L`exemption du gain en capital pour résidence principale

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L`exemption du gain en capital pour résidence principale
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CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
L’exemption du gain en capital pour
résidence principale
Anne-Marie Boucher*
ABSTRACT
Financial advisers have always considered that the acquisition of a home
represents the best investment for the Canadian taxpayer. There are three
reasons for this: the return on investment, in the form of a shelter, is not
taxable; forced savings result from monthly mortgage payments; and,
most significantly, the capital gain realized upon disposition of the home
is exempt from taxation by virtue of the existing tax provisions governing
the capital gain exemption on principal residence.
This article presents a three-part analysis of these provisions based on
the applicable legislation as at December 31, 1995. In the first part of the
article, the author analyzes the formula for calculating the tax-exempt
portion of the capital gain realized upon disposition of the principal
residence. In the next part, the author examines the definition of
“principal residence,” and in the last part, she analyzes the provisions
relative to the change in use of a property which affects the admissibility
of the capital gain exemption on principal residence.
The article does not address the questions of the transfer of a principal
residence between spouses or of tax planning with respect to the
transitional rules applicable to a residence held before 1982.
P RÉCIS
Ce n’est pas d’hier que les conseillers financiers sont d’avis que
l’acquisition d’une maison constitue pour le contribuable canadien le
meilleur investissement qu’il puisse effectuer. Trois raisons principales leur
servent d’argument. D’abord, le rendement sur l’investissement, soit le
gîte qu’il obtient et qui est non imposable. Ensuite, le paiement
hypothécaire mensuel qui constitue pour le contribuable le meilleur moyen
de s’obliger à épargner. Toutefois, la raison principale est probablement
que le gain en capital éventuel réalisé lors de la disposition de la résidence
sera exempt d’impôt en raison des règles fiscales existantes concernant
l’exemption de gains en capital pour résidence principale.
* L.L.B., M. fisc., Brouillette Charpentier Fournier, Montréal. L’auteure désire
remercier Mme Diane Bruneau, notaire et professeure à l’Université de Montréal, pour
son aide et ses conseils judicieux, ainsi que Mme Céline Frenette pour son support
technique.
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Vol.
(1996),(1996),
Vol. 44,
No.44,
2 /No.
no 2 / no 2
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Cet article constitue une analyse de ces règles selon l’état du droit en
date du 31 décembre 1995. Il comporte trois volets distincts. L’auteure
fait d’abord une étude de la formule de calcul de la partie du gain en
capital qui est exemptée d’impôt, fait ensuite un examen de la définition
de «résidence principale» et traite enfin des règles relatives au
changement d’usage d’un bien qui affecte l’admissibilité à l’exemption de
gains en capital pour résidence principale.
Ne sont pas abordées dans cet article, les questions du transfert de la
résidence principale entre conjoints et les planifications relatives aux
règles transitoires visant les résidences détenues avant 1982.
INTRODUCTION
Pour plusieurs contribuables, les règles d’imposition de la résidence
principale d’un contribuable canadien semblent relativement simples. Le
gain en capital réalisé est exempté d’impôt et la perte en capital n’est
pas déductible. Néanmoins, une analyse des règles sur le traitement
fiscal applicable à la résidence principale révèle un niveau surprenant
de complexité et l’importance d’une bonne planification. La définition
de résidence principale qui se trouve à l’article 54 de la Loi de l’impôt
sur le revenu compte à elle seule quelque 600 mots.
Cet article fait un examen des règles touchant l’imposition et
l’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une
résidence principale par un contribuable canadien. Il ne vise pas à faire
un exposé descriptif du fonctionnement des règles1 mais à en
approfondir le contenu en apportant des précisions à certaines questions
soulevées par leur application à la lumière des diverses interprétations
données par les tribunaux et de la position du ministère du Revenu.
L’auteure tente d’apporter des éléments de solution.
Vient d’abord une étude de la disposition particulière de la Loi qui
contient la formule de calcul de la partie du gain en capital réalisé lors
de la disposition d’une résidence principale qui est exemptée d’impôt.
D’après l’application de cette formule, certains éléments de
planification sont suggérés. L’article fait ensuite l’examen de la
définition de «résidence principale», plus particulièrement des différents
critères sur la nature, l’utilisation, la désignation et la propriété de la
résidence. Des précisions à l’égard de chacun de ces critères sont
apportées.
Enfin, l’article traite des règles relatives au changement d’usage d’un
bien qui affecte l’admissibilité à l’exemption de gains en capital sur la
résidence principale et des quelques problèmes qui se dégagent de
l’application des règles.
1 Pour une analyse descriptive du fonctionnement de l’ensemble des règles
d’imposition de la résidence principale au Canada, voir l’ouvrage de Howard S.
Simmons, The Family Home and Income Tax (Toronto : Carswell, 1986).
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L’auteure n’aborde pas les questions du transfert de la résidence
principale entre conjoints et des planifications relatives aux règles
transitoires applicables lorsqu’une résidence était détenue par un
contribuable avant 1982, alors qu’il était possible pour une même
famille de désigner plus d’une résidence principale2.
Par ailleurs, comme les règles d’imposition de la résidence principale
contenues à la Loi sur les impôts du Québec3 sont similaires, aucune
référence particulière n’est faite aux dispositions de cette loi.
DÉTERMINATION DU GAIN EN CAPITAL
La disposition d’une résidence par un contribuable canadien dans une
année d’imposition est assujettie aux règles relatives à la détermination
des gains en capital imposables et des pertes en capital déductibles,
telles que contenues à la sous-section c) de la Loi de l’impôt sur le
revenu4. Le gain en capital réalisé lors d’une telle disposition est
d’abord calculé selon la formule contenue au paragraphe 40(1) LIR. Le
montant ou une partie du montant du gain ainsi calculé pourra ensuite
faire l’objet d’une exemption si la résidence est admissible à titre de
«résidence principale» et fait l’objet d’une désignation pour les années
d’imposition pertinentes.
Calcul de la partie du gain en capital exemptée d’impôt
La partie du gain en capital exemptée d’impôt est déterminée selon les
modalités de l’alinéa 40(2)b) et de l’article 465 LIR. Selon l’alinéa
40(2)b), la partie du gain en capital qui est exemptée d’impôt est
obtenue en multipliant le gain autrement déterminé par la fraction
suivante :
le nombre un plus le nombre d’années d’imposition qui se terminent
après la date d’acquisition pour lesquelles le bien était la résidence
principale du contribuable et au cours desquelles celui-ci résidait au
Canada,
2 Certains auteurs ont déjà analysé en détail ces questions, plus particulièrement
Barbara A.F. Suzuki, «Tax Considerations in Negotiating Matrimonial Property
Agreements», dans Report of Proceedings of the Thirty-Sixth Tax Conference, 1984
Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1985),
1096-1125; Robert E. Beam et Stanley N. Laiken, «The Principal Residence Designation
Decision: The New Complexity» (1984), vol. 32, n o 3 Revue fiscale canadienne 572-94.
