Déclaration sur l`Art 9 du TFEU: Clause sociale transversale
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Déclaration sur l`Art 9 du TFEU: Clause sociale transversale
Déclaration sur l’Art 9 du TFEU: Clause sociale transversale RÉSUMÉ ANALYTIQUE Prof.DDr. Nikolaus Dimmel Fachbereich für Politikwissenschaften und Soziologie Kultur- und Gesellschaftswissenschaftliche Fakultät Fachbereich für Sozial- und Wirtschaftswissenschaften Rechtswissenschaftliche Fakultät Universität Salzburg Churfürststraße 1 A-5020 Salzburg Cette publication a été commandée par l’EASPD. Les points de vue et les opinions exprimés dans cette publication sont ceux de l’auteur, et ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle de l’ EASPD. Cette publication a été réalisée avec l’assistance financière du programme PROGRESS de l’Union européenne. Le contenu de cette publication est sous la responsabilité exclusive de l’ EASPD, et ne doit en aucun cas être interprété comme reflétant l’opinion de la Commission européenne. Résumé analytique Le Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) a été intégré en 2009 par un nouvel article 9 instituant la clause sociale transversale. La portée de cette intégration apparait considérable dans la mesure où il n’y avait antérieurement dans le droit communautaire primaire une réglementation équivalente bien que cet article s’aligne a’ l’Art. 127 (2) du Traité de Nice (« haut niveau de l’emploi »).1 L’art. 9 du TFUE se rapporte au groupe de travail XI (« Europe sociale ») de la Convention Européenne, dont les membres se sont penchés sur les clauses transversales concernant des valeurs sociales, ainsi que sur certaines questions, par exemple l’intégration de la dimension d’égalité et la cohésion sociale.2 Toutefois, à l’encontre de la décision de l’Assemblée Plénière, la Convention adopta le Traité Constitutionnel sans une clause transversale appropriée. Enfin, l’art. 9 du TFUE fut introduit par le Traité de Lisbonne, modifiant le texte de l’Art. III-117 de l’accord sur une Constitution européenne.3 Dans ce contexte, il est nécessaire d’interpréter l’Art. 9 du TFUE dans le cadre du modèle d’une économie sociale de marché, dont les principes sont énoncés à l’Art. 3 (3) du TUE. L’ article 9 du TFUE défini la clause sociale transversale de la façon suivante : « Dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale, ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de 1 Folz in Vedder/Heintschel von Heinegg (2012), Art 9 AEUV, Rz 2. CONV 516/1/03 REV1, 4.2.2003; CONV 624/03, 17.3.2003. 3 Fischer (2010), Art 9 AEUV, Rz 1. 2 protection de la santé humaine ». L’article 9 est source de nombreuses difficultés interprétatives liées tant à son objet qu’ a’ sa portée. Ces difficultés interprétatives découlent principalement de l’emploi d’expressions juridiques abstraites ou vagues (« niveau élevé », « adéquate »), de l’ambiguïté de l’objet (« prend en compte »), dans le degré ambigu de l’obligation (le caractère contraignant ou non contraignant de la disposition), et dans la qualité prescriptive obscure (autrement dit l’Art. 9 du TFUE confère-t-il, ou non, le pouvoir et la légitimité nécessaires pour légiférer ?). L’Art 9 du TFUE ne fait pas partie des pouvoirs et des responsabilités de l’UE. Il représente une « résolution d’objectif d’état » et une « norme de référence », se rapportant directement à des règles de base pour la détermination des pouvoirs de la Communauté. En outre, il doit être mis en œuvre dans le contexte desdits pouvoirs et responsabilités, et sur la base de ces derniers. Les règles de droit correspondantes sont reportées aux art. 147, 151 et 153 du TFUE, et à l’art. 3 du TUE. Toutefois, la terminologie adoptée dans ces normes n’est pas en accord avec l’Art 9 du TFUE. Au-delà de cette contradiction, l’Art. 9 du TFUE ne constitue pas un fondement juridique officiel pour la mise en œuvre de cadres juridiques (réglementations, directives) ou de politiques (MOC, évaluation de l’impact). Il s’agit au contraire d’instruments juridiques non contraignants et de droit procédural, formulés comme une « clause d’équilibrage ». Toutefois, les dispositions juridiques exigent, à titre d’objectif général, une intégration procédurale des questions concernant la politique sociale dans toutes les politiques de la Communauté, sans établir d’objectifs mesurables. L’Art. 9 du TFUE est contraignant au niveau procédural, mais pas en raison de son contenu concret. À ce niveau (procédural), l’Art. 9 du TFUE contient une exigence officielle (« prend en compte ») et, sur le plan des lois concrètes, une réglementation non contraignante, qui n’impose aucune obligation légale de réalisation des objectifs mentionnés dans le texte de l’Art. 9 du TFUE lui-même. Il constitue néanmoins l’obligation de tenir compte de plusieurs critères, exprimés comme des concepts juridiques indéterminés, découlant partiellement des Art. 147, 151, et 153 du TFUE. D’un point de vue légal, l’Art. 9 du TFUE n’est pas suffisamment déterminé. Il ne précise aucun critère de qualification éventuel à appliquer pour déterminer un « niveau d’emploi élevé », une « protection sociale « adéquate », ou un « niveau élevé d’éducation ». Pour l’impact des objectifs correspondants, intégrés dans l’Art. 9 du TFUE, on s’en remet à des processus d’adaptation flexible. À cet égard, la disposition ne contient