Le labyrinthe médiéval est la solution graphique
Transcription
Le labyrinthe médiéval est la solution graphique
1 Labyrinthe (MYTHE UNIVERSEL) et initiation Le labyrinthe médiéval est la solution graphique d'un problème rythmique. Le labyrinthe de Chartres n'est pas le seul modèle parfait du labyrinthe médiéval : il y en a vingt ! Un épisode particulièrement intéressant du mythe du labyrinthe est l'évasion de Dédale à l'aide d'ailes fabriquées de cire et de plumes. De la hauteur où il se trouve, il découvre la vue en plan de son labyrinthe. Ce n'est qu'alors qu'il comprend enfin la géométrie de l'édifice qu'il a lui-même construit et dont il n'a pu s'échapper que par la verticale. C'est l'invention du plan d'architecte. Le dessin du labyrinthe Le premier labyrinthe était un dessin. Je crois en effet qu'il est antérieur au mythe. Il a éventuellement reçu le nom de labyrinthe de façon métaphorique, sans doute à cause de son apparente complexité et aussi du mystère lié à ce chemin résultant de ce simple dessin. Puis, à cause du nom, il est resté associé au mythe et en est devenu l'illustration. Le labyrinthe classique, dont il s'agit ici, est un dessin dont les lignes définissent un chemin unique de l'extérieur vers le centre en couvrant toute la surface disponible. Ce dessin s'est développé indépendamment du mythe crétois de Thésée et du Minotaure, et ne s'appelait pas alors labyrinthe. Je pense que ceci s'est passé avant même l'apparition du langage parlé, par conséquent longtemps avant la construction du mythe. Parmi d'autres dessins de cercles concentriques, de spirales et de labyrinthes rudimentaires, longtemps après l'invention de la ligne tracée sur le sable à l'aide d'une baguette ou sur une pierre à l'aide d'une autre pierre, et sans doute après plusieurs millénaires de tâtonnements, est apparu un jour le dessin du labyrinthe que, par commodité, nous appelons maintenant crétois. Trois formes principales du dessin du labyrinthe classique sont connues : le labyrinthe crétois, déjà mentionné, qui est d'origine préhistorique ; le labyrinthe romain, qu'on retrouve dans l'Empire romain ; le labyrinthe médiéval, de structure rythmique, d'abord utilisé comme illustration de manuscrits depuis le début du 9e siècle, puis incorporé au sol de plusieurs cathédrales et édifices religieux à partir du 12e siècle et surtout au 13e siècle. À partir du 15e siècle on commence à dessiner des labyrinthes à plusieurs chemins, à la fois comme jeu, et comme représentation plus réaliste du labyrinthe mythique, qui était conçu pour qu'on s'y perde, contrairement au labyrinthe des dessins antérieurs, qui ne comporte qu'un seul chemin. Au 16e siècle, on commence à dessiner des interprétations tridimensionnelles du labyrinthe classique, qui jusqu'alors avait toujours été bidimensionnel. Ces 2 représentations tridimensionnelles en principalement au labyrinthe médiéval. perspective se sont intéressées L'histoire plus récente du motif graphique du labyrinthe continue à explorer ces diverses avenues. Un seul modèle nouveau de labyrinthe classique, non daté, est digne de mention: celui des amérindiens Pima-Papago-Tohona 'O'odham du sud de l'Arizona, qui est apparenté au labyrinthe crétois. Dans la tradition ancienne et médiévale on ne parle jamais du motif graphique comme tel, mais on l'utilise couramment comme illustration du labyrinthe du mythe, laissant même supposer qu'il en représente la forme. Des auteurs récents entretiennent encore cette ambiguïté. Le labyrinthe comme symbole Jusqu'à un certain point, la différence entre la métaphore et le symbole en est une de forme grammaticale et de degré. En situation de métaphore, on dit que telle chose est (comme) un labyrinthe. En situation de symbole, on dit que le labyrinthe représente telle chose. La métaphore est un procédé artificiel et relativement superficiel, dont le sens est facile à comprendre. La