Psychopathologie. Psychopathologie de l`adolescence. Cours

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Psychopathologie. Psychopathologie de l`adolescence. Cours
Psychopathologie.
12/01/04
Psychopathologie de l’adolescence. Cours 9. .
I. Introduction
On ne parle pas de période ici mais de crise.
On a de plus en plus tendance à distinguer la puberté (somatique) de l’adolescence (affective et
relationnelle).
La tâche psychologique essentielle est l’adaptation de la personnalité aux conditions nouvelles produites
par les transformations physiques, on peut considérer tous les phénomènes psychiques qui caractérisent la
puberté comme des tentatives de rétablissement de l’équilibre troublé.
Le développement psychosexuel est caractérisé par une reviviscence pulsionnelle massive, brutale sinon
quelquefois dramatiques, par ré et suractivation tant des pulsions agressives que de la libido, aussi bien
narcissique qu’objectale.
Extrait de l’Abrégé de psychologie pathologique dirigé par J. Bergeret.
1. Définition.
C’est une tranche de vie définie doublement par la puberté (le corps est l’objet central de l’adolescence)
et par son statut socioculturel.
2. Enjeux de cette période.
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L’adolescence réactualise les désirs et les conflits infantiles.
Le complexe d’Œdipe est réactivé et s’il n’a pas été liquidé pendant l’enfance, l’adolescence offre une
dernière chance de le régler.
Les conflits d’antan réapparaissent donc mais le développement physique du sujet les rend plus
menaçant car dans le cas de l’Œdipe l’inceste est à présent réalisable.
Enfin c’est une période crise narcissique et identitaire.
On distingue, entre latence et puberté, une phase intermédiaire, dite « prépuberté » ou
« préadolescenc » au cours de laquelle tous les pulsions présentes sont investies.
Le développement sexuel paraît reprendre exactement au point où il avait été abandonné à l’époque de
la résolution du complexe d’Œdipe et il se produit même alors régulièrement une intensification des pulsions
oedipiennes.
Associé à cette reviviscence, c’est aussi une crise narcissique et identificatoire avec notamment :
Des doutes angoissants sur l’authenticité du soi.
Du corps.
Du sexe.
On observe en dehors de tout facteur ou contexte psychotique, des sentiments de bizarrerie et d’étrangeté.
L’adolescence représente un enjeu considérable pour les structures psychiques, c’est à cette époque
qu’elles peuvent se rejouer et c’est également la dernière chance offerte au sujet de résoudre spontanément le
conflit oedipien, si ce n’est déjà fait.
Extrait de l’Abrégé de psychologie pathologique dirigé par J. Bergeret.
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3. Tentatives de délimitation de la période de l’adolescence.
Critères du début de l’adolescence
Critères de fin de l’adolescence
Facteurs
biologiques
On considère que le critère est le début des
changements physiques notamment
l’apparition des caractères sexuels
secondaires.
On considère que la capacité à concevoir un
enfant marque la fin de l’adolescence.
Facteurs
cognitifs
Apparition du raisonnement abstrait
Maîtrise de la pensée formelle
Facteurs
émotionnels
Premières tentatives d’affirmation de la
personnalité à travers les choix personnels.
Définition de soi en tant que personnalité
indépendante. Affirmation complète de
l’identité et de ses choix personnels.
Juridiques
Période où les parents peuvent laisser leurs
enfants seuls à la maison sans paraître
négligents (légalement à partir de l’âge de 12
ans).
Age maturité : Accession au droit de vote : 18
ans.
Sociaux
Apparition de comportements autonomes
dans la participation aux rôles collectifs.
Construction d’un réseau social indépendant
de la famille.
Accession à la maîtrise de soi, capacité à
exercer des pouvoirs et des responsabilités.
Discipline, réciprocité et mutualité (Respect et
Robustesse…comprend qui connaîtra)
II. Aspects sociologiques.
1. Bref historique.
L’adolescence renvoie à un phénomène particulièrement constaté dans les sociétés occidentales, il est
relativement peu présent dans les sociétés traditionnelles, en tous cas dans la forme que nos sociétés moderne lui
a donné.
A partir du milieu du 19ème siècle, le terme adolescent commence à être employé pour désigner les
jeunes collégiens poursuivant leurs études et qui sont, par conséquent, financièrement dépendants.
Depuis 1960, la littérature psychanalytique traitant de l’adolescence n’a cessé d’augmenter, Winnicott
par exemple a pas mal écrit sur le sujet.