aucune stipulation légale définissant le mode d’exécution de ce processus ni la mesure dans laquelle il doit être effectué. D’un point de vue juridique, l’impact social et socio-économique des clauses transversales est limité. L’Art. 9 du TFUE ne prévoit ni ne requiert d’actions concrètes, ne reconnaît pas de droits ou de recours individuels, ne constitue pas de droits juridiques devant être assurés par les Etats Membres. La clause sociale transversale pourrait néanmoins contribuer à la réalisation des objectifs intégrés dans les articles 14, 29, 34, 35, et 36 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne (instruction, accès au marché du travail, conditions de travail équitables, sécurité sociale, santé et sécurité, accès à des services d’intérêt général). En ce qui concerne le processus de décision, la clause sociale transversale figurant dans l’art. 9 TFUE est intégré de façon fonctionnelle dans la méthodologie MOC, et reproduit ses problèmes structurels. La stratégie d’inclusion sociale fondée sur la MOC manquait de cohérence et était trop faible ; elle était dépourvue de tout examen critique de son impact, et souffrait d’une transparence suffisante, ainsi que de toute inclusion d’acteurs locaux et régionaux. Dans le contexte de la stratégie d’Europe 2020 (jeunesse en mouvement, stratégie pour des compétences nouvelles et des emplois, plateforme européenne contre la pauvreté et l’exclusion sociale), la clause sociale transversale est liée à la MOC sociale, à la méthodologie d’intégration, et à la méthodologie d’évaluation de l’impact. Indépendamment du caractère non contraignant de l’Art. 9 TFUE, la clause sociale transversale pourrait néanmoins renforcer les performances de la MOC et, sur le plan des objectifs de la politique sociale, appliquer de façon utile la méthodologie pour l’évaluation de l’impact. LA CLAUSE SOCIALE TRANSVERSALE est constitutive d’un nouveau tournant pour la MOC, avec l’adjonction de critères se présentant comme des termes juridiques généraux, capables néanmoins de guider le processus d’un apprentissage mutuel, de la coordination horizontale, et d’une intégration intersectorielle de questions de politique interdépendantes. En outre, la clause sociale transversale intégrée dans l’Art. 9 TFUE tranche avec le Pacte fiscal, le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l’Union économique et monétaire, le « Six Pack », et le « Semestre européen ». À cet égard, les critiques soulignent la nature informelle de la clause sociale transversale, en la caractérisant d’instrument limité à l’emploi symbolique de la politique ne tenant pas compte de l’impact prévisible. Quelles mesures les parties prenantes européennes pourraient-elles prendre dans le domaine de la politique sociale et du marché du travail afin de renforcer la clause sociale transversale ? Bien qu’elle fasse partie des normes juridiques non contraignantes, la clause sociale transversale pourrait être soulevée de façon explicite dans le processus de la MOC, ainsi que dans le processus d’évaluation de l’impact. En ce qui concerne le processus de la MOC, la clause sociale transversale ajoute des critères, qui pourraient guider le processus d’apprentissage mutuel, la coordination transversale, et l’intégration intersectorielle de questions de politique interdépendantes. En matière d’évaluation de l’impact, on pourrait dégager de la clause sociale transversale un potentiel de modernisation de la procédure d’évaluation de l’impact, notamment au niveau de la mise en œuvre de critères d’évaluation. La Clause sociale transversale laisse sans aucun doute une certaine ampleur pour préconiser la prise en considération des principaux critères sociaux mesurant les effets des politiques sur la qualité de l’emploi (emplois à plein temps ou à temps partiel, emplois typiques ou atypiques, travailleurs pauvres) ou la réduction du secteur des emplois mal payés. Selon le même droit, la clause sociale transversale permet de considérer qu’il est nécessaire de tenir compte de la qualité juridique des demandes d’indemnités et de prestations, des niveaux de transferts en fonction du seuil de pauvreté, de l’accès aux services sociaux, de la qualité de ces services, des conditions de travail dans les services sociaux, lorsque l’on procède à l’exécution du processus d’évaluation de l’impact. Les parties prenantes européennes pourraient réclamer des critères d’évaluation reflétant les conditions de vie et de travail, la qualité des services sociaux (d’un point de vue structurel, personnel, professionnel, des prestations et des résultats), la participation aux décisions administratives sur des services personnels, ou l’accès au droit social, mais aussi au niveau des conséquences positives et négatives des politiques sociales. Toutefois, la clause sociale transversale ne résoudra pas le problème d’hypothèses incohérentes sous-tendant le modèle social européen. Au bout du compte, la clause sociale transversale apporte la possibilité d’intégrer les objectifs sociaux de l’UE dans la stratégie Europe 2020. À cet égard, la Plate-Forme européenne contre la Pauvreté et la MOC sociale pourraient faire usage des possibilités (limitées) de la clause sociale transversale en évaluant la façon dont d’autres politiques de l’UE (fonds structurels) contribuent à la réalisation des objectifs sociaux communs.4 4 Zeitlin (2010).