Lausanne 22
+ 41 (0) 79 855 78 42
www.agnodice.ch
Checkpoint Vaud
Rue du Pont 22,
1003 Lausanne
+ 41 (0) 21 631 01 76
www.checkpoint-vd.ch
Transgender Network
Switzerland
8000 Zurich
www.transgender-network.ch
Association 360 Groupe Trans
36, rue de la Navigation
Case postale 2217
1211 Genève 2
+ 41 (0)22 732 03 60
[email protected]
Le principal conflit se situe entre la
volonté de s’affranchir de la pathologisation et la crainte de se voir supprimer le
remboursement d’une transition médicale. Un compromis défendu par de
nombreuses organisations militantes est
non pas la déclassification des identités
1) D’après Olyslager et Conway (2007), une personne sur 1 500 aux Etats-Unis fait une réassignation génitale. Le calcul se fonde sur une population en Suisse de 8 millions d’habitant-e-s.
2) Conron (2011), dans une enquête de population générale, a obtenu qu’une personne sur 200 se définit comme transgenre.
3) Transgender Euro Study (2008).
4) Trans Mental Health Study (2012).
5) En principe, c’est le canton de résidence qui fait foi. Dans certains cas, il se peut toutefois que ce soit le canton d’origine.
X
Par le passé, Remaides Suisse a publié plusieurs cahiers consacrés a
différentes associations romandes, cahiers dont la réalisation a été le
théâtre d’échanges vivants et de véritables mobilisations de membres
d’associations. Il y eut le numéro 71 ou cahier suisse 3, consacré au
8
1
canton de Vaud, celui sur du numéro 80 ou 12 suisse, dédié au Valais
#
et ses problématiques spécifiques mais aussi le numéro 83, cahier 14
consacré aux projets de trois associations, PVA Genève, Sid’Action Lausanne et
Groupe sida Genève, unies à l’occasion de la 6 e conférence francophone de
Genève, autour d’un projet d’atelier d’écriture culminant par la prise de parole
publique de personnes séropositives.
>> Rencontres
e
ES Suiss
REMAID
L
L
es associations Groupe sida Neuchâtel et Groupe sida Jura ont décidé, à la
demande de certains de leurs membres, de mettre sur pied des rencontres régulières entre usagers des deux associations. L’idée étant de rassembler les
personnes de façon conviviale autour d’un repas afin de pouvoir partager des idées, du
vécu, des envies…
Groupe Sida Neuchâtel (GSN)
Grand-Rue 18
CH – 2034 Peseux (NE)
Tél. 032 737 73 37
Fax : 032 737 73 39
E-mail : [email protected]
Web : www.sida-ne.ch
www.info-sida.ch
En attendant que ces projets de plus grande envergure se concrétisent, nous espérons
que nos petites rencontres se poursuivront dans une ambiance chaleureuse devant un
apéro (sans alcool) et un repas simple dans un lieu rassurant. Sans a priori, sans jugement et dans l’anonymat s’il est souhaité, afin de de recréer des moments de solidarité
sans "frontières".
Concrétiser des idées et coucher par écrit des témoignages ou des projets concernant
les personnes séropositives. Partager avec les autres, participants ou lecteurs éventuels,
ses expériences de vie et parallèlement trouver une valorisation au travers d’un travail
de témoignage ou de rédaction. Voilà qui pourrait être aussi, un des buts de ces rencontres, auquelles vous êtes chaleureusement conviés.
Claude Bonjour (Collaboratrice au GSN), Anne Courvoisier-Fontaine
Pour connaître la prochaine date de rencontre, vous pouvez appeler le
numéro suivant : 032 737 73 37, les matins, du lundi au jeudi (ou merci de
laisser vos coordonnées sur le répondeur).
Groupe Sida Jura
Case postale 459
Route de Porrentruy 6
2800 Delémont 1
Permanence téléphonique :
+41 (0) 32 423 23 43
Le lundi et le mercredi de
13h30 à 17h30
Fax : +41 (0) 32 423 23 76
[email protected]
XI
Droit <<
REMAID
ES
Suisse #
18
Une lueur au bout du long tunnel
de la pénalisation du VIH
a version antérieure de la LEp datait de 1971 et, selon le
Conseil fédéral, ne répondait plus de façon adéquate aux
enjeux actuels des épidémies. Par ailleurs, elle présentait de
nombreuses lacunes de répartitions des compétences entre
autorités cantonales et fédérales. La nouvelle version introduit, en
outre, certaines nouveautés telle une compétence fédérale dans
le domaine de la prévention des infections nosocomiales (infections contractées dans un établissement de santé).