3 LRQ, c. I-3, telle que modifiée.
4 Loi de l’impôt sur le revenu, LRC (1985), c. 1 (5 e suppl.), telle que modifiée
(ci-après la «Loi» ou «LIR»).
5 À titre de «bien à usage personnel», la résidence du contribuable est soumise aux
règles contenues à cet article. La définition de «bien à usage personnel» à l’article 54
LIR comprend tous les biens affectés principalement à l’usage ou à l’agrément personnel
du contribuable ou d’une personne qui lui est liée. Voir le Bulletin d’interprétation
IT-332R, «Biens à usage personnel», le 28 novembre 1984. Par conséquent, la perte
réalisée lors de la disposition d’une résidence principale est réputée nulle en vertu du
sous-alinéa 40(2)g)(iii) LIR.
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sur
le nombre d’années d’imposition se terminant après la date d’acquisition
au cours desquelles le contribuable était propriétaire du bien
conjointement avec une autre personne ou autrement.
Aussi, de façon plus globale, selon l’alinéa 40(2)b), le gain que le
contribuable a tiré de la disposition d’un bien qui était sa résidence
principale correspond
• au gain en capital autrement déterminé selon le paragraphe 40(1) LIR;
• moins la partie exemptée du gain en capital calculée à l’aide de la
formule déjà décrite;
• moins le montant de l’ajustement calculé à cet alinéa pour tenir
compte du choix que le contribuable peut avoir effectué en vertu du
paragraphe 110.6(19) LIR à l’égard de la réalisation du gain en capital
accru au 22 février 1994 pour lequel il désirait bénéficier de
l’exemption de gain en capital personnelle de 100 000 $ alors éliminée.
Aux fins de cet article, l’intérêt porte sur le calcul de la partie
exemptée du gain en capital calculé par ailleurs, soit le deuxième point,
qui constitue un calcul distinct du calcul de l’ajustement décrit au
troisième point.
Le lecteur peut constater que le gain en capital réalisé lors de la
disposition d’une résidence n’est pas automatiquement exempt d’impôt.
Seule la partie exemptée du gain, calculée selon les modalités décrites,
n’aura pas à être incluse dans le revenu du contribuable.
La date d’acquisition dont il est fait référence à l’alinéa 40(2)b) est
définie comme étant la dernière des dates suivantes : le 31 décembre
1971 ou la date à laquelle le contribuable a acquis la résidence pour la
dernière fois ou l’a acquise de nouveau. Ainsi, lors d’une disposition
présumée de la résidence, par exemple dans le cas d’un changement
d’usage suivant les règles énoncées à l’article 45 LIR, seules les années
depuis la plus récente acquisition seront prises en considération dans le
calcul de la partie du gain en capital exemptée d’impôt.
Utilisation des expressions «pour lesquelles» et «au cours
desquelles»
Les expressions «pour lesquelles» («pendant lesquelles» dans la version
antérieure aux modifications de forme qui ont été apportées à la Loi) et
«au cours desquelles» utilisées au numérateur et au dénominateur de la
fraction qui sert au calcul de la partie du gain en capital exempte
d’impôt doivent être interprétées comme se rapportant «‹à n’importe
quel moment de› plutôt que ‹pendant la totalité de› l’année
d’imposition»6. Donc, lorsqu’une résidence est par ailleurs admissible à
6 Bulletin d’interprétation IT-120R4, «Résidence principale», le 26 mars 1993,
numéro 13. Au Québec, les bulletins d’interprétation correspondants qui traitent de la
(page suivante s.v.p.)
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titre de résidence principale pour toute partie d’une année d’imposition,
elle est admissible aux fins de la désignation à titre de résidence
principale, pour toute l’année d’imposition.
Une planification simple consisterait à reporter le moment de la
disposition d’une résidence principale, autrement prévue pour la fin
d’une année d’imposition, au début de l’année d’imposition subséquente
afin d’augmenter la fraction. L’utilisation de cette planification suppose
que la résidence faisant l’objet d’une disposition ne peut bénéficier
d’une exemption totale puisqu’elle n’est pas admissible à titre de
résidence principale pour deux ou plusieurs années d’imposition.
Exemple : en 1987, un contribuable acquiert une résidence au coût de
60 000 $. Il l’habite normalement durant les années 1989 à 1993 et en
dispose en 1993 pour un montant de 160 000 $. Comme la résidence
n’a pas été normalement habitée par le contribuable au cours des
années 1987 et 1988, elle ne peut être désignée comme résidence
principale que pour les années 1989 à 1993. Le calcul de la partie du
gain en capital autrement déterminé qui peut faire l’objet d’une
exemption en vertu de l’alinéa 40(2)b) LIR s’effectue comme suit :
100 000 $* ×
1 + 5(1989 à 1993)
= 85 714 $**
7(1987 à 1993)
* gain en capital autrement déterminé
** partie exemptée du gain en capital
Si la disposition de la résidence du contribuable était prévue pour
décembre 1993 et que les contraintes de négociation, financières ou
autres, ne constituaient pas un obstacle au report de la date de
disposition, la date de clôture de la transaction aurait pu être reportée
au début de l’année 1994. La fraction aurait été augmentée par l’ajout
d’une année au numérateur et au dénominateur de la formule ayant pour
effet d’accroître la partie exempte du gain en capital :
100 000 $* ×
1 + 6(1989 à 1994)
= 87 500 $**
8(1987 à 1994)
* gain en capital autrement déterminé
** partie exemptée du gain en capital
Ajout d’une année au numérateur de la fraction
L’ajout d’une année au numérateur de la fraction est prévu afin de
permettre à un contribuable qui, au cours d’une même année
d’imposition, aurait disposé d’une première résidence principale et fait
l’acquisition d’une seconde résidence en remplacement de la première,
de bénéficier de l’exemption pour l’année en question à l’égard des deux
(… suite)
résidence principale sont : IMP. 274-1, «Qualification d’un bien à titre de résidence
principale», le 31 mars 1993, et IMP. 277-1/R1, «Résidence principale et terrain
contigu», le 24 octobre 1986.
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résidences. Autrement, étant donné que la Loi ne permet de désigner
qu’une seule résidence par année d’imposition du contribuable, l’une des
résidences ne pourrait faire l’objet d’une exemption complète7.
Exemple : en 1983, un contribuable achète une résidence au coût de
50 000 $. Il occupe la résidence jusqu’en 1988, année où il en dispose
pour un montant de 85 000 $. En 1988, il acquiert une seconde
résidence au coût de 100 000 $ qu’il habite normalement jusqu’en
février 1994, année où il en dispose pour un montant de 150 000 $.
