Lecture Jeune

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Lecture Jeune
année
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trimestriel
Lecture Jeune
P NO HIGEKI by Rumiko TAKAHASHI © 1994 by Rumiko TAKAHASHI/SHOGAKUKAN Inc.
Revue de réflexion, d’information et de choix de livres pour adolescents
Culture manga
juin 2006
N°118
I
Journée d’étude
La lecture est-elle une activité
réservée aux adolescentes ?
Toutes les enquêtes sur la lecture mettent en évidence une féminisation du
lectorat et une différenciation à la fois qualitative et quantitative des
pratiques de lecture selon le sexe.
Comment peut-on expliquer les écarts constatés entre
les pratiques de lecture des filles et des garçons au moment
de l’adolescence ? Le développement de l’édition pour la jeunesse
et la féminisation des professions du livre contribuent-ils
à perpétuer cet état de fait ?
Coordination pédagogique :
Bernadette Seibel et Hélène Sagnet
Date :
Le 5 octobre 2006
Tarifs :
60 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
30 € (Prise en charge personnelle)
Renseignements et inscriptions :
01 44 72 81 50 ou [email protected]
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Sommaire
Éditorial
page 2
Rencontre
page 3
Dossier
Culture manga
page 7
Parcours de Lecture
Livres accroche
Et après
Lecteurs confirmés
Ouvrages de référence
page 27
page 28
page 42
page 54
page 70
En savoir plus
page 71
Index
page 75
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Édito
Hélène Sagnet
Vous l’aurez noté, au début de l’année 2006, la presse s’est largement fait l’écho
du succès du manga. Essor éditorial d’une part, auquel Livre Hebdo (n° 629)
consacre un dossier. Quelques chiffres ? Les mangas représentent près de 28 %
des ventes de BD (en exemplaires), ce qui ne manque pas d’aviver les velléités
des éditeurs — plus de 25 à ce jour ! Intérêt littéraire d’autre part, puisqu’un
magazine culturel généraliste tel que Télérama (n° 2875) lui dédie une longue
« enquête ». La reconnaissance passe également par la publication de plusieurs
ouvrages de référence, et notamment le très riche Manga, soixante ans de bande
dessinée japonaise du conservateur et journaliste anglais Paul Gravett.
Du côté des professionnels de la médiation du livre on est loin des préjugés
d’antan et la créativité narrative et graphique de ces ouvrages, mais également
peut-être leur taux d’emprunt, suscitent un intérêt réel. Pourtant, les mangas
bousculent encore largement certains repères de lecture.
Notre questionnement ne doit-il pas être avant tout culturel et social ?
En effet, pourquoi ces ouvrages très codifiés et ancrés dans la réalité nippone
fonctionnent-ils si bien en France ? Qu’y trouvent les jeunes lecteurs ?
Quelle est l’influence artistique du manga et quelles nouvelles pratiques sont en
train de s’inventer autour de ce support ?
Un début de réponse est apporté par Sébastien Langevin qui s’intéresse aux
représentations de l’adolescence dans le manga. Selon lui, aucune autre forme
littéraire ne s’est autant penchée sur cette période de la vie et la bande dessinée
japonaise fonctionne dès lors comme un révélateur des aspirations et inquiétudes
des jeunes. Stéphane Ferrand revient sur l’introduction du manga en France
et montre comment les éléments de la culture japonaise influencent aujourd’hui
la musique, le cinéma, l’art plastique, et même la publicité. Des campagnes
récentes ont su réutiliser les codes du genre avec succès. Qui sont ceux qui
se sont appropriés cette culture émergente ? Sandrine Monllor dresse le portrait
de lecteurs occasionnels, fans ou passionnés, qui ont inventé autour du manga
des sociabilités nouvelles. Cette culture est en effet multi-supports et s’organise
notamment dans son rapport au cinéma d’animation. Ilan Nguyên nous en offre
un aperçu passionnant puis s’interroge sur les aléas de sa réception en France.
Ensuite, du côté des pratiques professionnelles, Agnès Deyzieux, documentaliste,
et Ghislaine Sagbo, bibliothécaire, exposent chacune des pistes de gestion
et d’animation d’un fonds manga. A ceux qui désireraient constituer un fonds,
l’enrichir ou découvrir par des lectures un genre aux multiples facettes,
nous proposons enfin une petite bibliothèque idéale…
Alors que s’achève le Mai du livre d’art, nous avons souhaité rencontrer l’équipe
de Palette, maison d’édition spécialisée dans le livre d’art pour la jeunesse,
qui entend avant tout nous parler d’œuvres…
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Rencontre
Didier Baraud
et Brigitte Stéphan
Directeurs des éditions Palette
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Rencontre avec…
Didier Baraud et Brigitte Stéphan Editions Palette
Didier Baraud
et Brigitte Stéphan
directeurs
des éditions Palette
Les éditions Palette, créées
en 2003 par Didier Baraud
et Brigitte Stephan, publient
plusieurs collections d'initiation
à l'art pour la jeunesse.
Le catalogue présente une
gamme d'ouvrages allant
du livre d'éveil (livres cartonnés,
livres d’activités) pour les bébés
lecteurs jusqu'au documentaire
destiné aux écoliers, collégiens
et lycéens (livres jeux autour
d'un musée, monographies).
Contact :
Editions Palette,
17 C, rue Campagne-Première,
75014 Paris
Tél. 01 43 20 19 53
ou 01 42 54 92 74
Fax. 01 43 20 34 48
Lecture Jeune : Pourriez-vous évoquer en quelques
mots votre parcours et ce qui vous a amené à créer
les éditions Palette?
Didier Baraud : De formation artistique (j’ai fait les Beaux-Arts de Paris),
j’ai d’abord travaillé dans la publicité avant de rejoindre les éditions
Dargaud. Puis j’ai pris en charge pendant plus de dix ans la direction
éditoriale de Mango Jeunesse. J’avais eu l’occasion d’y publier des
ouvrages d’art qui avaient bien fonctionné, notamment L’art en puzzle et
Une année au musée. J’ai aussi eu l’occasion de diriger des livres d’art
pour les enfants aux éditions de la RMN. Lorsque j’ai quitté Mango début
2001, j’avais envie de fonder ma propre maison. Je me suis d’abord
demandé si j’allais refaire ce que j’avais fait chez Mango : coordonner
un secteur jeunesse généraliste, c'est-à-dire publier à la fois des albums,
des documentaires et des romans. Mais il m’a semblé que dans un marché
déjà très encombré et concurrentiel, où les petites maisons émergentes ont
du mal à se faire connaître, le meilleur moyen de « s’en sortir » et d’être
identifié rapidement et fortement serait de se consacrer exclusivement à
un domaine peu exploité. Au vu de ma formation et de mon expérience,
je me suis naturellement tourné vers le livre d’art pour la jeunesse. Certes
nous ne sommes pas les seuls à proposer ce type d’ouvrages aux enfants
et adolescents. Mais ils sont édités par des éditeurs plus généralistes soit
au titre à titre (ex : à L’école des loisirs, à la RMN), soit dans le cadre d’une
petite collection (« L’art en puzzle » chez Mango). Nous, on a monté une
maison spécialisée dans le livre d’art pour la jeunesse, ce qui nous a
permis d’abord d’être repérés, ensuite de devenir incontournables.
Brigitte Stephan : J’ai été libraire pendant cinq ans à Rennes avant de
rejoindre la Fnac lors de sa création en tant que responsable de la
communication du magasin. J’ai créé le prix Goncourt des lycéens. En
quatorze ans à la Fnac, j’ai évolué, occupant les postes de responsable
de la promotion du livre puis de directrice de l’action culturelle. J’étais très
attirée par l’édition, secteur lié au livre qui me restait à explorer. Donc je
me suis lancée et j’ai rejoint les éditions Mango pour m’occuper d’essais
et de documents. Je les ai quittées au même moment que Didier et j’ai
trouvé son idée de ligne éditoriale — claire et forte — très judicieuse. Cette
idée, alliée à son expertise du livre d’art pour enfants, m’a convaincue de
m’associer avec lui. Depuis, Nicolas Martin et Héloïse Bertrand ont rejoint
notre équipe.
LJ : Pensiez-vous qu’il existait un marché pour les
livres d’art pour la jeunesse ?
BS : Aujourd’hui, les grandes expositions se multiplient et leur
fréquentation augmente. On s’y rend en famille et les musées s’ouvrent
plus largement. L’art se démocratise, les visiteurs rajeunissent. Des ateliers
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sont proposés aux enfants… S’y ajoute le travail réalisé par des
enseignants passionnés d’art. Il nous semblait qu’il manquait des outils
pédagogiques pour les médiateurs. En concevant nos publications, nous
pensons donc autant à la librairie qu’au réseau des bibliothécaires et des
enseignants.
Le marché du livre d’art pour la jeunesse ne sera jamais un énorme
marché. Disons que c’est un marché en développement. Comme nous
sommes assez visibles sur ce marché, ça donnera peut être quelques idées
à certains éditeurs…
LJ : Comment travaillez vous avec ces médiateurs ?
BS : Nous n’avons malheureusement pas les moyens de certaines maisons
d’édition, comme Gallimard Jeunesse qui possède un réseau
d’enseignants incroyable ! Pas à pas, nous essayons de mieux
communiquer avec les médiateurs. Pour le moment, nous n’avons pas
utilisé de « ficelles ». Nous avons été très soutenus par la presse,
notamment Le Monde de l’Éducation. Il s’agit d’un autre biais pour les
« toucher ».
LJ : Quelle approche avez-vous privilégiée pour parler d’art aux jeunes?
DB : Comment leur parler d’art ? Il faut en parler sérieusement !
Les enfants sont particulièrement avides d’informations… Il y a eu
beaucoup de tentatives en matière d’art pour la jeunesse, plus ou moins
« heureuses », les éditeurs présumant que l’art était difficile d’accès pour
ce public, incapable de comprendre une œuvre. Pour autant, on peut citer
quelques réussites, comme l’incontournable Petit Musée de L’école des
loisirs.
BS : De nombreux ouvrages restent simplificateurs. Ni l’enfant, ni le
pédagogue n’y trouve son compte. Il me semble essentiel de prendre la
mesure de la capacité des jeunes à réfléchir, regarder, nuancer et même
comprendre la complexité d’une œuvre d’art, dès lors qu’elle leur est bien
expliquée. Il existe une bonne façon de parler d’art aux enfants, qui n’est
ni bêtifiante, ni trop « intello ».
DB : Nous avons une collection, « L’Art et la manière », qui s’attache à
un artiste en particulier en entrant directement dans son œuvre. Nous
l’avons achetée aux éditions Prestel en Allemagne. Le format généreux
laissait la part belle à l’image et peu d’espace au texte. Nous avons
transformé, embelli la maquette, et changé le texte. Le commentaire
allemand présentait les lacunes habituelles : il traitait avant tout du contexte
de l’œuvre, du peintre et de son époque, sans jamais rentrer dans l’œuvre
elle-même. Aujourd’hui, c’est une collection qui fonctionne bien ; elle a eu
un énorme succès au salon de Montreuil, notamment auprès des
bibliothécaires.
LJ : Qu’est ce qui vous a amenés à créer pour les
adolescents la collection « Nos religions »?
BS : On trouvait les discours sur les religions linéaires dans l’ensemble. Ils
nous semblait important d’offrir des outils pédagogiques attractifs sur le
sujet, alors que les jeunes de confessions différentes s’insultaient dans les
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Niki de Saint Phalle et Cézanne
sont les derniers titres de la collection
de monographies "L'Art et la manière"
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Rencontre avec…
cours de récréation… S’emparer de thématiques fortes comme « la
femme », et regarder au travers des trois religions monothéistes (juive,
chrétienne et musulmane) comment son identité et son rôle se sont construits
permet d’ouvrir un débat entre les enseignants et leurs élèves. L’idée est
d’amener les adolescents à aborder des sujets complexes (la femme, mais
aussi le corps, l’âme) en leur donnant à voir la racine de chaque chose.
LJ : N’avez-vous pas eu peur, au départ, que cette
collection concerne un public trop restreint ?
Et Dieu créa les femmes
de Laure Mistral paru dans
la collection destinée aux
adolescents "Nos religions"
DB : Des doutes, on en a toujours…On a voulu aborder la religion en
privilégiant un angle culturel, sans faire de catéchèse. Cette collection se
situe à la frontière de notre catalogue. Mais avec cette approche culturelle,
on reste dans le dessein de Palette : apporter la connaissance, le savoir,
mais aussi l’image, car l’image parle parfois autant qu’un texte ! Nous
avons souhaité une maquette attrayante et une iconographie riche, variée,
qui interpelle les ados : certaines images sont étonnantes, voire
provocantes. Parce qu’elle soumet des questions pointues aux collégiens
et lycéens, cette collection a besoin du soutien des médiateurs !
LJ : Les documentaires d’hier privilégiaient une
lecture suivie, ceux d’aujourd’hui une lecture
« zapping », plus éclatée. Les ouvrages de
« Nos religions », entre objets précieux et objets
utiles, offrent ces deux types d’entrée…
La voix des masques
de Béatrice Fontanel
DB : Il y a effectivement deux façons de lire ces ouvrages. Pour
appréhender le texte dense, qui se construit au fil des chapitres, mieux vaut
privilégier une lecture suivie. Mais il est possible de rentrer dans ces livres
par l’image, au hasard des pages. La lecture des images est plaisante et
permet aussi d’obtenir de l’information. De l’une à l’autre, il y a des chocs
ou des résonances.
On soigne beaucoup la qualité de nos livres. Entre nous, pour plaisanter,
nous nous définissons comme des « éditeurs de beaux livres d’art pour les
enfants ». Nous sommes notamment extrêmement exigeants sur la
photogravure, la fabrication.
LJ : Des livres grand format parus hors collection
comme Dans la ville (photographies) ou La voix des
masques trouvent-ils leur lectorat ?
Dans la ville
DB : Pour La voix des masques et Sculptures ou créatures ?, « livres
plaisir », on s’aperçoit qu’il existe un double public, jeune et adulte.
Certains adultes n’osent peut-être pas aller vers les livres qui leur sont
directement adressés parce qu’ils sont un peu complexés.
BS : On vend beaucoup ces ouvrages à la sortie des expositions où nous
sommes très bien représentés, à tous les publics. Dans la ville est l’un des
premiers livres de photos pensé pour des grands enfants ou des ados. Le
format est généreux et l’entrée dans les œuvres, ludique. On peut
découper les pages, les afficher dans sa chambre, se les approprier. On
aborde d’abord librement chaque œuvre, présentée en pleine page,
avant de découvrir au dos un court commentaire pédagogique.
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Le Dossier thématique
Culture manga
Portrait de l’ado en jeune Japonais
Par Sébastien Langevin
pages 8 à 13
D’une culture à l’autre
Par Stéphane Ferrand
pages 14 à 16
Qui sont les lecteurs
et les fans de mangas ?
Par Sandrine Monllor
pages 17 à 19
Le cinéma d’animation japonais
Par Ilan Nguyên
pages 20 à 23
Gestion et animation d’un fonds manga
Par Agnès Deyzieux et Ghislaine Sagbo
pages 24 à 25
Petite bibliothèque idéale
Par Agnès Deyzieux
page 26
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Portrait de l’ado
Le Dossier en jeune Japonais
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Sébastien Langevin Etude
Sébastien Langevin
Journaliste spécialisé bande
dessinée et éducation,
Sébastien Langevin a
notamment animé la rédaction
du magazine Virus manga
avec Stéphane Ferrand.
Ils ont publié en 2006
Le Manga aux éditions Milan,
dans la collection
« Les Essentiels »
(voir notice 40).
Représentations de l’adolescence
dans le manga
Bien plus que la BD franco-belge, le manga apparaît comme un miroir
de la société et de ses fantasmes. Une fois dépassés les clichés toujours
associés à ce genre, on découvre que les mangas sont de signifiants
révélateurs des aspirations et des inquiétudes des adolescents, et pas
seulement japonais.
C’est l’autre tsunami ! Le terme japonais popularisé par le gigantesque
raz-de-marée de décembre 2004 peut également s’appliquer au
déferlement de la bande dessinée japonaise sur toutes les régions du
monde. Le manga, mot japonais pour « bande dessinée » qui désigne
en dehors de l’Archipel la production du pays, séduit en effet les
amateurs de BD du monde entier. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en
France, le manga a représenté à lui seul près de 40% des nouveautés de
bande dessinée et près d’une vente sur trois en 20051. Dans les autres
pays européens où la tradition BD nationale est bien moins solide, les
pourcentages augmentent encore significativement. Aux Etats-Unis, il se
serait vendu l’an passé plus de mangas que de comics books, ces
aventures de super héros comme Spiderman ou Superman.
Au-delà du phénomène de mode engendré par une Asie actuellement
conquérante tant sur le plan économique que culturel et en dehors de leur
aspect peu onéreux, le succès des mangas tient certes à un graphisme
perçu comme moderne, mais surtout à une représentation particulière des
adolescents, leur premier public, et de loin.
Il faut partir pour le Japon et se familiariser avec les habitudes éditoriales
du Pays du soleil levant pour comprendre les origines de cette littérature
graphique et son impact sur le jeune public. Toute série de bande
dessinée paraît en premier lieu dans un magazine de prépublication,
appelé mangashi. Plus de 150 mangashi paraissent chaque semaine,
chaque quinzaine ou chaque mois, c’est selon. Ces magazines ont la
particularité de s’adresser à un public particulièrement segmenté,
d’abord selon des critères de sexe et d’âge. Ainsi, les trois principaux
éditeurs nippons offrent toute une gamme de mangashi, chaque titre
s’adressant à une catégorie bien précise de la population. Une
adolescente de quatorze ans ne lira pas le même magazine qu’un
garçon du même âge, mais n’achètera pas non plus celui que choisirait
une fillette de dix ans… Cette segmentation très fine permet de proposer
à chaque lecteur un contenu au plus près de ses attentes. En particulier,
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le sexe et l’âge des personnages principaux correspondent en tout point
au lecteur cible. Cette représentation d’un héros miroir favorise ainsi un
phénomène d’identification et de proximité qui dépasse largement les
barrières géographiques et culturelles : les préoccupations de tous les
adolescents de la planète portent sur la remise en cause de l’ordre établi,
leur place dans la société, la sexualité et la violence…
La quête initiatique
Ces magazines de prépublication éditent différentes séries sous forme de
feuilleton : à chaque nouveau numéro, le lecteur retrouve la suite de son
histoire. Et tant qu’une série reçoit un bon accueil, elle se poursuit. De très
nombreuses séries se déploient ainsi sur plusieurs milliers de pages : une
« surface » de narration qui permet de faire évoluer les personnages
dans le temps et en particulier de faire grandir les jeunes héros. Dans les
mangas pour garçons les plus classiques, l’histoire progresse ainsi : un
jeune héros ignorant de tout commence à pratiquer une discipline
sportive (le football dans Olive et Tom, le football américain dans
Eyeshield 21, le basket dans Slam Dunk), une technique de combat
(Dragon ball, Naruto…), un jeu millénaire (le go dans Hikaru no go)…
Il se lie d’amitié avec les premiers adversaires qui se trouvent sur son
chemin et vit avec eux de nombreuses aventures, au cours desquelles il
affronte des adversaires de plus en plus puissants. Dans ces shônen
manga (pour jeunes garçons), le héros est un enfant lorsqu’il débute
l’aventure, et c’est un adulte à la fin — quelque 8 000 pages plus loin
dans Dragon Ball, par exemple. Il s’agit d’un schéma narratif séculaire,
et pas seulement oriental. Le chevalier du roman de Chrétien de Troyes
Perceval ou le conte du Graal (écrit à la fin du XIIe siècle) est un jeune
garçon naïf , un « nice », élevé en retrait de la civilisation, tout comme
Sangoku, le héros de Dragon Ball. L’un et l’autre décident un jour d’aller
voir le monde, et l’un et l’autre devront trouver un objet (le Graal pour
Perceval, les boules du Dragon pour Sangoku). Et les ressemblances entre
les deux personnages ne s’arrêtent pas là (ils sont tous les deux orphelins
d’un parent au moins, ils apprennent la sagesse auprès d’un vieil ermite
reclus dans son château…). Cette structure, que l’on retrouve aussi dans
L’Odyssée d’Homère, Wilhelm Meister de Goethe ou Les trois
mousquetaires2 d’Alexandre Dumas est en fait celle du roman de
formation ou d’apprentissage.
Valeurs absolues
Pour mûrir et gagner en sagesse, le jeune héros doit traverser des
épreuves dangereuses et se battre. D’où l’image négative fréquemment
renvoyée par le manga : « c’est violent ». D’une part, précisons que cette
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Portrait de l’ado en jeune Japonais
violence s’apparente généralement davantage à de la bagarre qu’à des
combats sanglants, du moins dans les ouvrages destinés aux plus jeunes.
D’autre part, on se rend compte à la lecture que cette violence est toujours
justifiée et moralisée : les bons se battent contre les méchants, on respecte
son adversaire s’il se montre loyal et combat selon les règles de l’art. Là
où notre société occidentale tente de nier la violence contenue en chaque
être humain et de la stigmatiser comme forcément destructrice, l’Orient a
su l’accepter, la domestiquer, et l’intégrer dans la société en lui
reconnaissant des vertus, notamment la discipline et le travail sur soi : les
arts martiaux sont tous inséparables d’un code de conduite très strict,
parfois d’un système philosophique complet.
Plus encore, les mangas pour garçons véhiculent des valeurs essentielles
à leurs yeux. Dans les années soixante-dix, Weekly shonen jump, le plus
grand magazine de prépublication de l’Archipel – qui a lancé la plupart
des grands succès de shônen, de Dragon Ball jusqu’à Naruto – a effectué
un grand sondage auprès de son lectorat pour savoir quels étaient les
valeurs auxquelles ils accordaient le plus d’importance : « amitié »,
« persévérance » et « victoire » sont arrivées en tête des suffrages. Depuis
lors, ces trois éléments sont les ingrédients de base de toute série publiée
dans le magazine. Le manga ne se contente pas d’être une simple
distraction : il a une telle audience au Pays du soleil levant qu’il assume
un vrai rôle social. Comment pourrait-il en être autrement pour une nation
aussi attachée à ses traditions culturelles et à sa cohésion ?
Des ados qui sauvent le monde
Evangelion
Par ailleurs, la figure de l’adolescent qui doit sauver le monde peuple les
mangas. Archipel d’îles frappé par de très fréquents tremblements de
terre et seul pays de l’histoire de l’humanité à avoir été puni par la bombe
atomique, le Japon vit dans l’appréhension permanente d’une
catastrophe planétaire à venir. L’ensemble des mangas étant produit pour
le seul marché intérieur, on note que l’action se situe dans l’immense
majorité des cas au Japon, et plus particulièrement à Tokyo. Dans
Exaxxion, le jeune héros doit prendre les commandes du seul robot géant
capable d’arrêter l’invasion extra-terrestre. Dans cette série, l’humour est
omniprésent et des jeunes femmes girondes entourent l’adolescent.
Le schéma de base est exactement le même dans la série Rahxephon.
En revanche, dans le manga culte Evangelion, le jeune héros
« programmé » malgré lui par son père pour piloter un robot géant refuse
d’accomplir sa mission, pourtant essentielle à la survie de l’humanité.
Dépressif, cet adolescent souhaite se soustraire à l’autorité parentale,
d’autant plus que celle-ci l’instrumentalise, mais il doit bien faire face à
ses responsabilités… Dans Larme ultime également, des lycéens sont
directement impliqués malgré eux dans un conflit planétaire d’une grande
violence, et dont leur amour fera les frais.
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Côté shojo, pour les jeunes filles, ce sont les magical girls qui doivent
sauver le monde. Ainsi, dans Card captor Sakura, une jeune écolière
mène une vie tout à fait normale le jour mais doit, le soir venu, retrouver
des cartes maléfiques susceptibles de détruire la Terre.
Journal d’une société en crise
La représentation de l’adolescente dans les shojo est moins nette.
Traditionnellement, les mangas pour filles sont centrés sur les sentiments, les
triangles amoureux et la vie quotidienne. Les jeunes Japonaises peuvent
ainsi paraître bien naïves et perdues dans des histoires d’amour
compliquées : dévoiler ses émotions peut nécessiter des milliers de pages !
Dans la société nippone, la place de la femme demeure ambiguë. Même
si elles sont tenues de faire de bonnes études pour occuper des postes
importants, les femmes sont assignées à résidence dès qu’elles ont des
enfants. La lecture de cette littérature ne fait que renforcer l’archétype
d’une femme fragile essentiellement préoccupée par l’amour. La figure
de l’orpheline est récurrente (Fruits basket). Cette image de la jeune fille
très sage obnubilée par la recherche du prince charmant est remise en
jeu dans les shojo manga destinés aux adolescentes plus âgées. Des
auteurs (toujours des femmes, comme c’est le cas pour l’ensemble des
shojo) comme Yazawa Aï (Nana), Anno Moyoco (Happy Mania) ou
Sakurazawa Erika (Entre les draps) décrivent des jeunes femmes
beaucoup plus réalistes et nettement moins angéliques. En présentant des
héroïnes également préoccupées par la sexualité ou leur avenir
professionnel, elles dressent le portrait d’une nouvelle génération de
Japonaises qui sera certainement moins docile et plus indépendante que
les précédentes.
Alors que les mangas pour les plus jeunes mettent en scène des héros en
herbe positifs et plein d’humour, les adolescents plus âgés se retrouvent
dans un certain nombre de séries où les personnages sont ouvertement
en conflit avec la société. Série à l’immense succès en France et au
Japon, GTO (pour Great teacher Onizuca) présente un jeune homme qui
s’engage dans l’enseignement pour mieux approcher les lycéennes… Au
cours de trente volumes, les lecteurs ont pu suivre les aventures du
protagoniste en yankee ou en bozozoku, noms donnés aux loubards ou
rebelles. Devenu enseignant, Onizuca n’oubliera rien de son passé de
petit délinquant : il tentera de résoudre les problèmes de ses élèves par
des moyens non conventionnels. La critique du système éducatif japonais
est des plus évidentes. Hyper compétitive, très rigide et ne laissant aucune
place à la créativité personnelle, l’école nippone étouffe de nombreux
jeunes. On croise très fréquemment des petits voyous dans des séries
grand public comme Slam Dunk mais aussi chez des auteurs alternatifs
comme Matsumoto Taiyo (Printemps bleu). Les héros de la fameuse série
Akira sont en marge du système éducatif traditionnel. Dans de nombreux
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Fruits basket
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Portrait de l’ado en jeune Japonais
Un hikikomori
cas, ces rebelles sont reconnaissables à leur moyen de locomotion, la
moto, et à leur QG, un lieu de non-droit d’où les adultes sont bannis : les
toits des lycées. Dans le recueil de nouvelles Printemps bleu, on assiste
notamment à la récupération des plus désespérés par les systèmes
mafieux. L’auteur décrit ainsi des jeunes totalement désoeuvrés qui se
réfugient dans la violence gratuite pour tromper l’ennui et qui ont besoin
de flirter avec la mort pour se sentir vivre3.
Soumis à une pression constante de la part de leur famille, de l’école
et de la société en général, certains jeunes se réfugient dans des mondes
imaginaires, créés de toutes pièces, et se replient sur eux-mêmes.
Deux phénomènes illustrent parfaitement cette fuite, ce refus du monde
extérieur : les otaku et l’hikomori. Entièrement dédiés à leur passion (pour
un manga, un dessin animé, une série TV, une chanteuse pop, Internet…),
les otaku ne communiquent plus qu’avec d’autres mordus. Plus inquiétants
encore, les hikikomori vivent reclus dans leur chambre pendant de
longues périodes, parfois des années, et ce, sans contact physique avec
leurs camarades d’école, amis ou parents. Des séries comme Junk record
of the last hero ou Rozen maiden évoquent ces hikikomori. Dans Junk, le
jeune hikikomori reçoit mystérieusement une combinaison dotée de
superpouvoirs. Il sort alors masqué : va-t-il utiliser ces fantastiques pouvoirs
pour faire le bien ou le mal ? Va-t-il aider cette société qu’il rejette ou la
détruire ? Le héros de Junk a été victime du ijime (il a joué le rôle de tête
de Turc). Des dizaines de milliers de jeunes subissent chaque jour des
brimades physiques et verbales infligées par leurs camarades de classe,
et ce, dans des proportions bien plus importantes qu’en Occident . Autre
« phénomène » sociétal des plus préoccupants décrit par les mangas :
dans Le Cercle du suicide, des adolescentes se retrouvent pour se suicider
collectivement, une pratique de plus en plus courante au Japon.