notion de symbole est plus complexe. Le sens symbolique est attaché à l'objet mais il est en partie inconscient et relativement difficile à comprendre. D'après Jung, le symbole psychologique représente une réalité psychique (l'archétype) qui ne peut être connue autrement que par ce symbole. Dans ce sens, le labyrinthe est un symbole. On dit aussi parfois (improprement) qu'il est un archétype, à cause de l'universalité et de la profondeur des significations qu'il porte. Le labyrinthe a ainsi été associé au monde souterrain et à la mort, à l'utérus et au sein maternel et donc à la naissance et à la vie, au cheminement psychologique ou spirituel, à la conduite morale de la vie et au salut qui en est le but, à la rencontre avec l'inconscient ou avec Dieu, à la résolution des problèmes, au pèlerinage et à la croisade médiévale, au champ qu'on laboure... C'est souvent le sens métaphorique qui prend valeur de symbole. En fait, ce serait plutôt le sens symbolique qui fonde la métaphore et la garantit... Dans la littérature récente concernant le labyrinthe, les différents labyrinthes sont souvent traités de façon métaphorique ou symbolique. En particulier, on discute beaucoup du dessin du labyrinthe classique et de ses propriétés comme s'il s'agissait d'une métaphore littéraire ou d'un symbole psychologique et non d'abord d'un dessin. De même pour le labyrinthe architectural. La structure rythmique du labyrinthe médiéval Je crois être le premier à avoir découvert (ou à prétendre) que le labyrinthe médiéval est la solution graphique d'un problème rythmique. En effet, au-delà de son intérêt comme motif graphique, le dessin du labyrinthe médiéval avait pour but de construire un trajet bien rythmé. Et ce but rythmique est antérieur et principal par rapport à toute intention symbolique ou représentative de la part du dessinateur, laquelle ne serait alors que secondaire et circonstancielle. Pour une brève description de cette structure rythmique, voir le secret rythmique du labyrinthe médiéval. La perception du rythme du trajet du labyrinthe médiéval est facilitée, lors de son parcours gestuel (même avec le simple mouvement des yeux), par l'émission d'un son d'accompagnement, par exemple un chuintement sans vocalisation, dont la hauteur (résultant de la configuration variable de la bouche) et l'intensité 3 varient avec la tension musculaire du geste évoqué par le parcours du labyrinthe. Ce son est évidemment voisin du son du vent, et éveille probablement des associations ataviques-archétypiques. Trois règles doivent être respectées : l'unité de temps correspond toujours au parcours d'un segment compris dans un quadrant (c'est-à-dire que la vitesse linéaire est variable) ; les segments radiaux sont de durée nulle (mais ils ont une fonction de ponctuation, d'articulation) ; le son doit être continu pendant les segments longs (deux quadrants). La connaissance de la structure rythmique du labyrinthe médiéval enrichit l'utilisation symbolique ou métaphorique de cette figure. Le rythme du labyrinthe médiéval est sa raison d'être. Il explique la structure générale du labyrinthe et l'agencement de ses parties. Cette nouvelle dimension rythmique de la figure du labyrinthe est transférable à toutes les applications de la métaphore. On assimile habituellement un objet ou une situation au labyrinthe à cause de sa complexité. Voilà maintenant que le rythme caché du labyrinthe suggère que les situations, les structures les plus complexes, les plus inextricables, sont construites selon un rythme secret qui, une fois trouvé, en donne la raison et la solution. Presque tout ce qui se trouve sur ce site repose sur cette nouvelle théorie rythmique. Plusieurs des idées proposées ici sont donc nouvelles. Source : labyreims.com Le site de Jacques Hébert A visiter absolument pour ceux que cela intéresse (6 mars 1938 – 18 juin 2007) Le labyrinthe de Chartres (canonique Jacques Hébert No 3) Le labyrinthe de Sens (canonique Jacques Hébert No 1) Un nouveau labyrinthe canonique (canonique Jacques Hébert No 2) 4 Dédale, le maître d'œuvre légendaire Le labyrinthe, dans la mythologie grecque, est un édifice complexe construit par Dédale à Cnossos dans l'île de Crète, sur ordre de Minos, fils de Zeus et d'Europe. En 1894, Sir Arthur Evans (1851/1941) fait l'acquisition de l'aire de Cnossos. Evans entreprend des fouilles stratigraphiques et met à jour dix couches inférieures correspondant aux périodes chronologiques d'une civilisation qu'il baptise "minoéenne", du nom du grand roi légendaire Minos. Il découvre une civilisation antérieure à la civilisation mycénienne. En profondeur, un habitat du début de l'âge de bronze apparaît et sous le palais, les vestiges d'un autre palais de dimensions plus réduites datant de 2000 avant Jésus Christ. Comme le souligne Janet Bord, « les premiers palais crétois furent érigés vers l'an 2000 avant jésus-Christ. Vers 3400 avant jésus Christ, le Pharaon Perabsen, de la deuxième dynastie, fit construire son tombeau funéraire sur le principe du labyrinthe. La construction du labyrinthe d'Amenemhet III se situe au temps de la onzième dynastie, soit vers l'an 2000 avant jésus Christ, époque des contacts très soutenus entre l'Egypte et la Crète. Il se pourrait alors que les architectes et artistes crétois se soient rendus en Egypte et y aient tiré enseignement des hommes de métiers égyptiens. Les rites funéraires de ce pays auraient pu, par conséquent, influencer le dessin du labyrinthe crétois ». L'initiation crétoise Cette légende de la mythologie grecque provenait sans doute de l'initiation que recevaient les adolescents crétois lors de leur passage de l'enfance à l'adolescence. Chaque cité crétoise antique disposait d'une caverne où, symboliquement, le passage initiatique se déroulait. Dans "la vie quotidienne en Crète au temps de Minos", P. Faure note l'usage suivant: «les garçons et les filles de parents libres, quelle que fût leur spécialisation, étaient soumis au régime de l'initiation collective. Celle-ci tenait lieu d'éducation, de purification, d'épreuve et d'accomplissement. Dans le moment de la puberté, les enfants étaient confiés à des éducateurs d'âge mûr, ou collège initiatique, qui étaient selon les régions des bergers, des forgerons, des maçons, des potiers, des chasseurs, des musiciens, des voyants. Leur but était de transformer cet être imparfait qu'était l'enfant, en un être achevé, cette larve dépourvue de personnalité, de sexe, de nom véritable, en un membre pivot du corps social. Pour cela, il était emmené loin du village, enlevé à ses parents et à ses jeux, obligé de coucher sur le dur, d'apprendre à ruser et à chasser pour vivre, d'apprendre à dominer sa peur en descendant dans les cavernes initiatiques, et en affrontant des monstres (ou des masques), d'apprendre enfin des formules et des tours de métier. Garçons et filles changeaient de vêtements, se masquaient, se grimaient,. ils étaient momentanément assimilés à des morts,. 5 qui dit initiation dit recommencement: il faut mourir pour renaître. Ainsi avaient fait en Crète les sept garçons et les sept filles qui avaient accompagné Thésée dans le labyrinthe ". Preuve matérielle de ces cérémonies, on a exhumé des cavernes initiatiques crétoises toutes sortes d'objets de culte : figurines de bronze, de taureaux, de doubles haches (labrys) miniatures, ainsi que de gemmes (pierres précieuses) incisées, dont certaines portent l'image du Minotaure. « La caverne qui évoque le mieux le labyrinthe et la légende de Thésée et d'Ariane, dit encore P. Faure, est celle de Skotino, à quatre heures de marche à l'est de Cnossos. Précédée d'une vaste colline, elle offre un long itinéraire zigzaguant et relativement difficile sur quatre étages de descente de Plus en Plus obscure, avec cinquante-six mètres