Pour l’année d’imposition 1988, une seule des deux résidences peut être
désignée comme résidence principale.
Hypothèse 1 — Le contribuable choisit de désigner sa première résidence
comme résidence principale pour l’année 1988. Le un (1) de la formule
n’est pas ajouté au numérateur.
• Première résidence : 35 000 $* ×
6(1983 à 1988)
= 35 000 $**
6(1983 à 1988)
• Seconde résidence : 50 000 $* ×
6(1989 à 1994)
= 42 857 $**
7(1988 à 1994)
* gain en capital autrement déterminé
** partie exemptée du gain en capital
Hypothèse 2 — Le contribuable choisit de désigner sa seconde résidence
comme résidence principale pour l’année 1988. Le un (1) de la formule
n’est pas ajouté au numérateur.
• Première résidence : 35 000 $* ×
5(1983 à 1987)
= 29 166 $**
6(1983 à 1988)
• Seconde résidence : 50 000 $* ×
7(1988 à 1994)
= 50 000 $**
7(1988 à 1994)
* gain en capital autrement déterminé
** partie exemptée du gain en capital
L’ajout d’une année au numérateur de la formule prévu à l’élément B
de la formule de l’alinéa 40(2)b) LIR aurait permis l’exemption de la
totalité du gain réalisé lors de la disposition de la seconde résidence
dans l’hypothèse 1 et de la totalité du gain réalisé lors de la disposition
de la première résidence dans l’hypothèse 2.
La formule de l’alinéa 40(2)b) sert à déterminer la partie du gain en
capital exempte d’impôt de toutes les résidences d’un contribuable qui
7 Le ministère du Revenu national (ci-après le «Ministère») reconnaît cet état de fait
au numéro 15 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 :
Bien qu’un seul bien puisse être désigné en vertu de l’alinéa 54g) comme
résidence principale du contribuable pour une année d’imposition donnée, la
formule prévue à l’alinéa 40(2)b) reconnaît que le contribuable peut, de fait, avoir
deux résidences la même année. Cela se produit, par exemple, lorsqu’une
résidence est vendue et qu’une autre est acquise la même année. Le «un +» dans
la formule ci-dessus a pour effet de traiter les deux biens comme une résidence
principale cette année-là, même si un seul d’entre eux peut avoir été désigné
comme tel cette année-là.
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sont admissibles à titre de résidences principales. Comme la définition
de «résidence principale» ne permet de désigner qu’une seule résidence
principale par année d’imposition, il peut s’avérer avantageux pour un
contribuable qui détient plus d’une résidence au cours des mêmes
années d’imposition, de désigner une seconde résidence pour au moins
une année d’imposition afin de tirer profit de l’ajout d’une année au
numérateur de la formule. L’exemple simplifié qui suit illustre le
bénéfice que peut tirer un contribuable d’une telle planification :
En 1989, le contribuable fait l’acquisition d’une maison de ville et
d’une maison de campagne au coût de 75 000 $ et 45 000 $
respectivement. Il dispose de la maison de campagne en 1992 pour un
montant de 60 000 $, de la maison de ville en 1993 pour 100 000 $ et
choisit de désigner la maison de ville comme résidence principale pour
quatre des cinq années durant lesquelles il y a habité, soit les années
1990 à 1993. La maison de campagne est désignée comme résidence
principale pour au moins une année d’imposition durant laquelle il
détenait plus d’une résidence, soit pour l’année 1989. La partie exempte
du gain en capital réalisé lors de la disposition de chacune des
résidences principale et secondaire sera déterminée comme suit :
• Maison de ville :
25 000 $* ×
• Maison de campagne : 15 000 $* ×
1 + 4(1990 à 1993)
= 25 000 $**
5(1989 à 1993)
1 + 1(1989)
= 7 500 $**
4(1989 à 1992)
* gain en capital autrement déterminé
** partie exemptée du gain en capital
Cette planification relativement simple permet de réduire de moitié
la partie taxable du gain en capital réalisé lors de la disposition de la
maison de campagne, tout en conservant la totalité de l’exemption du
gain en capital réalisé lors de la disposition de la maison de ville. Dans
cet exemple, il est présumé que toutes les autres conditions relatives à
la désignation d’une résidence à titre de résidence principale sont
respectées. Règle générale, il est plus avantageux de désigner la
résidence dont le gain en capital moyen accru par année est le plus
élevé pour un nombre d’années suffisant à une exemption totale.
Effet de l’application de la formule
L’application de la formule de l’alinéa 40(2)b) LIR établit le gain en
capital autrement déterminé au prorata du au nombre d’années de
détention de la résidence par le contribuable. Il est donc pris pour
acquis que la valeur de la résidence s’accroît de façon régulière et égale
durant toute la période de détention8. Cette méthode de calcul semble
arbitraire en ce sens qu’il n’est aucunement tenu compte des réalités
8 Cette méthode est utilisée possiblement dans le but de simplifier le calcul de
l’exemption du gain en capital réalisé lors de la disposition d’une résidence principale.
Voir Robitaille c. MRN, 89 DTC 599 (CCI).
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économique et financière du marché immobilier canadien. Elle peut être
avantageuse pour un contribuable qui a bénéficié de l’accroissement de
la valeur de sa résidence principalement durant les années de détention
au cours desquelles elle n’était pas admissible à titre de résidence
principale. Par contre, si la plus-value de la résidence du contribuable
s’est accumulée principalement durant les années où elle était
admissible à titre de résidence principale, le contribuable est pénalisé
par l’application de cette formule. L’exemple qui suit illustre cette
situation de fait :
En 1985, le contribuable fait l’acquisition d’une résidence pour un
montant de 50 000 $. Il habite normalement cette résidence et la
désigne comme résidence principale de 1985 à 1989. En novembre
1989, il fait l’acquisition d’une résidence plus luxueuse qu’il commence
à habiter en janvier 1990. Il dispose finalement de sa première
résidence en 1991 pour un produit de disposition de 125 000 $. Étant
donné que le marché immobilier était en pleine effervescence durant les
années 1985 à 1989, la valeur de la résidence du contribuable s’est vite
accrue au cours de ces années. Elle s’est ensuite maintenue à ce niveau
pour les deux années qui ont suivi, dû en partie à la récession
économique. Le calcul de la partie exemptée du gain en capital
s’effectue comme suit :
75 000 $* ×
1 + 5(1985 à 1989)
= 64 285 $**
7(1985 à 1991)
* gain en capital autrement déterminé
** partie exemptée du gain en capital
Une partie du gain en capital réalisé lors de la disposition de la
résidence se trouve inévitablement imposée, malgré le fait que la
totalité de la plus-value correspond à la période durant laquelle la
résidence était admissible et désignée comme résidence principale. Dans
les circonstances, une formule plus équitable consisterait à ne tenir
compte, dans le calcul de l’exemption, que de l’accroissement du gain
en capital correspondant à la période au cours de laquelle la résidence
est désignée comme résidence principale. Cette façon de procéder
nécessiterait toutefois que la juste valeur marchande de la résidence soit
établie aux différents moments pertinents, à l’image de la méthode
alternative du paragraphe 40(6) LIR à l’égard de la disposition d’une
résidence principale qui appartenait au contribuable avant 1982.