Des ados si loin, si proches
Quand on ne connaît pas la foisonnante variété de la production de
mangas, il peut paraître étonnant que ces bandes dessinées
ethnocentriques trouvent une si large audience dans le monde entier. Bien
au-delà des raisons simplistes fréquemment avancées, il se trouve que les
mangas se penchent sur l’adolescence comme aucune forme de
production littéraire ne l’a jamais fait auparavant. D’une part, les valeurs
tout asiatiques qu’ils véhiculent apparaissent comme salutaires à des
jeunes occidentaux4 que l’on dit en « manque de repères ». Les
préoccupations fondamentales des adolescents sont donc les mêmes de
par le monde : l’identification, la proximité affective et émotionnelle avec
les héros sont donc maximales, même pour de jeunes Français,
Allemands ou Australiens. En outre, la crise de société traversée par le
Japon est certainement l’une des plus aiguës de la planète : le taux de
natalité est l’un des plus faibles, alors que le taux de suicide est le plus
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important au monde. Cette catastrophe démographique, à associer à un
taux d’immigration proche de zéro, marque la faillite d’une société qui
ne sait pas comment évoluer ni se renouveler, en panne d’imagination
pour inventer son avenir. Les adolescents en sont les premières victimes,
eux qui doivent trouver une place dans un modèle social et économique
toujours aussi rigide, alors que leurs aspirations sont tout autres. Si
l’adolescence peut se définir comme une période de rupture entre
l’enfance et l’âge adulte, les adolescents japonais vivent certainement
une rupture paroxystique, un traumatisme qu’ils expriment grâce à leur
moyen d’expression privilégié, la bande dessinée. A la fois « outil » de
socialisation et agent subversif, le manga illustre par sa diversité les
contradictions des sociétés industrialisées, coincées entre un passé
glorieux et un avenir incertain, tiraillées entre contraintes sociales et
individualisme forcené. Et c’est aux adultes d’en tirer les conséquences…
Notes
1 Cf. « 2005, l’année de la
‘‘mangalisation’’ », le rapport annuel
de Gilles Ratier, secrétaire général de
l’Association des critiques et journalistes
de bande dessinée.
Disponible en ligne :
www.du9.org/IMG/Rapport_ACBD_20
05.pdf
2 Cf. l’article de Julien Bastide
« Dumas, père du shonen ? »,
in Virus manga, n°1, janvier 2004.
3 Pour une étude plus complète
de ce manga, lire l’article de Sébastien
Langevin, « Printemps bleu »,
sur le site www.animeland.com.
4 Sur le phénomène social du ijime,
lire l’article de Nathalie B.,
« Le ijime à l’école » sur le site
www.animeland.com.
L’adolescence raisonnée d’Adachi
Loin des quêtes initiatiques et des conflits de société,
les bandes dessinées de Mitsuru Adachi distillent une
vision subtile et contrastée de l’adolescence.
Ses séries (Touch, Katsu !, Rough) reposent toutes
ou presque sur les mêmes éléments : des adolescents
se prennent de passion pour un sport et tentent par
ce biais de gagner la considération de l’être secrètement
aimé. Des histoires de famille viennent en général
compliquer les choses. L’originalité d’Adachi est
de s’attacher autant à ses héroïnes qu’à ses héros,
s’adressant ainsi à un public mixte. Mélange d’action
et de tendre poésie, le dessin de ce maître unanimement
reconnu au Japon rythme à la perfection des histoires
douces-amères, empreintes d’une discrète mélancolie
pour le lecteur adulte.
Rough!
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D’une culture
Le Dossier à l’autre
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Stéphane Ferrand Analyse
Stéphane Ferrand
Spécialiste de la BD,
en particulier asiatique,
Stéphane Ferrand est formateur
et directeur de collection
chez Milan. Il a créé le site
Internet www.animeland.com,
dirigé le magazine
Virus manga et coordonné
le premier espace manga
du Festival international
de la BD d'Angoulème.
Retrouvez la notice n° 40,
consacrée au documentaire
réalisé par Stéphane Ferrand
et Sébastien Langevin,
Le Manga (Milan,
« Les essentiels », 2006).
Appropriation et émergence
d’une culture manga en France
Le manga est fait, pensé, fabriqué, pour pouvoir toucher l’ensemble des
publics, évoquer les différentes étapes d’un parcours personnel. Il est donc
normal qu’on le retrouve dans toutes les couches de la société japonaise et
que son développement soit tentaculaire, y compris chez nous. Il témoigne
néanmoins d’une conception de la BD, puissant média aux enjeux industriels
et commerciaux déterminants, qui nous est étrangère.
Le manga : un public redécouvert
On sait depuis longtemps que l’homme passe un tiers de sa vie au bureau.
Le manga n’a pas oublié que le jeune, lui, passe cette partie de vie à étudier.
L’évidence confine au génie : l’école devient le cadre privilégié des mangas,
les héros ont l’âge de leur lectorat. Cette proximité, ignorée par la BD francobelge et par le comics, est l’apanage du manga. En Occident, nous avons
toujours pris en compte deux types de lectorat : les adultes et les enfants. Des
grilles de programmes TV aux modules de bibliothèques, tout répond à ce
schéma, et la production BD également. Plus précis dans son étude du
public, l’Orient le segmente en fonction du sexe, mais surtout de l’âge. Le
Japon distingue ainsi les enfants des adultes, des adolescents, et même des
jeunes adultes, pour accompagner l’émergence du public cible de notre
nouvelle société de consommation : les jeunes. Jusqu’aux années soixantedix, les ados étaient niés ou réduits à une crise identitaire, au mieux ignorés
car jugés incompréhensibles. Or les années quatre-vingt, l’émergence de
nouveaux programmes TV, des consoles de jeux vidéo, des musiques rock,
rap et techno, mais aussi le ciblage des blockbusters américains, consacrent
un nouveau type de consommateurs en Occident. Tout s’est donc, dans ces
années-là, déplacé vers le public adolescent, un public doté d’un budget
(argent de poche, petits boulots) et n’ayant d’autres postes de dépenses que
le loisir. La production de bande dessinée française des années quatre-vingtdix fut marquée par des tentatives de repositionnement sur le public ado,
faisant le succès d’éditeurs tels que Delcourt, ou l’Association qui cible aussi
les jeunes adultes. Ils surent tenir compte de nouvelles attentes concernant le
trait, le format, le noir et blanc… Ces publics entendaient consommer une
BD différente, s’éloignant du dessin traditionnel (gros nez, ligne claire, etc.)
et de titres trop sérieux (Casterman). Le manga s’inséra parfaitement dans
un créneau laissé libre. Toute génération s’affranchissant des goûts de ses
aînés, l’incompréhension parentale vis-à-vis du manga renforça son succès
auprès des ados.
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L’Asie conquiert la culture française
Une génération entière va être sensibilisée à la culture manga et asiatique.
Au cinéma, les films asiatiques s’imposent dans les années quatre-vingt-dix.
Le Kung Fu Hero Jet Li relance la mode du film de Hong-Kong, les dessins
animés japonais se multiplient, Ghibli remporte la palme auprès du grand
public et l’ours au festival de Berlin. Les films d’action américains délaissent
de plus en plus le gros calibre pour mettre en scène des combats au corps à
corps utilisant les arts martiaux. Emblématique de ce courant, la trilogie
Matrix est fortement inspirée des codes du manga, selon l’aveu des frères
Wachowsky eux-mêmes. Son succès planétaire, les animés Animatrix qui en
découlèrent, le design, le type d’aventure, l’omniprésence du kung-fu, autant
de codes asiatiques identifiables et reliés au manga japonais. La musique
s’empare du manga via des groupes jeunes, appartenant à des univers très
variés. Les rockeurs de Kyo tirent leur nom du manga Samourai deeper Kyo.
Des raps d’Iam, ou du Wu Tan Clan, s’inspirent de Dragon Ball. Les BGM
de dessins animés manga sont samplées chez les rappeurs comme dans les
rave parties. Autant le manga fut-il rejetté par le grand public, autant les
jeunes créateurs en ont conçu une passion dévorante. En France, son image
de culture niche, disons underground, intéresse l’art contemporain qui
s’empare des codes du manga (voir les expositions « Kaikaikiki » et
« Regards » à la Fondation Cartier). Les revues branchées telles Chronik’art,
Technik’art, Beaux arts magazine, ou Nova mag en son temps, récupèrent
les visuels modernes et novateurs des créateurs nippons. Le manga est
désormais considéré comme tendance et alternatif, il touche la mode
vestimentaire, se décline en accessoires (flashstraps, porte-clefs, tatouages…).
On comprend que d’une manière générale, via le manga, c’est une certaine
vision de l’Asie qui séduit, comme cent ans auparavant elle séduisit les
auteurs de japonaiseries. Mais cette fois, c’est bien sa modernité, sa richesse,
sa créativité et son efficacité qui sont les moteurs de cette fascination.
Le manga : BD de l’âge moderne
Le manga s’intègre parfaitement dans une société tournée vers le multimédia.
Le dessin animé est certes ancien, mais les techniques utilisées dans la plupart
des séries sont liées à l’ordinateur et aux CGE (Computer graphic
enginering) : les images de synthèse (plus économiques et efficaces que le trait
dessiné) triomphent. L’Internet est le média sacré, le véhicule privilégié de la
culture manga. Communautés d’internautes, téléchargement, peer to peer,
chat et forums se multiplient : le lointain Japon se trouve ainsi à portée de clic.
L’homme moderne recherche avant tout ce qui est « petit et pratique ». Des
mini-disques aux paquets de gâteaux individuels, tout est pensé pour
s’encombrer le moins possible. Nul doute que le format léger et transportable
du manga corresponde à cette attente. Les jeux vidéo, dont le graphisme
s’inspire des mangas, sont l’apanage de la jeune génération. De la console
Superness pour les enfants, on est passé à la Playstation pour jeunes
adultes ; les consoles de salon se sont multipliées et voici le règne des
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Photo issue du film Matrix
Exposition “Kaikaikiki“,
de Murakami,
à la Fondation Cartier
en 2002
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D’une culture à l’autre
consoles portables multimédia telles la PSP et la Nintendo DS, qui proposent
des jeux adaptés de séries mangas. Enfin, la téléphonie mobile commence
à s’intéresser au phénomène. On voit apparaître depuis quelques années,
sur les sites de téléchargement d’icônes et de mélodies pour mobiles, les
premiers jingles, génériques et images issus d’animés et de mangas. Tous
ces éléments d’une culture moderne, émergeant sous nos latitudes, font
depuis longtemps partie de la vie quotidienne japonaise.
Les publicitaires se brident les yeux
1 Un SD — littéralement
« Super Deformed » — désigne
une illustration où les personnages
sont déformés de manière comique,
le plus souvent avec une grosse tête
et un petit corps ; l'un des éléments
du visage peut également être
accentué pour mettre en valeur
une émotion.
Publicité pour le parfum
Jungle de Kenzo
Publicité pour le gel coiffant
« effet manga » de Garnier
Dans nos sociétés de loisirs dominées par les échanges économiques, les
publicitaires sont bien souvent les premiers à humer l’air du temps pour
séduire leur cible privilégiée : les jeunes. Ce vaste public, qu’ils cherchent à
toucher sans distinction de sexe, regroupe à leur yeux les 12-20 ans.
La première tentative revient à une banque. Le compte épargne Jeans de la
BNP, réservé aux mineurs depuis vingt ans déjà, a bien besoin d’une
nouvelle image. Qu’à cela ne tienne, l’agence recrute un certain Patrick
Sobral, lauréat du concours Tsuki organisé par l’éditeur Tonkam. Un petit
personnage en SD1, rappelant le style de Shingo Araki (Les Chevaliers du
zodiaque) jaillit de l’affiche avec énergie. Les caractéristiques du compte,
elles, restent inchangées. Pourtant, le nombre d’épargnants fera un bond de
plus de 300% en moins de six mois. L’assureur AXA prendra le relais avec
une pub déclinée comme un mini-manga. De manière plus diffuse, on
retrouve aussi cette tendance dans les magazines féminins : les publicités
vantant des cosmétiques ou des parfums reprennent les lignes de vitesses,
les codes graphiques du manga, ou valorisent les modèles asiatiques. Mais
ce sont surtout les produits destinés prioritairement aux ados qui surfent sur
cette vague. En 2003, une réclame pour le préservatif présente des dessins
proches du manga afin de mieux communiquer avec les jeunes. En 2004,
Garnier lance une véritable offensive avec la création d’un nouveau gel
coiffant qui permet d’obtenir un « effet manga » : le mannequin aux cheveux
noirs arbore la même coiffure que Dragon Ball ! Enfin, en 2006, on n’aura
pas manqué de reconnaître l’univers manga de la publicité pour les
téléphones mobiles Nec — produit ado par excellence — entièrement
dessinée façon manga, munis d’un ourson mascotte, comme au Japon. La
force du manga tient à ce qu’il est avant tout une matrice. On le retrouve
aussi bien dans la mode, dans la musique, dans la BD ou au cinéma. Rien
d’étonnant à cela : le manga est pensé, pesé, construit de cette manière au
Japon. Les producteurs nippons ont conscience de son impact et savent le
décliner en de multiples supports. Là-bas, un titre à succès génère bien sûr un
dessin animé, puis un film et des jeux vidéo, mais également des disques, des
lignes de vêtements, des accessoires, etc… Nous ne faisons en France que
découvrir cette puissance multiculturelle, notre incompréhension naissant du
fait que notre marché n’est pas adapté à cette méthodologie industrielle et
commerciale. Un retard qui ne tardera pas à être comblé.
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Qui sont les lecteurs 17
Le Dossier et les fans de mangas ?
Sandrine Monllor Portraits
En quinze ans, les mangas ont conquis la France : ils font désormais partie
intégrante de notre paysage culturel et constituent 30% du marché
éditorial. Face à des BD franco-belges jugées trop élitistes, l’originalité et
l’exotisme supposés des mangas, leur prix relativement bas,
l’élargissement de l’offre en français liée à l’apparition de nouveaux
éditeurs expliquent en partie un tel succès. Ce véritable phénomène de
société n’a pas été sans susciter quelques inquiétudes : le manga a
d’abord souffert de sa réputation sulfureuse et d’aucuns redoutent
aujourd’hui une « mangalisation » de la bande dessinée. La 5, Antenne 2
(avec Récré A2) puis TF1 (avec le Club Dorothée) ont ouvert la voie aux
animés nippons. Les multiples diffusions1 et rediffusions ont permis une
familiarisation précoce entre 1970 et 1997. Les héros, devenus des
« amis » du quotidien, offraient aux téléspectateurs l’occasion de s’évader
mais aussi d’interroger leurs valeurs et leur conception du monde. Ces
émissions de piètre qualité graphique2 ont constitué un support éducatif et
affectif et ont préparé le terrain aux mangas, grâce à l’alliance de réflexes
nostalgiques et de nouveaux relais tels que les films d’animation3 plus
matures, les jeux vidéo et les magazines associés. Que trouvent les
passionnés dans les mangas ? Comment s’approprient-ils un genre aussi
éloigné de notre culture ? Quelles typologies de lecteurs se dégagent
alors que la « mangamania » s’institutionnalise, avec ses codes, ses
pratiques et ses sociabilités ?
Contre culture et définition d’un territoire
et d’une identité personnels
Diplômés de toutes les filières et issus de toutes les couches sociales —
mais à 75 % de classes moyennes et supérieures —, les amateurs de
mangas sont en majorité des garçons, célibataires, au parcours scolaire
sans accroc. Alors que les autres BD séduisent moins de 10% de femmes,
les mangas en attirent 35% environ, en raison de la grande variété des
styles, des genres et des approches thématiques. Agé de 10 à 35 ans, ce
public s’est considérablement élargi et rajeuni depuis 2000. Cette
évolution s’est produite à la faveur du retour de dessins animés comme
Pokemon, Yu-Gi-Oh ou Card Captor Sakura sur les chaînes hertziennes,
de leur sortie concomitante en film et en manga et d’une nébuleuse de
goodies sous forme, par exemple, de jeux de cartes4 à collectionner et
échanger, qui sont autant de modes de socialisation à l’école.
Baignés dans la « culture de l’écran », les lecteurs de manga ne sont pas
pour autant des faibles lecteurs ou des sous-lecteurs. Peu portés sur la
« littérature scolaire », ils sont friands de littérature de genre (polar, thriller,
Lecture Jeune - juin 2006
Sandrine Monllor
Doctorante intégrée au
laboratoire d'ethnologie
de l'EHESS de Toulouse,
elle s’est intéressée aux
passionnés de mangas dans
le cadre d'un mémoire
en ethnologie et anthropologie
sociale en 2000. Depuis 2002,
elle s'est dirigée vers l'étude
des pratiques,
des représentations
et des socialisations
dans les communautés virtuelles
de consommateurs.
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Qui sont les lecteurs et les fans de mangas ?
fantastique, horreur, SF ou fantasy). Au cours de l’adolescence, période
de recherche identitaire sociale et individuelle, les mangas s’inscrivent
dans un processus global de rupture intergénérationnelle en terme de
goûts culturels et d’activités, et en particulier vis-à-vis des parents,
indifférents ou réfractaires à ces supports peu familiers et considérés
comme un loisir infantile. Les mangas aident les jeunes à définir un
territoire et répondent à un besoin d’autonomie, ancré dans des pratiques
ludiques et « gratuites ». Si les petits et les lecteurs occasionnels
envisagent le manga comme un simple passe-temps, praticable dans
n’importe quelles conditions, les passionnés privilégient la lecture en
solitaire, ritualisée plusieurs fois par semaine, à des moments réservés (le
soir), dans des lieux où ils se sentent libres (la chambre). La possession de
séries entières semble assurer un confort de lecture optimal. Elle représente
un effort financier considérable pour des jeunes qui peuvent y consacrer
tout leur argent de poche ou une grosse partie de leur salaire. Comme la
collection de produits dérivés et de posters dont les fans sont entourés, les
mangas sont sacralisés5, rarement prêtés — y compris au cercle des
proches — ou déplacés de la bibliothèque où ils sont soigneusement
rangés et exposés.
Un lecteur régulier s’approprie l’œuvre en plusieurs temps. Dès l’achat, 15
à 30 minutes suffisent à une découverte globale et répondent à la
frustration de l’attente, qui a amplifié le suspense inhérent au principe du
feuilleton. Il s’en suit une seconde phase plus immersive qui allie la
reconnaissance simultanée des textes et des dessins et le décryptage6 des
détails. Le tout met en évidence le principe de « contagion émotive »
propre aux « médiums froids7 » plus participatifs, compte tenu de la
faible définition des images en noir et blanc. Projeté dans l’aventure, le
lecteur a donc l’impression de la vivre aux côtés de ses héros, comme en
témoigne ce fan : « je ne suis pas un simple lecteur / spectateur, mais
acteur du manga ; je ressens les choses intensément et c’est comme si
tout devenait possible dès que je plonge dans une histoire. La vie des
héros devient un peu la mienne pendant un moment ».
« Fan attitude », passion élitiste, loisir populaire
Compte tenu de la brutalité et de la rapidité du phénomène manga,
plusieurs vagues de lecteurs se sont côtoyées, non sans tensions. Au début
des années quatre-vingt dix, les mangas étaient réservés à de minuscules
cercles d’initiés, cantonnés à Paris pour des raisons pratiques d’accès aux
produits. Après la sortie du film Akira d’Otomo, suivi des recueils
éponymes8, l’engouement des adolescents pour l’ultra-médiatique série
Dragon Ball a participé à l’élaboration d’un esprit de contre-culture
branchée qui dépasse le cadre de la lecture active pour engager les
mordus dans une passion transformatrice, parfois militante et créative.
Cette micro-culture s’est matérialisée par l’apparition dans toute la France
de librairies et de salons spécialisés9 accueillant plusieurs milliers de
visiteurs, la multiplication de doshinji (fanzines)10 et de clubs de
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dessinateurs ou de fans. De telles activités ont généré des sociabilités
inédites à l’échelle nationale, dans les comickets. Au-delà du « marché »
où se vendent à tous les prix des goodies parfois rares et des mangas
neufs et d’occasion, l’événement donne lieu à des projections en boucle
d’animés, des rencontres avec des mangakâ, des concours de clips, de
fanzines, de dessins réalisés par des amateurs qui ont souvent révélé leur
créativité au contact des mangas et s’en inspirent totalement dans des
fanfictions. Le clou du spectacle est le cosplay, au cours duquel les fans
entonnent des génériques et défilent non sans autodérision avec le
déguisement de leur personnage préféré qu’ils ont passé des mois à
fabriquer ! La convivialité et l’ambiance bon enfant règnent et tout
passionné digne de ce nom a pris au moins une fois part à l’un de ces
rendez-vous ou à une bloubiboulga — une nuit blanche aux allures de fête
et de cosplay géant entre nostalgiques qui veulent retourner pour quelques
heures en enfance en vivant leur passion sans complexe !
Dès 1995, un conflit « idéologique » a opposé la génération
« Goldorak / Candy » (18-30 ans), aux cadets vouant un culte à
Dragon Ball et à sa suite DBZ. Il a permis de mettre en évidence plusieurs
profils de passionnés, caractérisés souvent par des choix d’activités
connexes. Défenseurs d’une culture élitiste, les pionniers voyaient d’un
mauvais œil les « Gagaballiens » qu’ils accusaient de discréditer la
culture manga et jugeaient trop tapageurs, voire ignorants et « débiles »!
Ils souhaitaient explorer d’autres références, moins populaires, plus rares
et riches, dont ils tiraient une source de capitalisation et de valorisation
sociale importante. Une poignée de passionnés évoluant dans un milieu
plutôt parisien et très fermé, a bâti à partir du fanzinat le socle
professionnel des traducteurs, responsables d’édition et rédacteurs de
revues spécialisées comme Animeland. Témoins de la culture et du
quotidien de la société nippone, les mangas ont suscité un intérêt poussé
pour le Japon, sa littérature, son cinéma et le courant musical visual rock.
Certains fans vont jusqu’à vivre, penser et manger à la japonaise, en
rêvant de s’établir au Japon ou d’investir leurs économies dans des
voyages d’initiation ! Ces connaisseurs se considéraient comme de
« vrais passionnés » à la pratique « noble », engagée et durable, par
opposition aux fans de Dragon Ball, captifs d’une mode qui s’est traduite
par un attachement intense, compulsif, exclusif mais aussi transitoire,
malgré des lectures régulières et des achats soutenus. L’effritement de cet
épiphénomène et l’arrivée de longs métrages et de mangas à la qualité
reconnue ont entraîné une prise de conscience et une maturation chez
certains « Gagaballiens » qui ont gonflé le groupe dynamique mais
encore isolé des « passionnés ».
En dépit d’une fusion plus naturelle avec la nouvelle vague des 8-15 ans,
les passionnés souffrent toujours de l’image péjorative d’otaku11 à la
française, alors que les cas d’identification et de projection aussi poussés
restent très marginaux. Pour la plupart des lecteurs, les mangas restent un
divertissement, source d’évasion, d’émotion, d’action et de réflexion.
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Notes
1 Dès le matin toute la semaine,
à la sortie des classes, le mercredi
après-midi.
2 Dessins peu travaillés avec des décors
et arrière-plans minimalistes,
des personnages secondaires bâclés
et une animation réduite à 4-6
images/seconde contre 24 d’ordinaire.
3 Leur diffusion confidentielle dans
un cinéma parisien a inspiré dès 1992
des manifestations embryonnaires
dédiées à ces productions comme
celle qui s’est conjuguée à la convention
sur les jeux de rôle de l’IDRAC.
Elles ont donné lieu très vite à d’autres
rendez-vous dans toute la France,
ont aussi attiré l’attention
sur les mangas et favorisé l’apparition
de nouvelles librairies.
4 Trading, rami cards plastifiées.
5 Au Japon, les mangas sont jetés
ou laissés à l’intention d’autres lecteurs
dans les transports en commun!
6 Cela peut aboutir à de nouvelles
relectures chez les lecteurs de VO
et les dessinateurs qui s’imprègnent
de la technique pour leurs créations.
7 Définis par Mac Luhan comme
le rapport entre la taille du message
et sa charge d’information.
8 Glénat, 1991, en version américaine
et colorisée.
9 A Paris, l’Epita a ouvert la voie,
suivi de BDExpo qui a inauguré
son espace manga en 95,
puis Toutencartoon, Baka manga à Lyon,
Cartoonist à Toulon. Aujourd’hui,
ces dernières ont disparu, mais 20 à 30
conventions sont répertoriées
dont la célèbre Japan Expo à Paris.
10 Revues artisanales rassemblant
articles, dessins ou fanfictions
(des scénarii imaginés par les fans
et inspirés de leurs séries favorites).
11 Comme les hikikomori, les otaku
au Japon sont des personnes qui
s’enferment dans une passion exclusive
et rompent le contact avec le monde
social et leur famille, à l’exception
éventuelle d’autres fans avec lesquels
ils communiquent le plus souvent
virtuellement.
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Le cinéma
Le Dossier d’animation japonais
20
Ilan Nguyên Présentation
Ilan Nguyên
Traducteur, critique et
coordinateur de divers festivals
français et internationaux,
il a assumé avec
Xavier Kawa-Topor
la programmation du festival
Nouvelles images du Japon
(Forum des images) et prend
en charge depuis 2004
celle des Rencontres
franco-japonaises
de l'animation de Tokyo.
Cet article reprend pour partie
le texte introductif au catalogue
du premier festival Nouvelles
images du Japon
(Forum des images, Paris,
décembre 1999).
Publié avec l'aimable
autorisation du Forum
des images.
Le Forum des images
vous donne rendez-vous tout
au long de l'année pour
des manifestations autour
du cinéma d'animation.
Contact :
01 44 76 62 00
www.forumdesimages.net
Un aperçu de l’animation japonaise
Dans la découverte aujourd’hui esquissée du cinéma japonais d’animation,
continent dont les contours mêmes, sinon les richesses, échappent encore
souvent au spectateur étranger, amateur comme détracteur, le manque
d’information fiable, pertinente, est un problème de taille. Plus encore que
la production japonaise en prise de vue réelle, ce cinéma nous échappe
dans sa forme concrète et sa continuité.
Si l’usage qui tend à séparer « produits commerciaux » et « œuvres
d’auteur », comme des ensembles disjoints, étrangers, est si peu satisfaisant
face à la production animée de ce pays, c’est qu’il induit plus encore qu’à
l’accoutumée une perception biaisée, un regard réducteur qui occulte la
diversité du domaine japonais.
Un survol sommaire de trois décennies d’évolution de cet ensemble
complexe, à l’envergure insaisissable, est peut-être la meilleure des entrées
en matière. Les vingt dernières années et l’œuvre de réalisateurs tels Oshii,
Ôtomo, Sugii ou Anno nous redonnent à saisir de façon incessante, et tout
aussi évidente, les limites de telles oppositions « classiques ».
Si l’ère des grands studios, initiée au Japon par la création d’un
département d’animation au sein de la compagnie Tôei en 1956,
représente le point de départ de la production japonaise telle qu’elle existe
aujourd’hui, l’ambition de ces débuts, orientée vers un horizon disneyen,
devait changer en quelques années de façon radicale.