L’adolescence n’est donc pas un concept en soi, ayant une essence propre et absolue, c’est un fait
social, profondément lié à la culture dans sa durée, ses expressions et ses enjeux.
2. L’adolescence en tant que fait social.
Comme on a pu le comprendre dans l’introduction, il est assez malaisé de tenter une définition exacte
de l’adolescence, tout particulièrement sur le plan de la durée. L’adolescence se caractérise par la mise en place
de repères corporels particuliers mais pas par des repères sociaux, des normes particulières, les rites initiatiques
ayant disparus, chaque famille négocie ses propres rites de passage et il devient de plus en plus compliqué de
définir l’adolescence dans la société.
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La maturité physique peut être prise comme point de repère pour délimiter cette période, l’ennui c’est
que le concept de maturité varie également tant au niveau de l’âge que de l’époque et du lieu.
Légalement on prend comme repère l’âge de 18 ans lorsque le sujet devient responsable de ses actes aux
yeux de la société, cela dit que l’on parle de maturité ou de majorité civique, la maturité psychique n’est pas
garantie pour autant (moche phrase, et bien tant pis !).
Neyrand : Sans être un fait social, l’adolescence est un fait social caractérisé par la révolte et l’inversion
des valeurs établies.
Le repérage de l’adolescence est rendu encore plus difficile aujourd’hui du fait de son extension,
accroissement dû à l’augmentation de la durée de vie d’une part et une contrainte paradoxale d’autre part : Les
adolescents doivent conquirent leur autonomie et leur individuation (études par exemple) tout en vivant de plus
en plus tard chez leurs parents (dont ils sont dépendants financièrement s’ils veulent réaliser « leurs rêves »).
Pour Jeammet l’adolescence s’arrête à 20 ans pour les garçons et à 18 pour les filles, il a décidé comme
ça. D’autres auteurs estiment que l’adolescence ne s’arrête qu’à l’âge de 25 ans (génial).
Au début du siècle on faisait correspondre l’adolescence avec l’âge de la puberté, le problème c’est
qu’aujourd’hui la puberté est bien plus avancée, elle commence à 13 ans pour les garçons (16 ans au début du
siècle) et à 11 ans pour les filles (14 ans avant).
On peut distinguer deux périodes :
1) La période des transformations pubertaires.
2) La période de l’après-coup du phénomène pubertaire.
On a souligné précédemment le paradoxe extension cohabitation avec parents vs précocité de la puberté, il
faut également mentionné que cet allongement exceptionnel de la vie de l’adolescent à la maison accentue
également la crise du milieu de vie des parents (personne n’y gagne donc, foutez-moi tout ça dehors !).
3. Nous vivons une époque adolescentrique (joli titre).
Notre société actuelle est sous régulée, peu limitée, « tu peux tout avoir mais tu peux tout perdre » tel
est le message adressé aux adolescents d’après la prof. La société est insécurisante en plus de difficultés
« modernes » comme les recompositions familiales, les violences urbaines, le chômage et la sexualité
omniprésente.
La prof attire notre attention sur l’origine du mot éduquer : « Faire sortir »…
Les besoins d’affirmation identitaire des adolescents son d’autant plus présents que l’adolescence ne
semble pas devoir se terminer, tout le monde voudrait être un adolescent, la culture ado est au centre des intérêts
(vestimentairement, verbalement, musicalement…si on peut parler de musique, oh je suis vâche !).
Privés de pouvoirs économiques et politiques, les seuls registres d’affirmation identitaire qui restent à
disposition des adolescents sont le domaine culturel et le sexuel.
La société et les groupes de semblables définissent des normes sociales intériorisées concernant ce qu’il
convient de faire, à quel moment et avec qui. L’âge de la première relation sexuelle est le même pour tout le
monde et ne bouge pas en dépit de nombreux bouleversements normatifs concernant la sexualité : 17 ans. Le
premier rapport sexuel constitue une norme d’accomplissement.
L’identité et la maturité sexuelle ne sont reconnues qu’une fois l’indépendance financière acquise.
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III. L’adolescent face à son corps.
A. Les bouleversements de la puberté.
Le corps est l’objet central à cette époque en particulier. Il est à la fois l’élément déclencheur et
révélateur du bouleversement psychophysiologique en cours.
Philippe Jeammet dit que le poids du somatique dû à la puberté est à l’origine du travail psychique à
l’adolescence (travail visant l’intégration des transformations corporelles).