DÉFINITION DE RÉSIDENCE PRINCIPALE
Généralités
L’alinéa 40(2)b) LIR permet d’exempter une partie ou la totalité du gain
en capital réalisé lors de la disposition par un contribuable de sa
résidence principale dans la mesure où elle est admissible à ce titre.
La résidence d’un contribuable n’est pas automatiquement admissible
à titre de «résidence principale» au sens de la Loi. Un certain nombre de
conditions sur la nature, l’utilisation, la désignation et la propriété de la
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résidence doivent être respectées pour chacune des années d’imposition
durant lesquelles le contribuable désire la faire reconnaître comme telle.
Ces conditions sont énoncées dans la définition de «résidence
principale» à l’article 54 LIR :
S’agissant de la résidence principale d’un contribuable pour une année
d’imposition, bien — logement, ou droit de tenure à bail y afférent, ou
part du capital social d’une société coopérative d’habitation acquise dans
l’unique but d’acquérir le droit d’habiter un logement dont la coopérative
est propriétaire — dont le contribuable est propriétaire au cours de l’année
conjointement avec une autre personne ou autrement, à condition que :
a) le contribuable étant un particulier autre qu’une fiducie
personnelle, le logement soit normalement habité au cours de l’année par
le contribuable, par son conjoint ou ancien conjoint ou par un enfant du
contribuable;
a.1) le contribuable étant une fiducie personnelle, le logement soit
normalement habité au cours de l’année civile se terminant pendant
l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par le
conjoint ou l’ancien conjoint de ce bénéficiaire ou par un enfant de
celui-ci;
b) le contribuable, étant une fiducie personnelle ou un particulier
autre qu’une fiducie, ait fait soit le choix prévu au paragraphe 45(2)
concernant le changement d’utilisation du bien au cours de l’année ou
d’une année d’imposition antérieure (sauf un choix sur lequel le
contribuable est revenu en vertu du paragraphe 45(2) dans sa déclaration
de revenu pour l’une de ces années), soit le choix prévu au paragraphe
45(3) concernant le changement d’utilisation du bien au cours d’une
année d’imposition ultérieure.
Toutefois, sous réserve de l’article 54.1, le bien ne peut en aucun cas
être considéré comme la résidence principale d’un contribuable pour une
année d’imposition :
c) à moins que le contribuable étant un particulier autre qu’une
fiducie personnelle, ne l’ait désigné comme étant sa résidence principale
pour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires et
qu’aucun autre bien n’ait été désigné, pour l’application de la présente
définition, pour l’année par le contribuable, par une personne qui a été
son conjoint tout au long de l’année (sauf une personne qui, tout au long
de l’année, a vécu séparée du contribuable en vertu d’une séparation
judiciaire ou d’un accord écrit de séparation), par un enfant du
contribuable (sauf un enfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de
l’année) ou, dans le cas où le contribuable n’était pas marié ou âgé de 18
ans ou plus au cours de l’année, par une des personnes suivantes :
(i) la mère ou le père du contribuable,
(ii) le frère ou la soeur du contribuable qui n’étaient pas mariés ou
âgés de 18 ans ou plus au cours de l’année;
c.1) à moins que, le contribuable étant une fiducie personnelle, les
conditions suivantes soient réunies :
(i) la fiducie a désigné le bien, en la forme et selon les modalités
réglementaires, comme étant la résidence principale du contribuable
pour l’année,
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(ii) la désignation comporte le nom de chaque particulier (appelé
«bénéficiaire déterminé» à la présente définition) qui, au cours de
l’année civile se terminant pendant l’année :
( A ) d’une part, a un droit de bénéficiaire dans la fiducie,
( B ) d’autre part, sauf dans le cas où la fiducie n’a le droit de
désigner le bien pour l’année que par l’effet de l’alinéa b), habitait
normalement le logement ou a un conjoint, un ancien conjoint ou
un enfant qui l’habitait normalement,
(iii) nulle société de personnes ou société, sauf un organisme de
bienfaisance enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans la
fiducie au cours de l’année,
(iv) aucun autre bien n’a été désigné, pour l’application de la
présente définition, pour l’année civile se terminant au cours de
l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie pour l’année, par
une personne qui a été le conjoint du bénéficiaire tout au long de cette
année civile (sauf une personne qui, tout au long de cette année civile,
a vécu séparée du bénéficiaire en vertu d’une séparation judiciaire ou
d’un accord écrit de séparation), par un enfant du bénéficiaire (sauf un
enfant marié ou âgé de 18 ans ou plus au cours de cette année civile)
ou, dans le cas où le bénéficiaire n’était pas marié ou âgé de 18 ans
ou plus au cours de cette année civile, par une des personnes
suivantes :
( A ) la mère ou le père du bénéficiaire,
( B ) le frère ou la soeur du bénéficiaire qui n’étaient pas mariés
ou âgés de 18 ans ou plus au cours de cette année civile;
d) par effet de l’alinéa b), dans le cas où, par le seul effet de cet
alinéa, le bien aurait été, sans le présent alinéa, la résidence principale du
contribuable durant au moins quatre années d’imposition antérieures.
En outre, pour l’application de la présente définition :
e) la résidence principale d’un contribuable pour une année
d’imposition est réputée comprendre (sauf si le bien est une part du
capital social d’une société coopérative d’habitation) le fonds de terre
sous-jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacent
qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement
comme résidence; toutefois, dans le cas où la superficie totale du fonds
de terre sous-jacent et de cette partie excède un demi-hectare, l’excédent
n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si le
contribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage;
f ) le bien qu’une fiducie désigne pour une année en application de
l’alinéa c.1) est réputé être un bien désigné pour l’application de la
présente définition par chaque bénéficiaire déterminé de la fiducie pour
l’année civile se terminant pendant l’année.
Nature de la résidence
Essentiellement, la résidence principale du contribuable doit être un
logement, un droit de tenure à bail y afférent ou une action du
capital-actions d’une coopérative d’habitation constituée en corporation.
La résidence principale est également réputée comprendre le fonds de
terre sous-jacent, ainsi que le fonds de terre adjacent à un tel logement.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
358
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
Quel type d’habitation est admissible à titre de logement ?
Comme le terme «logement» n’est pas défini dans la Loi, il devient
pertinent de tenter d’en définir les paramètres. Les tribunaux ont
apporté très peu de précisions sur la question. Néanmoins, il n’est pas
imprudent de soutenir, à la lumière de la décision Flanagan9, qu’un
logement s’entend de tout type de construction ou d’installation offrant
au contribuable abri et confort, incluant une roulotte ou une caravane.