L’entrée en scène de Tezuka marque un virage décisif. Participant à partir
de 1959 aux longs métrages de Tôei, il fonde dès 1961 son propre studio
pour réaliser des œuvres à son idée. Initiateur du standard des séries
télévisées à diffusion hebdomadaire, il veut renouveler en animation les
exploits pionniers dont il est auréolé dès cette époque dans le domaine de
la bande dessinée. Le grand succès de ses séries télévisées lui donne un
temps raison face à ses détracteurs, malgré les conditions de travail qu’elles
entraînent pour les animateurs. En peu de temps, la norme télévisée
s’impose sans partage à l’ensemble de la production.
C’est dans le même temps que Yôji Kuri, un caricaturiste venu à l’animation
par le spectacle des films de Norman McLaren, fonde le « Trio de
l’animation » avec le dessinateur Ryôhei Yanagihara et l’illustrateur Hiroshi
Manabe : c’est le point de départ d’un travail animé à vocation noncommerciale, dans un esprit d’avant-garde affirmé, au carrefour de
disciplines aussi diverses que le dessin satirique, le design ou la musique
concrète… Ensemble, les trois hommes lancent le Sôgetsu Animation
Festival, bientôt ouvert aux jeunes créateurs suivant les mêmes « canons »
Lecture Jeune - juin 2006
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de l’indépendance : auto-production, création individuelle, statut amateur…
Kuri marque ainsi de son influence une génération entière de réalisateurs,
tels Taku Furukawa, Hal Fukushima, Kô Nakajima, Tatsuo Shimamura ou
Renzô Kinoshita…
L’empreinte de Kuri sur l’animation dite « d’auteur » est souvent présentée
comme celle d’un fondateur. Il est exact qu’avec lui apparaît au Japon une
dichotomie qui, jusque-là, ne trouvait pas sa raison d’être entre les œuvres,
selon les circonstances de leur production. Par ailleurs, cette affirmation
d’une création indépendante au Japon est contemporaine des débuts, à
Annecy, du premier Festival international du film d’animation, et de la
création de l’ASIFA (Association Internationale du Film d’Animation).
D’autres itinéraires trouvent leur source au même moment : Kihachirô
Kawamoto et Tadanari Okamoto, formés tous à l’école de Tadahito
Mochonaga, le pionnier de l’animation de marionnettes au Japon, se
lancent à leur tour dans la création au début des années 1960.
Au début des années 1970, dans le dessin animé, les bouleversements se
précipitent. « L’âge d’or de Tôei », rayonnement d’une décennie assis par
une imposante succession de longs métrages, touche à sa fin, et le poids
relatif de l’animation télévisée est désormais décisif, comme en témoigne le
nombre de séries diffusées.
Le paysage de la profession prend une nouvelle tournure avec le
développement de sociétés concurrentes, fondées au cours des années
précédentes et qui travaillent d’abord pour la télévision, de Tatsunoko Pro
au Studio A Production (filiale de la compagnie Tôkyô Movie), ou à
Madhouse, en passant par Tezuka Productions, l’autre société fondée par
Tezuka, et où ce dernier poursuivit son activité après le fiasco de ses projets
de longs métrages « pour adultes », qui au tournant des années 1970
menèrent son studio Mushi Production à la perte.
Ces années voient s’affirmer de nouveaux metteurs en scène. La
diversification formelle et générique de la production télévisuelle met ainsi
à jour des différences d’orientations entre les animateurs ayant fait leurs
débuts avec Tezuka, ou qui l’ont suivi au cours des années précédentes
(Rintarô, Osamu Dezaki…), et ceux qui ont fait leurs armes au studio de
Tôei. Parmi ces derniers, deux collaborateurs et amis, Isao Takahata et
Hayao Miyazaki, entament à partir de 1971 un long parcours créatif pour
la télévision. Ils sont notamment les initiateurs d’un genre qui constitue à lui
seul un pan nouveau de cette production : l’adaptation de récits classiques
de la littérature mondiale leur impose pour cadre des pays étrangers, et se
caractérise déjà, pour Takahata, par le souci de dépeindre l’existence au
quotidien dans un environnement précis.
Toute la décennie est marquée par cette orientation (reprise par divers
studios), et quelques autres : citons les séries sportives exaltant une
persévérance acharnée, et le registre déjà en vogue du robot géant, dans
une forme encore souvent peu dégrossie…
En 1977, une vague désignée au Japon par le terme d’anime boom voit
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Ozamu Tezuka
Isao Takahata
Hayao Miyazaki
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Le cinéma d’animation japonais
triompher une animation plus mûre, avec l’engouement que suscite Le
Croiseur spatial Yamato, un space opera tragique mâtiné de mélodrame
adolescent. L’évolution du statut de l’animation est alors perceptible : la
chaîne de télévision nationale NHK se lance dans la production de séries
animées, les films pour le cinéma reviennent à l’honneur, les premiers
magazines spécialisés à destination du grand public font leur apparition.
La décennie suivante, marquée notamment par l’apparition de séries
réalisées en coproduction avec l’étranger, voit aussi le lancement, de 1983
à 1985, d’un nouveau format intermédiaire entre télévision et cinéma. La
production de telles animations, destinées directement au marché de la
vidéo, est lourde de sens : désormais, il devient possible de rentabiliser un
dessin animée par les seuls résultats de ses ventes auprès d’un public de
passionnés… C’est aussi en 1985 que Renzô Kinoshita lance sous l’égide
de l’ASIFA le Festival international du film d’animation de Hiroshima,
nouveau lieu d’expression pour les créations les plus personnelles. La même
année, Takahata et Miyazaki fondent le Studio Ghibli, dont les réalisations
les consacrent aujourd’hui comme deux metteurs en scène d’animation
parmi les plus remarquables du monde.
Un prix, récompense de référence au Japon, est décerné chaque année à
un film d’animation, sans distinction de métrage ni de catégorie de
production. Il porte le nom d’un pionnier de l’avant-guerre, Noburô Ôfuji,
et la succession des œuvres distinguées depuis sa création en 1962 est
édifiante : de Tezuka à la production de long métrage de Tôei en passant
par Kuri, par Kawamoto et Okamoto, qui règnent sans partage sur les
années 1970, puis Takahata et Miyazaki, mais aussi Makoto Wada, Taku
Furukawa et tant d’autres… D’emblée, c’est sans doute dans sa diversité
que ce prix se propose de saisir la production japonaise.
Par la légitimité et la maturité de son cinéma d’animation, le Japon, depuis
des années, nous montre un chemin, parsemé de chefs-d’œuvre
innombrables, et défiant toute vérité générale. Reste, dans l’ignorance qui
est la nôtre, à se donner les moyens de les découvrir.
Du mépris à l’encensement, les aléas d’une réception
L’histoire de la réception de l’animation japonaise à l’étranger pourrait
s’écrire comme celle d’un long malentendu où le cas français occuperait à
lui seul un volumineux chapitre. C’est dès les années 1970 que s’est
instauré un clivage entre l’idée que l’on se fait en France du dessin animé,
en particulier, et la réalité complexe, protéiforme de la production
japonaise. Lorsque des séries télévisées japonaises, importées par des
programmateurs parfois peu sourcilleux, arrivent en France, à partir de l'été
1978, initiant une vague de diffusions qui culminera au cours de la
décennie suivante, elles trouvent de facto leur place dans les cases jeunesse
de la télévision, quels que soient leur qualité, leur contenu et leurs
destinataires, prêtant ainsi à tous les amalgames. Ainsi, pendant des
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années, il n’y eut pas de mots trop durs pour stigmatiser les maints démérites
de ce que beaucoup, en France, continuent d’ailleurs de désigner, de façon
erronée, du mot manga : choix directeurs à visées impérialistes,
complaisance dans la violence, stéréotypes graphiques, indigence de
l’animation... sont parmi les principaux griefs que suscitera leur présence
sur nos écrans de télévision, jusqu'à leur éradication des antennes, à partir
du milieu des années 1990, en conséquence de la mise en place du
système des quotas audiovisuels imposé en France par le CSA. "Bête noire"
d’une certaine bonne conscience culturelle et éducative française rangée
parfois aux pires arguments protectionnistes, l’animation japonaise n'en
marquera pas moins — pour le pire mais aussi pour le meilleur — les
mémoires de bien des jeunes téléspectateurs. Un changement de tendance
s’est opéré depuis le tournant des années 2000. Une nouvelle génération,
dont on dit aujourd’hui communément qu’elle aurait grandi avec les séries
japonaises à la télévision, est parvenue à l’âge adulte. Le fait est que le
dessin animé fait partie intégrante de ses goûts et de ses pratiques
culturelles. Avec elle, sans doute, l’animation est-elle en train de quitter
progressivement le registre du film pour enfants où elle est restée si
longtemps cantonnée de facto en Occident.
Ce changement de mentalités apparaît étroitement lié au format du cinéma
— au contraire de la télévision —, et à la distribution en salles d'un certain
nombre de longs métrages. Après Akira en 1991, en effet, quelques films
étaient parvenus à se frayer un chemin jusqu’à nos salles obscures,
obtenant un succès d’estime auprès des cinéphiles : Porco Rosso en 1995,
Ghost in the Shell et Le Tombeau des lucioles en 1996, puis Perfect Blue,
Mon voisin Totoro et Jinrô à la fin 1999. Mais la véritable rencontre avec
le grand public français reste à ce jour l’exclusive des films de Miyazaki,
dont l’adresse aux enfants est prépondérante.
De fait, c’est dans la distribution même des films qu’un changement de
régime s’est amorcé en 1999, et depuis lors les sorties s'enchaînent : de
Princesse Mononoke (2000, 2001) au Voyage de Chihiro (2002), au
Château dans le ciel (2003) et à Kiki la petite sorcière (2004), puis au
Château ambulant (2005), pour le seul Miyazaki. Dans le même temps,
l'œuvre de Takahata, son collègue et mentor au Studio Ghibli, s’est vue elle
aussi mise en avant — mouvement sans précédent, et qui constitue la plus
remarquable spécificité de la réception française —, à travers plusieurs
sorties en salles successives : Gauche le violoncelliste et Nos voisins les
Yamada (2001), Chié la petite peste et Les Aventures de Hols, Prince du
soleil (2004), et récemment Pompoko (2006). Ce mouvement
d'appréciation à retardement autour du studio Ghibli a également profité
à d'autres films qui ont pu bénéficier d'un a priori positif, opportunément
portés par cette vague de reconnaissance empressée, et confusément
crédités eux aussi à la hausse : ainsi de Métropolis (2002), du Royaume
des chats et de Cowboy Bebop (2003), du Serpent blanc, de Steam Boy
et d'Innocence (2004), du Roi Léo ou encore d'Appleseed (2005)...
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Le Tombeau des lucioles
Pompoko de Takahata
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Gestion et animation
Le Dossier d’un fonds manga…
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Agnès Deyzieux Témoignage
…En CDI
Agnès Deyzieux
Documentaliste et formatrice
au CDI du Lycée Touchard,
Le Mans.
Pour toute information
concernant l’animation
et la mise en place
pour les classes de séquences
pédagogiques autour
des mangas — dans une
approche transdisciplinaire —,
vous pouvez contacter
l’association Bulle en Tête :
[email protected]
www.bulle-en-tete.com
Le Guide Phoenix du Manga,
Asuka, 2005
Sites Internet
www.animeland.com,
www.mangajima.com,
www.manganews.com,
www.mangaverse.net,
www.mangavore.net,
www.webotaku.com.
www.arte-tv.com
Parler de la constitution d’un fonds manga ne va pas de soi, la BD étant
toujours le parent pauvre des CDI…
Comment choisir ? Face à un marché en plein essor et extrêmement
changeant, à un rythme de parution effréné (environ cent titres par mois),
les non initiés se sentent parfois démunis. Si l’enrichissement d’un fonds
manga peut être facilité par la mise en ligne de nombreuses analyses de
nouveautés, la constitution est moins évidente ! Pour ce qui est des
incontournables, je vous invite à vous reporter à la « Petite bibliothèque
idéale » en page 26. Cette sélection pourra être complétée en compulsant
Le Guide Phoenix du Manga, une référence pour les professionnels du
livre ! De très nombreux sites Internet sont consacrés au manga. Deux
d’entre eux présentent, en plus d’une très grande variété de dossiers,
interviews et archives, une sélection mensuelle de titres analysés avec
pertinence : la rubrique Mang’Actu du site d’Arte chronique une dizaine
de livres; le site Mangas news offre la liste de tous les éditeurs de mangas
et une critique des sorties. Animeland, magazine consacré à la
japanimation, aide à se repérer dans l’actualité. Il se décline en un webzine
très riche malgré une navigation un peu confuse.
Que choisir ? Le principe de série, constitutif du genre, séduit les
adolescents. Quand ils ont trouvé la série qui les passionne, ils désirent la
lire en entier et le plus vite possible. En effet, dans la majorité des shônen et
shojo, c’est le parcours initiatique du héros qui prime, quel que soit l’univers
dans lequel il évolue. Pour le documentaliste, la difficulté est de savoir s’il
cherchera à encourager cette boulimie en achetant plutôt des séries
complètes, ce qui induira pour les petits budgets un nombre limité de titres,
ou s’il privilégiera la diversification des titres en laissant des séries
incomplètes ou en favorisant les one shot et les séries courtes. Si les deux
politiques se valent, il s’agit néanmoins de les expliciter aux élèves afin
d’éviter les frustrations ! En outre, il est essentiel de mêler des titres de séries
suggérés par les élèves (Naruto, One Piece, Fullmetal Alchemist…),
sensibles aux effets de mode et aux pressions médiatiques (diffusion de
feuilletons TV, commercialisation de produits dérivés), à des titres moins
connus mais tout aussi attractifs et souvent plus intéressants (ex : Docteur
Slump, du même auteur que Dragon Ball ou Real, de l’auteur de Slam
Dunk). Comme pour la fiction en général, il est préférable de présenter
d’abord à l’ado des titres dont il a entendu parler ou dont il a envie. Une
fois la confiance instaurée, on peut l’amener à s’ouvrir à d’autres ouvrages.
La variété des thématiques et des niveaux de lectures permet réellement à
tous les jeunes d’évoluer au sein du genre. On assiste à une féminisation et
un « vieillissement » du lectorat : il n’y a plus un mais des publics mangas !
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Gestion et animation
Le Dossier d’un fonds manga…
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Ghislaine Sagbo Témoignage
Gennevilliers est doté d’une bibliothèque centrale et de deux annexes.
Notre fonds manga, présenté dans l’espace BD, est restreint (150
exemplaires environ, représentant 12% du fonds BD) : c’est peu par
rapport à la production et à la réalité des emprunts. Notre logiciel
informatique nous permet d’obtenir un « hit-parade » des prêts. Sur un
an, les 12 BD qui sortent le plus sont des mangas ; ils représentent 27 des
50 BD en tête de liste. Même si ce ne sont que des indications, ces
chiffres doivent être pris en compte dans nos politiques d’acquisitions. Le
fonds manga est l’un de ceux qui a le plus vite augmenté ces dernières
années, en fonction du nombre de lecteurs et de leur âge. S’il attire
principalement des adolescents et des jeunes adultes, chaque année
arrivent en section adulte des lecteurs de 14 ans qui lisaient des mangas
jeunesse et sont impatients d’en découvrir de nouveaux. Pour régler
l’épineux problème du classement des œuvres (en section adulte — 14
ans et plus — ou jeunesse ?), nous sommes très attentifs au contenu. Les
titres qui sortent moins sont les mangas pour adultes ou ceux qui n’ont
pas un graphisme ou un format « typiquement manga ». Ainsi, les
œuvres, pourtant accessibles, de Jirô Taniguchi — un très bon auteur,
apprécié des médiateurs et des adultes — intéressent peu les jeunes.
Tandis qu’un titre comme Ayako d’Osamu Tezuka, à la présentation plus
traditionnelle mais aux thèmes difficiles et à la narration complexe, est
emprunté et apprécié. Les acquisitions se font grâce aux lectures
personnelles des collègues, aux conseils du libraire BD d’Enghien, aux
suggestions des lecteurs et aux ressources en ligne. Nous avons mis en
valeur le fonds en proposant des animations. Un intervenant a expliqué
à l’équipe ce qu’était le manga et comment il avait émergé. Le fonds a
également été présenté à ceux qui ne le connaissaient pas. Les échanges
ont beaucoup apporté aux collègues qui lisent peu de mangas mais sont
amenés à répondre aux demandes de jeunes lecteurs. Une autre
rencontre, animée par notre libraire et un journaliste de la revue Virus
Manga, a été organisée pour faire connaître au grand public les
différents genres de mangas et leur impact dans les sociétés japonaise et
française. Elle a rassemblé essentiellement des adolescents. Une
bibliographie consacrée aux mangas a été éditée. Parallèlement, nous
essayons d’intégrer des BD et mangas dans les bibliographies plus
généralistes afin de les rendre accessibles à un large public, et nous
conseillons régulièrement les mangas que nous avons aimés. S’il serait
illusoire de croire que nous pourrons intéresser tous les lecteurs, nous
pouvons néanmoins insister pour faire découvrir aux adultes des œuvres
d’une très grande qualité qui peinent pour l’instant à trouver leur public.
Lecture Jeune - juin 2006
…En bibliothèque
Ghislaine Sagbo
Assistante qualifiée
de conservation du patrimoine
et des bibliothèques,
en charge du secteur BD
de la bibliothèque municipale
de Genevilliers.
Illustration tirée du Journal
de mon père de Taniguchi
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Petite bibliothèque
Le Dossier idéale
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Agnès Deyzieux
AOYAMA, Gosho, Détective Conan,
50 tomes (série en cours), Kana.
Genre Policier / Humour Niveau Livre accroche
HANAWA, Kazwichi,Tensui,
2 t. (série complète), Casterman (Sakka). Genre
Conte / Fantastique, Niveau Lecteurs confirmés
HASHIGUCHI, Takashi,Yakitate !!
Japan, 3 t. (en cours), Akata.
Genre Humour Niveau Livre accroche
HITOSHI, Iwaki, Parasite,
10 t. (complète), Glénat (Seinen). Genre
Fantastique / Horreur Niveau Lecteurs confirmés
HOTTA, Yumi et OBATTA, Takeshi, Hikaru no go,
20 t. (3 derniers t. à venir), Tonkam.
Genre Fantastique Niveau Livre accroche
INOUE, Takehiko, Real,
4 t. (complète), Kana (Big Kana).
Genre Société Niveau Et après
ITO, Junji, Spirale,
3 t. (complète), Tonkam. Genre Fantastique
/Horreur Niveau Lecteurs confirmés
KISHIRO, Yukito,Gunnm,
9 t. (complète), Glénat (Manga grand format).
Genre Science-fiction Niveau Lecteurs confirmés
KOIKE, Kazuo et KOJIMA Goseki,
Lone Wolf and Cub,
12 t. (16 derniers t. à venir), Génération comics.
Genre Histoire Niveau Lecteurs confirmés
KON, Satochi, Kaikisen : retour vers la mer,
1 t., Casterman (Sakka).
Genre Fantastique Niveau Et après
KURUMADA, Masami,
Les Chevaliers du Zodiaque,
28 t. (complète), Kana.
Genre Heroïc Fantasy Niveau Livre accroche
MATSUMOTO, Leiji, Galaxy Express 999,
10 t. (en cours), Kana.
Genre Science-fiction Niveau Livre acroche
MIZUNO, Junko, Cinderalla,
1 t., IMHO. Genre Conte / Horreur / Humour
Niveau Et après
OTOMO, Katsuhiro, Dômu : Rêves d’enfants,
3 t. (complète), Les Humanoïdes associés.
Genre Policier / Fantastique Niveau Et après
SATO, Syuho, Say Hello to Black Jack,
10 t. (série en cours), Glénat.
Genre Société Niveau Et après
TAKAHASHI, Shin, Larme ultime,
7 t. (complète), Akata. Genre Science-fiction
Niveau Lecteurs confirmés
TANAKA, Masashi, Gon,
7 t. (en cours), Casterman (Manga).
Genre Aventure / Humour
Niveau Livre accroche
TEZUKA, Osamu, L’histoire des 3 Adolf,
4 t. (complète), Tonkam. Genre Histoire / Policier
Niveau Et après
TORIYAMA, Akira, Dr Slump,
18 t. (complète), Glénat (Manga poche).
Genre Aventure / Humour
Niveau Livre accroche
URASAWA, Naoki, Monster,
18 t. (complète), Kana (Big Kana).
Genre Policier / Thriller Niveau Et après
URASAWA, Naoki, XXth Century Boys,
19 t. (en cours),Génération Comics.
Genre Thriller Niveau Et après
WATSUKI, Nobuhiro, Kenshin, le vagabond,
28 t. (complète), Glénat. Genre Histoire
Niveau Livre accroche
Les titres de cette sélection, arrêtée en mars
2006, ont été retenus en fonction de leurs
qualités narratives et graphiques plutôt que de
leur éventuel succès commercial.
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Parcours de lecture
Livres accroche
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
page 28 à 37
page 38 à 39
page 40 à 41
Et après
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
page 42 à 49
page 50 à 51
page 52 à 53
Lecteurs confirmés
Littératures
Bandes Dessinées
Documentaires
Ouvrages de référence
page 54 à 60
page 61 à 64
page 65 à 68
page 69 à 70
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Parcours de lecture
Livres accroche Littératures
1I
Nora Aceval
Ill. Elène Usdin
Seuil Jeunesse, 2006
152 p.
16 €
2-02-058542-1
Genre
Conte
Mots clés
Désert
Voici un magnifique recueil à lire à voix haute ou basse, à feuilleter : tout
de suite nous sommes dans le désert, dans le sud algérien, sous les tentes,
ou bien à cheminer avec les caravanes. On nous offrira l’eau des guerbas
et le couscous odorant, car l’hospitalité est de règle, même chez les ogres,
où avoir tété le lait de l’ogresse assure protection. Beaucoup d’histoires de
femmes, de fertilité, d’enfantement se déroulent… sous l’autorité de
l’homme, bien sûr ; mais à l’image du sultan, celui-ci se doit d’être juste et
bienveillant. Tandis qu’il chevauche au loin, dans l’ombre de la tente
jalousie et envie fomentent de noirs complots, ruses et sortilèges accablent
la préférée. Après les épreuves endurées avec patience, celle-ci sera sauvée
par sa bonté naturelle, le bonheur refleurira comme l’Herbe Verte, et le
conteur conclura : « mon histoire est partie, et moi je suis encore ici ». Au
passage, il nous aura semblé reconnaître quelques personnages familiers :
le petit Poucet, Cendrillon, Aladin. Mais le cadre du désert — jamais de
villes, pas de marchands — et les coutumes des nomades dépayseront les
lecteurs qui se découvriront comme au musée de l’Homme « tous pareils,
tous différents ! ».
n Michelle Brillatz
2I
Laure Bazire
et Flore Talamon
Nathan, 2006 (Poche Histoire)
238 p.
5,70 €
2-0925-0844-X
Genre
Roman historique
Mots clés
XVIIIe siècle
Contes du Djebel Amour
L’Envol des Corbeaux :
Les Enfants des Lumières, T. 3
1757. Toujours au service de Buffon au Jardin du roi, Pierre est préoccupé
par les cauchemars incessants qui tourmentent son amie Edeline. Hélas, ce
sont des dangers bien réels qui viennent les menacer quand Edeline assiste
par hasard à la tentative d’assassinat de Louis XV par Damiens, et que
Pierre est arrêté dans une taverne où se réunissent les ennemis du roi. Ce
complot s’inscrit dans les luttes du Parlement contre l’absolutisme. Le parti
pris est assez manichéen : la royauté est de droit divin, ses opposants ne
peuvent être que d’odieux personnages, et bien sûr, ce sont eux les
responsables des malheurs d’Edeline et de sa véritable famille.
Ce dernier épisode, particulièrement complexe, est moins rythmé et réussi
que les précédents. De plus, les incursions dans l’étude de la folie et de ses
sauvages traitements à la Salpétrière, des prisons et des châtiments infligés
à l’époque le rendent bien noir. Toutefois, la bonté et la sympathie qui
émanent des principaux personnages en font une lecture agréable. A ceux
qui aiment l’histoire, L’Envol des Corbeaux offre un vrai regard sur une
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période peu traitée dans les manuels, et pourtant annonciatrice de 1789.
n Michelle Brillatz
Pour les notices consacrées aux deux premiers tomes,
voir LJ n° 115 (notice 1) et LJ n° 117 (notice 1).ndlr
3I
Poursuite infernale
A la nuit tombée, Quentin, recroquevillé dans les toilettes du collège,
n’échappe pas à Brice qui le rackette et l’humilie : « t’es un nul,
mon vieux ! ». Tabassé, dépouillé, Quentin sort tête basse dans la cour,
où règne une étrange agitation : une équipe de tournage envahit les
lieux ! Remarqué et immédiatement embauché comme figurant, Quentin
accepte dans l’espoir de se valoriser. Avec brutalité, le réalisateur lance
ses « Action… coupez… ». Le rôle de Quentin est de se faire poursuivre
par un sinistre personnage armé d’un long couteau. Certes, ce n’est
qu’un film « mais le scénario requiert une victime, dit le réalisateur… et
tu es tellement bon dans ce rôle […] t’es un nul, avait dit Brice, et tu ne
changeras jamais, jamais. » Si la réalité est immuable, un scénario, ça
se change, non ? Quentin s’empare du script, corrige la fin : les monstres
deviennent flous, le réalisateur est emporté dans les airs. Il ne reste plus
au jeune héros qu’à écrire un autre film, où ce sera lui, et lui seul, qui
procédera au montage.
Comme un jeu vidéo, la vie exige une dose de réflexion, de stratégie et
de confiance en soi. Au terme d’un parcours réel ou fantasmé, Quentin
parviendra à abandonner son attitude soumise... Ce petit ouvrage
efficace, à l’écriture sobre et dynamique, introduira les plus jeunes et les
plus rétifs à la lecture à un vrai sujet de société : le racket.
n Michelle Brillatz
Milan lance une nouvelle collection, idéale pour les lecteurs en panne,
« Mort de peur », avec le slogan suivant : « Bienvenue dans l’horreur ».
Ce concept fort et vendeur rappelle celui d’une autre collection, « Chair
de poule » (Bayard)… Mais les amateurs de sensations fortes risquent
d’être un peu déçus. Si suspens et inquiétude sont au rendez-vous, on est
bien loin de l’atmosphère terrifiante des films d’horreur! ndlr
4I
L’Enfant sauvage
Bruno Castan évoque l’histoire vraie de Victor de l’Aveyron. Au début du
XIXe siècle, un enfant sauvage fut capturé et confié à la garde d’un jeune
médecin souhaitant faire la preuve de la nécessité de la socialisation
dans le développement de l’individu. François Truffaut, à partir des
rapports du Dr Itard (1801-1807), a fidèlement adapté à l’écran le récit
des observations et tentatives d’éducation du jeune garçon. « Tu n'es plus
Lecture Jeune - juin 2006
Tony Bradman
et Martin Chatterton
Trad. de l’anglais
par Karine Guié
Milan, 2006 (Mort de Peur)
83 p.
5,50 €
2-7459-1876-1
Genre
Fantastique
Mots clés
Racket
Bruno Castan
Théâtrales Jeunesse, 2006
80 p.
7€
2-84260-211-0
Genre
Théâtre
Mots clés
Education
Communication
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Livres accroche
un sauvage, même si tu n'es pas encore un homme » concluait le
personnage du docteur dans le film L’Enfant sauvage. Les questions de
culture, d’éducation, de communication et d’humanité sont posées par
cette œuvre forte.
Le texte de B. Castan ne fait qu’évoquer les scènes d’expériences à
caractère scientifique qui étaient au cœur du projet du cinéaste.
L’évolution et l’apprentissage de Victor se font ici dans des instants du
quotidien — un bain, le tri d’aliments, une promenade… L’enfant
sauvage est peu acteur de l’histoire. Cette extériorité était aussi le parti
pris de Truffaut, ce pour mieux renforcer la notion d’objet d’étude. Ici, il
s’agit de s’intéresser aux relations qui se nouent avec l’enfant et autour
de lui, entre le docteur Villeneuve et sa bonne, madame Guéret. Ce
personnage très attachant de femme simple impose au récit sa couleur,
celle de la tendresse et de la douceur. Elle constitue une forme de lien
nécessaire entre l’état de nature et de culture puisqu’elle-même ne sait ni
lire ni écrire et malmène la grammaire française.
