Le Contrat de Respect mutuel

Le Contrat de Respect mutuel
Source : Réseau Ethique et Pédagogie
CONTEXTE
Il s'agit d'une initiative prise par le collège le Haut Mesnil à Montrouge, petit
établissement d'environ 400 élèves avec une population hétérogène dont les
résultats sont dans les moyennes académique et nationale. Trente professeurs y
exercent. Ils sont stables dans l'établissement, généralement peu syndiqués et une
bonne entente règne parmi eux.
ORIGINE DE L'INITIATIVE
A l'arrivée du Principal et du Principal adjoint dans ce collège, il n'y avait aucun projet
d'établissement. Leur première tâche a donc été d'ouvrir ce chantier et parallèlement
a émergé chez les professeurs l'idée d'élaborer pour les élèves un code de conduite
pour renforcer le règlement intérieur. Une première question s'est immédiatement
posée : Peut-on élaborer un code de conduite sans s'interroger aussi sur la
conduite du professeur ?
Un travail d'un peu plus d'un an a alors été entrepris. Le processus a été
volontairement lent de manière à ce que chacun, adulte et élève, entende et accepte
le texte abouti et présenté ici.
OBJECTIFS
Mieux vivre ensemble (élèves et adultes).
Améliorer la qualité de vie au sein de l'établissement.
Respecter des règles communes.
PUBLIC
Les élèves et l'ensemble du personnel de l'établissement.
DUREE
Une année scolaire au minimum pour l'élaboration du Contrat.
DEROULEMENT
Elaboration du Contrat de Respect Mutuel
Constituer deux groupes avec des volontaires, un groupe d'élèves et un groupe
d'adultes (impliquant des enseignants, des surveillants et des personnels
d'entretien), chaque groupe ayant pour objectif de réfléchir à ce qu'il attend de
l'autre.
Les deux groupes travaillent d'abord séparément au rythme d'une séance toutes les
deux semaines environ échangeant leurs informations respectives. Plus tard, les
deux groupes peuvent ne former qu'un seul groupe.
Entre les différentes séances de réflexion, l'équipe de direction intègre les nouveaux
apports dans un texte dont la forme, le titre et le contenu ne seront définitifs qu'en
tout dernier lieu.
Le groupe a le rôle fondamental d'informer tous les élèves et tous les adultes de
l'avancée de cette réflexion, pour l'élargir, pour impliquer tout le monde et faire
valider les propositions au fur et à mesure.
Au collège Le Haut Mesnil, ce travail a abouti au Contrat de Respect Mutuel.
Le contrat est ensuite testé dans une classe où professeurs et élèves sont
volontaires. Si le résultat est estimé satisfaisant, le document est soumis à toutes les
classes et doit être adopté par elles pour être mis en vigueur à la rentrée suivante.
Quel contenu ?
Le contrat tient en une page et s'inscrit entre une introduction et une conclusion. Il
concerne trois domaines : les relations, l'apprentissage, le règlement. Il se
décline en deux colonnes, l'une concerne les élèves, l'autre les adultes. Chaque
colonne liste les comportements attendus de l'autre.
Remarque : si la colonne des élèves est notoirement plus courte que celles des
adultes c'est parce que le règlement intérieur traite déjà largement des devoirs des
élèves, il semble donc inutile de les rappeler tous.
En introduction et en conclusion, on note que c’est un contrat entre 2 contractants et
donc que chacun d’entre eux a des obligations. En même temps chacun a quelque
chose à gagner dans le contrat, mieux travailler. Il s’agit, comme dans tout contrat
d’un accord puisqu’il s’agit de s’entendre. C’est un document qui a été négocié et qui
peut l’être à nouveau si quelque chose ne va pas, on peut le changer.
Ce contrat renvoie chacun a sa conscience, celle des élèves comme celle des
adultes et notamment la conscience professionnelle, il exprime une volonté et non
un engagement ou une promesse, il dit qu’en cas de problème la seule solution est
de réfléchir.
En outre parce qu’il renvoie à la conscience ce contrat fait le pari qu’une
transformation personnelle est possible tout en disant qu’un tel changement ne va
pas de soi, il faut le relire souvent parce qu’on peut l’oublier.
