Interview Nicolas Hulot, Président fondateur de la Fondation Nicolas
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Interview Nicolas Hulot, Président fondateur de la Fondation Nicolas
Interview Nicolas Hulot, Président fondateur de la Fondation Nicolas HULOT « Négocier des accords de libre-échange sans avoir une exigence écologique n’est pas compatible avec les engagements climatiques » En parlant de la Cop22, vous avez mis l’accent sur deux mots: exigence et cohérence. Pourquoi ? Exigence et cohérence. Exigence parce que c’est important de se fixer des objectifs et à Paris on s’en est fixé. Si vous ne fixez pas des objectifs, vous risquez de ne pas les réaliser. Mais après, il faut expliquer comment on va les réaliser. Comme on se projette sur des horizons 2020-2050, on se dit qu’on a le temps ; non on n’a pas le temps. Les investissements qu’on fait aujourd’hui sont déterminants dans la réussite de notre modèle de préservation de l’environnement. Il faut que chacun dise quel est le modèle économique à suivre ? Quelles vont être les règles économiques ? Où va-t-on mettre nos investissements ? Où va-t-on mettre la commande publique pour orienter les modes de production et de consommation ? Quel va être le modèle agricole ? Qu’est-ce qu’on va faire comme choix dans le modèle du transport ? C’est ça l’exigence c’est-à-dire comment. La cohérence : c’est distinguer dans nos habitudes ou dans nos tentations ce qui est compatible avec les envies climatiques de ce qui ne l’est pas. Par exemple, subventionner massivement quand on choisit les énergies fossiles n’est pas compatible avec les transitions énergétiques. Négocier des accords de libre-échange sans avoir une exigence écologique n’est pas compatible avec les engagements climatiques. C’est ça aussi la cohérence, c’est qu’on ne peut pas tout avoir dans nos objectifs, il y a des choses auxquelles il va falloir renoncer. Donc, il va falloir qu’on soit très vigilant… COP 21 et COP22, de l’engagement à l’action… La Cop de Paris est l’aboutissement d’un long processus qui a connu des hauts et des bas, notamment après le semi-échec de Copenhague. Car, à Copenhague nous avions beaucoup de climato-sceptiques, mais aujourd’hui très sincèrement sur les 196 États qui étaient à Paris, aucun ne conteste ce diagnostic. Il y a eu un tournant à Paris ; alors maintenant encore une fois au risque de me répéter, ce qui est important c’est de voir comment on va réussir ces enjeux-là ? Comment on va sortir des énergies fossiles ? Comment on va réduire notre consommation énergétique ? Comment on va changer le modèle agricole ? Comment va-t-on protéger les écosystèmes pour faire en sorte que la nature nous aide à rétablir les équilibres climatiques ? Et c’est pour cela que la Cop 22 est très intéressante dans la mesure où elle peut être une sorte de Cop d’échanges de solutions, de mutualisation des moyens et en même temps une Cop d’exigence, c’est-à-dire pointer du doigt ce qui est compatible avec les enjeux climatiques et ce qui ne l’est pas, parce que ce qui est important c’est de rentrer dans la cohérence et c’est peut-être l’étape d’après. C’est un changement de culture qui est en train de s’opérer. Certains peut-être n’ont pas encore réalisé l’ampleur de ce changement. On vous a entendu dire que la COP22 est celle de l’Afrique. Pouvez-vous nous en expliquer davantage ? La COP22 est soulagée suite au succès de la Cop 21, mais elle doit être encore une fois une Cop de vérité. Elle se trouve en Afrique et elle doit faire entendre la voix de l’Afrique qui réclame non seulement qu’on l’aide à se développer, mais qu’on l’aide à s’adapter également. Cette COP22 doit vraiment être une Cop d’exigence pour être précis dans les moyens à mettre en œuvre. Je ne soupçonne pas les États de ne pas être sincères dans les objectifs qui se sont fixés à Paris, et la Cop 22 est nécessaire pour mettre chacun devant ses contradictions et ses vérités.