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ÉVALUER L'IMPACT POTENTIEL DES POLITIQUES PUBLIQUES SUR
LA SANTÉ : LES ASTRES SONT BIEN ALIGNÉS !
Jean Turgeon et Françoise Jabot
S.F.S.P. | Santé Publique
2010/4 - Vol. 22
pages 363 à 365
ISSN 0995-3914
Article disponible en ligne à l'adresse:
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-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Turgeon Jean et Jabot Françoise, « Évaluer l'impact potentiel des politiques publiques sur la santé : les astres sont
bien alignés ! »,
Santé Publique, 2010/4 Vol. 22, p. 363-365.
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Pour citer cet article :
Santé publique 2010, volume 22, n° 4, pp. 363-365
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Depuis la parution du Consensus de Göteborg en 1999 [1], l’évaluation d’impact
sur la santé (EIS) suscite l’intérêt dans plusieurs pays. Les germes de la réflexion
étaient jetés, il y a un peu plus de trente ans, lorsque les gouvernements
s’engageaient solennellement à Alma Alta dans la mobilisation de tous les secteurs
socioéconomiques pour réussir le pari de « la santé pour tous en l’an 2000 ».
Quelques années plus tard, la Charte d’Ottawa inscrit l’élaboration de politiques
publiques saines parmi les cinq stratégies de la promotion de la santé. L’Union
européenne marque un pas de plus avec l’article 152 du Traité d’Amsterdam qui
précise qu’un « haut niveau de protection de la santé humaine » doit être garanti
dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques communautaires. Plus
récemment, un rapport de l’OMS, plaidoyer pour le renouveau des soins de santé
primaires, dans le prolongement de l’esprit d’Alma Alta, insiste sur le double regard
à porter sur les politiques publiques, celles-ci n’étant plus seulement des conditions
indispensables pour produire de la santé mais potentiellement influentes sur la santé
des populations. Progressivement, ce concept de politiques publiques favorables à la
santé s’est développé, s’accompagnant de la mise en place de méthodes, dont l’EIS,
pour en apprécier les effets a priori. L’évaluation d’impact sur la santé doit permettre
de juger des effets potentiels d’une action gouvernementale sur la santé de la
population et la distribution de ces effets au sein de la population, afin d’éclairer les
décideurs politiques sur les choix futurs de manière à bonifier les effets potentiels
positifs et à minimiser les effets négatifs. Le développement de ces évaluations
trouve en partie ses origines dans la recherche d’une plus grande équité sociale lors
de l’élaboration de politiques publiques, l’analyse des impacts devant s’intéresser
à leur redistribution dans les divers groupes sociaux [2].
Il peut être intéressant d’examiner le chemin parcouru par le Québec, qui, depuis
près de dix ans maintenant, fait figure de pionnier en la matière. La Loi sur la santé
publique de 2001 instaurait une clause (article 54) devant conduire à la réalisation
d’évaluation d’impact afin de promouvoir l’élaboration et l’adoption de politiques
favorables à la santé et attribuait un rôle majeur au ministère de la Santé au sein du
gouvernement. En effet, tous les ministères et organismes gouvernementaux ont
obligation de consulter le ministre de la santé préalablement à l’élaboration des
mesures prévues par les lois et règlements susceptibles d’avoir un impact significatif
sur la santé de la population. La mise en œuvre de l’article 54 est sous la
responsabilité de la Direction générale de la santé publique au ministère de la Santé
et des Services sociaux (MSSS) et repose sur une stratégie associant d’une part,
la mise en place d’un mécanisme intragouvernemental et, d’autre part, le
développement et le transfert des connaissances sur les politiques favorables à la
santé et au bien-être. Le mécanisme intragouvernemental s’appuie sur un réseau de
répondants ministériels, courroie de transmission entre le ministère chargé de la
santé et les autres ministères, prévoit la production et la diffusion d’outils et
s’assure que les évaluations d’impact sont réalisées puis introduites dans le
processus décisionnel. Jusqu’à maintenant, la stratégie a consisté à soutenir les
ministères qui se montraient intéressés sans contraindre ceux qui ne se sentaient pas
interpellés. Les répondants considèrent le réseau indispensable car il offre un espace
de participation particulièrement apprécié des différents ministères. Cependant, selon
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Évaluer l’impact potentiel des politiques publiques sur la santé :
les astres sont bien alignés !