1962, Blose : « L’adolescence est comprise ici comme la somme résultant de toutes les tentatives
d’accommodation à l’état de puberté, aux nouvelles ensembles de condition internes et externes, endogènes et
exogènes, qui s’imposent à l’individu. »
Durant l’enfance le développement staturo-pondéral est progressif, tout à coup à l’adolescence tout le
monde peut remarquer les changements intellectuels, émotionnels et corporels : Les règles pour les filles et les
premières éjaculations échappent au sujet, à son Moi, il doit les intégrer.
Les tensions subies sollicitent les capacités d’adaptation qui à leur tour requièrent une personnalité bien
structurée.
Les transformations pubertaires sont inéluctables sauf en cas de régression et troubles tels que
l’anorexie que beaucoup d’auteurs considèrent comme un conflit lié à l’identité sexuelle, un rejet inconscient des
transformations du corps. Lanfer appelle ça le break-down, une rupture, une cassure dans le développement, un
arrêt qui résulte de la non intégration de la représentation de soi en tant qu’homme ou femme (par opposition à
l’identité sexuelle infantile qui est caractérisée par la bisexualité psychique).
Face aux bouleversements pubertaires l’adolescent doit réapprendre à aimer et à assimiler sa propre
image. Les adolescents poursuivent alors un double objectif : Ils recherchent un nécessaire maintien du
sentiment d’identité, une continuité dans l’existence en dépit des transformations du corps, en même temps ils
doivent intégrer ces transformations et leurs effets sur le mode relationnel. « Changer tout en restant le même ».
B. Quelques aspects de l’amour et de la sexualité à l’adolescence.
La construction de l’identité passe par la relation avec autrui dont l’enjeu majeur est la sexualité.
Neyrand distingue deux tendances opposées pour qualifier l’amour masculin adolescent et l’amour
féminin adolescent :
1) Les hommes ont tendance à la sentimentalisation du sexuel.
2) Les filles ont tendance à la sexualisation du sentiment.
Pour les hommes, le sexuel est un moyen d’étayer leur identité par l’affirmation de leur virilité avec
plus ou moins d’enjeux affectifs.
Pour les femmes, le sexuel est un moyen d’enraciner la relation affective dans le physique.
Les troubles psychiques sont alors l’expression d’un recul devant la sexualité dite « normale » et
« définitive » de l’adulte.
1. Choix d’objet sexuel.
a. La masturbation.
La masturbation est un besoin très impérieux et très réprouvé, aussi bien par soi-même que par autrui. Ce
qui donne logiquement naissance à des sentiments de très intense culpabilité, bien qu’il s’agisse, dans notre
contexte socioculturel, d’un phénomène bien banal, en tant que seule issue possible sur le moment à la
satisfaction des besoins sexuels.
La masturbation reste souvent vécue comme culpabilisée et angoissante :
Soit du fait de la pression externe. Récits effrayants courants concernant sa prétendue nocivité.
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Soit surtout du fait que cette culpabilité se rapporte à la reviviscence des conflits oedipiens non résolus
et du complexe de castration.
Ce sont les conséquences psychologiques de la culpabilité et de l’angoisse qui sont redoutables et non la
masturbation en tant que telle.
Extrait de l’Abrégé de psychologie pathologique dirigé par J. Bergeret.
Les pulsions génitales trouvent leurs expressions à l’adolescence dans une activité masturbatoire, c’est
un besoin à la fois impérieux et réprouvé par l’adolescent et par autrui. La masturbation est culpabilisée et
angoissante.
Elle permet de maintenir une distance avec l’objet et de reporter le rapport sexuel. Par contre, selon
Richard, si le rapport sexuel est trop longtemps retardé, l’adolescent risque de manquer le temps de
l’expérimentation ce qui augmentera l’angoisse de castration.
La puberté est surmontée, c’est-à-dire la sexualité est installée dans la personnalité, quand le sujet est
capable d’avoir un orgasme complet (Fénichel).
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b. Les amitiés homosexuées.
Les adolescents lient des amitiés homosexuées afin d’éviter la relation sexuelle objectale, souvent, ces
amitiés prennent la tournure d’un choix objectale avec ou non passages à l’acte (expériences).
L’homosexualité à ce stade est dite « normale » et transitoire, elle est, bien sûr, méconnue comme telle
par l’adolescent, elle est inconsciente.