Par ailleurs, l’absence de services publics — aqueduc, égout,
électricité — ainsi que la nature mobile de pareille roulotte ou caravane
ne doivent pas empêcher de les qualifier de «logement». Dans
Flanagan, les faits pertinents peuvent se résumer ainsi : en 1973, M.
Flanagan avait fait l’acquisition d’un terrain vacant en bordure d’un lac.
Un permis de construction n’ayant pu être obtenu des autorités
municipales, il achète une caravane et une roulotte qu’il installe sur le
terrain lors de ses visites durant les fins de semaines et les vacances,
sans services publics pour les desservir. Dans son jugement, le juge Rip
conclut comme suit :
A “housing unit” need not be a building. A house provides shelter to
people who reside in it, and a building is not the sole means of shelter. A
van and trailer, suitably equipped, are capable of providing the same type
of shelter and comfort as a traditional house. Today one finds more than
a few people residing in vans and trailers while some trailers, like the
caravan in Makins v. Elson, op cit, may rest on bricks and be supplied
with services. Others may be mobile, taking advantage of the very nature
of the beast for travel. In either event the van or trailer easily may serve
as a housing unit: it is a question of fact whether the van or trailer at any
time is a housing unit. I do not find the lack of services to the
appellant’s van and trailer fatal to his appeal.
Cette interprétation relativement large de ce que constitue un
logement semble correspondre à la position administrative du Ministère
exposée au numéro 8 du Bulletin d’interprétation IT -120R 4 :
Le terme «logement» comprend une maison, un appartement dans un
duplex, dans un immeuble d’habitation ou dans un immeuble en
copropriété, un chalet, une maison mobile, une roulotte ou une maison
flottante.
Il n’est toutefois pas certain que la position du Ministère prévoyait
des circonstances comme celles qui ont entouré la disposition de la
résidence de M. Flanagan. En effet, il semble que seul le terrain ait fait
l’objet d’une disposition et que le contribuable ait conservé la roulotte
et la caravane qui n’étaient installées sur le terrain que lors de ses
visites durant les fins de semaines et les vacances. Bien qu’il soit
possible qu’une roulotte ou une caravane — qu’elle bénéficie ou non
des services publics — soit considérée comme un «logement» au sens
de la Loi, il paraît difficilement concevable, contrairement à l’opinion
du juge Rip, que la nature mobile d’une telle installation n’ait aucune
9
Flanagan c. MRN, 89 DTC 615 (CCI).
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
359
influence sur les conclusions en l’espèce. L’auteure est d’opinion que
toute structure qualifiée de résidence principale devrait avoir un
caractère permanent10. Il serait donc nécessaire qu’une roulotte ou une
caravane soit installée à demeure, soit de façon permanente sur le
terrain. Il y a aussi le fait que la mobilité d’une roulotte ou d’une
caravane rend difficile l’identification du fonds de terre sous-jacent à
ces installations 11. Les tribunaux auront sans doute l’occasion de se
prononcer à nouveau sur cette question afin d’établir des paramètres
plus précis.
Le terme «logement» peut-il inclure plus d’une installation ?
Sans le définir, la Loi utilise le terme «logement» — housing unit dans
la version anglaise — pour désigner le type de structure susceptible
d’être admissible à titre de résidence principale. Terme à sens plutôt
large, «logement» pourrait inclure plus d’une installation. Par exemple,
un bungalow, situé sur le terrain où se trouve la résidence habitée par le
contribuable et servant à loger les domestiques, le concierge et le
jardinier, des employés qui entretiennent la résidence et le terrain du
contribuable, pourrait-il faire partie du logement du contribuable ?
Dans son Bulletin d’interprétation IT -120R4, le Ministère n’énonce
pas de position sur la question et, à la connaissance de l’auteure, elle
n’a fait l’objet d’aucune analyse par les tribunaux canadiens. Deux
décisions des tribunaux anglais12 pourraient toutefois aider à répondre à
cette question. En Grande-Bretagne, comme au Canada, le contribuable
bénéficie d’une exemption de gain en capital à la disposition d’un
dwelling-house et du fonds de terre sous-jacent et adjacent ne dépassant
pas 1 ⁄ 2 hectare qui entoure le logement et qui sert à la jouissance de la
résidence. Pour la partie du fonds de terre qui excède the permitted
10 Cette opinion semble être partagée par Robert C. Strother, «Income Tax
Implications of Personal-Use Real Estate», dans Income Tax Aspects of Real Estate
Transactions, 1983 Corporate Management Tax Conference (Toronto : Association
canadienne d’études fiscales, 1983), 59-90, à la p. 60 : «Presumably, any structure of
reasonably permanent character suitable for human habitation will qualify».
(soulignement ajouté)
11 Windrim c. La Reine, 91 DTC 5221, à la p. 5227 (CF 1 re inst.) : «In the present
case there is a further complication. Where the taxpayer’s/homeowner’s housing unit is a
mobile home which is capable of going whither [sic] he or she goes, how can one
readily identify any “land subjacent to [that] housing unit and such portion of any
immediately contiguous land as may reasonably be regarded as contributing to the
taxpayer’s use and enjoyment of [that] housing unit”?»
12 Markey (HMIT) v. Sanders, [1987] BTC 176 (Ch. D.); Batey (HMIT) v. Wakefield
(1981), 55 TC 550 (CA). Pour un commentaire sur ces deux arrêts, voir D.H. Moore,
«Current Cases» (1987) vol. 35 n o 3 Revue fiscale canadienne 702-5. Sans avoir procédé
à une analyse de la question mais, en se fondant sur la décision Batey, la Cour
provinciale, a accepté d’inclure la résidence des domestiques comme résidence
principale bien qu’elle semblait être située sur une partie plus éloignée du terrain : voir
Yuile c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1988] RDFQ 202 (CP Mtl.).
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
360
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
area, c’est-à-dire 1 ⁄ 2 hectare, il appartient aux Commissioners de
déterminer s’il est nécessaire à la jouissance du dwelling-house comme
résidence.
C’est l’expression dwelling-house qui a été interprétée par les
tribunaux anglais, plus particulièrement pour déterminer si ce terme
peut comprendre plus d’une structure.