ÉDITORIAL
Éditorial
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J. TURGEON, F. JABOT
La Société française de santé publique souhaiterait que figure dans la prochaine loi
de santé publique, un rôle d’interpellation actif au directeur général de la santé en
matière d’études d’impact sur la santé. Il est en effet essentiel afin de soutenir et
promouvoir, dans les études désormais exigées, l’inclusion systématique de la santé
par le biais de véritables évaluations d’impact permettant de s’assurer non
seulement que les lois ne nuisent pas à la santé – ce qui semble somme toute plutôt
raisonnable – mais également qu’elles en produisent ! Les évaluations d’impact sur
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Par ailleurs, des pratiques d’évaluation ont été initiées dans quelques pays
européens (Europe du nord particulièrement) et promues par les organisations
internationales [3]. C’est notamment le cas de l’Organisation mondiale de la santé
qui en préconise l’utilisation aux décideurs locaux, dans le cadre du Programme
Villes-Santé 2003-2008. Cependant, la réglementation européenne ne comporte pas
de mesures contraignantes à cet égard. Jusqu’à maintenant, le caractère
exceptionnel des initiatives réalisées en France n’était pas de nature à asseoir le
processus de façon durable. Depuis quelques mois, s’instaure en France une
dynamique favorable à l’introduction des évaluations d’impact sur la santé. Depuis
l’automne 2009 et en accord avec la loi organique du 15 avril de la même année,
tous les projets de loi doivent être accompagnés d’une évaluation d’impact. En
janvier dernier, un séminaire organisé conjointement par le Centre d’analyse
stratégique, la Direction générale de la santé et la Société française de l’évaluation,
s’est fait l’écho de cette préoccupation, à peu près au moment où la ministre de la
Santé et des Sports affirmait le rôle majeur de son ministère pour susciter la prise de
conscience des autres ministères quant aux répercussions de leurs politiques. Enfin,
le comité national de santé publique, instance de coordination intersectorielle, a
initié une réflexion sur le sujet. La démarche doit, en toute transparence, associer
une analyse critique des faits scientifiques, la prise en compte des préférences de la
population concernée et l’interprétation commune des parties prenantes des
répercussions potentielles sur la santé de la politique analysée. Ces caractéristiques
de l’évaluation d’impact en santé, qui représentent autant d’objectifs à poursuivre,
s’insèrent bien dans la tradition de l’évaluation des politiques publiques en France.
En effet, la Société française d’évaluation précise dans sa charte que « l’évaluation
s’inscrit dans la triple logique du management public, de la démocratie et du débat
scientifique ».
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le MSSS, ce mécanisme souffre d’un certain nombre de lacunes. Citons notamment,
une participation inégale des ministères à ce dispositif et aux formations dispensées,
une faible fréquence des réunions du réseau, des outils de liaison insuffisants et un
taux de rotation important des répondants. Enfin, l’information relative à l’article 54
a été inégalement diffusée au sein des différents ministères considérés. Apporter des
corrections à ces aspects améliorerait notablement l’efficacité d’un tel dispositif.
Concernant le développement et le transfert des connaissances, le MSSS finance un
vaste programme de recherche sur les politiques favorables à la santé et au bien-être
articulé selon trois axes : concepts et méthodes pour l’analyse des actions
gouvernementales, élaboration de politiques publiques favorables à de saines
habitudes de vie et enfin, un axe évaluation des impacts qui porte sur les impacts
a posteriori de politiques publiques déjà implantées (Ecole en santé, Promotion du
transport actif des élèves du primaire…). Cette expérience montre l’importance,
au-delà de l’adoption d’une législation, de planifier soigneusement des mesures
d’accompagnement et de soutien aux acteurs qui auront la responsabilité de
produire ces évaluations.
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la santé apparaissent à l’heure actuelle comme un outil stratégique permettant cette
bonification des politiques publiques afin que la santé pour tous – Health for All – ne
soit pas qu’un simple slogan.
Jean TURGEON
Co-directeur du Groupe d’étude sur les politiques publiques
et la santé, ENAP, Canada
Françoise JABOT
École des hautes études en santé publique
BIBLIOGRAPHIE
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Santé publique 2010, volume 22, n° 4, pp. 363-365
1. Consensus de Göteborg, document de décembre 1999. Étude de l’impact sur la santé, principaux concepts
et méthode proposée, traduction S2D/centre collaborateur de l’OMS pour les Villes-Santé francophones,
juillet 2005.
2. Gagnon F, Michaud M. et coll. L’évaluation d’impact sur la santé et la formulation des politiques publiques,
Série Transfert de connaissances, Québec, Groupe d’étude sur les politiques publiques et la santé,
novembre 2008.
3. Observatoire de l’administration publique ENAP. « Les politiques publiques et l’évaluation d’impact sur la
santé ». Télescope, volume 14, n° 2, 2008.