de dénivellation, une des Plus considérables qui soient en Crète. Mais surtout dans la première salle, un rocher retaillé évoque au mieux un quadrupède monstrueux, une haute Plaque de travertin illustrée de figures humaines et animales, et à l'extrémité du second étage dans la Pénombre, une idole de culte nature, ressemble, selon le point de vue, à une femme ou à un singe grimaçant. On remarque près de l'entrée deux aires de danse magnifiques" En effet, une danse du géranos (ou des grues) fut dansée pour la première fois sur l'île de Delos, par Thésée et ses compagnons qu'il avait sauvés des griffes du Minotaure; cette danse, encore pratiquée aujourd'hui, était symbolisée par le port de masques d'animaux et l'autel à cornes (cheraton) autour duquel on danse. Image : www.labyreims.com La cérémonie, d'adoubement des chevaliers A l'image des jeunes Crétois, les jeunes nobles de France abordent la cérémonie de l'adoubement comme un sacrement véritable. Le rituel chevaleresque est fixé au XIIe siècle. Les jeunes écuyers viennent au milieu des prêtres et ils s'y préparent par une nuit de prière passée dans l'oratoire: un bain (nouveau baptême) les lave de leur souillure. Ils vont pénétrer dans un ordre dont les membres pratiquent les vertus du Christ, ou devraient du moins l~s pratiquer. Lors de la cérémonie d'adoubement d'un chevalier, l'écuyer impétrant, appelé "Bachelier", devait parcourir le chemin selon un rite et un parcours qui n'étaient autres qu'une initiation qui l'amène jusqu'à la Jérusalem céleste. C'est un acte sacre et guidé par son parrain, un chevalier ancien et souvent issu de la même famille, qui l'aura formé à l'équitation et au combat pendant toute son adolescence. Cette cérémonie se déroule généralement vers l'âge de dix-huit ans. Ensuite se déroulera la remise solennelle des armes au chevalier et le serment. Elle comporte l'épreuve physique: un coup est donné avec le plat de l'épée sur l'épaule ou la nuque de l'impétrant pour qu'il se souvienne à tout jamais de la 6 cérémonie. Ensuite on lui remettra ses armes, qu'on aura préalablement bénies. C'est en fait une ordination, une admission dans un ordre voulu par Dieu. La légende universelle Si les labyrinthes les plus célèbres sont ceux de Cnossos ou ceux d'Egypte, il est clair que le modèle du labyrinthe n'a pas été diffusé à partir d'un seul lieu d'origine, mais qu'il est apparu spontanément dans plusieurs régions différentes et que sa signification était partout la même. Comme le note Jean-Clarence Lambert dans "Labyrinthes et Dédales du monde" « dans beaucoup de civilisations anciennes, les moments importants de la vie étaient marqués par des cérémonies initiatiques au cours desquelles on célébrait des rituels de renaissance", Colin Still note encore: "alors que l'initiation mineure avait trait à la vie et à la purgation des Péchés, la grande initiation concernait la mort et la renaissance », Dans le premier de ces rituels, l'impétrant,' c'est-à-dire le candidat à l'initiation, parcourait les chemins d'un labyrinthe compliqué, symbole de notre vie de mortel, pour arriver enfin, par le repentir, à cette clarté de l'esprit qui est en même temps connaissance et maîtrise de soi. Dans le second, il devait fatalement passer par la tombe, afin de pouvoir regarder les Dieux en face et connaître les ultimes mystères de l'existence. Labyrinthe de Chartres Le labyrinthe dans l'Art Les représentations de labyrinthes dans l'art sont particulièrement nombreuses, ainsi: une peinture italienne du XVe siècle, intitulée "Thésée et Ariane" (musée du Louvre), montrant le combat de Thésée et du Minotaure au centre d'un labyrinthe ; une illustration des "Métamorphoses" d'Ovide, exécutée à l'époque classique et dans une gravure du XVIe siècle réalisée par Hieroymus Cook qui reprend le même thème ; une carte du monde du XIIIe siècle établie par Richard Hallington fait figurer sur la