Ce type d’amitié témoigne d’une quête fraternelle du semblable, il s’agit plus d’une quête identificatoire
que d’homosexualité d’ailleurs.
Pour Bergeret, les expériences homosexuelles expriment une timidité envers l’autre sexe ainsi que le
désir de prolonger l’orientation narcissique. Cette étape est indispensable au mouvement psychique en direction
de l’objet génitale hétérosexuel.
L’adolescent tombe amoureux de sa moitié féminine pour le garçon et de sa moitié masculine pour la
femme, on parle d’amours narcissiques. La dépendance vis-à-vis des parents s’estompe, le besoin infantile d’être
aimé fait place à la capacité d’aimer, l’autoérotisme diffus est bientôt remplacé par la sexualité génitale
(hétérosexuelle).
Le premier choix objectal de la puberté est souvent un choix homoérotique avec même d’occasionnelles
expériences homoérotiques qui ne doivent pas être considérées comme automatiquement déterminantes pour
l’avenir car :
Elles témoignent souvent seulement de la solidité de l’identification parentale que l’adolescent cherche
à dissoudre.
Elles apparaissent comme un phénomène temporaire d’adaptation.
Elles n’aboutissent pas à des fixations définitives.
Elles sont souvent dues autant à la timidité envers l’autre sexe (et aux traditions culturelles) qu’à la
prolongation de l’orientation narcissique de la plupart des besoins objectaux de cette époque.
Extrait de l’Abrégé de psychologie pathologique dirigé par J. Bergeret.
2. Les « troubles » de la réalisation sexuelle.
Une dissociation souvent rencontrée chez l’homme en matière d’amour : Entre courant tende et courant sensuel.
C’est un processus régulièrement rencontré non seulement chez les hommes mais chez les femmes, c’est la
caractéristique de temps de l’adolescence.
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a. Le courant tendre.
Il fait partie intégrante du sentiment amoureux, Freud le qualifie d’amour véritable ou d’amour
proprement dit. L’amour sexuel par opposition se limite à la seule satisfaction du besoin sexuel.
La réunion des deux courants est une vue idéale pour Freud, mais dans la clinique adolescente, on voit
fréquemment ces deux courants dissociés.
Le courant tendre peut être illustré par l’amour courtois des troubadours du 12ème siècle ou encore par la
passion amoureuse du type Roméo et Juliette. L’étymologie du mot adolescent renvoie à la passion : « Celui qui
s’enflamme », la passion est souvent associé à des termes comme se brûler ou s’enflammer.
La passion amoureuse est cette croyance en une fusion qui peut rappeler la sexualité infantile.
Tous les récits de passion amoureuse se terminent soit par la mort des amants soit par le début de leur
union, ils s’arrêtent en tous cas sur la fusion.
La passion ferme le couple sur lui-même t l’isole du reste du monde. C’est cette croyance dans la fusion
des amants que devra abandonner l’adolescent pour pouvoir vivre une vraie relation amoureuse d’adulte, la
passion est un enfermement dans l’autre, de deux séparés on obtient du 1 et non pas du couple. C’est en cela
qu’elle renvoie le sujet à la fusion archaïque d’avant la séparation entre le sujet et l’objet.
Dans l’amour courtois, le sentiment amoureux est prévalent mais il exclu le sexuel. C’est un avatar
historique que les adolescents doivent traverser et répéter pour aboutir à la relation amoureuse plus globale. Dans
ce cas d’amour courtois, l’amour est tellement idéalisé qu’il ne supporterait aucun passage par l’acte d’amour
charnel. Beaucoup d’adolescents se fixent à se stade de la relation amoureuse, un phénomène appelé les bébés
couple illustre ce type de relation : Ce sont des couples qui s’aiment énormément, qui restent tout le temps collés
l’un à l’autre mais qui ne font rien (sexuellement). Ces bébés couple témoignent de la difficulté de l’adolescent
moderne à franchir le passage de la sexualité infantile à la sexualité mature.
b. Le courant sensuel.
Les relations sexuelles précoces et les passages à l’acte peuvent illustrer ce que Freud nomme le courant
sensuel. On remarque que dans les relations sexuelles précoces, les sujets utilisent le clivage afin de mettre à
distance les sentiments. Dans ce cas, les êtres sont agissants avant d’être pensants. Ces passages à l’acte
permettraient la réappropriation du corps.