Une entrée riche, et pleine d’empathie, pour les plus jeunes lecteurs, dans
les multiples interrogations amenées par cette histoire. n Hélène Sagnet
Texte créé et mis en scène le 1er octobre 1991 sous le titre Le Babou ou
l’Enfant sauvage au Théâtre national de Marseille-La Criée. ndlr
5I
Fabrice Colin
Mango, 2006 (Autres mondes)
205 p.
9€
2-7404-2072-7
Genre
Science-fiction
Mots clés
Violence
Invisible
Dans ces années 2020 où la misère est grande et les écarts entre classes
sociales se creusent, Tiago et son ami Douglas ne peuvent survivre dans
les favelas de Rio sans intégrer un gang, en l’occurrence celui d’Angel.
Tous deux participent à l’attaque ratée d’un fourgon blindé : dans leur
fuite éperdue, ils emmènent un maigre butin, une éprouvette. Ils sont
traqués par Angel, exaspéré par cet échec et les amours de Tiago avec
son égérie Gloria. L’éprouvette casse et libère des nanites (nanorobots)
qui s’infiltrent dans les corps qu’ils rencontrent et prolifèrent à la moindre
poussée d’adrénaline. Des androïdes affectés à la sécurité sont aussi
contaminés et menacent gravement les habitants de Rio : la situation
semble désespérée…
Ce récit d’aventures et d’anticipation très bien construit, rythmé et visuel,
distille malgré quelques pauses sentimentales une angoisse qui va
crescendo jusqu’à un final apocalyptique ! Il présente une pléiade de
personnages d’une grande véracité (le prêtre engagé, le savant dépassé
par sa création, le grand-père pieux, le militant gauchiste, etc.). Deux
sources fondamentales d’angoisse dans l’inconscient collectif et la
littérature de SF le nourrissent : celle d’une technologie qui, à terme,
exterminerait l’espèce humaine et celle d’une pandémie. Le roman se
présente comme une mise en garde, non pas contre le progrès technique
mais contre ses dérives et la tendance de l’homme à se faire apprenti
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sorcier, démiurge. F. Colin explique d’ailleurs clairement dans sa postface
son point de vue sur les nanotechnologies. n Marie-Françoise Brihaye
6I
Matilda Bone
Elevée dans un manoir par un prêtre qui lui a enseigné le grec, le latin et
la vie des saints, Matilda, orpheline de quatorze ans, voudrait bien
s’enfuir de chez la rebouteuse à qui elle a été confiée. Mais elle ne sait
où aller. Comment supporter les autres quand ils lui ont toujours été
présentés comme sources de perversion ? Auprès de cette femme au
caractère revêche mais généreux, Matilda se transforme, apprend à
réfléchir par elle-même, comprend qu’elle peut sauver son âme en
écoutant ceux qui l’entourent et que le savoir théorique n’est rien sans
l’altruisme. Roman d’apprentissage et roman historique, ce texte évoque
la médecine du Moyen Age de façon très vivante ainsi que la vie de
village : la dureté du quotidien mais aussi l’entraide et l’amitié. Une
intrigue bien construite et un sujet fouillé constituent les principales qualités
de ce très bon ouvrage. A la fin, une documentation sur la médecine de
l’époque permet d’approfondir le sujet.
n Agnès Donon
Karen Cushman excelle dans l’évocation de destinées féminines
atypiques : on peut redécouvrir à L’école des loisirs Le livre de Catherine
(1998, voir LJ n° 88, notice 39), journal intime d’une jeune fille au
Moyen Age, mais aussi La ballade de Lucy Whipple (2002, voir LJ n°
104, notice 63), magnifique récit de la conquête de l’Ouest par une
adolescente. ndlr
Karen Cushman
Trad. de l’anglais
par Hélène Misserly
L’école des loisirs, 2005
(Médium)
237 p.
11 €
2-211-07504-5
Genre
Roman d’apprentissage
Roman historique
Mots clés
Moyen Age
Médecine
7 I Sorcière blanche
Les adolescentes ne manqueront pas de se passionner pour l’incroyable
destin de la jeune Agathe de Préault-Aubeterre ! Fruit d’un mariage
d’amour entre deux aristocrates inconséquents, Agathe subit leurs
frasques. Alors que le père, joueur invétéré, croupit en prison pour avoir
offensé le roi, la mère peine à faire survivre ses deux enfants. Elle finit par
les confier à contre cœur à sa demi-sœur, châtelaine en Bretagne. Une
paysanne révèle à Agathe son don pour guérir et prédire l’avenir. Auprès
de leur tante aimante et de leurs cousins, Agathe et son frère vivent
quelques années d’insouciance, à l’abri du besoin. Mais un jour, leurs
parents, dont ils n’avaient plus de nouvelles, viennent les chercher pour
commencer une nouvelle vie aux Caraïbes. La jeune fille suit la mort dans
l’âme ce père fanfaron et cette mère légère et distante, auxquels elle ne
parvient pas à accorder sa confiance. Une traversée éprouvante, une
rencontre avec des pirates, les leçons d’un sage vaudou, la découverte
de la pauvreté à Saint-Domingue, l’expérience de l’esclavage : voici les
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Anne-Marie Desplat-Duc
Rageot, 2006 (Romans)
221 p.
6,70 €
2-7002-3219-4
Genre
Roman d’apprentissage
Roman historique
Mots clés
XVIIe siècle
Sorcellerie
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aventures trépidantes qui attendent Agathe et l’aideront à grandir. Le
rythme de la narration et le style classique ne sont pas les seuls atouts de
ce roman d’A.-M. Desplat-Duc. On appréciera le portrait d’une héroïne
positive et libre, amenée par la force des choses à assumer les
responsabilités auxquelles ses parents ont renoncé.
n Gaëlle Glin
Sorcière blanche est l’un des premiers titres de la nouvelle collection
lancée en avril par Rageot, « Rageot romans », qui remplacera à terme
la collection « Cascade ». Nous aurons l’occasion de vous en présenter
d’autres dans le numéro de septembre. ndlr
8 I Prisonnière de la Lune
Monika Feth
Trad. de l’allemand par
Suzanne Kabok
Milan, 2005 (Macadam)
282 p.
8,50 €
2-7459-1435-9
Genre
Roman social
Mots clés
Secte
Adolescence
Dans un petit village d’Allemagne s’est installée la secte des Enfants de
la Lune que les habitants du village voient d’un très mauvais oeil. Grâce
à sa passion pour la photographie, Marlon, fils du fermier du coin, va
entrer en contact avec Jana, membre de la secte, dont il tombera
amoureux. Maria, la meilleure amie de Jana, est quant à elle enfermée
au pénitencier pour avoir aimé avant l’heure Simon, auquel elle était
promise à l’âge adulte. Les deux jeunes filles sont nées dans la secte et
obéissent aux règles sans recul ni questionnement. Mais leur
tempérament plutôt rebelle ainsi que les évènements et les rencontres
« du dehors » les amèneront à mûrir, à devenir adultes et à choisir
finalement la liberté.
Des passages en caractère gras rappellent les règles édictées par la
Lunité et permettent ainsi de souligner la prise de conscience et les
moments de lucidité de Maria. Les différences entre les deux modes de
vie et de pensée — ceux du « dehors » et du « dedans » — sont bien
rendues dans le discours des protagonistes. L’auteur rend palpable
l’impression d’enfermement et le mélange d’attraction et de répulsion des
deux jeunes disciples pour le monde extérieur. Quant au sujet délicat des
sectes, il est abordé ici avec justesse et sans trop de manichéisme. Un
parallèle intéressant est établi avec certaines religions.
n Mathilde Valognes
Par l’auteur du remarqué Vol, envol (Thierry Magnier, voir LJ n° 110-111,
notice 43), lauréat du prix Tam Tam du Salon du livre et de la presse
jeunesse de Montreuil en 2004. ndlr
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9 I Billy le Transi
Voici un ouvrage qui semble interroger les rôles et places de chacun.
Celles des adultes puisque ici le père est parti faire fortune en Australie,
la mère est injustement emprisonnée pour vol et l’oncle, seul en charge
des enfants, fait preuve d’une grande inconséquence. Et celles des
enfants qui assument des responsabilités qui ne sont pas les leurs : Clarrie
et Will, face à cette situation, vont devoir arrêter l’école pour travailler et
s’occuper de la maison. Les rôles sont encore plus brouillés lorsque Will
prend l’apparence d’un pantin de bois pour donner la réplique à Billy,
la marionnette du spectacle de ventriloque que joue chaque soir son
oncle dans un cabaret miteux.
Bienvenue dans le formidable petit théâtre d’Anne Fine ! N’est-ce pas en
effet ici la notion de personnage que questionne l’auteur ? Au théâtre, les
ficelles sont parfois un peu « grosses » : dans une Angleterre à la
Dickens, la pétillante Clarrie saura faire preuve d’imagination et de
ténacité pour résoudre les difficultés et réunir sa famille. Le talent d’Anne
Fine est de créer une ambiance étonnante ! La vie misérable, les cabarets
minables, et la figure sinistre de la marionnette, amènent une dimension
inquiétante… Le récit semble parfois basculer vers le fantastique et on
frémit…
Une interrogation : l’ouvrage a-t-il vraiment sa place dans la collection
« Neuf » du fait de son atmosphère et de la complexité des
personnages ?
n Hélène Sagnet
10 I
Anne Fine
Trad. de l’anglais
par Agnès Desarthe
L’école des loisirs, 2005 (Neuf)
178 p.
10 €
2-211-080-08-1
Mots clés
Marionnette
Pauvreté
Alter Jeremy
Après une entrée en littérature remarquée en 2000 avec La lune seule le
sait, ouvrage de science-fiction primé, le jeune Johan Heliot propose son
premier ouvrage dans la collection « Autres mondes ».
L’informaticien Hughes Kessler a élaboré un programme informatique,
Alter, susceptible de reconstituer virtuellement la personnalité d’un défunt
à partir de données génétiques, psychologiques et biologiques. Il le teste
dans le plus grand secret en dialoguant avec le « clone » de son épouse,
récemment disparue. Le destin s’acharne : son fils Jérémy meurt à son tour
dans un accident de roller. Et Lise, en digne fille de son père, teste à son
insu le programme en introduisant dans la machine le journal informatique
de son frère. La multinationale qui emploie Hugues vole le programme
Alter appliqué à Jérémy pour le tester, dans l’espoir de grands profits à
venir. La lutte sera sévère entre celle-ci et la « famille » Kessler : pour la
maîtrise du programme, tous les coups seront permis…
Ce récit plein de rebondissements, entremêlant habilement les registres du
réel et du virtuel, interroge le désir de toute puissance de l’homme dans
sa quête d’immortalité. Ici, il conçoit des programmes informatiques au
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Johan Heliot
Mango, 2005 (Autres mondes)
192 p.
9€
2-7404-1925-2
Genre
Science fiction
Mots clés
Clonage
Deuil
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statut incertain : ces entités dotées de mémoire ont-elles une conscience,
une sensibilité propres et, dans ce cas, faut-il accepter de les faire souffrir
en leur accordant une autonomie ? L’être humain peut-il faire l’économie
du deuil ? Comment perpétuer le souvenir et garder la mémoire du
disparu ? Questions d’éthique et fines analyses psychologiques
(notamment celle de Lise) enrichissent une intrigue originale. Et l’émotion
est au rendez-vous… Johan Héliot fait une entrée remarquable dans cette
collection !
n Marie-Françoise Brihaye
Réseau : Des interrogations similaires sous-tendent IA (2001), le film de
Spielberg. ndlr
11 I
Nathalie Le Gendre
Mango, 2006 (Autres mondes)
216 p.
9€
2-7404-2076-5
Genre
Science-fiction
Mot clés
Injustice
49302
Pour : La jeune Elna découvre en avril 2160 dans le grenier de sa
grand-mère, trois jours après son décès, un manuscrit au titre
énigmatique, 49302, que celle-ci dédia à la mémoire de son frère Loïk
Gwilherm Seznec. En fait, ce dernier, coïncidence troublante, s’est vu
attribuer lors de son arrivée au bagne spatial le même matricule que son
ancêtre Guillaume Seznec, envoyé deux siècles plus tôt à Cayenne. Loïk
a été condamné aux travaux forcés pour l’assassinat de son ami Gaëc
mais il ne cesse de clamer son innocence. Il est emmené en navette
spatiale dans une station proche de Syringa, une planète mal connue
dont l’atmosphère toxique agit comme une drogue. Les bagnards doivent
extraire d’étranges sangsues, fort dangereuses pour la santé humaine.
Le directeur du bagne multiplie les humiliations, les brimades et les
mauvais traitements. Loïk résiste, tente à la fois de s’évader et de
communiquer avec des êtres intelligents à fourrure animale qui peuplent
la planète… Il est loin de se douter de ce qu’il va déclencher. Ce récit
écrit par Loïk à la première personne et ponctué de lettres adressées à
ses proches est évidemment poignant. La trame reprend nombre
d’éléments de l’histoire de Guillaume Seznec. Le temps ne semble pas
avoir fait progresser une humanité où arbitraire, corruption et violence
tiennent la première place. La seule note d’espoir vient des personnages
féminins révoltés et déterminés à bouleverser l’ordre établi. Nathalie Le
Gendre a écrit une fois de plus un livre fort et fidèle à l’esprit humaniste
de la collection : un beau plaidoyer contre l’intolérance et l’injustice.
Denis Seznec, petit fils de Guillaume, en a écrit la postface.
n Marie-Françoise Brihaye
Contre : Ce livre est moins convaincant que les précédents de Nathalie
Le Gendre. La construction et les choix narratifs laissent perplexe… J’irai
jusqu’à dire que la fin est bâclée : en deux pages, le véritable assassin
avoue tout à coup son crime, sans raison, et proclame ainsi ouvertement
l’innocence de Loïk dont on ne doutait pas. Nathalie Le Gendre souhaitait
dénoncer l’injustice dont a été jadis victime Guillaume Seznec et par là
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même les erreurs judiciaires qui brisent la vie de bien des innocents. On
aurait donc aimé que la procédure judiciaire soit mieux décrite et surtout
que l’accent soit mis sur la souffrance et la déshumanisation du héros.
Loïk passe de très longs mois au trou — en fait seul dans le vide
sidéral —, mais ses sentiments sont alors peu développés. Une bonne
cinquantaine de pages supplémentaires aurait peut-être permis à N. Le
Gendre de ne pas rester à la surface des choses et des personnages, de
les faire vivre de l’intérieur comme elle sait habituellement si bien le faire.
n Sandrine Brugot-Maillard
12 I
L’appel des Abîmes :
La trilogie des Abîmes, T. 3
L’intrigue de ce troisième et dernier volet de La trilogie des Abîmes
se déroule une décennie après le précédent tome. Aëla, l’héroïne du
tome 2, désormais âgée de dix-neuf ans, défraie la chronique par ses
nombreux voyages et exploits, accomplis avec Jang-Al : son Abîme noir
lui voue un amour exclusif dont la démesure sera à l’origine de périlleuses
aventures. Apparaît un autre personnage, Chaddy, nièce du directeur de
la chaîne Cosmovision, farouchement hostile aux Abîmes. En quête de
scoops, elle traque la jeune Perl et sa famille, les Maguelonne, tous
brillants pilotes d’Abîmes. Chaddy porte un lourd secret et ses motivations
ne sont pas claires. Mais à l’apparition de nouveaux Abîmes et d’une
autre race d’extra-terrestres, il lui faudra inévitablement choisir entre
l’obéissance à son oncle ou le soutien aux Maguelonne.
De facture classique, ce roman nettement plus noir que les précédents
multiplie à l’envi péripéties, rebondissements, voyages intergalactiques,
drames amoureux… jusqu’à un dénouement inattendu. Le fait d’avoir
imaginé ces Abîmes fascinants — à la fois vaisseaux spatiaux et êtres
vivants intelligents, sensibles — permet à l’auteur d’explorer une nouvelle
fois la peur de l’inconnu, de l’étranger. Danielle Martinigol laisse aussi
toujours une grande place aux liens familiaux et à leurs nœuds. Elle
reprend la critique acerbe — initiée dans les tomes précédents — de la
soumission des médias à des groupes économiques et de la course à
l’audimat, thématique qui finit toutefois par perdre de son originalité.
Jeunes amateurs d’émotions fortes et d’évasion, ne boudez pas votre
plaisir !
n Marie-Françoise Brihaye
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Danielle Martinigol
Mango, 2005 (Autres mondes)
201 p.
9€
2-7404-1924-4
Genre
Science-fiction
Mots clés
Espace
Médias
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Livres accroche
13 I Amour, toujours
Béatrice Massini
et Roberto Piumini
Trad. de l’italien
par Sophie Gallo-Selva
La Joie de Lire, 2005
109 p.
7,90 €
2-88258-320-6
Genre
Roman épistolaire
Mot clés
Correspondance
Amour
Le jour de la rentrée, Hugo découvre une lettre d’amour dans son sac à dos.
Ne sachant pas qui l’a rédigée, il glisse sa réponse derrière le tableau de la
classe. Ainsi débute une correspondance entre deux adolescents, qui durera
un trimestre. Entre jeu de cache-cache et marivaudage, l’amour se tisse avec
ses mystères ; peu s’en faut pour que les amoureux ne soient découverts. C’est
aussi, pour le lecteur, un journal à deux voix, puisque les adolescents livrent
des confidences qu’ils auraient du mal à dire tout haut. Ce faisant, les
personnages construisent leur identité. Le jeu d’écriture n’est pas étranger au
charme de ce petit roman, réellement écrit à deux voix, celle d’un homme et
d’une femme, auteurs de jeunesse. Plein de fraîcheur et d’humour, il évoque
avec pudeur les premières liaisons sentimentales. Ce texte facile à lire et
accrocheur peut se prêter volontiers à un atelier de lecture à voix haute. Il offre
de quoi séduire des jeunes non lecteurs, pourvu qu’ils soient sentimentaux !
n Cécile Robin-Lapeyre
14 I
Bart Moeyaert
Trad. du néerlandais
par Daniel Cunin
Le Rouergue, 2005 (doAdo)
160 p.
8,50 €
2-84156-678-5
Genre
Roman intimiste
Mot clés
Amour
Famille
Inceste
C’est l’amour que nous
ne comprenons pas
La narratrice, dont nous ne connaissons pas le nom, a deux sœurs, un
frère et une mère qui collectionne les bons à rien. A travers ses yeux, nous
découvrons trois étapes de la vie de cette famille, ainsi que trois hommes
différents. Les enfants accumulent les espoirs puis les déceptions, subissant
la violence physique et morale de ces « beaux-pères ». Leur mère, quant
à elle, ne semble pas plus savoir comment s’y prendre avec ses enfants
qu’avec les hommes, et reste sourde aux appels au secours des premiers.
Pourtant, ces trois sœurs et leur frère rêvent encore du moment où l’amour
et le bonheur reviendront dans la maison, quand leur mère sera heureuse
et qu’ils auront un nouveau père, un vrai.
Suspens, conflits familiaux et secrets forment un début haletant et rythmé.
On regrette que l’histoire s’essouffle un peu par la suite. Cependant, la
lecture facile et le style percutant de l’auteur permettent de passer un très
bon moment.
n Maryon Wable-Ramos
Autre avis : Bart Moeyaert est un auteur à la plume singulière. Les mots qu’il
choisit dans ses récits ont le pouvoir des images : colorés, frappants, incisifs.
Ils se déploient dans un mouvement cinématographique. La force de son
évocation de parcours d’adolescents tient également aux impressions,
visuelles mais aussi sensuelles, qu’il sait convoquer, et à sa perspicacité.
Avec C’est l’amour…, nous sommes plongés dans une histoire qui est déjà
commencée et qui se terminera sans nous. Un parallèle peut être établi
entre le style de l’auteur et la peinture de Van Gogh, nerveuse, dense et
parfois oppressante.
n Michelle Charbonnier
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Littératures
15 I
La Piste gauloise :
Titus Flaminius, T. 4
Dans ce quatrième tome, Titus Flaminius, jeune patricien, s’engage dans
l’armée de César partie à la conquête de la Gaule. L’empereur le charge
d’une mission secrète : aller à Bibracte sonder les sentiments des Eduens
à l’égard des Romains (nous sommes peu avant la révolte des Gaules).
Le soir de son arrivée, un riche notable gaulois est assassiné et Titus
s’engage à retrouver le coupable.
Si Jean-François Nahmias s’appuie, comme toujours, sur une solide
documentation, l’intrigue est, cette fois, un peu trop tributaire du cours de
l’histoire : lors de son enquête, Titus Flaminius se retrouve auprès de Jules
César pour participer à la conquête de la Germanie, puis de la
Bretagne. En outre, l’auteur se focalise sur certaines mœurs gauloises —
certes barbares —, comme les sacrifices humains, ce qui lui permet de
présenter les Romains comme les chantres de la civilisation. Enfin, la
résolution de l’enquête n’est pas tout à fait convaincante. Ce quatrième
tome est le moins réussi d’une série au demeurant très intéressante.
n Juliette Buzelin
16 I
Jean-François Nahmias
Albin Michel, 2006 (Wiz)
253 p.
13,50 €
2-226-17014-6
Genre
Policier
Roman historique
Mots clés
Rome antique
Pax Americana
En cette deuxième moitié de XXIe siècle, les États-Unis se sont coupés du
reste du monde en s’accaparant les ressources pétrolières et en en faisant
un usage exclusif. La Chine s’est tournée vers l’espace et la Confédération
européenne est devenue le royaume de la débrouille. Mais la pénurie d’or
noir menace et le temps de la réconciliation transatlantique est venu. C’est
dans un contexte à haut risque que le président américain s’apprête donc
à rendre une visite historique à son homologue du Vieux Continent. Car,
dans l’ombre, un groupuscule terroriste prépare un mystérieux attentat…
Malgré sa brièveté, c’est une œuvre d’anticipation très dense que nous
livre Roland Wagner. La tension ne cesse de monter à l’approche du
sommet international et les questions assaillent un lecteur aux prises avec
de multiples secrets judicieusement agencés qui constituent la clé de voûte
de l’édifice. Le baroque de certains des personnages et le dénouement
burlesque de ce récit enlevé en font un opuscule original. On regrettera
seulement que, faute de place, trop de zones d’ombre demeurent sur la
situation géopolitique d’arrière-plan, pourtant passionnante.
n Matthieu Rosy
« Novella SF » est une nouvelle collection lancée par le Rocher : les récits
courts et denses permettent une entrée dans le genre.ndlr
Lecture Jeune - juin 2006
Roland C. Wagner
Éditions du Rocher, 2005
(Novella SF)
91 p.
9,90 €
2-268-05635-X
Genre
Science-fiction
Roman d’anticipation
Mots clés
Energie
Humour
Secret
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Parcours de lecture
Livres accroche BD
17 I
Marguerite Abouet
Ill. Clément Oubrerie
Gallimard, 2005 (Bayou)
96 p.
15 €
2-07-057311-7
Genre
Chroniques
Mot clés
Afrique
Adolescence
Quotidien
Aya de Yopougon, T. 1
En 1978, en Côte d’Ivoire, plus précisément à Yopougon dans la
banlieue d’Abidjan, tous les soirs à 19 heures, la famille et les amis
d’Aya se réunissent pour visionner la campagne télévisée qui vante les
mérites de la bière Solibra. Pour cette première rencontre avec les
habitants de Yop City — « pour faire comme dans film américain » —,
les présentations sont faites par notre guide, la jeune Aya. Ici la vie est
douce, les filles sont belles et vont « gazer » — pas d’inquiétude, un petit
lexique en fin d’ouvrage nous éclaire : « sortir, s’éclater en boîte ou
ailleurs » — au Ça va chauffer pour rencontrer des « génitos » — « jeune
homme qui a de l’argent à gaspiller » —. Aya, bonne copine, gère les
amourettes, et les problèmes qui en découlent, de Binetou et Adjoua.
Quant à elle, pas question de s’en laisser compter : elle travaille et veut
devenir médecin. Contrairement à ses amies elle ne veut pas finir en
« série C » : coiffure, couture et chasse au mari !
Cette douce chronique de l’adolescence est pleine de fraîcheur, d’humour
et de tendresse. La langue est belle et vivante. Le récit, qui multiplie les
intrigues — amoureuses évidemment ! — et les rebondissements, est
captivant. Enfin l’illustration, déployant une gamme de couleurs
séduisantes, parvient à créer des atmosphères : tons acidulés de la
maison très ostentatoire de la famille de Moussa, rouge et mauve des
nuits d’Abidjan, bleu profond des lieux de rencontres secrets… Le
cadrage et le découpage font la part belle au mouvement, soutiennent le
rythme effréné de l’histoire et nous amènent à suivre les aventures d’Aya
de façon très cinématographique.
n Hélène Sagnet
Autre avis : Dans la Côte d’Ivoire d’avant la crise, les jeunes gens mènent
une vie joyeuse et insouciante. L’heure est aux sorties et à la drague,
première étape dans la quête du prince charmant. Pour sa première BD,
parfaitement maîtrisée, la franco-ivoirienne Marguerite Abouet s’est
inspirée de ses propres souvenirs. Elle livre dans une langue savoureuse
mâtinée d’argot ivoirien un récit rythmé et réjouissant comme un (très)
bon sitcom. Clément Abouet, optant pour un trait fin et des couleurs
chaudes, traduit toute la vivacité et le tempérament de personnages dont
on appréciera la drôlerie et le franc-parler. Vivement la suite !
n Gaëlle Glin
Aya de Yopougon est l’un des premiers titres de la collection « Bayou »
dirigée par le prolifique auteur Johann Sfar chez Gallimard (voir aussi la
notice 56 sur Klezmer de J. Sfar). L’ouvrage a reçu le prix du meilleur
premier album au dernier festival d’Angoulême. ndlr
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18 I
Victor Lalouz :
En route pour la gloire, T. 1
Cette bande dessinée hilarante nous dévoile les embûches qui attendent
les candidats à l’animation radio, et les pistons nécessaires. Se faire
passer pour le fils caché de Michel Drucker, n'est-ce pas une idée de
génie ? Victor Lalouz, c’est le débrouillard par excellence, même s’il vit
encore chez Maman et que les créatures féminines recèlent toujours à ses
yeux de nombreux mystères. Cela ne l'empêche pas d'être a-do-ré par
ses admiratrices, qui lui posent parfois à l’antenne des questions intimes
déstabilisantes ! Attachant, Victor nous entraîne dans son sillage, entre
ses séances chez le psy (qui a du pain sur la planche), ses animations
dans une radio où règne la loi de la jungle, et ses contacts avec une
collègue qu'il semble beaucoup apprécier pour son « charisme »…
Victor Lalouz est un looser hors du commun qui saura rassurer les garçons
complexés et perplexes vis-à-vis du sexe ! Les adolescents dans leur
ensemble seront évidemment sensibles au second degré du récit et au
style vif et décapant de l’auteur.
n Anne-Solène Lescaille
19 I
Diego Aranega
Poisson-pilote, 2005
48 p.
9,80 €
2-205-05760-X
Genre
Humour
Mots clés
Radio
Un pain c’est tout :
Yakitate Ja-pan !, T. 2
Dans ce second volume de Yakitate Ja-pan !, se poursuivent les aventures
délurées de nos mirlitons Kazuma Azuma (dont le nom et ses sonorités sont
déjà tout un programme) et Kawachi, tous deux en plein apprentissage
de l’art de faire du bon pain. Ils ont été acceptés dans une minuscule
succursale de Phantasia — la plus prestigieuse boulangerie du pays —
dirigée par Tsukino, petite-fille du fondateur. Nos héros auront affaire au
boulanger d’en face, suffisamment expérimenté pour leur voler tous leurs
clients ; un concours télévisé passablement loufoque organisé par les deux
établissements permettra alors de déterminer laquelle tient le haut du pavé.