Crète un labyrinthe dont le tracé est le même qu'à Chartres, avec l'inscription: "Laborintus is est domus Dealli (sic)" littéralement: « ceci est le labyrinthe, la maison de Dédale » ; une autre exacte reproduction du labyrinthe, mais à petite échelle, est gravée sur une clef de voûte de St Mary Redeliffre, à Bristol (GrandeBretagne) ; même motif encore, brodé sur le devant du pourpoint et couvrant toute la poitrine, dans un portrait de jeune homme peint par Bartolommeo Veneto, vers 1610. A un infime détail près, c'est toujours la même figure qui illustre un manuscrit des « Etymologies » d'Isidore de Séville, etc... 7 Le labyrinthe dans l'église Le plus vieux labyrinthe chrétien connu se situe à El Asnam (Orléansville Algérie) dans la basilique Reparatus oû il fut construit en 328. Le labyrinthe des églises est l'héritier du labyrinthe antique. Le christianisme ajouta ses connotations spécifiques, particulièrement, par son tracé à partir du cercle qui symbolisera la mer d'Airain, le baptistère primitif où le catéchumène était immergé pour devenir chrétien, pour renaître milicien du Christ. La présence, au centre du labyrinthe de Reims, de la silhouette d'un prélat, ne paraît pas, dans ce cas, fortuit, compte tenu de sa mission sacramentelle. Pour les maîtres d'œuvre médiévaux, le travail qu'ils avaient à accomplir avait toujours un caractère sacré. Mais aussi, en traçant symboliquement un labyrinthe, le maître d'œuvre voulait se rapprocher de Dédale ( daïdalos : artistement travaillé), décrit par Diodore de Sicile (-90,-20 ), comme l'architecte légendaire, versé dans les arts mécaniques, dont la réputation était née autant par l'ingéniosité dont il avait fait preuve en réalisant la commande du roi Minos, que par le progrès qu'il avait apporté à la construction en pierre de taille et à la sculpture statuaire. Dans son « Ménon », Platon présente les statues de Dédale, sculptées avec un réalisme si saisissant qu'il fallait les enchaîner pour les empêcher de s'enfuir. Pour les Grecs, Dédale symbolisait la fin de la période primitive en sculpture et ils lui attribuaient la primauté de la représentation de l'homme nu, les membres inférieurs en mouvement, donnant, ainsi vie à la statuaire. Les maîtres d'œuvre, à qui on avait enseigné les auteurs grecs, en avaient fait leur légende, symbolisée par la construction géométrique d'un labyrinthe. En France, quelques édifices religieux, et en particulier certaines cathédrales, furent dotés d'un labyrinthe. La plupart ont malheureusement disparu. Le labyrinthe de la cathédrale de Chartres témoigne encore aujourd'hui de l'art médiéval ; de même à la cathédrale d'Amiens où, après avoir été détruit en 1825, le labyrinthe fut reconstruit en 1894. Tout comme à Reims, les cathédrales de Sens, Arras, Amiens, St Omer et Auxerre ont abrité des labyrinthes. A Reims et à Amiens les maîtres d'œuvre ont donné des indications précieuses pour comprendre l'histoire de la cathédrale, qu'ils ont participé à édifier. Labyrinthe romain Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, dans leur dictionnaire des symboles, soulignent que dans « la tradition kabbalistique, reprise par les alchimistes, le labyrinthe remplirait une fonction magique, qui serait un des secrets attribués à Salomon. C'est pourquoi le labyrinthe des cathédrales serait appelé labyrinthe de Salomon. Aux yeux des alchimistes, il serait une image du travail entier de l'œuvre, avec ses difficultés majeures: celle de la voie qu'il convient de suivre, pour atteindre le centre, où se livre le combat des deux natures,. celle du 8 chemin que l'artiste doit tenir pour en sortir ". Dans l'église, le labyrinthe est désigné par trois noms différents: le dédale, en référence au labyrinthe de Cnossos et à son concepteur Dédale; la lieue, puisque dans le contexte chrétien, le labyrinthe est souvent l'endroit d'un parcours pénitentiel qui impliquait