Détournement de fleuve
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Détournement de fleuve
Attention ! Mer 1 006 Plateau Tibétain du Jaune Yang-Tsé 6. La Plata 811 Argentine/ Atlantique Bolivie 7. Yenisei Océan 618 Monts Tannu-Ola Arctique Tuva occidental Russie 8. Lena 539 Monts Baïkal Russie Océan Arctique 9. Mississippi 510 Lac Itasca Etats-Unis Golfe du Mexique 505 Plateau tibétain Mer de Chine du Sud 10. Mékong 7.HwANG HO 4 670 8.MéKONG 4 500 9.LENA 4 400 10.CONGO 4 370 Méditerranée 5. Yang-TséKiang 6.LA PLATA 4 700 Lac Itasca, Etats-Unis d’Amérique 1 007 Monts Serra Atlantique Parima Venezuela Grand Lac de l’Esclave, Canada 4. Orinoco 5.MACKENZIE 5 472 Mer de Beaufort Atlantique Argentine/Bolivie 1 320 Congo Atlantique 3. Congo Monts Kunlan, Chine de l’ouest Baie du Bengale Golfe de Chihli 1 386 Himalaya Plateau tibétain 2. Gange 4.YANG-Tsé-kiang 5 520 Mer de Chine du Sud Atlantique Océan Arctique Monts Baikal, Russie 6 923 Andes Pérou 1. Amazone Golfe du Mexique Se jette dans Congo Source Atlantique Débit Plateau tibétain du Yang-Tsé, Chine 3.AmaZONe 6 280 PAR DEBIT ANNUEL MOYEN (KM3/AN) Fleuve 2.Mississippi 6 420 Andes, Pérou Les plus grands fleuves du monde 1.Nil 6 670 Atlantique Détournement de fleuve ! Affluents du Lac Victoria, Afrique DE PAR LEUR LONGUEUR (KM) Prend sa source Mer Jaune 8 Se jette dans O n a l’impression que les fleuves sont éternels. Ce n’est pas le cas. Même en ce qui concerne l’Amazone, le plus puissant de tous et qui transporte un cinquième du volume mondial fluvial se jetant dans la mer. Il y a des centaines de millions d’années, L’Amazone coulait en direction de l’ouest et se jetait dans l’Océan Pacifique. Jusqu’au jour où les mouvements de l’écorce terrestre firent émerger les Andes qui lui barrèrent la route. L’Amazone changea alors de cours. D’abord, il recula pour former un immense lac d’eau douce, puis il se fraya un passage vers l’est, pour se jeter dans l’Atlantique. Aujourd’hui encore, les poissons de l’Amazone rappellent plus ceux des fleuves du Pacifique que ceux de l’Atlantique. Les ingénieurs de l’époque moderne ont essayé de réaliser la même prouesse. En 1900, pour mettre un terme aux épidémies de typhoïde et de choléra, des ingénieurs américains ont décidé d’inverser le cours du Chicago, qui transportait les eaux usées de la ville jusque dans le lac Michigan. Ils détournèrent le fleuve dans un canal situé au sud qui se jetait dans le Mississippi. Les eaux usées devaient effectuer 2 000 kilomètres avant d’atteindre le golfe du Mexique, mais cela permit de stopper les épidémies. Le plus souvent, les ingénieurs se contentent de vider les fleuves – provoquant parfois de véritables catastrophes ! L’ancienne Union soviétique, par exemple, préleva la majeure partie des eaux de deux fleuves pour irriguer des champs de coton. Tant et si bien que la mer d’Aral, qui était la quatrième mer intérieure du monde de par sa superficie, est pratiquement à sec. Encore aujourd’hui, il reste des bateaux de pêche immobilisés dans des ports qui se trouvent désormais à 80 kilomètres de la mer ! Plusieurs autres fleuves importants n’atteignent plus la mer toute l’année à cause des quantités d’eau prélevées par l’homme. C’est le cas du Nil en Egypte, de l’Indus au Pakistan, du Fleuve Jaune en Chine et du Colorado, qui n’est plus qu’un minuscule ruisseau à l’endroit où il traverse la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique. Aujourd’hui, les ingénieurs cherchent à relier les fleuves pour qu’ils fonctionnent plus comme d’immenses réseaux d’adduction d’eau que comme des bassin fluviaux naturels. Première de la liste, la Chine est en train de détourner une partie du volume du Yang-Tsé-Kiang sur 1 000 kilomètres en direction du nord pour alimenter le