Lorsque les jeunes parlent des relations sexuelles, ils ne les nomment pas directement « Je dois le faire », « J’ai
eu un rapport ». Ils sont dans l’ordre de l’impératif, de l’agir tout en éliminant le caractère sexuel de cet acte.
Le choix de partenaires plus âgés pour les filles peut être interprété comme un compromis entre un sentiment
oedipien et une identification.
La révolte pubertaire contre les parents, l’autorité ou ses substituts symboliques.
Emancipation d’autant plus bruyante et spectaculaire qu’elle aura été plus tardive et que les fixations enfant
parents, fixation de l’enfant par la soumission, ou des parents par la réprobation, auront été plus ou moins
contraignantes.
Cette lutte contre les anciens investissements peut aboutir soit au rejet apparent et total des parents,
donc à la rupture, en direction d’un mode de vie totalement différent, soit au rétablissement d’un équilibre dans
une tolérance réciproque et dans l’affection sublimée et partagée.
Le plus souvent, les nouveaux objets libidinaux jouent pour l’adolescent un rôle considérable, il s’agit
alors d’attachements compulsionnels et passagers à des êtres soit de même âge avec lesquels la relation prend
la forme d’une amitié passionnée ou d’un amour réel, soit ou en même temps plus âgés, qui représentent
clairement des substituts parentaux, lesquels auront de moins en moins de traits communs avec les images
parentales originales, au fur à et mesure de la maturation affective.
Ces fixations amoureuses passagères, souvent abandonnées d’autant plus rapidement et complètement
qu’elles auront été plus passionnées et exclusives, ne représentent pas réellement des relations objectales, mais
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plutôt des attachements identificatoires, dominés qu’ils sont par l’effort déployé pour se raccrocher au monde
extérieur sur un mode narcissique.
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3. Le flirt.
C’est une relation narcissique dans laquelle l’adolescent, homme ou femme, cherche d’abord une
réassurance sur le fonctionnement de son corps, sur sa capacité à être aimable et à être aimé. L’adolescent est
souvent condamné à des retours en arrières, autoérotiques, à des tocades amoureuses qui souvent se révèlent
n’être que des tentatives de restauration d’un narcissisme fragile.
Les enjeux du flirt : Tentative de construction d’un autre, différent de soi, d’un autre qui soit réellement
autre. Le flirt s’est généralisé en Europe vers la fin de la seconde guerre mondiale, il permet un échelonnement
de la sexualité jusqu’à l’âge du premier rapport sexuel. Il permet également d’apprivoiser le corps sexué, de
trouver son identité dans la relation amoureuse.
Le flirt permet également de limiter le risque affectif, il permet la mise en place de la nouvelle identité.
Comme toutes les autres formes de relations amoureuses, avec ou sans sexualité et ou amour, le flirt repose sur la
découverte de la capacité à agir l’acte sexuel génital.
Il permet la construction psychique nécessaire pour qu’enfin le sujet en adolescence puisse
communiquer sur cette question de l’amour comme un adulte et vivre ce corps devenu adulte comme réellement
approprié à la rencontre de l’autre.
L’adolescent qui renonce à ses objets oedipiens pourra se diriger vers d’autres objets d’amour. La
naissance du sentiment amoureux qui va avec la possibilité de l’autre ne sera pas forcément aisée.
L’enjeu de la sexualité est de trouver son identité dans la relation avec l’autre.
Le sexuel est l’enjeu de l’adolescence.
IV. Les processus psychodynamiques.
L’adolescence est donc une période transitoire débutant à la puberté, elle comporte de nombreux
bouleversements :
Psychiques avec le travail de deuil. L’adolescent doit dire adieu à son enfance, à ses comportements
antérieurs.
Sexuels avec la réactivation du conflit Oedipien de l’enfance. L’adolescent doit passer de
l’autoérotisme à l’hétérosexualité, ce qui le mène à rejeter les imagos parentales, on a d’ailleurs
tendance à dire que le fait de grandir est agressif, la croissance signe la mort des imagos parentales.
Le travail de deuil concerne également les objets oedipiens, l’adolescent doit accepter que ses désirs
oedipiens ne peuvent pas être réalisés. Il doit se libérer de l’emprise parentale, il doit gagner son indépendance et
aller à la rencontre de nouveaux objets (processus de séparation individuation).
1. Mécanismes de défense.
a. L’ascétisme.
b. L’intellectualisme.
c. La mise en acte.
d. Le clivage.
Brusques passages d’un extrême à un autre.