Dans l’affaire Markey v. Sanders, le contribuable avait disposé de sa
maison de campagne située sur un vaste fonds de terre incluant un
bungalow situé à l’entrée de la propriété, habité par les domestiques et
le jardinier. Il avait été nécessaire de construire ce bungalow puisqu’il
était très difficile d’obtenir l’aide d’employés sans leur offrir de
logement. La résidence du contribuable, pour sa part, se trouvait à 130
mètres de l’entrée de la propriété. Le contribuable a réclamé
l’exemption de gain en capital sur la totalité du gain réalisé lors de la
transaction, sur la base que le bungalow faisait partie de son
dwelling-house. En commentant la décision de la Cour d’appel dans
Batey v. Wakefield, le tribunal conclut qu’il était impossible, dans les
circonstances, de considérer la résidence du contribuable et le bungalow
des employés comme une seule résidence. Dans Batey v. Wakefield, les
faits étaient similaires, sauf que la résidence du contribuable et le
bungalow des employés étaient situés sur un fonds de terre
considérablement plus petit et que la distance qui les séparaient n’était
pas plus large qu’un court de tennis. La Cour d’appel conclut que le
bungalow pouvait raisonnablement être considéré faire partie du
logement du contribuable. L’expression dwelling-house pourrait donc
inclure le logement d’une autre personne si la structure est
suffisamment rapprochée de la résidence du contribuable et que le
logement sert au personnel d’entretien de la résidence du contribuable.
Dans Markey c. Sanders, les Commissioners étaient d’avis qu’il fallait
plutôt déterminer si l’ensemble des structures, prises comme un tout,
pouvait être considéré comme un seul dwelling-house. À cet égard, ils
ont considéré que le test développé par la Cour d’appel était trop
imprécis puisque «the concept of “very closely adjacent” does not of
itself indicate that the scale of the buildings must be taken into
consideration» 13.
Si un parallèle peut être établi entre l’expression «logement» utilisée
dans la Loi et l’expression anglaise «dwelling-house», les décisions
anglaises pourraient servir à interpréter l’étendue du terme «logement».
Ces deux causes appuient la conclusion que le logement d’un
contribuable peut inclure plus d’une structure si, examinées dans leur
ensemble, les différentes structures peuvent être considérées comme une
résidence unique. Il s’agira d’une question de faits laissée à
l’appréciation des tribunaux.
13
Markey, supra, note 12, aux pp. 184-85.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
361
Constructions contenant plus d’une unité d’habitation
Un dernier point mérite d’être souligné à l’égard du logement
lui-même. Certaines constructions sont initialement érigées pour
contenir deux ou plusieurs unités d’habitation facilement identifiables,
tel un duplex, un triplex ou un immeuble à appartements. Il est alors
facile de distinguer l’unité qui constitue la résidence principale du
propriétaire des autres unités, qui sont le plus souvent louées. Il arrive
parfois qu’une construction, dans laquelle se trouve la résidence du
propriétaire et dont une partie est par ailleurs louée, ne soit pas divisée
de façon aussi manifeste.
L’affaire Saccomanno14 offre une illustration de cette question. Le juge
Taylor avait à examiner la situation de faits suivante : le contribuable
avait fait l’achat d’une maison en 1979 avec l’intention d’en faire sa
résidence. À l’origine, cette maison avait été construite dans le but d’en
faire une seule maison d’habitation mais avait par la suite été divisée de
façon simple et non permanente afin d’abriter trois familles. Il était de
l’intention du contribuable d’éliminer les divisions et d’habiter la
superficie totale de la maison. Toutefois, ayant accepté un emploi à
l’extérieur de la ville, le contribuable dut vendre la maison qui avait
entre-temps été habitée en partie par son épouse et louée pour l’autre
partie. Après avoir examiné les circonstances particulières entourant la
situation du contribuable, le juge Taylor conclut comme suit :
Clearly a taxpayer could acquire a property—primarily as a rental
property—and use a portion thereof for a personal residence. That is the
view taken by the Minister in this assessment. But I can think of no valid
objection to a taxpayer doing exactly the opposite—buying a property for
his own use, as a principal residence, and renting out a part of it. […]
The essence of the Minister’s assessment must be that he is considering
the property as containing three separate “housing units” (paragraph
54(g) of the Act). This is as if this taxpayer had purchased a block of
three “townhouses,” which happened to have certain common physical
elements, such as walls, but were nevertheless distinctly separate—and
then rented two, and lived in one. I do not think that is a reasonable
interpretation of the circumstances of this matter. […] As I perceive this
situation, the entire house was a “housing unit,” not three separate
“housing units.” 15
La Cour fédérale eut à son tour l’occasion d’examiner une question
similaire dans l’affaire Mitosinka 16. Les faits pertinents sur lesquels la
Cour a basé sa décision peuvent se résumer comme suit : en 1957, le
contribuable a fait l’acquisition d’un terrain vacant sur lequel il a érigé
sa future résidence. L’immeuble a été construit de façon à comporter
deux parties séparées par une cloison vitrée et un petit coin où se
14
Saccomanno c. MRN, 86 DTC 1699 (CCI).
Ibid., à la p. 1701.
16 La Reine c. Mitosinka, 78 DTC 6432 (CF 1 re inst.) accueillant l’appel de la
Commission de révision de l’impôt : Mitosinka c. MRN, 77 DTC 13 (CRI).
15
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
362
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
trouvait un téléphone commun. Le sous-sol était aménagé de façon à
desservir les deux parties de la maison. Les services publics, à
l’exception d’un, étaient installés indépendamment pour chacune des
parties de l’immeuble, et chaque partie possédait son propre numéro
civique. Durant les premières années, les parents du contribuable ont
occupé l’une des parties de la maison qui a ensuite été louée à
différents locataires. Dans son avis de cotisation, le Ministre a
considéré que la moitié du gain en capital seulement pouvait faire
l’objet d’une exemption pour résidence principale. Dans son jugement,
le juge Collier conclut ainsi :
While the building was not quite a duplex in its construction, it served,
to my mind, the same practical function. It could, and did, house separate
families, who had separate facilities, and paid for separate services17.
Ces décisions indiquent clairement que les faits particuliers, propres
à chaque cas, servent à déterminer si un immeuble contient une ou
plusieurs unités d’habitation distinctes. L’auteure peut toutefois
identifier quelques circonstances qui auront des conséquences, à savoir
l’intention du contribuable, la vocation de l’immeuble lors de sa
construction, ainsi que la nature permanente ou non, irrémédiable ou
non, des divisions de l’immeuble.
Afin que l’immeuble soit considéré comme maison d’habitation
unique constituant la résidence principale du contribuable, il ne doit pas
l’avoir acquis avec l’intention d’en tirer un revenu, même si une partie
de l’immeuble est louée. Il doit l’avoir acquis dans le but unique d’en
faire sa résidence principale. Quant à la vocation de l’immeuble, un
bungalow serait, par définition, davantage perçu comme unité
d’habitation unique, même s’il avait ultérieurement subi certaines
modifications non permanentes, par opposition à un immeuble dont la
construction initiale prévoyait deux ou plusieurs unités d’habitation
distinctes. En outre, le fait que chacune des parties de l’immeuble soit
desservie de façon indépendante par les divers services publics, ainsi
que l’existence de numéros civiques distincts, peuvent révéler la
présence d’unités d’habitation distinctes.