Fleuve Jaune. Quant à l’Inde, elle souhaite relier plus de 30 cours d’eau pour pouvoir prélever de l’eau dans la région nord humide au profit du sud beaucoup plus aride. PHOTO : MBANDANYI VIATEUR/UNEP/B Les eAux s A crées Sheikh Adil Abbas & Jagan Devaraj Un éléphant contient 70 % d’eau “ ...il faut que nous réapprenions à respecter l’eau... ” P our la plupart des Indiens, l’eau est sacrée. Nombre de nos rivières sont saintes, et la plus sainte de toutes est le Gange. Les Hindous croient qu’en se baignant dans le Gange, ils se lavent de leurs péchés. Et si leurs cendres sont éparpillées sur le fleuve après leur mort, le Gange les emportera tout droit au paradis. De nombreux malades viennent aussi se baigner dans le Gange. Ils pensent que le dieu du fleuve les guérira. A Varanasi, une des sept villes sacrées hindoues d’Inde, plus d’un million de pèlerins viennent chaque année se baigner dans le Gange ou éparpiller le long du fleuve les cendres des êtres chers qu’ils ont perdus. Selon la mythologie hindoue, le dieu de l’eau s’appelle Varuna : c’est un homme au teint pâle qui chevauche Makara, un monstrueux poisson à pattes et à tête d’antilope. Varuna et son épouse Varuni siègent sur des trônes incrustés de diamants. Leur cour est composée des dieux et déesses des divers fleuves, lacs et sources naturelles. Tout ceci montre l’importance vitale de l’eau dans tous les aspects de la vie en Inde. Trop abondante, l’eau provoque la panique lorsque les inondations qui suivent la mousson annuelle du Bengale et du Bangladesh sont trop importantes. Trop rare, l’eau est un problème permanent pour tous ceux qui vivent dans les déserts du Rajasthan. Quant à la plupart des Indiens, ils polluent de plus en plus leurs eaux sacrées. Dans les récentes statistiques concernant la propreté de l’eau, l’Inde arrive en 120e position sur 122 pays. Aux quatre coins de l’Inde, nous nous servons de nos fleuves et de nos lacs pour déverser des effluents non traités et les déchets industriels. Ne serait-ce que dans le Gange, quelque 900 millions de litres d’effluents sont déversés quotidiennement. Les égouts ont transformé nos plus beaux lacs en une masse d’algues nauséabondes. Et même nos sources et nos puits sont parfois dégoûtants. Les maladies d’origine hydrique provoquent chaque année des millions de décès en Inde. Près de la moitié des personnes hospitalisées souffrent de maladies liées à l’eau comme la typhoïde, le choléra, les hépatites et la dysenterie. Toutes ces maladies doivent coûter des sommes faramineuses à notre pays. Parallèlement, nous utilisons tant d’eau que les pénuries créent de conflits. ➔ 10 Dans le Sud, région très sèche, des conflits ont éclaté entre les Tamil et les Karnatak, peuples de nature pourtant paisible. Le fleuve Cauvery prend sa source dans le Karnataka, mais cela fait quatre-vingts ans que cet Etat partage équitablement ses eaux avec le Tamil Nadu, situé en aval. Pourtant, depuis les importantes pénuries d’eau de la fin des années 1980, le Karnataka commence à se réserver de plus en plus d’eau. Des émeutes liées à l’eau ont éclaté dans les villes Tamil, et une longue bataille juridique est en cours. Les choses se sont encore envenimées parce que, par deux fois en trois ans, la mousson n’est pas arrivée. Les fleuves sont à sec, les cultures dépérissent et les gens ont faim. Quelles sont les solutions ? Tout d’abord, il faut que nous réapprenions à respecter l’eau. Il faut arrêter de polluer et il faut traiter les effluents pour que l’eau des fleuves retrouve sa propreté. Ensuite, il faut trouver des moyens d’économiser l’eau et de mieux l’utiliser. Les réseaux d’adduction des villes ont de nombreuses fuites qui pourraient être colmatées pour économiser l’eau. Enfin, nous devrions réfléchir