Manga au trait et au scénario classiques, suivant le schéma du récit
d’initiation (le garçon a un talent évident pour un art quelconque et devra
se battre pour devenir le meilleur dans son domaine), Un pain c’est tout
séduit par un humour « second degré » tout à fait déjanté. Les dessins
eux-mêmes, dans leur emphase grotesque, sont hilarants. Il faut voir les
expressions de visage démesurément exagérées : si le pain goûté est
bon, le sourire remonte littéralement jusqu’aux oreilles, un léger filet de
bave dégouline sur le menton, les yeux se remplissent d’étoiles et un
paysage idyllique sorti d’on ne sait où apparaît derrière le personnage,
bien souvent en train de danser – ridiculement – pour exprimer son
plaisir…
n Léopold Romain
Lecture Jeune - juin 2006
Takashi Hashiguchi
Delcourt, 2006 (Akata)
189 p.
5,75 €
2-84789-942-1
Genre
Manga
Mots clés
Pain
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Parcours de lecture
Livres accroche Documentaires
20 I
Elisabeth Combres et
Florence Thinard
Michalon, 2006
140 p.
19 €
2-84186-294-1
Nouvelle édition
Mots clés
Violence
Conflits
Guerres civiles, rébellions armées, violences politiques ou sociales sont
le lot de nombreux pays parmi les plus pauvres, et les populations sont
les principales victimes de ces conflits qui ruinent l’économie, favorisent
les trafics en tout genre, provoquent des mouvements massifs de réfugiés
qui risquent de déstabiliser les pays voisins. Après ces généralités, les
auteurs présentent en trente-trois chapitres les pays en proie à la violence
ou qui connaissent actuellement une paix précaire. Pour chacun, ils
s’efforcent de démêler les origines du conflit, en relatent le déroulement
et cherchent à dégager des perspectives d’avenir.
La franchise du propos alliée à une présentation très claire, avec cartes,
photos et encadrés, un lexique et un index rendent cet ouvrage facile à
lire. Conçu pour des adolescents, il intéressera aussi les adultes, qui y
trouveront une information synthétique sur des sujets que les médias ne
traitent qu’à l’occasion de massacres ou de désastres humanitaires. La
description des évènements tient compte des évolutions les plus récentes.
Par rapport à la précédente édition (première édition 2001, deuxième
2003), les textes généraux ont été refondus pour une meilleure lisibilité,
et la mise en page a été améliorée.
n Jean Ratier
21 I
Olivier Rose
Ill. Emmanuel Cerisier,
Jacky Jousson et Philippe Lhez
Gulf Stream, 2005
(Sauvegarde)
30 p.
12,50 €
2-909421-36-8
Mots clés
Arbres
Ecologie
Mondes rebelles junior
Des arbres
Ce livre attrayant, aux illustrations vivantes et fouillées et à la mise en
page claire, invite à un voyage au cœur du bois. L’auteur offre une
description de l’anatomie et de la culture de ce tissu végétal en France ;
celle-ci nécessite une gestion rigoureuse car bien des pans de notre
économie en dépendent. La récolte, les scieries, les constructions et même
la fabrication de la pâte à papier n’ont plus de secrets pour nous. Et,
sauvegarde oblige, O. Rose sensibilise aux fonctions écologiques
essentielles des forêts — dépollution de l’eau, protection des sols,
conservation de la biodiversité — et met en garde contre leur destruction,
notamment en Amazonie. Il nous raconte aussi combien les arbres ont
nourri l’imaginaire des hommes (mythologie, symbolique…). Simple mais
riche de détails intéressants, ce documentaire pourrait donner aux jeunes
des idées de métiers passionnants.
n Brigitte de Bergh
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22 I Enfants
d’ici, parents d’ailleurs :
Histoire et mémoire de l’exode rural
et de l’immigration
Voici un grand et bel ouvrage illustré, à la couverture souriante, que son
titre résume : des enfants d’aujourd’hui, en France, racontent l’immigration
de leur famille, mêlant souvenirs, histoire et vie quotidienne. Ces récits
s’insèrent dans un découpage en cinq grandes périodes — de 1850 à
2005 —, de l’exode rural français à la mondialisation, parcourant la
révolution industrielle, les deux guerres et la décolonisation, événements à
l’origine des grands mouvements de populations. Une synthèse
documentaire donne les repères historiques et économiques qui permettent
de replacer les moments évoqués par les enfants dans leur contexte. On
trouve, en écho, des témoignages recueillis par Radio France sur les thèmes
suivants : partir, voyager, travailler, apprendre, se loger, se souvenir. Les
textes, éclairés et soutenus par cinq illustrateurs talentueux et sensibles ainsi
que par de nombreuses photos et documents d’archives, sont accessibles
aux plus jeunes. Un index détaillé, des questions-réponses, un choix de
romans jeunesse pour élargir le sujet complètent ce documentaire riche. Il
constituera un bel outil pour les classes et une base de discussion en famille.
Très beau départ pour cette nouvelle collection !
n Majo Loth
Carole Saturno
Ill. O. Balez, F. Burckel,
B. Dubois, R. Perrin
Gallimard Jeunesse, 2005
(Par quatre chemins)
144 p.
22,90 €
2-07-057175-0
Mot clés
Immigration
Origines
Mémoire
23 I Les Mondes manga
Offrir des repères dans la production abondante de bandes dessinées
japonaises, voici le but de ce documentaire attrayant, à feuilleter comme
un catalogue à deux entrées : les principaux créateurs de mangas —
depuis Tezuka, le premier mangaka — et les séries les plus remarquées.
Il offre une véritable mine d’informations sur tous les genres (shojo,
shonen, seinen) et les catégories (anime, manga pop ou manga
politique...). Les choix de cet ouvrage non exhaustif sont intéressants.
Intercalés entre ces deux parties, des reportages montrent l’impact de la
culture manga dans la vie quotidienne : salarymen s’adonnant à la
lecture dans le métro ou cosplayers endossant le costume de leur
personnage préféré pour se retrouver le week-end dans les quartiers
branchés de Tokyo. Les lecteurs adolescents trouveront des photographies
captivantes des héros, des ateliers des créateurs et des mangakissas, ces
cafés-mangas ouverts nuit et jour… Ce livre plaisir est à prescrire aux
détracteurs de mangas pour vaincre leurs préjugés sur la mauvaise
qualité graphique ou la complaisance à la violence. Clin d’œil
humoristique : sa lecture est proposée dans le sens japonais, de droite à
gauche.
n Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - juin 2006
Jérôme Schmidt
Photographies
Hervé-Martin Delpierre
EPA, 2005
182 p.
29,90 €
2-85120-624-9
Mot clés
Manga
Japon
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Parcours de lecture
Et après Littératures
24 I Mon pire ami
Frank Andriat
Grasset Jeunesse, 2006
(Lampe de poche)
135 p.
8,30 €
2-246-70181-3
Genre
Roman psychologique
Mots clés
Folie
Hôpital psychiatrique
Un garçon de seize ans est interné dans une institution psychiatrique. Le
message — réel ou fantasmé — qu’il adresse à son médecin nous
permet de suivre son cheminement intérieur.
Bien qu'on soit tenu informé de ce qu'il mange, de ce qu'il avale comme
« médocs », de ce qu'il éprouve pour sa jeune et jolie co-pensionnaire,
ce n'est ni un défilé de menus, ni d'ordonnances, ni un récit du type Les
exploits d'un jeune don Juan (Apollinaire)... C'est nerveux, non
conventionnel, hurlant et respectueux à la fois, ça emporte et ça laisse
le lecteur vidé et content. Il y a, bien sûr, les grands conflits attendus,
entre générations (je vs parents), entre individu et système, entre sexes...
Il y a, également, des âmes généreuses (camarades de lycée, et même
un prof de français au patronyme délicieux et signifiant, M. Bonheur). Il
y a, surtout, le conflit qui n'émerge que peu à peu, entre Dan, l'interné,
et le double qu'il s'est inventé dès l'âge de cinq ans pour survivre, Stany.
Je suppose que, côté psy, ça prend le doux nom de schizophrénie.
Pourquoi pas ? Le plus beau se trouve dans les pages où le je et l'autre
combattent. Le tout est donc sombre et modérément optimiste, tendre et
grossier... à l'image de la vie ? Comme souvent, il reste une épreuve à
passer : celle qui fait qu'un coup de coeur supporte la relecture (les
relectures) sans s'abîmer.
Vladimir Floréa
Autre avis : Depuis qu’il a cinq ans, Dan a un ami imaginaire, Stany.
Avec lui, il partage tout : ses doutes, ses peines et ses craintes, mais
surtout la haine de son père, un homme méchant et brutal. Stany est tout
le contraire de Dan : il est beau, sûr de lui, fort et séduit les filles. A seize
ans, Dan se sent rejeté. Son instabilité le conduit dans un institut
psychiatrique. Stany devient gênant le jour où il essaie de prendre le
corps et la place de Dan : peut-être n’est-ce pas un si bon ami…
L’auteur aborde le thème de la schizophrénie avec beaucoup de
délicatesse. Le texte rend très bien l’évolution de Stan et la façon dont il
sombre progressivement dans la maladie. Un récit poignant et très juste
à découvrir !
Maryon Wable-Ramos
Réseau de lecture : Sur le thème des adolescents admis en institution
psychiatrique, on peut lire aussi La vie peut-être d’Arnaud Cathrine
(notice 27), Manga de Guillaume Guéraud (Rouergue, 2005, voir
LJ n° 115, notice 29) et Un jour mon prince de Shaïne Cassim
(Grasset Jeunesse, 2001). ndlr
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25 I
Petite
Court, poignant et d’inspiration autobiographique, Petite fut l’un des
premiers récits sur l’anorexie. Bien avant Lucille de L. Debeurme (voir
notice 35), Thornytorinx de C. de Peretti (Belfond, 2005), Jusqu’aux os
de C. Galea (Rouergue, 2003) ou Sobibor de J. Molla (Gallimard
Jeunesse, 2003), il dressait le portrait lacunaire d’une adolescente
dévorée par sa volonté de devenir légère, transparente, pure — maigre
à faire peur, diront les autres. L’ouvrage reparaît en format poche onze
ans plus tard, dans un contexte renouvelé. L’anorexie, régulièrement
disséquée sur les plateaux de télévision, n’est plus taboue. Et elle touche
désormais 1% de la population, essentiellement des jeunes filles aisées.
Nouk est l’une de ces survivantes. Elle absorbe le lecteur dans son
monologue intérieur, elle l’enferme dans sa logique implacable. Ignorant
les suppliques des parents, les ordres des médecins, la rumeur de la
foule, Nouk garde son cap. Nouk n’écoute que la petite voix qui lui dicte
de plus en plus fermement qu’il faut contrôler son corps, maîtriser jusqu’à
ses fonctions vitales. L’intégrité — la folie, diront les autres — est à ce prix.
Le silence insondable dans lequel Nouk se mure est à la mesure du flot
de mots trop lourds qui l’emporte. Nouk guérira. Geneviève écrira.
Gaëlle Glin
Geneviève Brisac
L’école des loisirs, 2005
(Médium)
164 p.
9€
2-21-108157-6
Réédition
Genre
Autofiction
Mots clés
Anorexie
Isolement
26 I C’est tout de suite le soir
Treize chapitres, treize instants de la vie de Myrtho — de « moins huit
secondes » à « vingt ans moins une minute » — qui dressent un beau
portrait d’adolescente. Dans le prologue, la naissance, la force et la
personnalité de la jeune femme qu’elle deviendra sont posées : « J’ai eu
la certitude que Joao et Alicia Figueira [ses parents] étaient des gens
formidables, comme on peut l’être chacun à un moment ou à un autre de
son existence, mais ils ne m’intéressaient déjà plus ». Chaque âge trouve
une voix juste, et au fil des chapitres la personnalité de l’enfant s’affirme,
notamment dans un contact privilégié avec un grand-père libre et
différent. Alors qu’un rythme régulier s’est installé, au milieu de l’ouvrage
se produit une rupture et un basculement. Myrtho décide qu’elle ne fera
pas ce qu’on attend d’elle. Ses doutes et son malaise grandissent : « Je
me sentais comme quelqu’un qui ne veut rien ».
La voix de Shaïne Cassim est singulière. Tout ici est nuance. Cette
adolescente « sans problème », éprise d’indépendance, n’est confrontée
qu’à elle-même, à sa sensibilité et à ses fêlures. Qu’est-ce qu’on désire
vraiment à dix-sept ans ? Le roman dit très justement le temps qui passe,
la difficulté à être et à se construire.
Hélène Sagnet
Lecture Jeune - juin 2006
Shaïne Cassim
Pocket Jeunesse, 2005
122 p.
6€
2-266-15885-6
Genre
Roman intimiste
Mots clés
Deuil
Grand-père
Adolescence
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Et après
27 I
Arnaud Cathrine
L’école des loisirs, 2006
(Médium)
102 p.
8,50 €
2-211-082-50-5
Genre
Roman intimiste
Mots clés
Anorexie
Hôpital psychiatrique
Florian a perdu Sofia. La jeune fille qui partageait tout avec lui — les fous
rires, les petits mots en classe, les secrets — s’est laissée mourir. Son
anorexie l’a conduite entre les murs d’un centre psychiatrique pour
adolescents, où le pire n’a pu être évité. Florian ne se remet pas de cette
disparition. Le garçon taciturne se fait admettre un an après Sofia dans ce
centre où il était venu lui rendre une ultime visite : « La dernière image que
j’ai de toi, c’est dans cette chambre. Avant qu’ils te transfèrent au service
des soins intensifs. Ton visage était déjà squelettique. Je pensais que je
reviendrais te voir. Mais pas comme aujourd’hui. Pas pour chercher des
traces de toi. Introuvables traces. » Aucun soignant ne se souvient de
Sofia. Alors Florian se demande ce qu’il fait là. Medhi, l’éducateur, se le
demande aussi. Lui seul parviendra à briser le silence dans lequel Florian
s’est enfermé, à lui faire entrevoir « la vie sans questions incessantes, la
vie sans rien pour nous rendre lourds de nos fantômes. La vie peut-être. »
Arnaud Cathrine livre un récit ténu et sensible. Pour dresser le portrait de
deux êtres sur le fil, il a choisi l’esthétique de l’épure. La voix de Florian
est froide et blanche comme les murs de l’hôpital. Les mots, rares et bien
pesés, qui défilent dans sa tête disent inlassablement la douleur qui isole,
le désert après la perte.
Gaëlle Glin
28 I
Deborah Ellis
Trad. de l’anglais (Canada)
par Anne-Laure Brisac
Livre de Poche Jeunesse, 2005
(Enfants du monde)
254 p.
5,50 €
2-01-321154-6
Genre
Roman social
Mots clés
Afrique
Sida
La vie peut-être
Binti, une enfance
dans la tourmente africaine
Un très beau visage de jeune fille africaine invite à entrer dans ce roman
écrit à la première personne, dont le titre en anglais est La Boutique du ciel.
Celui-ci trouve un écho dans l’histoire : le papa de Binti fabrique des
cercueils pour son village, sous l’enseigne « Les Portes du paradis ». On
regrette une fois encore la tendance des collections françaises à remplacer
un titre poétique et significatif par un énoncé banal, de type
documentaire…
L’histoire de Binti est très marquée par la mort : son pays, le Malawi, est
ravagé par le sida. Si l’enfance est toujours présente, les sujets abordés
sont graves. L’héroïne avance, de l’insouciance à la maladie, l’abandon,
la pauvreté, qu’elle décrit avec délicatesse, sans atténuer une réalité très
dure. Le travail de prévention est mis en avant par l’auteur. Les couleurs et
les parfums du Malawi sont exotiques pour les lecteurs d’ici, mais les
émotions qui agitent Binti sont celles de nombreux jeunes. Ce récit prenant,
sensible et édifiant n’omet ni l’avidité des uns, ni la générosité des autres.
Facile à lire, il est servi par une écriture fluide et une traduction
impeccable.
Majo Loth
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Littératures
Lecture croisée
29 I Je mourrai pas gibier
L’ouvrage s’ouvre sur la question du « pourquoi » : « Des raisons on peut
en trouver. Des bonnes et des mauvaises. En pagaille. Mais c’est pas mon
boulot ». Viennent les chiffres, le décompte macabre, « cinq morts ». Puis
l’horreur, « Parce que je ne me suis pas servi que du fusil. Le fusil est venu
après. D’abord j’ai pris les premières choses qui me sont tombées sous la
main. Une vieille pelle qui traînait dans le garage. Et un marteau… ». Fin
du premier chapitre. Ensuite l’adolescent raconte, déroule son quotidien,
celui de Mortagne, village paumé où deux clans se font la guerre, ceux de
la scierie et ceux de la vigne. Ici tout est violence et bêtise. Le narrateur
dresse des portraits sans concession de son entourage, des gens stupides
et cruels, des salauds et des lâches, des « bourrins »… Martial les méprise
mais ces tentatives de « fuite » échouent. Alors il s’est inscrit en mécanique
pour être en internat et « histoire de faire chier tout le monde ». Un fait
terrible transformera le mépris en haine et fera basculer le narrateur vers la
violence, le carnage que décrivent les trois derniers chapitres du livre.
La littérature et le cinéma se sont déjà emparés de ce sujet bientôt de l’ordre
du fait divers. Guillaume Guéraud signe quant à lui un récit d’une grande
force et d’une tension extrême. L’écriture, très visuelle, sèche et sonnante,
sert parfaitement le propos. Son parti pris, sur une forme si courte, est de
nous faire adopter le point de vue subjectif et arbitraire d’un adolescent et
de nous confronter aux faits — en une sorte d’expérience — plus qu’à
l’évolution psychologique du personnage. La peinture sociale qui en
découle est sans nuance aucune. Ce qui très vite peut conduire au malaise.
Nous sommes pris à parti, nous jugeons, nous aussi, ces personnages,
hommes chasseurs et femmes coiffeuses, bouseux de la campagne... Et ce
regard là peut être difficilement supportable.
Hélène Sagnet
Autres avis : Bienvenue dans la tête d’un adolescent excédé par la bêtise
et la cruauté de son entourage et que les circonstances conduiront au
meurtre collectif. Guillaume Guéraud signe un récit dérangeant et d’une
efficacité remarquable. Les mots sont assenés comme des coups de
poings, les phrases brèves claquent ainsi que des coups de fouet.
Pourtant c’est de la genèse d’un massacre à la carabine dont il est
question ici. La thématique rappellera immédiatement des films tels que
Elephant de Gus Van Sant ou Bowling for Columbine de Michael Moore,
inspirés de faits divers qui avaient horrifié l’Amérique. Je mourrai pas
gibier s’en démarque cependant en donnant au tueur, animé d’un désir
de vengeance répréhensible mais compréhensible, plus de valeur qu’à
ses victimes : il ne s’agit pas ici d’innocents lycéens mais de « bourrins »
odieux.
Gaëlle Glin
Lecture Jeune - juin 2006
Guillaume Guéraud
Le Rouergue, 2006
(doAdo noir)
76 p.
6,50 €
2-84156717-6
Genre
Roman noir
Mots clés
Violence
Adolescence
Faits divers
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Et après
Martial est un adolescent que la bêtise des adultes de son village a
poussé à partir ailleurs, vers un autre avenir possible. Le retour qui devait
être festif, puisque mariage il y a, se révèle apocalyptique. Martial se
transforme en « liquidateur » : il faut réparer l’immense injustice commise
par ses congénères villageois, à savoir l’agression réitérée de l’idiot du
village.
C’est un roman bref, frappant. Il bouscule en posant des questions
déroutantes. Comment accomplir son destin : subir ou partir, se taire ou
réparer ? Le choix est fait, l’écriture magistrale en est l’outil. Comment
peut-on basculer du côté de « l’inhumain », quelle fragilité est en jeu ?
Face à ce livre bouleversant, la frontière ados / adultes est abolie. A
conseiller et à accompagner.
Michelle Charbonnier
Les éditions du Rouergue créent l’événement avec ce premier roman de
la collection DoAdo noir. Je mourrai pas gibier est un récit poignant dont
on ne peut se défaire avant d’avoir lu la dernière page. Guillaume
Guéraud décrit les sentiments avec beaucoup de force, retraçant
l’engrenage de brutalité dans lequel s’enferme peu à peu Martial, jusqu’à
commettre un acte irréparable. Ce texte violent ne laissera aucun lecteur
indifférent et suscitera à coup sûr le débat. Contrairement à ce que pourrait
laisser penser sa présentation, ce livre est réservé à des lecteurs matures,
et ne peut être mis entre toutes les mains.
Maryon Wable-Ramos
30 I J’irai avec toi par mille collines, T. 1
Le chemin du retour, T. 2
Hanna Jansen
Trad. de l’allemand par
Sabine Wickaert-Fetick
Livre de poche Jeunesse
(Enfants du monde),
2004 et 2005
256 p. et 160 p.
5,50 € et 4,80 €
2-01-322286-6
2-01-322288-2
Genre
Témoignage
Mots clés
Rwanda
Génocide
L’allemande H. Jansen a adopté au sein d’une nombreuse fratrie Jeanne
d’Arc Umubieyi (celle qui offre la vie), petite rwandaise tutsie de huit ans
qui lui a immédiatement donné toute sa confiance. Jeanne a voulu parler,
raconter son histoire. Hanna a longuement écouté puis elle a écrit, histoire
de bâtir « un pont qui nous mène par-delà l’insoutenable ».
Ce témoignage véridique et poignant est paru en deux tomes. Le premier
évoque l’enfance heureuse, en zone rurale, de Jeanne, son frère et sa petite
sœur auprès de parents aisés, cultivés et attentifs à leur éducation. La folie
meurtrière hutue saccage tout et Jeanne, rescapée miraculeusement, voit
disparaître son père, sa sœur et massacrer sa mère et son frère. Dans le
deuxième tome, Jeanne, recueillie avec d’autres jeunes tutsis par une
ancienne voisine hutue, effectue, pour regagner un village assez éloigné,
un dangereux périple au cours duquel elle frôle à nouveau la mort. Après
bien des péripéties, elle rejoint un groupe armé tutsi qui, suprême épreuve,
lui fait revoir son ancien village. Elle sombre alors dans la maladie et une
sorte de sidération autistique. Seul le souvenir de l’existence d’une tante en
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Littératures
Allemagne, en lui offrant une porte de sortie, lui redonne goût à la vie.
Ce récit implacable, sans fioriture ni emphase, parle de lui-même et fait
naître une grande émotion. Il peut paraître à certains moments
insupportable. H. Jansen le ponctue de courtes scènes de la vie actuelle de
Jeanne, de ses propres pensées et de réflexions faites en famille à propos
du manuscrit. Les interrogations sur la culpabilité des uns ou des autres, sur
les possibilités de pardon, les explications possibles du génocide sont
fondamentales. D’autres passages semblent un peu plus didactiques.
Réseau de lecture : Ce récit à proposer à tous dès les années collège peut
être complété au lycée par le témoignage d’E. Mujawayago, Survivantes
(L’Aube, 2004) ainsi que par ceux des rescapés — Dans le nu de la vie
(Seuil, 2000, voir LJ n° 98, p. 59) — et des tueurs — Une saison de
machettes (Seuil, 2003), Prix Médicis essais — rassemblés par J. Hatzfeld.
Marie-Françoise Brihaye
31 I Le Sortilège de la dague
A Deverry, le sort semble sourire au prince Galrion : de lignée royale, il
est aimé de la plus belle femme du royaume, la délicate Brangwen. Mais
c’est sans compter avec la passion vouée par Galrion au dweomer, art
suprême de divination et de spiritualité, et avec la jalousie excessive de
Gerraent, le frère de Brangwen. Quand sa jeunesse et son entêtement
finissent par causer la mort de sa promise et la disgrâce de son clan,
Galrion, devenu le puissant magicien Persaunn, n’aura de cesse pendant
plusieurs siècles de sauver les âmes réincarnées des victimes de cette
tragédie, en vain… jusqu’au jour où Jill, une étrange fille de mercenaire,
vient au monde.
Katharine Kerr ouvre avec brio son célèbre cycle de Deverry, monument
de l’heroic fantasy. Riche de l’imaginaire traditionnel et envoûtant des
mythes celtiques où, dans un monde d’errances, d’amours et de combats,
gnomes et guerriers côtoient bardes, elfes et beautés diaphanes, ce roman
sait également déployer sa propre originalité. Multipliant les récits
imbriqués, voyageant d’une époque à une autre, faisant la part belle à
l’intériorité dense de ses personnages, la narration déroule une intrigue
complexe et haletante où se mêlent forces surnaturelles, complots de cour
et péripéties amoureuses. D’ores et déjà une référence de la fantasy, qui
devrait satisfaire les amateurs du genre sans pour autant désarmer les plus
novices.
Matthieu Rosy
32 I Olivia Kidney
Le père d’Olivia Kidney est gardien d’immeuble. Un gardien maladroit
qui change fréquemment de travail et conduit sa fille à quitter tout aussi
souvent les établissements scolaires. Ce nouvel endroit semble être le pire
Lecture Jeune - juin 2006
Katharine Kerr
Trad. de l’anglais par
Marguerite Roger
Mnémos, 2005
467 p.
23,50 €
2-915159-57-2
Genre
Fantasy
Mots clés
Magie
Aventure
Légende
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Et après
Ellen Potter
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Nathalie M.-C. Laverroux
Seuil Jeunesse, 2006
134 p.
10 €
2-02-078822-5
Mots clés
Adolescence
Imaginaire
Deuil
de tous. Ayant égaré ses clefs, la jeune fille se retrouve à la porte de son
appartement. Elle va rencontrer les habitants des lieux, de bien curieuses
personnes : dans un appartement tout en verre, une femme intarissable
sur son amie la princesse en exil, Christina Lilli ; dans un autre, une
famille de douze enfants qui élève chèvres et poules ; un espace proche
de la forêt tropicale où les hommes se transforment en lézards… Tous lui
raconteront de surprenantes histoires. Peut-être parce qu’Olivia elle-même
est une jeune fille un peu étrange, qui parle seule, lit des ouvrages de
spiritisme et voit régulièrement la psychologue scolaire.
Olivia Kidney est le premier ouvrage d’Ellen Potter publié en France. Il
nous propose, on l’aura compris, un univers inhabituel et un personnage
très singulier. Olivia pourrait avoir quelque chose d’Alice, s’il n’y avait
ce trouble de l’adolescence et cette fêlure bien réelle. La lecture est un
véritable plaisir, puisque d’un appartement à l’autre, sans lien apparent,
on nous raconte des histoires ! Ces vrais faux récits merveilleux, proches
du conte, ne sont pas sans évoquer Big Fish de Tim Burton, qui posait
aussi la question de l’identité, notamment face à la mort. Entre réel et
imaginaire, fantaisie et douleur du quotidien, Olivia Kidney est un
ouvrage étonnant à découvrir.
Hélène Sagnet
33 I Maintenant, c’est ma vie
Meg Rosoff
Trad. de l’anglais
par Hélène Collon
Albin Michel, 2006 (Wiz)
239 p.
12 €
2-226-17006-5
Genre
Roman d’apprentissage
Roman d’anticipation
Mots clés
Horreur
« Avant la guerre je ne me rappelle presque rien — pas de quoi écrire
un livre, contrairement à ce qui va suivre. » Avant que la troisième guerre
mondiale n’éclate, Daisy est une adolescente ordinaire qui fait payer à
son père son remariage en maigrissant à vue d’œil.
Désemparé, celui-ci confie Daisy à sa tante Penn. Dans la campagne
anglaise, la new-yorkaise apprend à aimer cette tante maternelle et ces
cousins qu’elle ne connaissait pas. Penn s’envole pour une conférence à
Oslo. Livrés à eux-mêmes, tout à leur joie de prendre possession librement
de la ferme, les cinq enfants ne voient pas le temps passer. Ils ne
s’inquiètent pas de l’absence prolongée de Penn, ils ignorent tout du
conflit qui gronde. Mais des bruits les rattrapent : des bombes ont éclaté
à Londres, des terroristes ont pris possession de l’Angleterre, désormais
isolée du reste du monde. Isolés, les enfants souhaiteraient le rester, blottis
dans le petit cocon qu’ils se sont créé. D’autant que Daisy et Edmond ont
noué une relation sensuelle et fusionnelle. Mais la ferme est réquisitionnée
et les cousins sont séparés : Daisy et la petite Piper sont attendues dans
une lointaine famille d’accueil tandis qu’Edmond, Isaac et Osbert sont
pris en charge par des voisins. Ils jurent de se retrouver.