Qu’est-ce qu’un fonds de terre «adjacent» ?
Aux termes de la définition de «résidence principale» à l’article 54 LIR,
la résidence est réputée comprendre «le fonds de terre sous-jacent au
logement, ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est
raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme
résidence».
Il est à noter que la définition de «résidence principale» a été
modifiée pour les dispositions effectuées après 1990, notamment en ce
qui concerne le passage pertinent qui traite de l’admissibilité du fonds
de terre. Dans la version antérieure de la définition, la résidence du
17
Mitosinka (CF 1 re inst.), supra, note 15, à la p. 6435.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
363
contribuable était réputée comprendre «le fonds de terre sous-jacent au
logement et la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de
considérer comme facilitant au contribuable l’usage et la jouissance du
logement comme résidence». La référence au contribuable et à la
jouissance ne se retrouve pas dans la présente version de la définition.
Tous les termes qui portaient à une interprétation «plus subjective» ont
été supprimés de ce passage, c’est-à-dire l’évaluation de «la jouissance»
du fonds de terre en rapport avec «le contribuable» lui-même. Cette
modification est donc venue entériner le courant jurisprudentiel qui veut
que cette partie de la définition de «résidence principale» soit
interprétée «objectivement», comme il sera démontré plus loin.
Neanmoins, comme la jurisprudence étudiée dans cet article interprète
la définition de «résidence principale» dans sa version antérieure,
l’auteure fait référence aux expressions «usage et jouissance».
Une première remarque quant au fonds de terre concerne la
distinction qui doit être faite entre le fonds de terre sous-jacent et le
fonds de terre adjacent à la résidence. Sous-jacent signifie le fonds de
terre situé directement sous le logement; adjacent signifie le fonds de
terre qui vient directement toucher le fonds de terre sur lequel repose le
logement du contribuable. Cette distinction n’est pas toujours présente à
l’esprit de certains juges18.
Avant d’être en mesure d’évaluer la contribution apportée par un
fonds de terre particulier à l’usage et à la jouissance du logement d’un
contribuable, il faut être certain, aux fins de la qualification de
résidence principale, qu’il s’agit d’un fonds de terre «adjacent». Cette
question a été abordée par les tribunaux au cours des dernières années
et il semble que pour être qualifiés d’«adjacents», deux fonds de terre
doivent être en contact physique direct. Cet énoncé est appuyé d’une
part, par la définition même du terme «adjacent» qui signifie deux
choses qui se touchent19 et d’autre part, par l’interprétation que fait le
juge Rip de cette expression dans la décision Flanagan :
Prior to 1983 the land comprising this property was not contiguous to the
land comprising the first property which was subjacent to the housing unit.
The two properties were separated by a roadway and were not touching.
18 Dans l’affaire Lewis Estate et al. c. MRN, 89 DTC 316, à la p. 322 (CCI) (en
appel), le juge Rip confond le fonds de terre sous-jacent et le fonds de terre adjacent :
Paragraph 54(g)(v) provides that a principal residence includes the land not
exceeding one acre that is subjacent to the housing unit. […] It is therefore
appropriate for a taxpayer to designate any one acre of land subjacent to the
housing unit to be part of his principal residence. (soulignement ajouté)
Il est question du sous-alinéa 54(g)v) tel qu’il se lisait et qu’il était applicable aux
dispositions survenues avant 1982 comme dans l’affaire Lewis Estate. En effet,
l’expression «un acre» contenu à cette disposition de la Loi a été remplacé par «un
demi-hectare» pour les dispositions survenant après 1981. Cette conversion au système
métrique a été légèrement à l’avantage du contribuable étant donné qu’un demi-hectare
représente une surface plus grande qu’un acre ( 1 ⁄ 2 hectare = 1,235 acre).
19 Le petit Larousse illustré (Paris : Librairie Larousse, 1987), 15.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
364
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
Underground piping under the road connecting the two properties does not
make the properties contiguous20. (soulignement ajouté)
Dans ce dernier cas, il est clair que le juge fait référence à un
contact physique. Ainsi, deux fonds de terre séparés par un élément
naturel, telle une petite rivière, ou par un élément artificiel, comme en
l’espèce une route, ne pourraient être considérés comme «adjacents».
Cette conclusion s’infère également de deux autres décisions21 qui
ont abordé la question. Si deux fonds de terre ne peuvent être adjacents
s’ils sont séparés par un élément physique, une division légale ne
viendrait pas affecter le caractère contigu d’un fonds de terre qui
formerait autrement la continuité d’un autre. Dans l’affaire Fourt, la
contribuable et son époux avaient d’abord fait l’acquisition d’un lot de
terre (le lot 76) sur lequel ils ont construit leur maison. Entre-temps, ils
ont fait l’acquisition d’une seconde partie du fonds de terre, soit le lot
77. Alors que la maison était entièrement située sur le lot 76, un hangar
servant à l’entreposage et un incinérateur se trouvaient sur le lot 77. Le
Ministère prétendait que seule la partie du fonds de terre comprise dans
la plus petite unité légale de division sur laquelle la maison des
contribuables avait été érigée (soit un «lot» et, en l’espèce le lot 76)
pouvait être considérée comme le fonds de terre adjacent. Sur ce point,
le juge Strayer a fait la remarque suivante :
That is not what subparagraph (v) says, however, and I do not think that
an intention can be ascribed to Parliament to limit the natural meaning of
“contiguous” in this way. […] In other words the existence of two legally
separate lots did not preclude the second lot from being contiguous to the
lot upon which the house stood. A fortiori it should not in the present
case, involving less than 1 ⁄ 2 hectare, preclude Lot 77 from being
contiguous to the land subjacent to the house on Lot 7622.
Une question similaire s’est posée dans la décision Fraser alors qu’il
s’agissait de déterminer si une partie du fonds de terre, par ailleurs
adjacente à la maison du contribuable, perdait cet attribut en raison du
fait qu’elle se trouvait séparée par un droit de passage qui traversait le
terrain. Le juge Taylor conclut qu’un droit de passage ne pouvait
constituer une ligne de démarcation imaginaire ayant pour effet de
séparer une partie du fonds de terre sur laquelle se trouvait le terrain de
jeu en l’espèce, du reste du fonds de terre immédiatement adjacent à la
maison. À cet égard, il s’exprime comme suit :
With regard to contiguity, the Minister has set up this separation of the
“principal residence” and the “garden and play area.” […] Thereby the
Minister established the right of way as an imaginary line of
demarcation. In my view, the “garden and play area” is just as
“immediately contiguous” to the housing unit as is the “right of way.”23
20
Supra, note 6, aux pp. 619-20.