Rencontres : Neuchâtel – Jura
Il y a, d'une part, des personnes ayant fait de leur vie avec le VIH, une vie de fierté, de
défis réussis, de pieds de nez, de jolies erreurs et de belles surprises et, d'autre part, des
personnes avec un besoin accru d'encouragements, d'exemples à suivre et une
confiance à retrouver. Vérifier que c'est possible de vivre avec le VIH, la tête haute. Les
rencontres entre plusieurs associations permettent de créer de la solidarité et de l’entraide entre les participants. Idéalement, ces rencontres pourraient aussi, un jour,
s’étendre aux PVA de Romandie, de Suisse-allemande, du Tessin et des Grisons, qui uniraient leurs forces pour faire front commun devant toutes les discriminations et les
injustices encore en vigueur dans ce pays.
Le 22 septembre 2013, le peuple suisse a accepté en votation populaire la
révision de la Loi fédérale sur les épidémies (LEp), avec une marge de oui
confortable de 60 %. Une avancée en faveur des droits des personnes
vivant avec le VIH en Suisse.
Or, un élément-clé de la révision de la LEp est l'abolition des poursuites pénales pour transmission ou exposition à la transmission
du VIH au titre de l'article 231 du code pénal, sauf en cas de comportement caractérisé par une "bassesse de caractère". Cet article
est l’une des deux dispositions du code pénal, avec l’article 122
qui sanctionne les lésions corporelles graves, fondant la plupart
des poursuites pénales à l'encontre de personnes séropositives
depuis la fin des années 80. En tout, plus de 40 condamnations
ont été prononcées en Suisse au titre de ces deux dispositions.
Une grande partie de ces condamnations concernaient des
affaires où le partenaire séronégatif n’avait pas été infecté.
En 2008, la Commission fédérale pour les problèmes liés au sida
CFPS (aujourd’hui Commission Fédérale pour la Santé Sexuelle CFSS) publia un avis sur l'effet préventif des traitements démontrant l’absence de tout risque de transmission aussi bien pour
l’individu que pour la santé publique. Celui-ci a très rapidement
eu un impact direct sur la jurisprudence suisse. En effet, en 2009
deux acquittements ont été prononcés sur la base de l’avis par
la justice genevoise. L’avis servit aussi aux partisans de la dépénalisation à justifier la révision de l’article 231 repris dans le projet
de loi sur les épidémies.
La modification de cet article représente donc une avancée
importante, souhaitée par l'ONUSIDA, l'OMS, l'Aide Suisse contre
le Sida et les experts nationaux et internationaux de la prévention
du VIH. Elle ouvrira la porte à un meilleur dépistage et une meilleure prise en charge des personnes qui ne connaissent pas leur
statut sérologique et qui évitaient de chercher à le savoir de peur
d'être poursuivies pénalement. Elle réduit aussi la discrimination
dont étaient jusqu'à présent victimes uniquement les personnes
vivant avec le VIH, seul et unique groupe de personnes porteuses
d'une maladie transmissible faisant l'objet de poursuites pénales
aussi systématiques dans notre pays.
Attention toutefois : la loi sur les épidémies et la modification du
code pénal n’entreront pas en vigueur avant 2016. Et la transmission ou l'exposition à la transmission du VIH restera
punissable, au titre des articles du code pénal sanctionnant les
lésions corporelles (art. 122 ss). L'information préalable du statut
séropositif au/à la partenaire fera obstacle aux poursuites qui
devront, en outre, prendre en compte la récente jurisprudence
du Tribunal fédéral (avril 2013) admettant que la transmission du
VIH n'est plus nécessairement qualificative en lésion corporelle
grave. La modification de l'art. 231 est un pas de plus en direction
de la responsabilité partagée des partenaires sexuels. Le peuple
en dernière instance a ainsi supprimé une disposition légale
contre-productive et parmi les plus sévères en Europe à l'égard
des personnes séropositives.
Sascha Moore
Dans le jargon juridique…
L’absence de consentement en tant que fait justificatif découle de la jurisprudence du Tribunal fédéral concernant
l’article 231 CPS. Cette dernière disposition protège la
santé publique, un bien juridique collectif selon cette jurisprudence. Un individu ne peut à lui tout seul et au nom
de la collectivité, consentir en une atteinte à la santé publique. Et ce contrairement à l’article 122 CPS (lésions corporelles graves) qui protège l’intégrité corporelle de l’individu. Le Tribunal fédéral admet ici le consentement
comme fait justificatif en raison du caractère hautement
personnel de l’intégrité corporelle.