L`extrême gauche plurielle.
Transcription
L`extrême gauche plurielle.
04_LIVRES-6P 23/10/06 9:06 Page 104 histoire & liberté L’extrême gauche plurielle. Entre démocratie radicale et révolution Philippe Raynaud Paris, Éd. CÉVIPOF, Collection « Autrement Frontières », 2006, 202 p., 17€ L e sous-titre indique bien quel est le cœur de la problématique de ce livre: la tension, dans la galaxie contestataire, entre un pôle démocratique et anti-étatique, s’appuyant sur les droits de l’homme, la défense des minorités et des individus, et un pôle révolutionnaire, anticapitaliste, anti-impérialiste. La réduction par bien des observateurs –et nombre de militants eux-mêmes– de cette opposition à une simple ambiguïté, fait l’originalité de l’extrême gauche en France, et explique sa capacité à susciter un intérêt et un soutien politique et électoral qui est loin d’être nul. L’auteur examine de près la tension entre les deux pôles dans les débats politiques actuels (sur l’altermondialisme, la fracture coloniale, les problèmes français, le conflit israëlo-palestinien). Il analyse ensuite les discours d’un certain nombre de figures majeures des débats qui animent l’extrême gauche: Toni Negri et Michael Hardt, Alain Badiou et Étienne Balibar. Ce petit livre est passionnant par la rigueur de ses analyses et parce qu’il procède, à travers son étude de l’extrême gauche française, à une analyse du monde politique français tout entier. Qui peut prétendre par exemple que l’antiracisme et la lutte contre l’exclusion, chevaux de bataille de l’extrême gauche sans doute, ne soient pas des sujets de préoccupation pour l’ensemble de la société? L’exception française de la présence d’une forte minorité d’extrême gauche dans le paysage politique renvoie aux réticences d’une majorité de la population à l’égard de l’économie de marché et du libéralisme, et peut-être, plus profondément, à un besoin d’« approfondissement » de la démocratie. À l’heure où les politiques se substituent aux historiens et où, dans l’opposition, la culture de l’image est préférée au projet élaboré, on comprend un tel besoin, à vrai dire. Sans doute, notre culture étatiste ne favorise guère les progrès du libéralisme mais, dit Philippe Raynaud renversant l’argument, la critique qui est faite par la mouvance contestatrice d’une certaine « dérive oligarchique » de la politique officielle, comme de la facilité avec laquelle celle-ci met en cause l’Europe pour justifier ses choix ou ses refus de choix, ne va pas nécessairement dans le sens du gauchisme… Espérons-le! Benoît Villiers 104 AUTOMNE 2006