de Saint-Sulpice La mystérieuse

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de Saint-Sulpice La mystérieuse
Société
La mystérieuse
GaëLLe
diSparue
de Saint-Sulpice
Deux mois et demi après le dernier signe de vie de Gaëlle, habitante
de Saint-Sulpice-la-Forêt, les gendarmes ont créé une cellule
d’enquête. Spécialistes en affaires criminelles et fins connaisseurs de
la région s’activent pour percer le mystère qui entoure la disparition
de cette mère de famille à qui la vie semblait sourire.
S
ur le grand mur d’une salle
de réunion, au premier
étage de la gendarmerie
de Bet ton, d’immenses
car tes top o grap hiques
annotées et hachurées attestent des
considérables recherches effectuées
depuis trois mois pour retrouver Gaëlle.
Dimanche 8 novembre 2009, cette institutrice de 46 ans a quitté son domicile
de Saint-Sulpice-la-Forêt pour ne plus
y revenir. Depuis, aucune nouvelle. Ni
bonne, ni mauvaise. Rien. « Comme
nous n’avons vraiment aucune piste,
nous avons créé une cellule d’enquête
spécialisée », explique Christophe Heurtebise, commandant de la compagnie
de gendarmerie de Rennes. « Nous ne
savons pas si c’est un suicide, une disparition volontaire, un accident ou un
crime. Rien ne nous permet de privilégier une piste plus qu’une autre. C’est
une enquête préliminaire qui nous
permettra, nous l’espérons, d’écarter
des hypothèses. »
Pour tenter d’élucider cette mystérieuse disparition, les enquêteurs disposent de peu d’éléments. Seule certitude : ce dimanche 8 novembre, à 8 h
58 précisément, le portable de Gaëlle
envoie un texto d’excuse qui arrive
sur le téléphone de son époux. Suite
à une dispute conjugale, celui-ci n’a
pas dormi à la maison. Moins d’une
heure après cet envoi, vers 9 h 30-10 h,
les trois enfants du couple se lèvent.
Gaëlle n’est déjà plus à la maison. Les
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enfants ne s’affolent pas. Leur mère,
« très sportive », a l’habitude de pratiquer le vélo le dimanche matin. L’environnement dans lequel se situe la
maison familiale se prête bien aux activités de plein air. Située à 1,5 km du
bourg de Saint- Sulpice-la-Forêt, au
lieu-dit Les Landes Saint-Denis, l’habitation, construite il y a quinze ans,
borde les 3 000 ha de la forêt domaniale de Rennes.
Dans la matinée, selon l’emploi du
temps dressé par les enquêteurs,
l’époux de Gaëlle regagne le domicile conjugal. A l’heure de midi, ne la
voyant pas revenir, il sort vérifier que
le vélo de son épouse n’est plus à sa
place. Certes, celui-ci a bougé, mais
il est posé contre le petit chalet de
bois qui jouxte le garage. Finalement
à 15 h 45, la famille, inquiète, appelle
la gendarmerie de Betton. Vers 17 h,
des gendarmes débarquent et commencent à ratisser les alentours, aidés
par des proches et des membres de
la famille.
Partie de son plein gré ?
« Ce jour-là, il faisait un temps exécrable, se souvient Pascal Bouvier, le
gendarme de permanence qui a reçu
l’appel. Cela nous a considérablement
ralentis dans nos recherches, car les
chiens renifleurs n’ont pas marqué. Ils
n’ont pas trouvé dans quelle direction
elle était partie. »
S’ensuit une très forte mobilisation. Des
bénévoles, pilotés par des membres de
la famille, installent le quartier général
des recherches dans la salle du conseil
de la mairie de Melesse, commune où
la quadragénaire a enseigné. Des centaines de personnes sillonnent la forêt,
les champs, fouillent les granges, les
tas de foin, les appentis ou tout autre
endroit où Gaëlle pourrait avoir trouvé
refuge. Les chasseurs de Rennes, les
ramasseurs de champignons, les militaires du 10e Rama prêtent main-forte.
