le premier bilan tiré par les grossistes sur la loi Macron

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le premier bilan tiré par les grossistes sur la loi Macron
Conventions d'affaires uniques : le premier bilan tiré par
les grossistes sur la loi Macron
06/04/2016
Un retour positif ! La distribution professionnelle aurait apprécié le régime plus souple de négociation
des conventions d'affaires uniques dans ce secteur, issu de la loi Macron. C'est ce que nous dévoile
Jacques-Olivier Boudin, président de la commission juridique de la CGI.
Promulgée le 6 août 2015, la loi Macron a réformé les négocations commerciales entre les fournisseurs et
les distributeurs. Avec une nouveauté notable : la reconnaissance du statut particulier des acteurs du
circuit professionnel dans le cadre de la conclusion de la convention d'affaires unique (voir notre article).
Une avancée qui s'est ressentie lors des négociations de conventions d'affaires uniques clôturées le 1er
mars dernier, comme l'explique Jacques-Olivier Boudin, directeur juridique du groupe Pomona, une société
de distribution de produits alimentaires pour les professionnels.
Outre votre poste de directeur juridique, vous êtes également président de la Commission
juridique de la CGI (Confédération du commerce de gros et international). Vous avez milité en
faveur d'une évolution de la loi. Que souhaitiez-vous obtenir ?
Le Livre IV du code du commerce a été rédigé en priorité pour régir les rapports de force entre la GMS
[grandes et moyennes surfaces, qui désignent la grande distribution, ndlr] et ses fournisseurs. Avec une
philosophie générale : encadrer, sur une période de l'année, les négociations commerciales entre
fournisseurs et distributeurs et les formaliser au sein d'une convention d'affaires unique. En 2014, la loi
Hamon a durci ce cadre, en imposant notamment aux fournisseurs d'envoyer, avant le 1er décembre, leur
grille de tarifs et leurs conditions de vente. Or, tout un pan de l'économie de la distribution, celui qui
s'adresse aux professionnels, dépendait de ces règles, inadéquates par rapport à son fonctionnement.
Nous avons donc réalisé une analyse technique des contraintes subies par notre activité, avec des
professionnels du secteur et du droit. Nous avons démontré aux députés que la distribution professionnelle
ne pouvait appliquer la loi Hamon, d'autant plus qu'elle instaurait de lourdes amendes. Nous avons été
entendus : la loi Macron a créé une deuxième convention d'affaires unique, dédiée aux professionnels,
avec l'article L 441-7-1 du code du commerce.
La mise en place de cette convention d'affaires unique répond-elle à vos attentes ?
Nous menons, sur notre circuit, de doubles négociations, en amont et en aval, avec nos fournisseurs et nos
clients. Avec l'ancien régime, nous devions donc, dans un même laps de temps, recevoir les tarifs de nos
fournisseurs et envoyer les nôtres. Grâce à la loi Macron, ce n'est plus le cas et nous en sommes satisfaits.
Autre avancée notable, le fait de pouvoir renégocier les tarifs en cours d'année, contrairement à ce qui est
autorisé dans la grande distribution. Pour nous, c'est essentiel, car les besoins de nos clients évoluent, par
exemple en fonction des appels d'offres auxquels ils répondent en cours d'année. Les opérateurs de la
chaîne de distribution doivent pouvoir s’adapter.
L'application de la loi Macron a-t-elle modifié le déroulement des négociations commerciales
cette année ?
Nous sommes en train de mener des enquêtes interprofessionnelles sur ce sujet. D'après les premiers
retours que j'ai obtenus, les entreprises sont satisfaites de la souplesse apportée par la loi. Les sociétés
apprécient de pouvoir changer les prix sans faire d'avenant, dès lors que cela avait été prévu au contrat
initial. Nous sommes encore en train d'intégrer les nouveautés de la loi Macron, mais cette flexibilité
nouvelle facilite la vie des entreprises.
Les fournisseurs ne se sont pas opposés à cette flexibilité ?
Non, bien au contraire. Certains nous ont épaulés dans nos négociations avec le gouvernement et les
députés. Nous ne connaissons pas les mêmes tensions que celles actuellement remontées sur les
dernières négociations entre la grande distribution et ses fournisseurs. Il est par exemple courant que
nous fassions un effort, aux côtés de nos fournisseurs, pour proposer un tarif attractif à un client final, afin
qu'il remporte un appel d'offre.
Quant à notre statut de grossiste, il nous place dans des positions différentes en fonction de nos
interlocuteurs : nous sommes parfois considérés comme un acteur de grande taille, d'autre fois comme
une petite société face à des grandes multinationales. Une logique de partenariat se ressent lors de nos
négociations.
François Hollande a laissé entendre que les lois encadrant les rapports fournisseursdistributeurs pourraient encore évoluer. Anticipez-vous de nouvelles mesures ?
Je pense que cela ne concernera pas la distribution professionnelle. Nous avons réellement été entendus
sur nos besoins lors des négociations sur la loi Macron. Nous ne souhaitons, bien entendu, pas de retour en
arrière, qui imposerait de la lourdeur dans les procédures et freinerait la bonne marche des entreprises.
Les sociétés ne sont pas demandeuses de changements de loi, cela a des répercussions sur le travail
quotidien de milliers de personnes.
Il faut toutefois suivre avec attention un nouveau courant, constitué de juristes spécialisés, de professeurs,
comme le Professeur Ferrier [professeur à l'Université de Montpellier, ndrl], et de certains professionnels.
Ils appellent à un droit du commerce commun pour toute l'économie, avec pour seule exception la grande
distribution. Cela traduit une évolution des mentalités.
propos recueillis par Ingrid Labuzan
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http://www.actuel-direction-juridique.fr/content/convention-daffaires-unique-premier-bilan-de-la-loi-macron
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