Meg Rosoff signe un premier roman bouleversant. Nous sommes dans la
tête de Daisy lorsqu’elle traverse ce rêve ouaté, puis le cauchemar
assourdissant de la guerre. Son monologue intérieur, les discours qu’elle
rapporte au style indirect libre rendent comptent de la confusion qui
Lecture Jeune - juin 2006
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Littératures
règne. Cette guerre la plonge dans le flou, elle n’y comprend rien, elle
ne sait que le bonheur d’avoir, un jour, trouvé une véritable famille. Nous
faisons corps avec cette adolescente libre, ironique, et plus forte qu’elle
n’y paraît. Auprès de Piper, elle assume un rôle presque maternel. Et pour
regagner son paradis perdu, elle bravera tous les dangers. Gaëlle Glin
Ce roman de Meg Rosoff a eu un écho retentissant en Angleterre et aux
Etats-Unis, où il a notamment décroché les prix Guardian et Michael L.
Printz.ndlr
34 I
La porte de Ptolémée :
La trilogie de Bartimeus, T. 3
Jonathan Stroud n’est pas homme à se reposer sur ses lauriers et une
inspiration toujours renouvelée reste sa marque de fabrique. Sa trilogie
de Bartimeus se clôt donc dans le feu, le sang et la terreur. Trois voix
alternent dans ce gros volume de six cents pages : celle de Nathaniel
devenu Mandrake le ministre, de Bartimeus le djinn désormais
constamment au service du premier, et de Kitty la plébéienne résistante
qu’on croyait morte ! La tonalité du récit s’assombrit d’emblée :
Mandrake fait un piètre ministre auquel on ne fait plus confiance,
Bartimeus, qui n’a pu se régénérer, perd certains de ses pouvoirs et Kitty
se cache, tout en s’initiant à la magie. Outre la guerre au loin, émeutes
et révoltes se multiplient et la lutte au sommet entre magiciens atteint son
paroxysme. Affaiblis, les trois héros vont devoir unir leurs forces pour
tenter d’éviter à tout prix l’apocalypse qui menace Londres et, à terme, le
monde terrestre. L’auteur ne manque pas d’audace : pas de happy end,
chacun des trois personnages devra, à sa façon, se sacrifier ! Excepté
une ou deux figures totalement démoniaques, les protagonistes,
ambivalents, sont déchirés en leur for intérieur ; le récit y gagne en
tension dramatique et en effets de surprise, les relations interpersonnelles
en complexité. La satire politique vise les rapports de classes et la course
au pouvoir. Mais elle laisse place au monde spirituel, symbolisé par la
porte de Ptolémée, ouverture sur l’au-delà. A nouveau, Jonathan Stroud
séduit par une fantasy créative que colorent alternativement l’humour et
l’horreur.
Marie-Françoise Brihaye
Lecture Jeune - juin 2006
Jonathan Stroud
Trad. de l’anglais
par Hélène Collon
Albin Michel, 2005 (Wiz)
615 p.
17 €
2-226-15926-6
Genre
Fantasy
Mots clés
Apocalypse
49
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Parcours de lecture
Et après BD
35 I
Ludovic Debeurme
Futuropolis, 2006
544 p.
27,90 €
2-75480-051-4
Mots clés
Adolescence
Anorexie
Amour
Lucille a seize ans. Elle est anorexique. Arthur a dix-sept ans. Enfant, il
accompagnait son père au bar et comptait les verres. Depuis, il dénombre
toujours tout et a pris l’habitude d’aller chercher son père trop saoul.
Jusqu’au jour où cet homme tourmenté se suicide. Arthur et Lucille se
rencontrent, se comprennent et décident de partir. Ensemble, au fil de leur
voyage, ils se renforceront et s’épanouiront, libres et amoureux.
L. Debeurme accorde à ses personnages plus de cinq cent pages pour
tenter de se construire et de s’aimer. Le temps aussi pour le lecteur de trouver
la bonne distance et de gérer la proximité offerte, la confrontation avec des
corps abîmés, visages angoissés et cauchemars révélés. L’ouvrage pourrait
se rapprocher du graphic novel, mais ici c’est bien l’illustration qui façonne
le récit. Pleine page, dessin au trait, le livre comme espace de liberté... La
voix des adolescents, leurs interrogations et échanges sont justes. Le
personnage d’Arthur, fils d’un marin polonais violent et alcoolique, pose
douloureusement la question de la filiation et parvient à nous émouvoir.
Parfois pourtant on peut ressentir un petit manque de sincérité de l’auteur,
un peu trop « appliqué ».
Hélène Sagnet
Retrouvez la « rencontre avec… » Ludovic Debeurme dans le n° 113 de LJ.
ndlr
36 I
D’après l’œuvre originale de
Anh Do-Hyun, adaptée par
Chi Kyu-Sok et Byun Ki-Hyun
Trad. du coréen
par Yeong-Hee Lim
et Françoise Nagel
Kana, 2005 (Made in Japan)
203 p.
18 €
2-87129-867-X
Genre
Manhwa
Mots clés
Adolescence
Corée
Lucille
Nouilles Tchajang : Souvenirs
lointains de mes 17, 18 ans…
Adapté d’un roman coréen, ce récit intimiste illustré, peut-être
autobiographique, évoque le quotidien d’un adolescent de dix-sept ans.
Celui-ci abandonne le lycée pour un petit boulot de livreur de nouilles dans
la banlieue de Séoul. Deux illustrateurs ont collaboré à ce manhwa qui nous
plonge dans un univers aux couleurs orangées : des aquarelles plus
proches de la bande dessinée franco-belge que du manga japonais. Fils
d’un instituteur et d’une femme de ménage, le jeune garçon a choisi de
devenir autonome pour fuir l’ambiance de cette famille en apparence
parfaite; le père, tendre et attentionné pour son fils, frappe pourtant sa
femme qui assume volontiers le rôle de victime. Beaucoup d’émotion passe
dans l’évocation de cette violence domestique, heureusement
contrebalancée par des instants de bonheur intense, comme une virée en
moto, un coucher de soleil et un premier amour…vite trahi. La vie d’adulte
sera-t-elle plus facile que l’enfance ?
Cécile Robin-Lapeyre
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37 I Ecoloville
2015. Le brusque réchauffement du climat et la montée des eaux obligent,
d’urgence, à la construction d’une cité capable de reloger vingt millions
de personnes. Avant la mise en route des travaux, une commission
d’experts est envoyée à Ecoloville. Fondée en 2008 par les écologistes,
cette mégalopole est le seul modèle de ville verte. Tout devrait y être
merveilleux ! Or la voiture polluante y règne en maître et les forêts,
« réserves naturelles », sont des zones de non-droit. Les déchets sont
devenus un nouvel « or noir » convoité par l’Etat et, aussi, par une société
privée : Tricel. L’auteur, lucide, propose une utopie écologique réaliste en
montrant les limites inhérentes à tout projet politique. Son humour grinçant
permet d’entrer dans les débats actuels sur la pollution de manière
originale. Cette œuvre « d’anticipation et non pas de science-fiction »
présentant des innovations déjà testées, comme le souligne Duhoo, pose
la question de la valeur positive du progrès.
Agnès Donon
38 I
Jean-Yves Duhoo
Hachette Littératures, 2006
(La Fouine illustrée)
94 p.
14 €
2-01-235940-X
Mots clés
Ecologie
Le Désespoir du singe :
La Nuit des lucioles, T. 1
Un vent révolutionnaire souffle sur les destins de Josef, peintre avorté, et
d’Edith, sa cousine artiste et collectionneuse d’hommes. Nous sommes au
début du XXe siècle, dans une petite ville de pêcheurs, au bord d’une mer
intérieure menacée de disparition. Le pouvoir politique entend l’assécher
pour alimenter en eau les nouvelles exploitations agraires. Et la milice veille
au grain. L’album évoque la Russie de 1917, sans jamais la nommer, et le
sort funeste qu’elle réserva à la mer d’Aral et aux villages alentours. Mais,
loin de tout réalisme, le dessin d’Alfred anime des lieux et des personnages
singuliers, car fantasmés : l’architecture de la ville fait se rencontrer l’Orient
(dômes orthodoxes) et l’Occident (maisons de bois au toit pointu); les
silhouettes graciles portent des costumes difficiles à dater ; les miliciens sont
des créatures fantastiques, ombres chinoises au casque à pointe et aux
yeux injectés de sang… Le chaos qui règne n’épargne pas Josef. Alors qu’il
s’apprête à quitter la ville avec sa promise, il croise le chemin de Vespérine,
muse au charme vénéneux mariée à un révolutionnaire impotent. Cette
rencontre bouleversante a lieu lors de la nuit des lucioles : chaque année,
à la même période, la tradition veut que les dames chassent ces insectes
lumineux pour en orner leurs cheveux, espérant ainsi « un hiver doux, une
pêche abondante, et le retour à bon port de leurs hommes ». La flamme de
la passion s’allume entre les deux jeunes gens :
« Tu vois cet arbre, Josef ? On le surnomme "le désespoir du singe" car il
ne laisse aucune prise à l’escalade. Notre liaison est comme cet arbre. Elle
ne peut se laisser envahir par les sentiments. » La suite de cette magnifique
fresque permettra-t-elle à un amour épineux de croître ?
Gaëlle Glin
Lecture Jeune - juin 2006
Jean-Philippe Peyraud
Ill. Alfred
Delcourt, 2006
48 p.
12,90 €
2-84789-429-2
Mots clés
Révolution
Russie
Amour
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Parcours de lecture
Et après Documentaires
39 I
Frédéric Denhez
Autrement, 2005
(Atlas / Monde)
80 p.
15 €
2-7467-0731-4
Mots clés
Climat
Effet de serre
Atlas de la menace climatique :
Le réchauffement de l’atmosphère,
enjeu numéro un de notre siècle
Le réchauffement de l’atmosphère et de la planète est un excellent exemple
de mondialisation. Avant d’analyser ce phénomène, cet atlas à
l’iconographie exemplaire commence par expliquer les mécanismes du
climat « naturel » de la terre (c’est à dire avant l’intervention humaine) et
évoque logiquement ce qu’on sait du passé des climats, de leur histoire. Une
fois ces repères posés, on peut aborder la notion contemporaine de
réchauffement climatique dans toute sa complexité, en détailler les nombreux
indices (montée du niveau des océans, fonte des glaces, migration des
isotopes, etc.) et émettre des hypothèses sur les causes (effet de serre dû aux
émissions croissantes de CO2, méthane et gaz notamment). Après avoir
esquissé différents scénarios à l’horizon 2100, dont le point commun est la
plus grande incertitude, l’auteur envisage les mesures à prendre dès
maintenant, individuellement et collectivement, pour réduire l’effet de serre.
Toutes sont centrées sur les économies d’énergie et le développement de la
production d’énergies renouvelables. Seul un comportement citoyen et
solidaire à l’échelle de la planète permettrait une régulation climatique à
moyen ou long terme. Le lecteur, que cette vulgarisation claire et précise aura
stimulé, trouvera matière à approfondir le sujet dans l’excellente
bibliographie et sélection de sites placée en annexe de cet ouvrage qui a
reçu le prix Ptolémée, décerné chaque année par le Festival international de
géographie de Saint-Dié (Vosges).
Marie-Françoise Brihaye
Pour aborder par le biais de la fiction le problème du réchauffement
planétaire et les solutions envisageables, on peut lire la BD Ecoloville de
J.-Y. Duhoo (voir notice 37).ndlr
Stéphane Ferrand
et Sébastien Langevin
Milan, 2005 (Les Essentiels)
63 p.
5,50 €
2-74592049-9
Mots clés
Manga
Japon
40 I
Le Manga
Le manga représente aujourd’hui plus de 30 % du marché français de la
bande dessinée. Quelle est son histoire, au Japon et en France ? Comment
s’est forgée toute une économie autour de la culture manga : prépublications
dans la presse, produits dérivés, anime, jeux vidéo, etc. ? Le mangaka
travaille comme un forçat pour maintenir son « rendement » hebdomadaire
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et doit s’entourer d’assistants auxquels il délègue des tâches. Analysant les
différents types de mangas, qui s’adressent à des publics ciblés selon leur
sexe et leur âge (les shojo, pour filles, sont dessinés par des femmes ; les
shonen sont destinés aux garçons), les auteurs montrent la diversité et la
richesse du genre. Journalistes spécialisés, Stéphane Ferrand et Sébastien
Langevin organisent les activités de l’espace manga du Festival international
de la bande dessinée d’Angoulême. Ils terminent leur synthèse en présentant
une tendance : le métissage entre les techniques issues du manga et la
tradition franco-belge qui renouvelle la narration et le graphisme. Doté d’un
glossaire, ce petit ouvrage formidablement clair permettra à chacun —
adolescent ou médiateur du livre — de devenir incollable… Au fait, qu’estce qu’un Tankôbon ?
Cécile Robin-Lapeyre
41 I Les secrets de la Bible au Louvre
Alors que la Bible — avec l’Antiquité — fournit la source majeure
d’inspiration de l’art jusqu’aux Temps modernes, on constate que peu
d’adolescents possèdent une culture religieuse qui puisse leur donner
accès à toute l’histoire de la peinture. Ce guide vise à combler cette
lacune en donnant des clés pour comprendre les œuvres exposées au
Louvre. Selon les périodes, certains thèmes sont privilégiés dans les
représentations : le paradis, le déluge, le sacrifice d’Abraham, la nativité
ou la crucifixion. Mais beaucoup de tableaux évoquent des épisodes
moins connus. Les deux parties sont rédigées par deux auteurs différents.
Jean-Louis Schlegel, spécialiste de la Bible, explique les récits de l’Ancien
et du Nouveau Testament et leurs thèmes, en les raccrochant à un
parcours au Louvre. Lili Aït-Kaci, conférencière au musée, étudie ensuite
les représentations religieuses dans l’art, de l’Antiquité au XIXe siècle, à
travers dix parcours et une centaine d’œuvres. L’index permet de
retrouver les œuvres et les épisodes de la Bible auxquels elles se réfèrent.
Ce guide dont on appréciera la qualité iconographique, constitue un
usuel indispensable pour les CDI de collèges et lycées.
Réseau de lecture : Dans la même collection, on peut (re-)découvrir Les
secrets de la mythologie, 10 parcours pour découvrir la mythologie
grecque au Louvre, 2001 (voir LJ n° 99, p. 72). Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - juin 2006
Jean-Louis Schlegel
et Lili Aït-Kaci
Seuil Jeunesse / Musée du
Louvre, 2005
188 p.
19 €
2-02-062979-8
Mots clés
Bible
Art
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Littératures
42 I
Kate Chopin
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Michelle Herpe-Voslinsky
Liana Levi, 2005 (Piccolo)
220 p.
9€
2-86746-408-0
Mots clés
Louisiane
XIXe siècle
Florent Couao-Zotti
Ubu, 2006
187 p.
15 €
2-35197-002-0
Genre
Roman d’amour
L’éveil
Liana Levi édite pour la première fois en France ce petit bijou, classique
de la littérature américaine. Le scandale qui suivit sa parution en 1899
découragea la talentueuse Kate Chopin, auteur de saisissantes nouvelles
(Désirée’s baby), de poursuivre la voie de l’écriture.
Le prénom de l’héroïne de L’éveil, Edna, rappelle celui d’autres figures
littéraires au destin tragique, Anna Karénine et Emma Bovary. Nombre
de critiques ont établi à juste titre un parallèle entre Edna et Emma, deux
femmes fébriles, abreuvées de romans sentimentaux et déçues de leurs
expériences, qui se donneront la mort pour éviter le scandale. Kate
Chopin admirait certes Flaubert. Mais le parcours original de son
personnage révèle avant tout le conflit intérieur d’une femme qui
découvre sa véritable nature — indépendante, créative, sensuelle —,
incompatible avec les impératifs liés à son rôle social — mère, épouse
d’un homme respecté.
L’auteur décrit le monde dont elle est issue : celui des créoles de Louisiane,
élite d’origine française. En villégiature à Grande Isle, Edna Pontellier,
jolie mère de famille sans histoire, se fait courtiser par le charmeur Robert
Lebrun. La langueur de l’été, la moiteur de l’air, la caresse de l’océan
éveillent Edna au désir. Mais Robert précipite sans crier gare son départ
au Mexique, où il espère faire fortune. Il laisse une jeune femme
désemparée, incapable de revenir à son morne quotidien. A la Nouvelle
Orléans, obsédée par le tendre souvenir de Robert, elle entend
s’affranchir de toutes les contraintes : elle se consacre à la peinture,
s’achète une maison à elle, cède aux avances d’un séducteur invétéré.
Mais « L’oiseau qui veut s’élever au-dessus du simple niveau des traditions
et des préjugés doit avoir les ailes solides. C’est un triste spectacle de voir
la pauvre hirondelle meurtrie, épuisée, revenir à terre en battant
faiblement les ailes »…
Ce portrait de femme libre, servi par une construction parfaite et une
langue simple, alerte, musicale, ne manquera pas de toucher les
adolescentes, qui pourront trouver dans la préface de Jean Bardot des
outils d’analyse précieux.
Gaëlle Glin
43 I
Les Fantômes du Brésil
Mots clés
Bénin
Amour
L’écrivain francophone Florent Couao-Zotti nous livre une majestueuse
variation autour de Roméo et Juliette. Au Bénin, deux communautés
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coexistent sans se côtoyer. Les Agoudas, fils d’esclaves béninois revenus
de leur long exil au Brésil, n’ont que du mépris pour les gens de Ouidah,
descendants des vendeurs qui les avaient livrés à la Traite. L’amour
interdit qui naît entre Pierre d’Ouidah et la troublante Anna-Maria
embrase les relations entre les deux clans. Surpris par les frères de la
jeune fille, les amants sont séparés. Roué de coups, Pierre trouve malgré
tout la force de se réfugier dans la forêt, chez son oncle sage. AnnaMaria, quant à elle, parvient à s’enfuir de chez sa mère. Pour faire taire
les rumeurs, cette dernière décide de la marier au plus vite à un Agouda
puissant et corrompu, qui mettra tout en œuvre pour retrouver sa
« fiancée ». Cette course effrénée à travers le Bénin s’achèvera sur un
rivage baigné de soleil. Cernés par les représentants haineux de leurs
communautés, les amants se laisseront engloutir par l’océan : « Partir sur
les houles de la grande eau, à défaut de s’envoler sur les ailes du vent.
Se fondre dans l’infini liquide, à défaut de s’approprier un carré du ciel.
Comme le faisaient certains esclaves lorsque, à bord des voiliers qui les
convoyaient vers le Brésil, ils préféraient se jeter à la mer plutôt que
d’accepter l’infini de la souffrance. » Ces dernières pages sont parmi les
plus belles de ce roman africain, qui déploie une langue ornée, imagée,
poétique, inventive. Comme dans toute grande tragédie, il est question
d’amour et de sens de l’honneur, de violence et de mort, de destin et de
liberté.
Gaëlle Glin
Premier titre d’une nouvelle maison d’édition de littérature générale, Ubu,
fondée par l’ancienne équipe du Serpent à plumes. ndlr
44 I
L’Antilope blanche
Cameroun : 1949-1960. A travers son journal, Charlotte Marthe nous
fait découvrir sa vie d’enseignante à Douala. A son arrivée en 1949, elle
est surtout « une femme qui part » : elle fuit la Savoie et un premier amour
qui l’a repoussée. Jeune directrice de collège, ignorante de l’Afrique, elle
en découvre progressivement les réalités. Il faut se battre avec
détermination contre une administration française incohérente, le non
paiement des salaires, l’indifférence et le mépris pour les élèves africaines
et leurs professeurs. C’est là, dans ce collège, qu’elle bâtit sa vie, avec
pour ambition de faire de ces jeunes filles soumises au droit coutumier,
des femmes autonomes. Cela passe par l’obtention du BEPC qui ne doit
plus avoir seulement valeur de dot, mais ouvrir à d’autres études, à des
bourses professionnelles en France. Cela passe aussi par les succès de
sa merveilleuse équipe sportive, les Antilopes. Un petit noyau d’amis la
soutient dans un Cameroun où la misère et la corruption se développent
aussi vite que l’industrialisation internationale. Toujours taraudée par sa
frustration amoureuse, elle ne renonce pourtant pas à son combat,
jusqu’aux violentes émeutes contre la France. La confiance que lui
Lecture Jeune - juin 2006
Valentine Goby
Gallimard, 2005 (Blanche)
275 p.
17,50€
2-07-077473-2
Mots clés
Cameroun
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Lecteurs confirmés
accordent les habitants ne protège pas le collège : elle doit quitter ses
Antilopes. Des années plus tard, nous la retrouvons en Provence, où
Valentine Goby reconstitue son histoire et remonte la filière des Antilopes
devenues, comme Charlotte Marthe l’avait souhaité, enseignantes, juges,
médecins, ministres…
Un style fluide, une grande puissance d’émotion et d’évocation sont au
service d’une très belle histoire empreinte de nostalgie. « Nous n’avons
pas été assez nombreux à donner le meilleur de nous-mêmes », regrette
Charlotte Marthe. Mais cette femme combative, cette célibataire
autonome aura finalement eu sa victoire… et les enfants dont elle rêvait.
Ecoutez l’adieu que lui avaient fait les jeunes Africaines : « Retourne dans
ton cher pays, la France, mais dis aux Français que tu ne leur rapportes
que ton corps car tes filles à jamais gardent ton cœur et ton esprit.»
Réseau : A voir absolument, le documentaire Sisters in Law de K.
Longinotto (2005), mise en scène du travail que mènent actuellement au
Cameroun deux femmes, l’une juge, l’autre procureur. Michelle Brillatz
45 I
Anne Lenner
Le dilettante, 2005
190 p.
15 €
2-84263-118-8
Genre
Roman d’apprentissage
Mots clés
Adolescence
Handicap
Amitié
Cahin-caha
« La Tremblote » est un jeune de dix-sept ans, handicapé moteur ou « malassis » comme il dit, atteint d’une maladie orpheline qui grignote son
espérance de vie. Pour échapper au quotidien — une mère possessive
et les humiliations au lycée —, son ami Lulu, un fugueur, l’inscrit à un
camp de vacances pour deux semaines. Au cours de ce séjour, « La
Tremblote » apprendra à regarder les autres et à se regarder en face.
Son cynisme et son fatalisme vont peu à peu laisser place à la sagesse.
A vingt-cinq ans, Anne Lenner écrit son premier roman et quel roman !
Elle dresse le portrait d’un être avançant dans la vie tant bien que mal,
tel un vieux combi retapé et surchargé cheminant sur une route cahotante.
Se plaçant du point de vue de son héros, elle livre un discours sincère, à
l’ironie mordante et parfois cruelle. Il est question de réflexions
fondamentales, de construction personnelle et d’apprentissage de la vie,
tout simplement. Ce récit d’une belle ascension est servi par un style
acrobatique. Toute l’originalité réside dans cette écriture singulière,
surprenante, émouvante. L’auteur a choisi un langage atypique pour
décrire le processus libératoire d’un être différent qui aspire juste à
pouvoir vivre avec les autres.
Sonia Seddiki
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Littératures
46 I
Kafka sur le rivage
Pour partir à la recherche de ses origines, alors qu’il a été abandonné
tout petit par sa mère, le jeune Kafka Tamura quitte la maison de son père
haï. Sa fugue le conduit « en aveugle » vers le sud, tout au bout d’une
presqu’île. Il trouve un havre de paix dans une bibliothèque particulière,
s’enivrant de la lecture des classiques du matin au soir. Là, il est pris en
amitié par un bibliothécaire androgyne et tombe sous le charme de la
maîtresse des lieux, la mystérieuse Saeki, toujours amoureuse du jeune
amant qu’elle perdit il y a vingt ans. Kafka échappera-t-il à l’imprécation
selon laquelle il tuerait son père, coucherait avec sa mère et sa sœur ? La
route de ce jeune Œdipe, premier narrateur de l’histoire, va croiser celle
d’un mystérieux personnage, le vieux Nakata — qui parle de lui à la
troisième personne —, retardé mental depuis un étrange traumatisme.
Durant la guerre, au cours d’une excursion scolaire, des enfants exposés
à un rayonnement ont été plongés dans le coma, dont seul Nakata a
gardé des séquelles. Depuis, il ne communique plus avec les humains,
mais avec les chats dont il est capable de comprendre et de parler le
langage. Le récit se déroule au gré de la quête de vérité des
personnages. Des énigmes subsisteront, même si chacun, comme dans
la tragédie grecque, sera allé au bout de sa destinée. Une profusion de
curieux personnages entourent les protagonistes : ils jouent le rôle
d’adjuvants du récit, sans vraisemblance psychologique. Pourtant la
magie opère, à travers ces deux histoires alternées, et le lecteur sera
porté par ce magnifique roman initiatique, au terme duquel Kafka aura
atteint l’âge adulte.
Cécile Robin-Lapeyre
Autre avis : Il s’agit bien d’un roman initiatique dans lequel le héros nous
guide. Pour ce faire, il emprunte des pistes complexes et explore des
univers opposés : onirique, voire parfois surnaturel (pluie de
maquereaux, dialogues avec des chats…), spirituel mais aussi réaliste
puisqu’il est question de survivre à tout un périple. Riche et captivant,
servi par une écriture fine et expressive, ce portrait d’adolescent rebelle
et opiniâtre nous touche profondément. La puissance narrative de
Murakami et le traitement original de la thématique en font un texte
remarquable… et inclassable.
Michelle Charbonnier
47 I Neige
Ka est un poète turc vivant en Allemagne depuis douze ans lorsqu’il
rentre dans son pays. Missionné par un journal local, il va enquêter dans
l’est du pays, à Kars, sur une mystérieuse vague de suicides de jeunes
femmes voilées. « Il est sûr que la cause de ces suicides réside dans un
extrême malheur de nos filles ; il n’y a pas de doute à cela, dit à Ka le
Lecture Jeune - juin 2006
Haruki Murakami
Trad. du japonais
par Corinne Atlan
Belfond, 2006
618 p.
23 €
2-7144-4041-X
Genre
Roman initiatique
Mots clés
Amour
Tragédie
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Lecteurs confirmés
Orham Pamuk
Trad. du turc
par Jean-François Pérouse
Gallimard, 2005
(Du monde entier)
485 p.
22,50 €
2-07-077124-5
Genre
Roman politique
Mots clés
Turquie
Politique
préfet adjoint. Mais si le malheur était une vraie cause de suicide, la
moitié des femmes en Turquie se seraient suicidées. » Sur place, Ka est
confronté à plusieurs réalités qui le déstabilisent sérieusement : les
kémalistes activistes, des intégristes nocifs et une femme qu’il retrouve et
dont il tombe fou amoureux. En toile de fond, la neige omniprésente dilue
la réalité dans sa texture ; elle fait s’étirer le temps et étouffe les cris d’une
ville meurtrie.
Neige est à la fois un roman très poétique — l’écriture est majestueuse
— et très réaliste : la société décrite l’est grâce à une plume
intransigeante et incisive. Les personnages sont tiraillés entre le désir de
vivre un bonheur individuel et celui d’appartenir à une communauté, les
deux étant incompatibles. Dans la vision de Pamuk d’une Turquie en
quête d’elle-même, il y a quelque chose de l’ordre de l’accomplissement,
du destin : le pire doit advenir pour engendrer un changement sociétal.
Ka y laissera sa peau, nous l’apprendrons par le narrateur, ami du poète,
qui retrace pour nous ses derniers moments. L’auteur, poursuivi dans son
pays pour ses positions sur le génocide arménien, dit avoir écrit là son
roman le plus politique.
Michelle Charbonnier
48 I
Chaïm Potock
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par Martine Leroy-Battistelli
10/18, 2006
150 p.