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Ces mécanismes sont particulièrement rencontrés à l’adolescence mais ils peuvent être présents plus
tard, tout comme les mécanismes non spécifiques à l’adolescence comme le refoulement, le déni peuvent être
présents durant l’adolescence (Did I made myself clear ? )
e. Le narcissisme.
L’égoïsme et la mégalomanie sont les deux reproches les plus souvent adressés aux adolescents qui
doivent à la fois choisir de nouveaux objets et se choisir eux-mêmes en tant qu’objet d’intérêt, de respect et
d’estime. On parle alors de narcissisme exacerbé à l’adolescence.
f. Idéal du Moi.
C’est une instance qui prend une place importante à l’adolescence, elle est en lien avec le narcissisme, elle
renvoie à ce à quoi l’adolescent aspire.
« Idéal du Moi » ou « Moi Idéal » (formulations primitivement synonymes) sont les expressions par
lesquelles Freud nomma une substructure du Moi « Héritier du narcissisme » précise-t-il.
C’est un modèle auquel le sujet cherche à se conformer et référence permanente du Moi, l’Idéal du Moi
est à la fois et en même temps le substitut du narcissisme perdu de l’enfance (toute puissance infantile) et le
produit de l’indentification aux figures parentales ainsi qu’à leurs relais sociaux.
Extrait de l’Abrégé de psychologie pathologique dirigé par J. Bergeret.
2. Identité Identification.
Ce sont deux notions inséparables à l’adolescence.
L’identité renvoie au narcissisme du sujet, aux relations précoces qui, si elles ont été bonnes,
permettent, l’élaboration du sentiment d’identité (sinon pas de sentiment d’identité, psychose).
Une fois son identité installée, l’adolescent peut partir en quête d’identification. Il enrichit sont identité
grâce aux identifications, il doit se reconnaître comme différent et autonome par rapport à ses parents.
L’identification n’est pas un mécanisme de défense mais une activité affective et relationnelle indispensable
au développement de la personnalité.
Il existe une identification primaire liée à l’incorporation orale. L’objet doit être dévoré sans distinction
préalable entre tendresse et hostilité, ni entre Soi et non-Soi dans ce mouvement essentiellement prégénital qui
vise à préciser l’identité narcissique de base du sujet.
Avec l’arrivée de l’Œdipe survient ensuite le mode d’identification secondaire destiné à affirmer l’identité
sexuelle du sujet.
Extrait de l’Abrégé de psychologie pathologique dirigé par J. Bergeret.
V. Les troubles psychologiques.
A. Le problème de l’agir et des passages à l’acte.
Chez l’adolescent, les conduites agies prennent toute leur importance car l’agir est considéré comme
l’un des modes d’expression privilégié des conflits nés des remaniements psychiques et de l’angoisse. Ainsi,
pour nier ces conflits, il recoure à l’agir qui peut se manifester dans le quotidien sous des formes diverses (autre
que la violence) comme la pratique d’un sport.
L’acting out représente les actions impulsives qui font rupture avec les comportements habituels.
Les passages à l’acte sont variés : Suicide, automutilation, addiction, violences, vols etc…
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Comme on l’a vu précédemment, l’adolescent doit réapprendre à assimiler son corps, il a recours aux
plaintes somatiques (maux de dos ou de ventres) qui sont les premiers signes de l’angoisse, il se regarde aussi
beaucoup dans le miroir. Le corps représente la voie d’expression des conflits liés à l’adolescence, on peut
également le constater à travers le besoin et la volonté de maîtrise du corps (anorexie par exemple), corps qui lui
échappe parce que traversé de pulsions agressives et sexuelles.
B. Les troubles des conduites alimentaires.
Renvoient à des conduites alimentaires instables quantitativement et qualitativement : Les fringales, la
boulimie, les addictions à certains types d’aliments (chocolat par exemple) et les grignotages.
On peut imaginer que ces troubles sont la traduction d’une démarche d’appropriation du corps ainsi que
l’expression des conflits liés aux parents (le repas familial quotidien étant souvent évité pour marquer
l’opposition).
L’obésité, l’anorexie et la boulimie trouvent la plupart du temps leurs sources à l’adolescence, on les
trouve dans n’importe quelles structures (névrotique ou psychotique) à des degrés différents.
C. Les troubles du sommeil.
-
Les insomnies : Difficultés d’endormissement ; réveil nocturne lié à une angoisse excessive ou
l’absorption de substances ou encore lié au danger que le sommeil représente : Les pulsions, les
fantasmes, les rêves etc…
Les hypersomnies : Refuge, fuite.