de l'exécuter à genoux (on supposait alors qu'il fallait autant de temps pour parcourir une lieue à pied qu'il était nécessaire pour effectuer la traversée des plus grands labyrinthes à genoux) ; le chemin de Jérusalem, qui correspond à la Jérusalem Céleste. Le royaume des morts est ainsi repris par le christianisme pour signifier que la mort doit être l'entrée dans la Jérusalem Céleste - en allant jusqu'au bout du symbole, l'église fait office ici de fil d'Ariane pour y accéder. Labyrinthe de St. Omer Le tracé du labyrinthe de Reims Le labyrinthe restera en place jusqu'en 1779, dans les troisième et quatrième travées, qui divisent la nef en 3 et 7 travées. Honorius d'Autun, dans le livre de sermons le plus populaire du Moyen Age, recourt aux deux lois de l'Amour de Mathieu, XXII 37-39, pour expliquer la division privilégiée des dix commandements en deux tables de 3 et 7. La première comporte 3 préceptes parce qu'elle concerne l'amour de Dieu dans le coeur, dans l'esprit et dans l'âme ; l'autre, qui comporte 7 préceptes, concerne l'amour du prochain. Ce septénaire évoque les trois parties de l'âme et les quatre du corps. Honorius mesure les distances entre les planètes par les intervalles de la gamme musicale; parce que l'homme étant 7; 4 = le corps, 3 = l'âme; sept voix, ton de la gamme, et reproduit en tant que microcosme à la musique céleste. Cependant c'est le 7, chiffre de la Vierge, qui est la première signification à retenir. Le labyrinthe de Reims est, comme celui d'Amiens, à base carrée; cependant, un octogone est cantonné dans chacun des quatre angles. A l'intérieur de ces octogones. seront représentées les effigies des maîtres d'œuvre, alors que pour le rite des chevaliers, chaque octogone symbolisera chacun des quatre éléments de la nature, mis en évidence par Empédocle d'Agrigente (Ve siècle avant JC) : la terre, le feu, l'eau et l'air. Raoul Glabère (vers 985-1050) montre comment les quatre Evangiles sont liés aux quatre éléments, aux quatre vertus cardinales et aux quatre fleuves du paradis. La physique de Grosseteste affirme que le corps suprême est constitué de la forme, de la matière, de la composition et d'un composé, selon la théorie d'Aristote: la forme est représentée par le nombre l, la matière par le 2 et la composition par le 3 ; le composé lui-même est représenté par le nombre 4 ; le recours à la tetraktys pythagoricienne, 1 + 2 + 3 + 4 9 = 10 indique que toute chose entière est parfaite en 10. « Le signe d'un monde supérieur qui se dérobe à notre connaissance s'ouvre à nous par le détour des symboles ». (Scot Erigène). Le centre représente la Jérusalem Céleste, c'est-à-dire le Paradis: le parcours de la vie du Chevalier du Temple devra le conduire jusqu'à la Jérusalem Céleste, sur un chemin qui sera de temps à autre, long et tortueux, ou bien court et direct. Il faut observer le tracé pour constater alternativement cette signification. Le centre contient aussi l'idée de la quintessence, de la transformation en substance volatile, telle l'âme de "l'homme parfait" qui a compris le sens de l'ordre de l'univers. La compréhension de l'univers est issue de l'observation et de la contemplation; la compréhension de l'univers, de la Création, permet de se rapprocher du Créateur, de Dieu. « Dieu, il ne nous est pas permis de le voir autrement que par reflets et symboles », dit encore St Bernard. Le cercle symbolise pour lui, comme pour tous les "grands initiés de la Haute Eglise", la voûte céleste, l'impalpable, la Création, la Jérusalem Céleste. C'était la voûte des églises qui s'était imposée peu à peu à partir du IXe siècle, totalement utilisée au XIe siècle, pour atteindre son apogée à Reims. C'est l'arc, que les Mésopotamiens utilisaient pour représenter 4.000 ans plus tôt "le ciel" dans leur écriture. Le carré et ses quatre côtés, ses quatre angles, représentait tout ce qui était terrestre: l'univers