à la manière dont nous obtenons notre eau propre. On ne peut pas toujours compter sur les fleuves – et encore moins sur les grands barrages. L’Inde possède des milliers de grands barrages. Mais des millions de personnes ont été expulsées des zones à inonder sans avoir été indemnisées correctement. Ce qui explique que les nouveaux projets de barrages provoquent une levée de boucliers. Et le projet consistant à relier tous nos fleuves principaux pourrait faire intensifier les protestations. L’idée consiste à prélever l’eau du Gange et d’autres fleuves du Nord humide pour en faire profiter les zones arides du Sud. Certains disent que cela permettra de résoudre nos problèmes d’eau. D’autres considèrent que le projet est beaucoup trop coûteux et qu’il obligera encore des millions de personnes à quitter leur village. Il existe peut-être d’autres solutions. Nous pourrions, par exemple, recueillir l’eau de pluie avant qu’elle ne tombe dans les rivières – au moment où elle est encore propre. De nombreuses personnes recueillent déjà l’eau de pluie qui coule du toit de leur maison. Nous pourrions tous le faire. A l’époque où les grands barrages n’existaient pas encore, les Indiens creusaient des milliers de petits réservoirs et de mares pour recueillir les eaux de pluie. Aujourd’hui, ceux-ci sont souvent boueux et à l’abandon. Mais si nous les nettoyions, les Indiens auraient leur propre réserve d’eau pour la saison sèche. Nous avons tous le devoir de préserver notre patrimoine hydrique. Autrement, lorsque nos enfants nous demanderont ce que sont devenus les fleuves que vénéraient nos ancêtres, nous n’aurons plus que des larmes pour leur répondre. PHOTOS : PAGE PRECEDENTE : DAVID WOOLLCOMBE/PCI EN HAUT : SHEIK ADIL ABBAS; DAVID WOOLLCOMBE/PCI L’eau est la meilleure amie du monde out dépend de l’eau. Nous avons besoin d’eau pour nous désaltérer, pour nous laver et pour cultiver nos aliments. Et c’est le cas de tout ce qui est vivant sur notre planète. Mais nous exagérons, nous utilisons trop d’eau, nous la polluons et nous la gaspillons. T lus d’un tiers de la population mondiale – soit 2 milliards de personnes – ne dispose pas de suffisamment d’eau douce salubre. Des gens meurent de cette pénurie. Si nous ne trouvons pas moyen de conserver et de protéger nos ressources en eau, l’eau douce salubre risque de devenir plus précieuse que la plus précieuse des pierres. P le sauvetage des grues L’histoire de Min Qin, ambassadeur des terres humides PHOTOS: EN BAS : MIN QIN/WWF DECOUPAGE : WWF-CANON/WWF-JAPON/MIMA JUNKIC J ’habite dans un village chinois situé à proximité d’une des plus importantes réserves naturelles des terres humides, à Yancheng, sur la côte est. Il s’agit d’une grande réserve qui couvre près de 600 kilomètres de plaines de boue situées le long de la côte. Quelque 3 millions d’oiseaux appartenant à 200 espèces s’y retrouvent chaque hiver. C’est là que je suis devenu ambassadeur des terres humides pour le compte du WWF – le Fonds mondial pour la nature. En dormant dans une tente sur la plage, j’ai appris à apprécier la beauté des terres humides et à les protéger. La réserve naturelle nationale de Yancheng est célèbre pour ses grues du Japon. Le cœur de la réserve est très sauvage, mais le pourtour des terres humides est habité par un million de personnes. Il y a des rizières et des bassins piscicoles et de crevettes. C’est peut-être ce qui explique que les grues soient en voie de disparition. A l’université, j’étudie le génie environnemental. Et c’est là que j’ai entendu dire, il y a deux ans, que le WWF cherchait à nommer quelques étudiants « ambassadeurs » qui seraient chargés d’étudier les terres humides et d’aider à les protéger. J’ai décidé de postuler pour la réserve de Yancheng. J’ai