Après la question des relations, il aborde aussi la question des apprentissages,
notamment la question particulièrement délicate des contrôles et des notes car c’est
le domaine du « pouvoir » de l’enseignant, domaine qui peut être l’occasion parfois
de décisions ou de mesures arbitraires avec des conséquences importantes sur la
scolarité de l’élève.
Mais le plus important c’est que ce contrat de respect mutuel dit le sens, il dit qu’il
doit permettre de mieux travailler et montre que le règlement et le contrat sont deux
documents bien distincts, l’un renforçant la cohérence de l’autre, le contrat complète
le règlement intérieur, c’est un texte spécifique qui substitue la parole à
l’affrontement en cas de problèmes il faut en parler sans se faire de reproches.
Comment s'en servir au quotidien ?
Il y a plusieurs façons de s'en servir et de le rendre vivant. Il s'agit d'être créatif et
toujours trouver de nouvelles manières de le faire vivre.
Quelques exemples :
● On rencontre des exemplaires du Contrat partout dans le collège. Ils sont affichés
dans les salles de classe, le réfectoire, au gymnase, dans les bureaux de
l'administration, les couloirs.
● Il est également imprimé dans le carnet de correspondance où l'on s'y reporte
souvent en tant que référentiel de valeurs.
● On le lit et le relit avec les élèves quand le besoin apparaît dans le souci d’ouvrir
un dialogue. On y cherche des réponses aux petits problèmes qui se posent au
quotidien, on cherche à le faire vivre par la parole le plus souvent possible,
notamment en utilisant les heures de vie de classe.
Remarque : On ne punit jamais au nom de ce contrat, pour cela on utilise le
règlement intérieur.
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Des actions fortes et symboliques ont été aussi mises en place :
la réalisation d'un arbre portant les valeurs sous-jacentes au Contrat de Respect
Mutuel,
un concours de dessin et de poésie a lieu chaque année pour que les 6°
s'approprient ce texte.
Un temps spécial spécifique est accordé aux nouveaux enseignants pendant la
prérentrée pour parler de ce Contrat de Respect Mutuel, en expliquer le sens et la
portée.
Ce contrat est devenu le pivot de la réécriture du projet d'établissement en 2001.
BILAN
Cette description pourrait laisser croire qu’aucun nuage ne trouble une
«bienheureuse sérénité » au collège, ce qui n’est pas le cas. Il y a d’abord une
résistance, voire une opposition à ces idées, il faut donc constamment discuter et
convaincre. De plus, il y a, on l’a vu, les risques liés à l’inertie, à la perte du sens et à
l’inanité du contrat de respect mutuel. Celui-ci implique une constante mise en
mouvement afin de ne pas sombrer dans l’oubli.
« Pourquoi écrire cela puisque de toute façon on le fait »... « C’est plus difficile de
travailler comme ça »... « Les élèves s’en servent contre nous mais ne se remettent
pas en cause » nous disent certains professeurs, « Les profs s’en moquent »
rétorquent les élèves.
Pour dépasser les résistances de part et d’autre, nous prenons en compte cette
parole. Nous gardons en tête que l’adulte est et reste investi de l’autorité et nous
nous défions de l’angélisme. Le Principal se pose toujours en garant de la loi, en
ultime recours si une situation se bloque, ce qui rassure chacun. Il faut parfois savoir
prendre des décisions pour des raisons stratégiques, en partie au détriment de
l’éthique de manière à maintenir un climat serein.
Enfin, pour les initiatrices de ce projet, l’éthique n’est pas une discipline qu’on
enseigne mais une démarche, un questionnement sans cesse renouvelé qui met la
personne au sens de la réflexion. C’est une démarche qui s’appuie sur le vécu, sur
le quotidien, qui se met en œuvre dans, et par l’action.
Il leur semble que l’école peut et doit donner l’exemple, mais la démarche éthique
passe par une prise de conscience personnelle et elle nécessite un travail
d’intériorisation de chacun.
Les changements espérés ont donc besoin de temps mais cette prise de conscience
personnelle est un préalable nécessaire pour améliorer en profondeur la vie au sein
de nos organisations.