6,90 €
2-264-04127-7
Genre
Roman politique
Mots clés
Stalinisme
Torture
Le docteur Rubinov
Léon Shertov, agent du KGB passé à l’Ouest quelques années après la
mort de Staline, livre (à la première personne) ses souvenirs dans un
manuscrit, transmis à un contact aux Etats-Unis. Né en Ukraine dans une
famille juive pieuse, Kalman Shafstein se fait remarquer pour son courage
lors de la Première Guerre mondiale. Gravement blessé, il évite une
amputation du bras grâce à un médecin, Pavel Rubinov ; ce dernier lui fait
promettre de lui apprendre à lire en hébreu prières et psaumes. Après
avoir découvert son village natal décimé et rasé, le jeune juif bascule dans
la foi communiste, seule capable d’étancher sa soif de « réparation ». Il
s’engage dans l’Armée rouge avant d’être recruté dans les rangs du KGB,
où il devient Léon Shertov. Pendant la guerre, « il exécutait les consignes
et faisait ce qu’on lui disait de faire ». On attendra la même chose de lui
tout au long de sa brillante carrière d’enquêteur et de tortionnaire docile :
il travaille avec efficacité et zèle et jamais le lecteur ne connaît la réalité
de ses pensées et de ses sentiments. Après les purges des années trente et
les angoisses, privations et souffrances liées au deuxième conflit mondial,
vient le temps de la purge des grands médecins juifs qui étaient au service
de Staline, le Grêlé, atteint de démence sénile et paranoïa aiguë. Shertov
perd alors de son assurance. A l’occasion du séjour dans les geôles du
KGB de Pavel Rubinov, son « sauveur », il est ébranlé par les conditions
de vie infligées aux détenus, dont il ne s’était jamais soucié. La mort de
« l’infâme tyran » le libère de la terreur que lui inspirait l’extermination des
juifs, mais pas de la honte. Il décide de s’exiler. Chaïm Potock a écrit un
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Littératures
texte concis, sobre mais implacable et bouleversant. Le lecteur marche
dans le sillage d’un fonctionnaire modèle du KGB, emblématique de cette
machine à purger stalinienne. Les pages consacrées à l’évocation sensible
des souffrances du peuple russe pendant les guerres (civiles et mondiales)
et le tableau glacé de la terreur proposent une leçon d’histoire vivante et
indispensable aux générations d’adolescents nés après la disparition des
régimes communistes d’Europe.
Marie-Françoise Brihaye
49 I
A peine un peu de bruit
La jeune Charlotte est l’aînée de trois enfants. Ils auraient pu être quatre
avec Loïc, ce petit frère mort à trois mois. Son ombre plane sur la famille
unie et harmonieuse, qui ne manque pas d’évoquer son souvenir :
« Soudain, les flûtes de champagne sur le vaisselier se mettent à tinter, à
chanter. Pourtant nous sommes tous les cinq autour de la table, les
fenêtres sont fermées et il n'y a pas le moindre courant d'air. Maman
sourit : "C'est Loïc qui nous fait un signe, il veut participer" ». Malgré la
chaleur et l’amour de ses proches, Charlotte est enfermée dans ce deuil.
Elle se raccroche à sa petite sœur Julie, si pleine d’énergie. Sa spiritualité
l’aide aussi à cheminer : elle ne parvient à se sentir apaisée qu’au cours
de prières ou de visites rituelles au cimetière. Mais lorsque la famille
déménage à Paris, Charlotte perd tous ses repères. C’est l’écriture qui
l’aidera à se souvenir et à garder la trace de cette existence éphémère.
Toute la difficulté d’un pareil récit tient au sujet lui-même : il est compliqué
de parler de la mort d’un enfant sans tomber dans le voyeurisme ni dans
le pathos. Mais K. Reysset livre un roman intimiste très réussi, d’inspiration
autobiographique. Le point de vue de la grande sœur, dont nous suivons
les pensées et qui finit par se libérer de la « religion pansement » et de la
culpabilité, se révèle riche. Nous sommes très troublés par la justesse des
mots et de l’évocation de la douleur. Ce livre fort exige une certaine
maturité de la part des lecteurs.
Michelle Charbonnier
50 I
Karine Reysset
L’école des loisirs, 2006
(Médium)
167 p.
9,50 €
2-211-08150-9
Genre
Roman intimiste
Fantastique
Mots clés
Famille
Deuil
Spiritualité
Seulement l’amour
A dix-huit ans, le maladroit Hippolyte rencontre Mado, jolie rousse aux
yeux verts, sur les bancs de la fac de médecine. Les jeunes gens se
plaisent, s’aiment avec passion, s’installent ensemble... Le mariage
s’impose comme une évidence. Mais au matin des noces, pris d’une crise
d’angoisse inexplicable, Hippolyte abandonne son « épouse tombée du
ciel ». A quarante-quatre ans, Hippolyte est un neurologue reconnu, à la
vie personnelle inexistante. Lorsqu’à la fin d’une conférence, il tombe sur
la mère de Mado, tous les souvenirs enchantés de son premier et seul
amour lui reviennent en mémoire. Une fois chez lui, il se laisse aller à
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Philippe Ségur
Buchet-Chastel, 2005
387 p.
20 €
2-283-02133-2
Mots clés
Voyage dans le temps
Nostalgie
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Lecteurs confirmés
écouter les morceaux qui le reliaient à Mado. Et le miracle se produit…
Dans un état second, Hippolyte retrouve son corps de jeune homme et la
compagnie de sa fée rousse. Désormais, il lui suffira de se concentrer sur
une musique ou un parfum aimé pour voyager dans le temps. Hippolyte
use et abuse du procédé car rien dans le présent n’est susceptible de
l’émouvoir comme ces jours bénis. Obsédé par l’idée de retrouver Mado,
Hippolyte ne peut s’empêcher de se demander ce qu’aurait été sa vie s’il
l’avait épousée. Sa nouvelle condition d’explorateur du temps lui
permettra peut-être d’obtenir une réponse…
Ce texte, qui commence comme beaucoup de romans contemporains
avec les états d’âme d’un quadragénaire désillusionné, crée la surprise.
D’abord par son ton, drôle et piquant. Ensuite par son incursion réussie
du côté du fantastique. Le thème du voyage dans le temps se révèle une
nouvelle fois riche de possibilités romanesques. Il donne ici lieu à une
réflexion sincère sur l’ambivalence de la nostalgie — tour à tour curative
et destructrice — et la vanité des regrets.
Gaëlle Glin
51 I
Gillian Slovo
Trad. de l’anglais
par Jean Guiloineau
Gallimard, 2006 (Scripto)
348 p.
12 €
2-07-055484-8
Réédition
Genre
Roman social
Roman historique
Mots clés
Afrique du Sud
Apartheid
Justice
Poussière rouge
Afrique du Sud, 1995, la Commission Vérité et Réconciliation, empreinte
des vertus nouvelles de transparence politique, tente de faire table rase du
passé sanglant et discriminatoire du pays en menant des « conciliations »
autour de certains crimes racistes passés. La famille Sizela sollicite Ben
Hoffman, vieil avocat malade qui fut une figure de la lutte anti-apartheid,
dans l’affaire du meurtre et de la disparition du corps de leur fils. Ben fait
appel à son ancienne protégée, Sarah Barcant, partie exercer à New
York depuis de nombreuses années. Elle devra entendre Dirk Hendrick, le
bourreau, agent des forces spéciales de police qui cherche à être absout
de ses crimes en les révélant à la Commission. Ce dernier, au cours de
l’enquête, sera confronté à une autre de ses victimes, Alex Mpondo,
autrefois terroriste torturé et aujourd’hui député de cette nouvelle Afrique
du Sud en quête de justice… Difficile de résumer ce magnifique roman de
Gillian Slovo, fille de l’ancien ministre communiste de Nelson Mandela,
sans tomber dans le raccourci simpliste. Il s’agit d’un récit hyper réaliste,
et qui à ce titre induit une force magnétique : l’écriture précise, qui
accompagne le déroulement de l’enquête, se fait à la fois objective et
descriptive, incisive et porteuse de vérité. Toute la difficulté du propos est
de ne pas sombrer dans le manichéisme mais bien de faire apparaître la
complexité d’un système où la responsabilité est à la fois individuelle et
collective. Chaque individu est ici « coincé » dans un carcan éducatif,
familial ou social dont il lui est impossible de sortir la tête haute. Admettre
que le droit ne suffit pas toujours dans la quête de la vérité se révèle
difficile. Une œuvre d’une grande force, qui nous interroge sur l’oubli, le
pardon et les enjeux d’une politique raciale.
Michelle Charbonnier
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés BD
52 I Le Complot : L’histoire secrète
des Protocoles des Sages de Sion
Will Eisner a retracé peu avant sa mort l’histoire du complot juif, inventé
au début du XXe siècle pour réveiller l’antisémitisme latent en Europe.
Pourtant, dès 1921, un journaliste du Times avait dénoncé la supercherie
en démontrant que Le Complot plagiait un pamphlet visant Napoléon III.
Le dessinateur américain explique comment les courtisans du Tsar NicolasII
ont fabriqué de toutes pièces les Protocoles pour enrayer les idées
progressistes qui gagnaient la Russie. Malgré la preuve de l’imposture
qu’il représentait, le texte n’a cessé de circuler, à l’époque nazie et
aujourd’hui encore. Il est largement diffusé sur Internet, dans le monde
arabe et aux Etats-Unis. Image frappante : Eisner se représente accablé,
lorsque en 2001, sur le campus de l’Université de San Diego, il se heurte
à des étudiants haineux, imperméables à son argumentation. Avec ce
roman graphique, il a voulu s’adresser dans un langage accessible et
didactique à un public qui ne serait pas composé que d’historiens. « J’ai
passé ma vie à mettre le dessin au service de la narration » déclare-t-il
dans son dernier combat. Comme la BD Maus d’Art Spiegelman
(Flammarion, 1992), ce document historique touchera particulièrement
les adolescents. Les médiateurs du livre (bibliothécaires ou enseignants)
auront à cœur de le faire circuler.
Cécile Robin-Lapeyre
Will Eisner
Grasset, 2005
143 p.
19 €
2-246-68601-6
Genre
Roman graphique
Mots clés
Antisémitisme
Histoire
53 I Vagabond
Classiques de la littérature japonaise, La pierre et le sabre et La parfaite
lumière racontent l’itinéraire du jeune Miyamato Musashi depuis la
bataille de Sékigahara en 1600 jusqu’à son affrontement avec Sasaki
Kojiro. Avec Vagabond, l’adaptation de ces romans d’Eiji Yoshikawa,
Takehiko Inoue (Slam Dunk, Real) revient sur la genèse du plus fameux
escrimeur japonais. Relativement proche du roman d’aventures, entre
l’action de L’arbre au soleil de Tezuka et le réalisme d’Au temps de
Botchan de Taniguchi, le manga ne fait pas que retracer le parcours
initiatique et spirituel d’un rônin, il peint aussi un tableau particulièrement
vivant de cette époque de transition vers le Japon moderne.
Dessinés en noir et blanc dans un souci de réalisme et de détail, les
superbes paysages du manga sont mis en valeur par le trait, relativement
fin. Allié à l’utilisation judicieuse du pinceau, à la manière des
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Takehiko Inoue
Tonkam, 2001-2006
196 p.
9€
2-84580-067-3
à 2-84580-761-9
Genre
Manga
Mots clés
Japon
Escrime
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Lecteurs confirmés
calligraphes traditionnels, il permet d’accélérer l’action et de donner un
étonnant effet de modernité. Remarquons la belle facture du manga : les
premières planches sont entièrement à l’aquarelle et en couleurs. Tout en
constituant un excellent divertissement, cette série peut introduire à la
culture japonaise classique et amener à la lecture des romans dont elle
s’inspire. Rappelant les récits de cape et d’épée, ceux-ci traitent de
développement personnel sur fond de culture zen.
Léopold Romain
54 I Gogo Monster
Taiyou Matsumoto
Trad. et adapt. du japonais
par Vincent Zouzoukouvsky
Delcourt, 2005 (Akata)
455 p.
29,95 €
2-84789-937-5
Réédition
Genre
Manga
Mots clés
Enfance
Autisme
Imaginaire
Yuki Tachibana est un enfant à part. Il vit enfermé dans son monde,
entouré d'entités (« monsters ») en tout genre, protectrices, farceuses ou
terrifiantes. Rejeté par les autres élèves à cause de ses bizarreries et de
ses propos délirants, Yuki a surtout très peur de passer à l'âge adulte et
de « pourrir » comme les autres enfants de l'école, pressés de se
débarrasser de leur naïveté. Gantsu, un vieil homme préposé à
l'entretien, tente de rassurer Yuki en entrant dans son jeu sans toutefois
l'alimenter ; la jeune institutrice tâche de comprendre ce garçon proche
de l’autisme ; QI, un élève surdoué et quelque peu étrange, s'essaie à
trouver une explication rationnelle à ses troubles du comportement. Mais
seul Makoto, un nouveau venu, grâce à sa simplicité et son ouverture
d'esprit, saura sauver Yuki de l'abîme dans lequel il se jette plus ou moins
consciemment.
L’excellente présentation — coffret cartonné, maquette soignée… — met
en valeur ce manga remarquable. Matsumoto aborde, avec un sens
extraordinaire de la bande dessinée (découpage lent, phylactères peu
présents, qualité de la composition, expressivité des visages, justesse des
attitudes, minutie des décors, le tout dans un style graphique inimitable)
des thèmes personnels qui toucheront le plus grand nombre. Imagination
et audace visuelle sont la marque de ce livre qui bénéficie d’une
traduction impeccable. Avec Gogo Monster, Matsumoto nous propose
un chef-d’œuvre du manga dans lequel chacun, adulte ou adolescent,
peut se perdre.
Léopold Romain
Autre avis : Taiyou Matsumoto invente un univers graphique et un
scénario déroutants, dans lesquels explose son génie. Avec Yuki, l’auteur
met en scène les peurs enfantines les plus étranges et déploie ainsi son
imaginaire fascinant et dérangeant. Cette atmosphère angoissante est
parfaitement rendue par les contrastes créés par l’association du noir et
blanc. La variété des cadrages — cinématographiques — participe
également au dynamisme de la lecture. L’édition en coffret est l’occasion
de (re-)découvrir une œuvre magnifique et révolutionnaire.
Sonia Seddiki
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BD
55 I Dys, Un futur homme important, T. 1
Dys, c’est l’histoire d’un jeune en quête d’un emploi. Le manque de
diplômes lui ferme beaucoup de portes et la galère de la recherche
commence. Heureusement, les amis sont là pour regonfler un curriculum
vitae un peu chétif. Une fois le job décroché, il faut bien sûr le
conserver : difficile quand on ne connaît pas le travail pour lequel on est
sensé être le plus qualifié !
Le manga français arrive ! L’univers de ce manga est très occidental. Les
codes graphiques du genre sont bien intégrés sans toutefois empêcher la
personnalité et le style du mangaka de s’exprimer. Le sujet et l’angle social
choisis renvoient à des débats d’actualité : la précarité des jeunes dans le
monde du travail et les angoisses qui en découlent. Mais l’humour à
l’œuvre permet d’alléger le propos. On suit avec intérêt ce début
chaotique dans la vie et toutes les intrigues secondaires. Pari réussi pour
l’auteur et l’éditeur !
Sonia Seddiki
Moonkey
Pika, 2006
208 p.
6,95 €
2-84599-557-1
Genre
Seinen manga
Mots clés
Travail
56 I La Conquête de l'Est : Klezmer, T. 1
Après Le Chat du rabbin qui puisait dans les racines séfarades de sa
famille, Sfar s'attaque à l'héritage ashkénaze maternel à travers l'épopée
d'une troupe de musiciens dans la Russie des années trente. Plus que d'une
BD, il s'agit d'un roman graphique aux aquarelles aériennes, où, comme
dans les contes de notre enfance, la mise en place des personnages se fait
au fur et à mesure que le récit progresse : une jeune fille en fuite rencontre
par hasard un musicien tsigane, ils sont rejoints à Odessa par un voleur
rouquin, un violoniste génial, un bohémien guitariste... L'aventure, à
l'image de la musique klezmer, est mélancolique et joyeuse, le folklore
foisonnant se teinte de poésie, la drôlerie des dialogues est relayée par
l'étonnante utilisation des couleurs et la truculence des dessins. Joann Sfar
avouait lors de la sortie de Klezmer s'être beaucoup inspiré de Hugo Pratt
et de Quentin Blake, et déclarait vouloir faire se rencontrer dans une même
histoire « Michel Strogoff et un Juif vert de Chagal » : une fois encore c'est
très réussi !
Maud Simonnot
57 I Sir Arthur Benton :
Opération Marmara, T. 1
Wannsee 1942, T. 2
Après la chute de Hitler, le colonel anglais Kensington, alias Sir Arthur
Benton, est interrogé par les services secrets alliés pour l’aide apportée
Lecture Jeune - juin 2006
Joann Sfar
Gallimard Jeunesse, 2006
(Bayou)
144 p.
15,90 €
2-07-057309-5
Genre
Roman graphique
Mots clés
Tsigane
Musique
Juif
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Lecteurs confirmés
Tarek
Ill. Stéphane Perger
Emmanuel Proust, 2005
(Trilogies)
13 €
56 p.
2-84810-079-6
2-84810-117-2
Mots clés
Nazisme
Espionnage
aux membres du NSDAP dans leur accession au pouvoir. Pour Benton, cet
appui au parti nazi n’aurait eu pour but que de permettre à l’Allemagne
de combattre les Soviétiques, donc le communisme, et de déstabiliser la
puissance française. Ce premier tome relate la manière dont Hitler a pu
prendre légalement le pouvoir. Espions et agents secrets se poursuivent sur
fond d’attentats provoqués par les SS et de coups portés aux juifs et aux
plus faibles. Le deuxième tome raconte l’année 1942. La conférence de
Wannsee vise à « régler le problème juif » comme l’écrit Hitler dans Mein
Kampf en ayant recours à la « solution finale ». Pas d’opposition ! Le
ghetto de Varsovie est organisé, les camps d’extermination mettent la mort
en marche. La question de la connaissance par les forces alliées de
l’existence des camps est froidement posée. Ces deux BD constituent un très
bon récit d’espionnage, mouvementé, angoissant, et une extraordinaire
reconstitution historique. Sir Benton n’a pas existé mais son personnage
concentre tous les traits des espions et contre-espions. Les dessins aux tons
neutres, passant du crème au gris foncé, montrent avec finesse
l’atmosphère inquiétante de l’époque. Cette série magistralement maîtrisée
et captivante propose à la fin de chaque volume un dossier très complet
permettant de resituer le propos dans son contexte.
Agnès Donon
58 I Les rois vagabonds
James Vance
Ill. Dan Burr
Trad. de l’anglais (Etats-Unis)
par José Avigdor
Vertige Graphic, 2005
207 p.
17 €
2-908981-83-1
Nouvelle édition
Genre
Road book
Mots clés
Etats-Unis
Société
Politique
En 1932 l’Amérique connaît la Grande Crise. Comme tant d’autres, le père
de Freddie n’a plus de travail et sombre dans l’alcoolisme. Après que son
père a quitté la maison pour tenter de trouver un emploi et que son frère a
été arrête pour vol, Fred doit s’enfuir pour échapper à l’orphelinat. Aux
côtés de Sam, doux paumé qui se fait appeler « le roi d’Espagne », le jeune
garçon devient un « hobbo », un vagabond. Sur ce chemin du désespoir
et de la misère, il découvre la solidarité et la liberté, l’engagement et la
lutte : un nouveau monde. Les rois vagabonds est une œuvre forte et dense,
servie par une écriture et un graphisme d’une expressivité remarquable. Elle
s’inscrit dans la tradition culturelle américaine de la « route » – on pense à
Mark Twain et Jack London bien sûr – en tant que voyage initiatique. Ici, un
enfant de douze ans part à la recherche de son père, et d’une certaine
façon le trouve, puis conclut : « Alors une fois de plus je repris la route…
Seul et pourtant accompagné de tous. Là-bas existait un autre rêve, et je
savais qu’un jour, quelque part sur cette route, nous le trouverions ».
L’ouvrage est évidemment éminemment politique en ce qu’il dit du vivre
ensemble, de la solidarité et de l’espoir.
Hélène Sagnet
Cette œuvre fut d’abord une pièce de théâtre mais désormais « est et
devrait rester une bande dessinée ». Un dossier documentaire vient
compléter notre connaissance de la crise de 1929 – notamment son
traitement dans la littérature et le cinéma –, des « hobos » et autres
références de l’ouvrage. ndlr
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Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Documentaires
59 I Bâtisseurs de paix
David Chemla, responsable pour la France du mouvement israélien La
paix maintenant, a composé un recueil d’interviews (menées entre avril
2004 et mai 2005) de huit palestiniens et huit israéliens, d’horizons et
milieux différents (militaires, politiques, membres d’associations
militantes, universitaires, religieux). Tous lui ont parlé de leurs origines
et de leurs itinéraires de vie parfois très douloureux (prison…). Leurs
points communs ? Un long engagement au service de leurs patries
respectives et une volonté lucide de faire la paix avec « l’Autre ». Sans
illusion aucune, ils en sont venus à reconnaître à la fois l’existence
légitime du voisin et la possibilité d’un dialogue avec lui en vue d’un
accord… au prix de concessions réciproques. Ils n’éludent aucun des
sujets de discorde : le statut de Jérusalem, le retour des réfugiés
palestiniens, le tracé des frontières entre les deux Etats, l’évacuation
des colonies juives… Cette réflexion sur l’identité de leurs peuples et
les conditions d’une paix équitable les place en porte-à-faux avec leur
propre camp. L’ouvrage met en évidence la complexité du problème
israélo-palestinien mais montre que le pragmatisme sans illusions de
ces « bâtisseurs de paix » peut ouvrir une brèche dans une situation
encore passablement bloquée. Ce plaidoyer pour « une pédagogie de
la paix » complète très utilement L’Histoire de l’autre (Liana Levi, 2004),
sorte de manuel d’histoire des deux nations, et renouvelle le regard
souvent passionnel porté sur cette question cruciale.
Marie-Françoise Brihaye
David Chemla
Liana Levi, 2005
255 p.
15 €
2-86746-398-X
Mots clés
Conflit israélo-palestinien
Paix
60 I L’archéologie :
Entre science et passion
Archéologue est un métier qui fait rêver les adolescents...
Ce documentaire très abouti et richement illustré permet d’aborder la
réalité de ce métier à travers son évolution – des « antiquaires »
fortunés d’hier aux professionnels avertis d’aujourd’hui –, et son
inscription si particulière « entre science et passion », comme le
rappelle le titre. L’auteur, professeur à Paris I, archéologue et président
de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP),
Lecture Jeune - juin 2006
Jean-Paul Demoule
Gallimard, 2005 (Découvertes)
159 p.
13,10 €
2-07-030643-7
Mots clés
Archéologie
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Lecteurs confirmés
présente ainsi les techniques utilisées et les visées de la discipline, qui
la rattachent au champ des sciences humaines. Interrogeant les traces
matérielles, les archéologues dévoilent l’histoire des peuples. Ils mettent
au jour de formidables découvertes, et sont en cela des passeurs
d’émotion. Jean-Paul Demoule revient sur les principaux chantiers de
notre siècle ; l’enthousiasme suscité par l’exploration de sites
exceptionnels (la tombe de Toutankhamon, l’armée d’argile du premier
empereur de Chine…) ne doit pas faire oublier que l’essentiel est de
pouvoir les préserver. Les archéologues, qui endossent aussi la
responsabilité sociale de présenter au public les vestiges du passé et
de limiter leur érosion, doivent respecter le principe de précaution.
Ainsi, il leur arrive de repenser les conditions de visite d’un site ou
même d’en interdire l’accès a posteriori (ex : la grotte de Lascaux). Le
lecteur apprend également que les archéologues laisseront inexplorés
certains sites historiques, pourtant précisément repérés, tant qu’ils
n’estimeront pas avoir les moyens scientifiques de les conserver après
leur dévoilement.
Gaëlle Glin
61 I L’art africain contemporain
Christophe Domino,
André Magnin
Scala, 2005
95 p.
15 €
2-86656-357-3
Mots clés
Afrique
Art contemporain
Avant « Africa remix », avec l’exposition « Magiciens de la Terre » au
Centre Pompidou en 1989, on assiste à la reconnaissance de la culture
africaine et à une prise de conscience du changement de statut de l’art
de ce continent depuis la décolonisation des années soixante. La
première collection d’art africain contemporain — CAAC — rassemble
six mille œuvres. Basée à Paris, elle prête des œuvres d’art aux grands
musées, sans avoir de lieu d’exposition attitré. André Magnin,
conservateur de la CAAC et co-auteur de l’ouvrage, montre que,
malgré la fragilité économique et l’absence de structures, de multiples
talents émergent et que la volonté de les promouvoir existe. En Afrique,
l’art permet d’être au cœur des réalités contemporaines — guerre,
famine, sida — mais aussi d’approcher la diversité des cultures. Le
parcours présente douze créateurs résidant en Afrique, à travers cent
trente œuvres. Des photographies d’Ojeikere, fasciné par les coiffures
féminines africaines aux motifs géométriques, aux peintures murales
d’Esther Malangu, l’art contemporain s’inspire des traditions, mais
traduit souvent aussi un engagement politique, comme chez Chéri
Samba ou Willie Bester. Barthélémy Toguo et Pascale-Martine Tayou,
quant à eux, se sont résolument tournés vers les installations et les
performances. Le livre, qui offre une documentation riche et actualisée
sur des artistes encore méconnus, est à conseiller absolument aux
adolescents attirés par le domaine de la création.
Cécile-Robin-Lapeyre
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Documentaires 67
FOCUS NOUVELLE COLLECTION
« Folio biographies » est une nouvelle collection, lancée par
Gallimard à l’automne 2005, de textes inédits présentant des
figures historiques ou issues du monde des arts et des lettres.
La plupart ont connu un destin tourmenté. Un bon équilibre est
atteint entre vie privée et analyse de l’œuvre. Si cette collection
s’adresse au grand public, elle peut bien sûr intéresser les lycéens !
62 I Billie Holiday
Billie Holiday, la grande dame du jazz, connut une jeunesse misérable.
Enfant non désirée, elle fut très vite livrée à elle-même. Violée à l’âge de
onze ans, elle se prostitua à treize et fut emprisonnée à quatorze. Son
talent musical lui permit de connaître un grand succès mais la chanteuse
ne s’affranchit pas des troubles liés à son enfance : elle sombra dans la
drogue et fut toujours attirée par des hommes violents qui abusèrent de
sa notoriété.
Cet ouvrage tout en finesse est servi par une écriture simple et directe. Il
nous familiarise avec une personnalité attachante, nous sensibilise à un
destin tragique. Les adolescents, toujours à la recherche de récits
d’expériences vécues, de parcours hors du commun, ne manqueront
pas d’être touchés par ce titre.
Juliette Buzelin
Sylvia Fol
Gallimard, 2005
(Folio biographies)
337 p.
6,40 €
2-07-030727-1
Genre
Biographie
Mots clés
Jazz
63 I James Dean
L’auteur, journaliste de cinéma, nous propose de découvrir celui qui fût
le symbole de toute une génération. James Dean est le personnage de
référence pour qui conçoit la vie comme une fulgurance, comme un
destin inachevé. Le parcours qui nous est donné à lire pose James
Dean comme un « fils prodige » : l’artiste que sa mère n’a jamais pu
devenir. Morte à vingt-neuf ans, Mildred n’aura pas eu le temps de voir
son fils adoré grandir. Abandonné par son père puis recueilli par une
de ses tantes maternelles, James découvre dès seize ans le théâtre, les
textes littéraires et les bolides. Il porte déjà en lui une mélancolie contre
laquelle on ne peut rien, la disparition de sa mère le plongeant dans
des gouffres de culpabilité. Comme le dit l’auteur « ce jeune homme en
colère sera devenu plus célèbre mort que vivant. » Le jour de l’annonce
de sa mort, des adolescentes le suivent dans le « grand voyage ».