et ses quatre éléments. Labyrinthe de Reims La conjonction du carré et du cercle, quand ils avaient la capacité de la correspondance grâce à l'intelligence de l'homme, par sa capacité à résoudre cette énigme de la création, avait une dimension sacrée. L'homme, par son sens de l'abstraction, par l'intelligence de ses mains, continue l'œuvre de Dieu, l'œuvre du Créateur: l'homme crée lui-même en harmonie avec la Création. Pour les maîtres d'œuvre médiévaux, le travail qu'ils avaient à accomplir avait toujours un caractère sacré. Saint Bernard exige de ses moines qu'ils travaillent manuellement chaque jour hormis le dimanche. Saint Louis, lui-même, s'applique à suivre la règle des moines dans l'abbaye de Royaumont en travaillant de ses mains dans le silence. Déjà à l'époque de Jésus Christ, les adolescents destinés aux études religieuses devaient travailler manuellement, trois années durant. 10 Relation entre les inscriptions du labyrinthe et les différentes campagnes de travaux sur la cathédrale de Reims. Il existe une relation quasiment évidente entre les dates des campagnes et les durées de service mentionnées sur le labyrinthe. Jean d'Orbais fut le premier maître d'ouvrage de la cathédrale gothique; le personnage par lequel il fut représenté dans le labyrinthe semblait décrire la progression géométrique utilisée pour la disposition de l'hémicycle dans le monument. De plus, il aurait dessiné le plan de base et construit la partie basse du chevet et du transept; "la coiffe" signifierait le chevet au sens général. Dans la mesure où aucune période de service n'est déterminée pour lui, il est logique de déduire qu'il fut remplacé par un second maître d'ouvrage vers 1220, début de la deuxième campagne de travaux. Au cours de la seconde campagne, deux façades ouest furent successivement dessinées et leur sculpture entreprise. La première, mise en œuvre vers 1225, fut abandonnée; les restes peuvent encore être vus dans le transept nord. La seconde, entamée vers 1228, constitua la base de la façade définitive, à l'extrémité ouest de la cathédrale. Les deux projets, probablement similaires, seraient bien l'œuvre d'une même main: Jean le Loup "qui ... les portaux", et la durée de son service irait des années 1220 à 1236, juste après la fin des désordres civiques de Reims. Dans la mesure où Bernard de Soissons était vivant en 1287, et par conséquent n'aurait pas pu assumer ses fonctions avant 1252, le troisième architecte de la cathédrale doit avoir été Gaucher de Reims, dont les huit années de travail couvriraient la période 1236 à 1244. De 1236 à 1241, il finit le chevet, le transept et les trois premières baies de la nef, et d'après les inscriptions du labyrinthe, s'occupa en premier lieu des sculptures de la façade ouest. A la lumière de ces éléments, trois années auraient suffit pour terminer la nef. Orléansville - Algérie Des questions telles que la précision des informations du labyrinthe, ou plutôt l'interprétation de ses inscriptions subsistent cependant. En effet, la partie qui mentionne la durée de service de Gaucher de Reims était élimée: le VIII par exemple avait déjà "dégénéré" en VII entre + 1600 et 1778. Il n'est pas impossible qu'avant 1600 un X ait été perdu et que le nombre était à l'origine XVIII plutôt que VIII. Dix-huit ans en fait couvriraient la période 1236 à 1254, et ainsi laisseraient suffisamment de temps à Gaucher de Reims pour terminer ces parties de la nef qui avaient été entamées, ainsi que pour continuer les sculptures du portail que les inscriptions du labyrinthe lui attribuent. L'année 1254 peut tout à fait correspondre à l'arrivée de Bernard de Soissons, qui serait mort ou aurait quitté le chantier en 1289, deux ans après la dernière mention de son nom dans les documents. Par ailleurs, c'est lui qui entreprit la construction 11 des baies ouest de la nef et l'architecture de la façade actuelle. Le laps de temps entre le tracé et l'exécution de ce projet (avant 1233 après 1254) n'est pas surprenant puisqu'un temps encore plus long est connu à Paris et à Laon à la fin du XIIe siècle. 