UN RESEAU
Aline Peignault, avant de prendre ses fonctions de Principal au collège le Haut
Mesnil, a exercé pendant six ans dans un collège confronté à la violence et à un
échec massif. Devant ces difficultés, elle a cherché, avec l'équipe des professeurs,
des réponses de l'ordre d'une éducation globale à la citoyenneté. Elle a alors créé un
groupe de réflexion de praticiens de l'école : le réseau Ethique et Pédagogie fondé
sur l'idée que le respect de l'élève par l'adulte est un puissant vecteur de
changement de l'école et que ce changement est possible à condition que l'adulte
écoute l'élève et accepte de se remettre en question.
CONTACT
Lydie Villemard, Principal adjoint du Haut Mesnil (Montrouge)
[email protected]
LIEN
Réseau Ethique et Pédagogie
Invitation à croiser les regards, à échanger les points de vue pour enrichir la réflexion
sur l'école.
http://reseau-ethique-pedagogie.org
ANNEXE
Voici le texte du Contrat de Respect Mutuel pour vous donner un exemple de
forme ou au contraire vous permettre d'innover dans d'autres directions.
Ce Contrat est un outil éducatif qui s’appuie sur la valeur de l’exemple et doit permettre à
tous de mieux travailler. Il repose sur la bonne volonté des élèves et la conscience
professionnelle des adultes.
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Au collège, adultes et élèves ont la volonté de s’entendre sur les points suivants :
L E S R E L A T I O N S
- ne jamais insulter l’autre (regarder n’est pas insulter)
- l’humilier (plaisanter n’est pas humilier)
- le frapper (toucher n’est pas frapper)
- parler sans crier, s’écouter, être poli
- si besoin, prévoir et organiser un entretien
- si on ne parvient pas à un accord, s’en tenir à la
position de l’adulte compte tenu de sa fonction
L E S A P P R E N T I S S A G E S
Le travail
Les élèves
- écouter en classe et lever la main pour parler
- étudier régulièrement les leçons
- essayer de faire tout le travail, y compris à la
maison, même s'il n'est pas noté
- rattraper un retard dû à une absence courte
Les professeurs
- expliquer clairement et écrire lisiblement
- intéresser les élèves, leur donner l'envie d'apprendre
et ne pas interroger toujours les mêmes
- s'assurer, si possible, que les élèves ont compris
- être juste
- encourager les élèves, les aider quand ils le demandent et sont motivés
- ne pas surcharger les élèves de travail et bien le répartir
- s'entendre avec les autres professeurs pour travailler de façon harmonieuse
Les contrôles
Les élèves
- réviser sérieusement les contrôles
- ne pas tricher
Les professeurs
- créer un climat de calme et de concentration
- laisser un temps suffisant
- alterner petits et grands contrôles
- présenter le barème quand c'est possible
- rendre les copies dans un délai raisonnable annoncé
- ne jamais associer notes de comportement et notes de contrôle
Les bulletins
Les adultes ont la volonté de ne jamais écrire de jugement définitif sur les bulletins
L E R E G L E M E N T
Les élèves
- respecter le règlement
- assumer ses actes sans mentir
- ne pas profiter de certaines situations
- ne pas encourager les mauvais comportements
- ne pas être complices, ni se taire, en cas de faits graves
Les adultes
- prendre en compte la parole des élèves
- être ferme, sans rigidité
- tenir compte des circonstances
- doser les punitions selon la gravité des faits
- éviter les punitions collectives
Adultes et élèves ont la volonté de faire appel au médiateur en diverses circonstances et
d’éviter l’exclusion de cours ou du collège.
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Le Contrat complète le règlement intérieur dont il renforce le sens et la portée et ne remet
pas en cause la position de l’adulte, investi d’autorité. En cas de problèmes, sachant qu’on a
tous droit à des circonstances atténuantes, la seule solution est de réfléchir, d’en parler
sans se faire de reproches. Si les problèmes persistent, chacun est renvoyé à la loi. Pour
les élèves, c’est le règlement du collège qui s’applique.
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Les élèves de la Classe d’Accueil nous indiquent comment faire vivre le Contrat : “ On veut
bien l’essayer... C’est bien... mais il faut le relire souvent parce qu’on peut l’oublier. Si
quelque chose ne va pas dans le Contrat, on peut le changer...”.