D. Troubles de la sexualité.
Déjà évoqués plus haut dans le cours.
E. La dépression.
L’adolescence est une période développementale propice à l’émergence de la dépression.
Le diagnostic de la dépression n’est déjà pas aisé à l’âge adulte mais là il est encore plus compliqué car
il est difficile de faire la différence entre travail du deuil propre à l’adolescence et dépression à proprement
parler.
1. Affects dépressifs.
-
Les affects dépressifs de base sont :
La tristesse.
L’humeur dépressive.
L’ennui.
La morosité.
Parce qu’il est difficile à repérer, il faut toujours chercher le symptôme dépressif lorsqu’on se trouve face à
un adolescent.
2. Indices.
Comment peut-on repérer le symptôme dépressif ? Quelques indices importants :
-
Ralentissement psychomoteur.
Ralentissement idéique.
Sentiment que le temps s’écoule avec lenteur.
Troubles du sommeil.
Manque d’appétit.
Autodévalorisation.
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Il y a plusieurs type de dépression : D’infériorité, d’abandon, mélancolique ou encore psychotique.
F. Les troubles psychotiques à l’adolescence.
Les signes psychotiques peuvent apparaître sous diverses formes durant l’adolescence qui correspond
souvent à l’âge de début des schizophrénies (chroniques) et des BDA (Bouffées Délirantes Aiguës). Il n’y a pas à
proprement parler de maladies psychotiques propres à l’adolescence, on peut retrouver les mêmes types de
pathologies à n’importe quel autre moment de la vie.
Trois questions sont essentielles pour le diagnostic de troubles psychotiques à l’adolescence :
2) Concerne le diagnostic clinique, les traits psychotiques se classent avec
difficulté dans des catégories nosographiques précises sauf pour la
schizophrénie qui débute souvent à la fin de l’adolescence.
3) Concerne l’évolution des psychoses (rien n’est sûr à l’adolescence).
4) Concerne les troubles particuliers de l’adolescence qui se rapprochent des
troubles psychotiques (à un tel point que certains auteurs se refusent à parler
de psychose durant l’adolescence).
1. Les schizophrénies.
a. Caractéristiques.
-
Elles débutent souvent à l’adolescence.
Elles sont difficiles à différencier de la crise d’adolescence dans un premier temps, on regarde alors
l’évolution et la symptomatologie en détail pour trancher sur la question.
Le DSM-IV conseille d’attendre environ six moins de troubles avant le diagnostic.
b. Indices.
0 Antécédents :
-
S’agit-il du premier épisode.
Y a t il des cas de schizophrénies dans la famille ?
Les relations sociales se sont-elles altérées ?
A-t-on observé un caractère répétitif et stéréotypé dans le comportement ?
Y a t il eu une altération significative du fonctionnement social et professionnel ?
0 Eléments cliniques à proprement parler :
-
Au début on différencie mal la schizophrénie d’une crise d’adolescence caractérisée par une
labilité déconcertante de l’humeur (de la dépression à l’exaltation en une fraction de seconde),
impertinence, agressivité, isolement, rêveries, observations devant le miroir etc…
Un signe important en faveur de la crise d’adolescence est le maintien au plus haut niveau du
contact avec la réalité.
0 Fonctionnement mental :
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Il existe de nombreux parallèles entre les processus adolescents normaux et le commencement
d’états psychotiques.
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Psychopathologie.
12/01/04
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Psychopathologie de l’adolescence. Cours 9. .
Dans les deux cas il y a un état de faiblesse du Moi, des phénomènes de régression, des
fluctuations dans l’équilibre affectif associés à des tendances dépressives.
L’anxiété peut être envahissante.
Ruptures plus ou moins brusques avec les liens affectifs.
Affirmation exagérée des tendances égocentriques et des conduites d’opposition.
La durée et la réversibilité de ces états fait également la différence, ce qui compte c’est que ces
manifestations ne se fixent pas dans un conflit mêlant honte, infériorité et craintes paranoïdes, soit les bases de la
psychose.
Lorsque des processus régressifs affectent le Moi et le Surmoi on peut supposer un terrain propice à la
schizophrénie.
Il ne faut jamais s’arrêter à un élément isolé pour établir un diagnostic (évidemment) mais considéré un
faisceau de symptômes.