Les gendarmes survolent la région en
hélicoptère. Des brigades cynophiles
traquent la moindre odeur. La famille
fait même appel à un radiesthésiste
qui, grâce à son pendule, croit savoir
que Gaëlle est en vie mais « dans un
très mauvais état ». La disparue se
trouverait « du côté de Chevaigné
ou Melesse ». Pour alerter l’opinion
publique, son époux multiplie les interventions médiatiques et placarde des
milliers d’affiches dans le département.
Quelques témoins disent avoir aperçu
cette femme. Témoignages que les
enquêteurs considèrent comme « plus
ou moins fiables ». Mesurant 1,65 m, les
cheveux poivre et sel, courts, Gaëlle ne
possède pas de particularité physique
remarquable.
« La famille est persuadée que Gaëlle
est vivante et qu’elle est partie de son
plein gré », expliquent de proches voisins. « Dans le bourg, les gens disent
qu’elle avait déjà fugué plusieurs fois. »
De leur côté, les gendarmes avancent
Félix Marquis-Poulain
l’hypothèse que Gaëlle pourrait être
« psychologiquement fragile ». Pourtant, ils ajoutent que cette mère de
trois enfants, âgés de 17 à 23 ans, n’a
« pas le profil de la fugueuse ». Institutrice, apparemment heureuse de
l’être, elle s’épanouit dans le sport
qu’elle pratique à haute dose. Décrite
comme « discrète », « mystérieuse »,
« un peu dépressive » par certains voisins, Gaëlle semble aussi être appréciée par ceux qui la connaissent bien.
Ils louent son « sens de l’humour » et
son « dynamisme ».
La Femme gelée,
d’Annie Ernaux
Gaëlle a–t-elle voulu changer de vie ?
« Ce n’est pas à exclure », livre Christophe Heurtebise, commandant de
la compagnie de Rennes. Pourtant,
le matin de sa disparition, elle n’était
vêtue que d’un jogging noir. Vêtements, porte-monnaie, téléphone portable, carte bleue, papiers… Elle n’a
rien emporté. « Elle peut avoir mis de
côté quelques centaines d’euros ou
avoir ouvert un compte via une personne interposée. » Des vérifications
bancaires sont actuellement menées.
Pourtant, les enquêteurs ajoutent :
« Nous n’avons pour le moment aucun
signe qui puisse nous faire penser
qu’elle est vivante. » L’accident ou le
suicide sont également considérés
comme « des hypothèses plausibles ».
toujours ensemble, ajoutent les gendarmes. Et les emplois du temps ont
tous été vérifiés. »
Mise en place lundi 18 janvier, la cellule
d’enquête spécialisée compte cinq militaires, dont trois spécialistes en investigation criminelle et deux « régionaux ».
Ce petit groupe vérifiera toutes
les pièces du dossier et poursuivra les recherches. Le but :
fouiller les moindres recoins de
la vie de cette mère de famille.
Sur une grande table de la cellule d’enquête de la gendarmerie de Betton, trois livres
de poche lui appartenant sont
empilés : La Femme gelée d’Annie Ernaux, La Route de Cormac
Mac Carthy et Seul, le Silence de RogerJon Ellory. Trois livres qui ont un point
commun : ils racontent le long périple
de personnes « qui errent dans la vie
comme dans un champ de bataille ».
« Ces ouvrages font partie de l’enquête,
glissent les gendarmes. Ils sont une
piste parmi bien d’autres. »
Adepte de la course à pied,
Gaëlle avait l’habitude de
s’entraîner dans la forêt de
Saint-Sulpice et participait
régulièrement à des
semi-marathons.
« Ce jour-là, il faisait un
temps exécrable (…).
Les chiens renifleurs
n’ont pas marqué
Un gendarme
Malgré les nombreuses recherches,
il se pourrait que les bénévoles ou
les gendarmes soient passés à côté
du corps de Gaëlle. « Il faudrait vraiment qu’elle soit bien cachée pour
que nous ne l’ayons pas encore retrouvée. » La mauvaise rencontre ? « Elle
n’est pas non plus à exclure », soufflent les enquêteurs. Enfin, le meurtre
par un proche ? « Le couple rencontrait
quelques difficultés, mais ils vivaient
»
Claire Staes
[email protected]
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