Héros flamboyant de tous les excès, ne vivant que parce que la mort
est au bout du chemin, James cristallise l’absolue beauté de la jeunesse
et son credo : tout ou rien. Et c’est bien en cela qu’il touche des
générations entières de jeunes et d’adultes. Mourir dans la fleur de
l’âge, à toute vitesse, quel pied de nez à la société bien pensante ! Cet
Lecture Jeune - juin 2006
Jean-Philippe Guerand
Gallimard, 2005
(Folio biographies)
360 p.
6,40 €
2-07-030666-6
Genre
Biographie
Mots clés
Jeunesse
Rebelle
Cinéma
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Lecteurs confirmés
ouvrage à la thématique intéressante, agréable à lire et doté d’une
bibliographie ainsi que d’annexes est à recommander à des lecteurs
confirmés.
Michelle Charbonnier
64 I
Alexandra Lemasson
Galimard, 2005
(Folio biographies)
260 p.
5,40 €
2-07-030726-3
Genre
Biographie
Mots clés
Angleterre
Ecriture
Virginia Woolf, considérée comme l’auteur anglaise la plus importante
du XXe siècle, connut une enfance troublée au sein de la haute société
anglaise. Elle perdit sa mère puis sa sœur alors qu’elle était encore très
jeune ; tandis que son père tenait la maison d’une poigne de fer, elle était
régulièrement violée par son beau-frère — en échange de quelques
sorties dans les milieux mondains. De santé fragile, anorexique
chronique, elle fit une première tentative de suicide durant son
adolescence, ce qui ne l’empêchera pas de montrer, très tôt, de grandes
dispositions pour l’écriture. Mais cette activité, dans laquelle elle révèlera
son génie, ne fera qu’affaiblir sa santé mentale et physique.
Alexandra Lemasson parvient à nous rendre proche cette femme
intelligente et instable, se nourrissant de ses contradictions. Le destin
passionnant de cet auteur parviendra à intéresser même ceux qui ne
connaissent pas son œuvre… et leur donnera à coup sûr envie d’y
plonger !
Juliette Buzelin
Réseau : A voir, adapté du roman de l'écrivain américain Michael
Cunningham, prix Pulitzer en 1998, l’excellent film The Hours de Roger
Daldry (2003), avec Nicole Kidman, Meryl Streep et Julianne Moore,
variation autour du destin de Virginia Woolf et de son chef d’œuvre,
Mrs Dalloway.ndlr
65 I
Elisabeth Vincent
Milan, 2005 (Les Essentiels)
63 p.
5,50 €
2-7459-1989-X
Mots clés
Mémoire
Amnésie
Alzheimer
Virginia Woolf
La mémoire :
Ses mécanismes et ses troubles
Elisabeth Vincent est l’auteur du récent « Essentiel » sur le bégaiement.
Elle analyse ici, suivant le découpage des ouvrages de cette collection en
doubles pages synthétiques et très lisibles, le fonctionnement, les
particularités et les défaillances de la mémoire. Le sujet est vaste et difficile
à cerner et demande un vocabulaire technique : aussi, le glossaire est
très utile. Les particularités de la mémoire, l’oubli, les pathologies, les
essais de thérapie et la maladie d’Alzheimer sont décrits de façon
structurée, dense. Ce concentré demande une attention suivie, mais on
peut y piocher une information précieuse de manière ponctuelle à l’aide
de l’index. Une bibliographie d’une vingtaine de titres abordables permet
d’approfondir. Voici un bon outil de travail !
Majo Loth
Lecture Jeune - juin 2006
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69
Parcours de lecture
Ouvrages de référence
66 I
Entretiens
Six écrivains ont été interviewés par Jean-Baptiste Coursaud, directeur de
collection aux éditions Gaïa, qui, en sa qualité de traducteur et de passeur,
a une perception très fine de la littérature de jeunesse. Ces auteurs ont en
commun leur désir de s’adresser tantôt à un lectorat adolescent, tantôt
adulte. Dans ces entretiens soigneusement préparés, ils se livrent en toute
sincérité et le lecteur entend une « parole libérée ». Nombreux sont les
thèmes — littérature et construction de soi, différence et rébellion, identité
sexuelle et adolescence — pour lesquels les auteurs se réfèrent à leur propre
expérience. Pour Jeanne Benameur, l’exil mais aussi le théâtre et la scansion
ont joué un rôle décisif. Shaïne Cassim, hantée par le personnage de
Virginia Woolf, intègre la psychanalyse à la fiction. L’œuvre de Jean-Paul
Nozière se lit comme un parcours autobiographique. Langage, procédés
d’écriture, affinités littéraires, influences du cinéma et du théâtre, les sujets
qui préoccupent les écrivains pour la jeunesse ne sont pas « mineurs ». Ces
échanges passionnants donnent envie de lire — et relire — la littérature de
jeunesse !
Cécile Robin-Lapeyre
Autre avis : Jean-Baptiste Coursaud nous offre six très beaux entretiens.
Il est question de littérature, de création, d’écriture, de voix singulières,
de thèmes et de motifs signifiants. Les auteurs évoquent leurs parcours et
leur rencontre avec la littérature de jeunesse. De ces échanges naît une
réflexion riche et précieuse pour tous ceux qui s’intéressent à la littérature
et à la lecture des jeunes.
Hélène Sagnet
67 I
Jean-Baptiste Coursaud
Thierry Magnier, 2005 (Essais)
284 p.
15 €
2-84420-378-7
Genre
Entretiens
Mots clés
Littérature contemporaine
Littérature de jeunesse
La bande dessinée
Suivant le principe de la collection, l’ouvrage nous propose de
découvrir ou redécouvrir douze œuvres de la bande dessinée
européenne, américaine et japonaise. Des années trente au Chat du
rabbin, notre regard se promène, notre esprit puise dans les
informations. C’est à partir des années soixante que la bande
dessinée, après s’être « taillée la part du lion » auprès du jeune public,
s’attaque à de nouvelles conquêtes : les adolescents et les adultes. Un
documentaire clair, analytique à la portée de tous par un auteur
spécialiste du genre. L’accessibilité est le parti pris de cette bonne
collection et il est ici respecté. A conseiller pour une entrée dans le
sujet.
Michelle Charbonnier
Lecture Jeune - juin 2006
Virginie François
Scala, 2005 (Tableaux choisis)
125 p.
15 €
2-866-56372-7
Mots clés
Bande dessinée
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Ouvrages de référence
68 I
Paul Gravett
Trad. de l’anglais
par Frédéric Brument
Le Rocher, 2005
176 p.
23,80 €
2 268 05550 7
Mots clés
Manga
Japon
Rédigé par un historien de la bande dessinée — Paul Gravett crée
aussi des expositions, notamment pour le musée d’Angoulême —, cet
ouvrage s’adresse aux connaisseurs de mangas et se présente comme
un ouvrage de référence. Il propose un texte très dense et une
iconographie abondante ; le parti pris est d’offrir des séquences plutôt
que des images isolées. Une chronologie de 1945 à 2005 permet de
resituer les publications essentielles dans l’histoire contemporaine du
Japon. On regrette de lire les titres anglais, et non leur version originale
ou leur traduction française : la faute en incombe à l’éditeur français,
qui ne se donne pas non plus la peine de traduire les graphiques
consacrés au marché éditorial (p. 13). Premier constat de P. Gravett :
si le manga est devenu une véritable industrie, il n’en demeure pas
moins un medium essentiel, un art moderne et vivant. L’auteur montre
l’extrême diversité des mangas et de leurs publics. Il s’attache aussi à
définir la révolution esthétique et le système narratif spécifique qu’ils
ont amené. Le manga, véritablement reconnu depuis Tezuka, a été
influencé par les comics et le cinéma américain. Le documentaire se
concentre sur la production depuis la Deuxième Guerre mondiale, sans
oublier les précurseurs, au Japon comme à l’étranger. Le dernier
chapitre analyse la mondialisation de la culture. L’auteur voit dans
l’émergence des mangas un rejet de l’impérialisme américain, basé sur
l’individualisme, au profit de valeurs japonaises. Un point de vue à
débattre…
Cécile Robin-Lapeyre
69 I
Frédéric Pomier
Klincksieck,
2005 (50 questions)
182 p.
12 €
2-252-03537-4
Mots clés
Bande dessinée
Auteurs
Manga, soixante ans
de bande dessinée japonaise
Comment lire la bande dessinée ?
Cet ouvrage édité par une maison d’édition spécialisée dans les sciences
humaines aborde la thématique sous la forme de cinquante questions
élaborées autour de l’axe auteur / personnages. Un historique et des
données théoriques nous invitent à suivre la pensée de Frédéric Pomier,
spécialiste de la bande dessinée, puis le genre narratif est questionné ainsi
que les auteurs et les personnages. Le tout forme un document assez pointu
qui pourra être mis en réseau avec celui de Virginie François, chez Scala
(voir notice 65).
Qui y a-t-il entre les cases ? Pourquoi Lewis Trondheim est-il entré dans le
Larousse 2005 de la bande dessinée ? Est-il possible de ne pas parvenir à
lire de bande dessinée ? Derrière des questions qui paraissent légères,
l’auteur nous fait découvrir un monde caché, des luttes, des éditeurs, et nous
guide dans la réflexion sur les difficultés de réception de la bande dessinée.
Michelle Charbonnier
Lecture Jeune - mars 2005
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En savoir plus
Formations
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Informations
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En savoir plus
Formations Lecture Jeunesse Programme
Deuxième semestre 2006
Nos stages se déroulent à Paris avec des dates prédéterminées. Ils sont également proposés sur site à la
demande des bibliothèques municipales, bibliothèques départementales de prêt, IUFM, associations…
Notre catalogue de formations est disponible sur simple demande.
I. Connaissance de la production : les savoirs de base
Les mangas
Les romans à l’adolescence
Problématique
Très vite adopté par les adolescents comme moyen de se
démarquer du public adulte, le manga est encore mal
connu des médiateurs. Comment se repérer dans les
courants et les genres afin de pouvoir réellement prendre
une place de conseil auprès des jeunes ?
Objectifs
- Situer les grands courants, les genres, les auteurs
incontournables
- Connaître les éditeurs, les collections, les séries
- Avoir des clés de compréhension de la société
japonaise, des conventions du genre
- Choisir et comparer les titres en vue d’une politique
d’acquisition raisonnée
Dates : 27, 28, 29 septembre et 13, 14, 15 décembre
Les adolescents et les documentaires
Problématique
Problématique
La fiction, et en particulier le roman, contribue pleinement
à la construction de soi. Comment se repérer dans la
production pour proposer aux jeunes des livres adaptés à
leur parcours de lecteur ?
Objectifs
- Connaître les différents types de lectorat et le rapport
à la lecture des adolescents
- Comprendre la logique de segmentation éditoriale :
adolescents, préadolescents, filles, garçons…
- Identifier les collections dites « pour adolescents » et les
titres de la littérature générale qui leur conviennent
- Savoir analyser et critiquer un livre en dépassant le
simple jugement de valeur personnel, en gardant à
l’esprit le public auquel le roman est destiné
Dates : 6, 7, 8 décembre
Pour leurs recherches scolaires, les adolescents utilisent
d’abord Internet avant de se tourner vers le livre
documentaire, oubliant qu’il peut être aussi un accès au
plaisir de la lecture. Comment concilier la demande de
renseignements scolaires et le besoin de découvertes
personnelles en constituant un fonds cohérent et repérable ?
Objectifs
- Pouvoir développer une politique d’acquisition qui prenne
en compte les programmes scolaires, les ressources
d’Internet et la place des documentaires « plaisir »
- Connaître les collections jeunesse et adulte accessibles
aux adolescents
- Maîtriser la typologie des documentaires : ouvrages de
sensibilisation, de vulgarisation ou pour spécialistes
- Savoir comparer les différents documentaires portant
sur un même thème et juger de leur qualité
Dates : 8, 9, 10 novembre
Lecture Jeune - juin 2006
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Inscriptions
Chantal Viotte
Tél. : 01-44-72-81-50 - [email protected]
Renseignements pédagogiques
Hélène Sagnet - Michelle Charbonnier
Tél. : 01-44-72-81-52
Tarifs
405 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
305 € (Prise en charge personnelle)
II. La conduite de III. Les approches thématiques
projets auprès du Il s’agira lors de ces stages
de proposer un regard transversal
public adolescent sur
une thématique ou un genre
G Faut-il une section
« ados » en bibliothèque?
Problématique
L’adolescence est un moment
de passage à prendre en compte
et à accompagner.
Pour assurer leur rôle dans
ce parcours, les bibliothèques
doivent–elles ou non privilégier
l’existence d’une section « ados » ?
Existe-t-il des solutions alternatives ?
Objectifs
- Mieux appréhender le monde des
adolescents, leurs comportements,
leurs pratiques culturelles et leurs
attentes en matière de la lecture,
leurs attentes vis-à-vis des
bibliothèques
- Repérer différents choix
d’organisation possible à travers
des études de cas et les analyser
- Déterminer des solutions adaptées
au contexte des participants et les
mettre en œuvre
Dates :15, 16, 17 novembre
prenant en compte différents
supports, les réseaux de lecture,
les utilisations possibles, les mises
en valeur (fictions, documentaires,
multimédia).
G La force de la tragédie
Problématique
Des textes antiques aux romans de
Laurent Gaudé, la tragédie fascine
toujours les adolescents. Comment
mobiliser cet attrait pour favoriser
la lecture des jeunes ? Comment
repérer et connaître les critères
du genre pour donner des pistes
de lecture qui mêlent plusieurs types
de supports ?
Objectifs
- Connaître les origines et les
éléments invariables de la tragédie
à travers trois grandes périodes :
l’Antiquité, la période classique et
l’époque contemporaine
- Comprendre les ressorts de la
tragédie et leur impact sur les
adolescents
- Mobiliser cet acquis pour donner
des pistes de lecture qui mêlent
plusieurs types de supports
(romans, films)
Dates : 18, 19, 20 octobre
Lecture Jeune - juin 2006
G Poésie, chanson
et slam
Problématique
Les adolescents sont de forts lecteurs
et producteurs de poésie.
De la poésie classique au slam,
en passant par la chanson,
comment répondre à leurs attentes
en créant des liens entre les
différents univers poétiques ?
Objectifs
- Situer les éditeurs, auteurs et
courants principaux de la poésie
classique et contemporaine
- Découvrir le slam : sources et
formes actuelles de création
- Pouvoir établir des liens entre
poésie et chanson
- Identifier les lieux de ressources
pour monter un projet ; les pistes
d’animations
Dates : 22, 23, 24 novembre
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74
En savoir plus
Informations
Salon
• La 7e édition de Japan Expo, le Festival des loisirs
japonais (manga, animation, musique, sport, culture
traditionnelle, nouvelles technologies) se déroulera
les 7, 8 et 9 Juillet 2006 au Parc des expositions
de Paris-Nord Villepinte.
Renseignements : www.japan-expo.com
Colloque
• L’Université d'été de l'image pour la jeunesse
se tiendra les 29 et 30 juin 2006 à l’Institut
international Charles Perrault. Cet été le thème retenu
est « l'album à la croisée des chemins ».
Il s'agit d'explorer l'interaction entre l'album
et la bande dessinée, le design et les arts graphiques,
d'interroger ses spécificités formelles en abordant
la question du public destinataire (enfant ? adulte ?).
Tarifs : entre 40 et 70 €.
Renseignements et inscription : Institut international
Charles Perrault, Hôtel de Mézières,
14, avenue de l'Europe, 95 604 Eaubonne cedex 04
01 34 16 36 88
[email protected]
Renseignements : Bibliothèque municipale,
rue de l'Union, 93000 Bobigny - 01 48 30 54 72
[email protected]
Prix
• Le 11e Prix des collégiens de la ville de Vannes
a récompensé le roman de Paule Du Bouchet,
Chante Luna, paru chez Gallimard Jeunesse en 2004
(1er Prix) et celui de Pierre Botero, Tour B2 mon amour,
publié dans la collection « Tribal »
chez Flammarion en 2004 (2e Prix).
• Le Prix des mordus du polar 2005 est allé
à Christian Grenier pour Simulator, paru chez Rageot
dans la collection « Heures noires ».
Articles
• « Le roman pour adolescents, une création
hybride », par Blandine Longre, in Citrouille,
mars 2006 :
www.lsj.hautetfort.com/archive/2006/03/28/»-leroman-«-pour-adolescents-»-une-creation-hybride.html
• « Abréger un classique : entreprise de destruction
ou opération salutaire ? », par Maggy Rayet,
in Lectures, n°145, mars-avril 2006, pp. 51-54.
Expositions
• Du 6 au 29 juin, la médiathèque Raymond
Queneau de Juvisy-sur-Oise expose des œuvres
de Paul Cox, auteur de livres d’artistes et d’ouvrages
d’art pour la jeunesse. Entrée libre.
Renseignements : Médiathèque Raymond Queneau,
3 rue Piver, 91260 Juvisy-sur-Orge
01 69 21 22 20
Sélection
• La bibliothèque de Caen publie sa sélection
jeunesse, Tirelivre 2005.
Renseignements : www.ville-caen.fr/tirelivre
• L'exposition consacrée à l’œuvre de Ludovic
Debeurme, « Des yeux pour l'intérieur »,
se tient jusqu’au 1er juillet
à la bibliothèque Elsa Triolet de Bobigny.
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Index
Auteurs
p. 76
Titres
p. 77
Genres et mots clés
p. 78
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Page 76
76
Index Auteurs
A
notice
B
notice
C
notice
Abouet, Marguerite
Aceval, Nora
Aït-Kaci, Lili
Andriat, Frank
Aranega, Diego
Bazire, Laure
Bradman, Tony
Brisac, Geneviève
Burr, Dan
Cassim, Shaïne
Castan, Bruno
Cathrine, Arnaud
Chatterton, Martin
Chemla, David
Chopin, Kate
Colin, Fabrice
Combres, Elisabeth
Couao-Zotti, Florent
Coursaud, Jean-Baptiste
Cushman, Karen
D
Debeurme, Ludovic
Demoule, Jean-Paul
Denhez, Frédéric
Desplat-Duc, Anne-Marie
Domino, Christophe
Duhoo, Jean-Yves
E
Eisner, Will
Ellis, Deborah
17
1
41
24
18
2
3
25
58
26
4
27
3
59
42
5
20
43
66
6
notice
35
60
39
7
61
37
notice
52
28
F
notice
G
notice
Ferrand, Stéphane
Feth, Monika
Fine, Anne
Fol, Sylvia
François, Virginie
Goby, Valentine
Gravett, Paul
Guérand, Jean-Philippe
Guéraud, Guillaume
H
Hashiguchi, Takashi
Heliot, Johan
40
8
9
62
67
44
68
63
29
notice
19
10
I
notice
J
notice
K
notice
Inoue, Takehiko
Jansen, Hanna
Kerr, Katharine
L
notice
M
notice
N
notice
O
notice
P
notice
R
notice
S
notice
T
notice
V
notice
W
notice
Langevin, Sébastien
Le Gendre, Nathalie
Lemasson, Alexandra
Lenner, Anne
Magnin, André
Martinigol, Danielle
Masini, Beatrice
Matsumoto, Taiyo
Moeyaert, Bart
Moonkey
Murakami, Haruki
Nahmias, Jean-François
Oubrerie, Clément
Pamuk, Orhan
Perger, Stéphane
Peyraud, Jean-Philippe
Piumini, Roberto
Pomier, Frédéric
Potok, Chaïm
Potter, Ellen
Reysset, Karine
Rose, Olivier
Rosoff, Meg
Saturno, Carole
Schlegel, Jean-Louis
Schmidt, Jérôme
Ségur, Philippe
Sfar, Joann
Slovo, Gillian
Stroud, Jonathan
Talamon, Flore
Tarek
Thinard, Florence
Vance, James
Vincent, Elisabeth
Wagner, Roland C.
40
11
64
45
61
12
13
54
14
55
46
15
17
47
57
38
13
69
48
32
49
21
33
22
41
23
50
56
51
34
2
57
20
58
65
16
53
30
31
Lecture Jeune - juin 2006
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77
Index Titres
49.302
A
L'Antilope blanche
A peine un peu de bruit
L'appel des Abîmes :
La trilogie des Abîmes, T.3
Alter Jeremy
Amour, toujours
L'archéologie :
Entre science et passion
L'art africain contemporain
Atlas de la menace climatique :
Le réchauffement de l'atmosphère,
enjeu numéro un de notre siècle
Aya de Yopougon, T.1
B
La bande dessinée
Bâtisseurs de paix
Billie Holiday
Billy le Transi
Binti, une enfance
dans la tourmente africaine
C
Cahin-caha
C'est l'amour
que nous ne comprenons pas
C'est tout de suite le soir
Le chemin du retour, T.2
Comment lire la bande dessinée ?
Le Complot : L'histoire secrète
des Protocoles des Sages de Sion
La Conquête de l'Est : Klezmer, T.1
Contes du djebel amour
D
Des arbres
Le désespoir du singe :
La Nuit des lucioles, T.1
Le docteur Rubinov
Dys, Un futur homme important, T.1
E
notice
11
notice
44
49
12
10
13
60
61
39
17
notice
67
59
62
9
28
notice
45
14
26
30
69
52
56
1
notice
21
38
48
55
notice
Ecoloville
Enfants d'ici, parents d'ailleurs :
Histoire et mémoire de l'exode rural
et de l'immigration
L'Enfant sauvage
L'éveil
L'Envol des corbeaux :
Les Enfants des Lumières, T.3
Entretiens
F
Les Fantômes du Brésil
37
22
4
42
2
66
notice
43
G
notice
I
notice
Gogo Monster
Invisible
54
5
J
notice
K
notice
L
notice
M
notice
James Dean
63
Je mourrai pas gibier
29
J'irai avec toi par mille collines, T.1 30
Kafka sur le rivage
Lucille
Maintenant, c'est ma vie
Le Manga
Manga, soixante ans
de bande dessinée japonaise
Matilda Bone
La mémoire :
Ses mécanismes et ses troubles
Mon pire ami
Les Mondes mangas
Mondes rebelles junior
46
35
33
40
68
6
65
24
23
20
N
notice
O
notice
P
notice
Neige
47
Nouilles tchajang : souvenirs lointains
de mes dix-sept, dix-huit ans...
36
Olivia Kidney
Un pain c'est tout :
Yakitate Ja-Pan !, T.2
Pax Americana
Petite
La Piste gauloise :
Titus Flaminius, T.4
La porte de Ptolémée :
La trilogie de Bartimeus, T.3
Poursuite infernale
Poussière rouge
Prisonnière de la Lune
32
19
16
25
15
34
3
51
8
R
notice
S
notice
Les rois vagabonds
Les secrets de la Bible au Louvre
Seulement l’amour
Sir Arthur Benton :
Opération Marmara, T.1
Sir Arthur Benton :
Wannsee 1942, T.2
Sorcière blanche
Le Sortilège de la dague
V
Vagabond
Victor Lalouz :
En route pour la gloire, T.1
La vie peut-être
Virginia Woolf
58
41
50
57
57
7
31
notice
53
18
27
64
Lecture Jeune - juin 2006
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Page 78
78
Index Genres et mots clés
Genres
A
notice
B
notice
Autofiction
Biographie
C
25
62, 63, 64
notice
Chroniques
Conte
17
1
E
notice
Entretiens
F
Fantastique
Fantasy
H
66
notice
3, 49, 50
31, 34
notice
Humour
M
Manga
Manhwa
P
18
notice
19, 53, 54
36
notice
Policier
R
15
Road book
Roman d’amour
Roman d’anticipation
Roman d’apprentissage 6, 7,
Roman épistolaire
Roman graphique
Roman historique
2, 6, 7,
Roman initiatique
Roman intimiste
14, 26,
Roman noir
Roman politique
Roman psychologique
Roman social
8,
S
Science-Fiction
Seinen manga
T
Témoignage
Théâtre
I
Mots clés
notice
16,
33,
52,
15,
27,
47,
28,
58
43
33
45
13
56
51
46
49
29
48
24
51
notice
5, 10, 11, 12, 16
55
notice
30
4
A
notice
Adolescence
8, 17, 26,
29, 32, 35, 36, 45
Afrique
17, 28, 61
Afrique du Sud
51
Alzheimer
65
Amitiés
45
Amnésie
65
Amour
13, 14, 35, 38, 43, 46
Angleterre
64
Anorexie
25, 27, 35
Antisémitisme
52
Apartheid
51
Apocalypse
34
Arbres
21
Archéologie
60
Art
41
Art contemporain
61
Auteurs
69
Autisme
54
Aventure
31
B
notice
Bande dessinée
Bénin
Bible
C
67, 69
43
41
Cameroun
Cinéma
Climat
Clonage
Communication
Conflits
Conflit israélo-palestinien
Corée
Correspondance
D
Désert
Deuil
E
Ecologie
Ecriture
Education
Effet de serre
Energie
Enfance
Escrime
Espace
Espionnage
Etats Unis
F
Faits divers
Famille
Folie
G
Génocide
Grand père
H
Handicap
Histoire
Hôpital psychiatrique
Horreur
Humour
notice
44
63
39
10
4
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notice
1
10, 26, 32, 49
notice
21, 37
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Lecture Jeune - juin 2006
notice
Imaginaire
Immigration
Injustice
Inceste
Isolement
J
Japon
Jeunesse
Juif
Justice
L
32, 54
22
11
14
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Légende
Littérature contemporaine
Littérature de jeunesse
Louisiane
M
Magie
Manga
Marionnette
Médecine
Médias
Mémoire
Moyen Age
Musique
N
Nazisme
Nostalgie
notice
23, 40, 53, 68
63
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notice
31
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66
42
notice
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9
6
12
22, 65
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notice
57
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O
notice
P
notice
Origines
Pain
Paix
Pauvreté
Politique
Q
Quotidien
22
19
59
9
47, 58
notice
17
R
notice
S
notice
T
notice
Racket
Radio
Rebelle
Révolution
Rome antique
Russie
Rwanda
Sida
Secret
Secte
Société
Sorcellerie
Spiritualité
Stalinisme
Torture
Tragédie
Travail
Tsigane
Turquie
V
Violence
Voyage dans le temps
X
XVIIe siècle
XVIIIe siècle
XIXe siècle
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5, 20, 29
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Ours
Lecture Jeune
190, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 44 72 81 50 - Fax : 01 44 72 05 47
Courriel : [email protected]
Directrice de publication
Hélène Sagnet (81-52)
Rédactrice en chef
Gaëlle Glin (81-53)
Administration
Chantal Viotte (81-50)
Comité de rédaction
Françoise Ballanger, Patrick Borione, Nathalie Carré, Madeleine Couet-Butlen,
Annick Lorant-Jolly, Bernadette Seibel, Véronique Soulé, Jean-Claude Utard
Conception et Réalisation
[email protected] - Tél. : 06 08 66 51 35
Ont collaboré à ce numéro :
Brigitte de Bergh, Marie-Françoise Brihaye, Michelle Brillatz,
Sandrine Brugot-Maillard, Juliette Buzelin, Michelle Charbonnier, Agnès Deyzieux,
Agnès Donon, Stéphane Ferrand, Vladimir Floréa, Gaëlle Glin,
Sébastien Langevin, Anne-Solène Lescaille, Majo Loth, Sandrine Monllor,
Ilan Nguyên, Jean Ratier, Cécile Robin-Lapeyre, Léopold Romain, Matthieu Rosy,
Ghislaine Sagbo, Hélène Sagnet, Sonia Seddiki, Maud Simonnot,
Mathilde Valognes, Maryon Wable-Ramos
Impression
L’ARTESIENNE - Dépôt légal mai 2006
Tél. : 03 21 72 78 90
I.S.S.N. 1163-4987
C.P.P.P. n° 1107G79329
Revue éditée par l’association Lecture Jeunesse
Association de loi 1901 déclarée le 4 janvier 1974
Agréée par le Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sport le 27/01/1977 – N° 94.155
Cette revue est publiée avec le concours de la Mairie de Paris
et du Centre national du livre
Lecture Jeune - mars 2006
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• Les adolescents
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