2. Les BDA (Bouffées Délirantes Aiguës).
a. Caractéristiques.
Sémiologiquement elles sont identiques à celles rencontrées en clinique adulte avec prédominance des thèmes
délirants liés au corps et au sexuel.
C’est l’étude du contexte plus que la sémiologie qui peut apporter une réponse quant à l’évolution :
- Soit il s’agit d’un épisode isolé.
- Soit il y a des risques de récidives.
- Soit il y a des grands risques de désorganisation au long cours.
b. Signes.
0 Antécédents.
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Y a t il eu des difficultés antérieures jusque là passées inaperçus ?
A-t-on observé des difficultés relationnelles ? Une tendance à l’isolement ? Des phobies ? Des
rituels invalidants lors de la préadolescence ?
L’absence total de signes de conflits est aussi dangereuse : L’enfant a-t-il éprouver l’angoisse
du 8ème mois (référence à l’attachement) ? A-t-il « fait son Œdipe » ? Ces types d’organisation
trop plaquée ne tiennent pas le choc à la puberté en général.
0 Age d’apparition.
Plus c’est tôt plus il y a de chance pour que les troubles se chronicisent, si les signes se manifestent avant l’âge
de 15 ans on peut craindre une schizophrénie.
0 Données familiales et socioculturelles.
Présence de « malades » dans l’entourage proche et moins proche du patient.
Les BDA peuvent manifester l’échec du sujet face aux conflits qui déborde alors le Moi.
Les BDA peuvent également, grâce aux remaniements profond de l’équilibration intrapsychiques
qu’elles provoquent déboucher sur un processus dynamique aboutissant à un nouveau mode de fonctionnement.
3. Vécu psychotique.
A l’adolescence l’angoisse de morcellement est réactivée du fait des transformations physiques et de
l’émergence du pulsionnel qui menace l’intégrité corporelle. L’image du corps est perturbé, l’adolescent ressent
un sentiment d’étrangeté vis-à-vis de son corps, il a le sentiment de ne plus le reconnaître. Des angoisses intenses
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Psychopathologie de l’adolescence. Cours 9. .
peuvent éventuellement se traduirent par des automutilations, car l’adolescent côtoie la dissolution de sa
personnalité et la détresse (bonjour l’angoisse donc).
Des troubles psychotiques liés à l’identité peuvent voir le jour également : Délires de filiation et délires
portant sur l’identité sexuelle. Ces délires sont accompagnés ou non d’un éloignement de la réalité voire d’une
perte de contact d’avec la réalité.
L’adolescent psychotique s’auto observe sans parvenir à s’identifier à ses parents et à ses proches en
général, il éprouve des sensations de dissonances.
On observe également un envahissement progressif et déstructurant par un sentiment d’infériorité.
La honte est également présente, elle née de la discordance entre les images mégalomaniaques de
l’adulte qu’il souhaite devenir et l’image qu’il de lui-même.
4. Psychoses et drogues.
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La prise de drogue peut déclencher un état psychotique aigu réactionnel caractérisé par :
De la confusion.
Des états oniriques.
Des états délirants.
On distingue deux effets selon la catégorie de produits :
1) Les hallucinogènes provoquent l’effet schizo : Plongée onirique et morcellement.
2) Les amphétamines provoquent l’effet parano : Délires construits.
Trois voies d’évolution sont à envisager :
1) Accident sans lendemain.
2) Répétitions des effets sans prise de drogue.
3) Introduction d’un état psychotique chronique (même si la structure de départ ne s’y prêtait pas, à partir
du moment où le Moi est fragile, il est possible que le sujet bascule).
Il y a donc clairement une interaction entre les effets des drogues et la force du Moi (le degré de
structuration).
5. Psychoses chroniques et drogues.
Concernent des adolescents présentant des troubles psychotiques caractéristiques depuis plus de six mois et
qui consomment depuis peu des drogues pour luter et calmer l’angoisse de morcellement.
VI. Conclusion.
Il est difficile de faire la part du normal et du pathologique quelque soit la nature des troubles rencontrées.
Aussi, il faut être attentif et surtout prudent, ne rien dramatiser et ne rien prendre à la légère.
De plus, à l’adolescence, tout est possible, c’est un moment propice à l’émergence de troubles graves, on
constate aussi que certains troubles de l’enfance peuvent s’y résorber spontanément.
C’est enfin une période de vie particulière et importante pour la suite d’où l’intérêt d’une prise en charger
adéquate.
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