constitué une équipe, en mettant des affiches et en demandant à mes amis. Une semaine plus tard, nous étions huit, et nous avons présenté notre proposition un jour avant la date butoir ! Nous avons été sélectionnés. Ce n’était pas facile. Après la formation initiale, nous avons passé beaucoup de temps à vivre dans les terres humides et à observer la faune. Les nuits étaient glaciales. Mais le pire, c’était le soir. Les moustiques attaquaient par milliers. Mes jambes étaient pleines de piqûres. Un jour, il y a eu la plus importante chute de neige depuis 13 ans. Nous avons tous pris froid et un des membres de notre équipe est même tombé gravement malade. Quand on le plaignait, il répondait « Ce n’est rien, puisque je sers la nature ». 11 Une goutte Rien de plus qu’une goutte et dans elle – Tout ! Tout un monde transparent mais complet, mouillé et vivant Une sphère rencontre un univers d’eau scintillant de couleurs vives Inaccessible et toujours présent. En écoutant le mouvement des vagues, je sens la paix en moi. Mais la goutte aromatisée, artificielle, je ne peux l’avaler La chasse d’eau fonctionne L’eau domestique bouillonne Le capitaine éméché fait couler le pétrolier Poème anonyme, Etats-Unis d’Amérique Rescue Mission: Planet Earth, Kingfisher Books / Peace Child Charitable Trust, 1994 Prenons soin d’elle ! Nous avons passé deux ans à la réserve. La seconde année, nous avons donné des leçons sur l’environnement à une école toute proche. Un des élèves répondait à toutes nos questions. Plus tard, il m’a confié qu’il avait rencontré notre équipe l’été précédent et qu’il se souvenait de tout ce que nous avions dit. Cela m’a vraiment fait plaisir. Au départ, je croyais que pour sauver les terres humides, il suffisait de parler des problèmes aux gens. Je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas aussi simple. La population avait besoin des terres humides pour vivre. Notre étude a fait apparaître qu’un des graves problèmes pour les grues était la destruction de la végétation. Les gens fouillent la vase pour trouver des néréides qu’ils revendent ensuite. J’espère cependant que nos études aideront les responsables de la réserve et les populations locales à mieux comprendre le fonctionnement des terres humides et la manière de les protéger. Cette expérience m’a été très utile. J’ai appris à connaître les terres humides, bien sûr, et je suis devenu un amoureux de la nature. Mais j’ai aussi appris à organiser une équipe et à coopérer avec d’autres. Je suis fier d’être ambassadeur des terres humides et je continuerai à me dévouer à leur cause et à celle de la nature en général. Sans eau, la terre est morte Sans eau, l’homme est mort Oiseaux, poissons, moutons, chèvres, vaches – tous Sans eau, ils sont morts La mer et le fleuve Nous apportent amour et joie L’océan unifie le monde Où serions-nous sans eux ? J’atteindrai en bateau des contrées lointaines Parce que la mer m’ouvre la voie Les océans et les fleuves m’ouvrent la voie Alors, prenons soin de notre eau Prenons-en soin ! Prenons-en soin ! Dudley Fewry, Sierra Leone Rescue Mission: Planet Earth, Kingfisher Books / Peace Child Charitable Trust, 1994 L’eau est la vie, l’eau est la mort ! Une goutte scintille sur mon doigt J’ai tant envie de la boire, pour apaiser le feu de mes lèvres desséchées L’eau est la vie Sans elle, je mourrais. Pourtant, elle est aussi la mort. Cette goutte est pleine de bactéries – trachomes, bilharzies – des noms qui font trembler de terreur mon jeune cœur. L’eau salubre est gratuite dans certains endroits. Ici, elle coûte plus cher que le lait, plus cher que le Coca-Cola ! Est-ce juste ? Est-ce sage ? Est-ce durable ? Poème anonyme, Mozambique Rescue Mission: Planet Earth 2002, Peace Child International, 2002