12 Le labyrinthe, épigraphe de la cathédrale L'analyse du monument révèle qu'il y a eu quatre campagnes principales de travaux au Xllle siècle, au cours desquelles quatre maîtres d'œuvre se succédèrent: Jean d'Orbais, Jean le Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons. La première campagne débuta le 6 mai 1211 et les travaux durèrent environ soixantecinq années. Robert de Coucy (de 1289 à 1311) est le cinquième maître d'œuvre de la cathédrale de Reims, et à ce titre, a participé à la phase finale de la construction, à savoir la couverture. Philippe le Bel exempta de taxe le plomb nécessaire. Le chantier s'installa dans la cour du Palais Archiépiscopal. Viollet le Duc, dans son encyclopédie, nous indique, et c'est le sentiment pendant de nombreuses années, Robert de Coucy comme premier maître d'œuvre de la cathédrale. Cette erreur aujourd'hui réparée nous confirme néanmoins sa réputation légendaire qui explique la place centrale, que lui faisait l'histoire, dans le labyrinthe. Les travaux de construction de la cathédrale se poursuivront régulièrement jusqu'à la fin du XIVe siècle, date à laquelle le gros œuvre est terminé. Cependant la guerre de Cent ans (1337/1453), qui débute en 1337, augure, par ailleurs, d'un effondrement économique occidental, qui entraîna définitivement, pour la Champagne, la fin des «Foires» et de leurs prérogatives financières, qui fut complété par le crash, la même année, de la grande banque italienne des «Scali». Philippe le Bel, au tout début du XIVe siècle, avait déjà été contraint de dévaluer sa monnaie. La peste noire, elle aussi, ralentira considérablement les travaux. Les Maîtres Collard, Gilles puis Jean de Dijon se succédèrent ensuite jusqu'en 134849, temps de la peste noire. En 1359-60, les Anglais occupèrent les abords de Reims: on travaillait à la galerie des Rois et aux galeries ajourées du chemin de ronde. Au XVe siècle, on réalise les clochers de la façade occidentale: De 1416 à 1452, c'est Collard de Givry qui dirige les travaux, en particulier l'arc reliant les deux tours en 1435. Cependant, le 24 juillet 1481, les frères Legoix, plombiers couvreurs, par négligence mirent le feu à la charpente. Le grand clocher de la croisée de transept disparut en même temps que l'ensemble du toit, des clochers et de la grande horloge; les verrières furent endommagées par le plomb fondu et les galeries de pierre du chemin de ronde, à la base du toit, furent endommagées. De 1484 à 1512, la fabrique bénéficia d'un octroi royal sur la gabelle. La suspension de cet octroi contraignit le chapitre à interrompre les travaux en 1516 avant d'avoir lancé la flèche de la croisée du transept, qui devait culminer à 180 mètres. Depuis la première pierre, 305 années s'étaient écoulées: trois siècles pour bâtir la cathédrale des sacres. Vers 1740, les chanoines détruisirent le jubé, l'enclos du choeur, les autels flamboyants. Pour bénéficier de plus de lumière, ils remplacèrent les vitraux par du verre blanc. En 1746-47, on démolit l'autel carolingien, faisant fondre les plaques d'or pour bâtir un maître d'autel en marbre. En 1779, le chanoine Jacquemart fit démonter le labyrinthe, devenu objet de sarcasme par le jeu que les enfants en faisaient. Pour ce faire, il offrit mille livres et une stèle fut élevée à sa mémoire. A notre grand bonheur, le dessin avait été relevé par Jacques Cellier deux siècles auparavant, les inscriptions par Cocquault en 1640, puis par Robin et Havé en 1779, à l'annoncé de sa destruction. La guerre de 1914/1918 endommagea considérablement la 13 cathédrale, de la charpente aux fondations; l'architecte en chef, Henri Deneux, entreprit, grâce à de nombreuses aides, la reconstruction de la cathédrale.