Fraser c. MRN, 83 DTC 448 (CRI); Fourt c. La Reine, 91 DTC 5631 (CF 1re inst.).
22 Fourt, supra, note 21, aux pp. 5634 et 5635.
23 Fraser, supra, note 21, à la p. 452.
21
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
365
Attribution du fonds de terre adjacent entre la partie de
l’immeuble servant de résidence principale et celle
servant à produire un revenu
Un logement peut faire partie d’un immeuble comprenant plus d’une
unité d’habitation alors que ces unités servent à produire un revenu.
Cette situation de fait soulève la problématique particulière de
l’attribution du fonds de terre adjacent entre la partie de l’immeuble qui
représente la résidence principale du contribuable et celle correspondant
à la partie louée.
Exemple : en 1985, un contribuable achète un duplex qui inclut un
jardin, un patio et un garage pour un montant de 60 000 $. Depuis cette
date, le deuxième étage du duplex sert à produire un revenu et le
contribuable habite le premier étage avec sa famille. De plus, il s’est
réservé l’accès et l’usage du jardin, du patio et du garage qu’il utilise
en exclusivité. Le contribuable dispose de son immeuble en 1990 pour
un montant de 100 000 $.
En ce qui concerne l’immeuble, il est facilement concevable que la
partie du gain en capital réalisé s’y rapportant soit attribuée, pour la
moitié à la résidence principale et pour l’autre moitié, à la partie de
l’immeuble servant à produire un revenu. Ce résultat est conforme avec
la position du Ministère à ce sujet, telle qu’exprimée au numéro 36 du
Bulletin d’interprétation IT -120R4 où il est expliqué que la partie d’une
résidence produisant un revenu est habituellement calculée en fonction
de la superficie en cause.
Cette position ne semble traiter que de l’immeuble, sans donner de
précisions sur le fonds de terre. Est-ce dire que le fonds de terre doit
automatiquement être attribué dans les proportions qui s’appliquent à
l’immeuble ? Si tel était le cas, une situation inéquitable résulterait en
l’espèce, étant donné que la partie du fonds de terre adjacent était
strictement réservée à l’usage du contribuable et de sa famille.
L’auteure est d’avis que la relation qui existe entre l’utilisation qui est
faite du fonds de terre adjacent et la résidence principale du
contribuable doit être prise en considération et l’attribution des
proportions entre les différentes unités d’habitation de l’immeuble
établie en conséquence. Cette affirmation semble être appuyée par deux
décisions, dont Mitosinka où le juge Collier s’exprime comme suit :
In respect of the land, the evidence indicates it was common to both
housing units. Each family had the use of the whole of the land. It
would, however, be unreasonable to assign or allocate the whole of the
land to one housing unit, or to the other. The Minister’s equal
apportionment has not, as I see it, been shown by the defendant to be
unrealistic or unreasonable24.
Par raisonnement a contrario, si le fonds de terre avait été destiné à
l’usage exclusif de la résidence principale du contribuable, il aurait
24 Mitosinka (CF 1 re inst.), supra, note 16, à la p. 6435 et Berkovic c. MRN, 83 DTC
335 (CRI).
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366
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
raisonnablement été possible de démontrer que l’attribution de la
totalité du fonds de terre à l’une des deux unités d’habitation, soit la
résidence du contribuable, permettrait d’arriver à un résultat plus
équitable. Par ailleurs, dans Berkovic25, le contribuable, propriétaire
d’un immeuble à appartements dans lequel se trouvait sa résidence,
prétendait que le fonds de terre adjacent devait être attribué en totalité
à la partie de l’immeuble correspondant à sa résidence. Le juge Cardin,
après avoir fait état de la situation de fait, reprit les conclusions du
juge Collier dans Mitosinka :
On the basis of the evidence, the appellant did not have the exclusivity
of use or enjoyment of the land component that he could normally have
expected if his principal residence had been a single family dwelling.
With respect to the objective test of use of the land component, the
tenants had full use of the driveway and the parking area which took up
a considerable portion of the land surrounding the apartment building.
There were no restrictions to the tenants’ use of the patio; they enjoyed a
good view of the landscaped surroundings and used the lawn for
sunbathing. […] Applying Mr. Justice Collier’s reasoning to the facts of
this appeal, it would be unreasonable to allocate the whole of the land
component to any one of the housing units including that of the owner of
the building, the appellant26.(soulignement ajouté)
En définitive, l’attribution du fonds de terre adjacent entre la
résidence principale et les autres unités d’habitation de l’immeuble doit
être résolue d’après les faits pertinents à chaque cas, en visant le
résultat le plus équitable possible. Dans l’exemple qui précède, le calcul
de la partie du gain en capital exempte d’impôt aurait dû se faire en
tenant compte du fait que la totalité du terrain servait à l’usage et à la
jouissance exclusive des occupants de la résidence principale. Ainsi, il
y aurait lieu d’attribuer une fraction supérieure du gain en capital à la
partie de l’immeuble utilisée comme résidence principale par le
contribuable. La méthode préconisée consisterait à évaluer la superficie
de la résidence du contribuable et du terrain adjacent par rapport à la
superficie totale représentée par l’ensemble des deux logements et du
fonds de terre adjacent. À défaut, un calcul distinct pour l’immeuble
d’une part et pour le terrain d’autre part pourrait être effectué. Voici
une illustration de la première alternative :
Hypothèse : • superficie 1 er étage du duplex incluant
le fond de terre sous-jacent
• superficie 2 e étage du duplex
700 mètres carrés
350 mètres carrés
• superficie du fonds de terre comprenant
le jardin, le patio et le garage
350 mètres carrés
Calcul :
25
26
40 000 $* ×
Berkovic, supra, note 24.
Ibid., aux pp. 336-37.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
1050
(mètres carrés) = 30 000 $**
1400
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
367
* gain en capital total autrement déterminé
** partie du gain en capital attribuable à la résidence principale du
contribuable
Distinction entre le fonds de terre adjacent d’un demi-hectare
ou moins et le fonds de terre de plus d’un demi-hectare
Tel que mentionné, aux termes de la définition de «résidence principale»
à l’article 54 LIR, le fonds de terre sous-jacent au logement, ainsi que la
partie du fonds de terre adjacent «qu’il est raisonnable de considérer
comme facilitant l’usage du logement comme résidence», sont réputés
faire partie de la résidence principale du contribuable. Cette présomption
s’applique dans la mesure où la superficie totale du fonds de terre
sous-jacent et la partie du fonds de terre adjacent n’excèdent pas un
demi-hectare. Si le fonds de terre est de plus d’un demi-hectare,
«l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence
que si le contribuable établit qu’il est nécessaire à cet usage».
Cette terminologie employée par le législateur suggère que, dans les
deux cas (soit celui d’un fonds de terre d’un demi-hectare au moins et
celui d’un fonds de terre de plus d’un demi-hectare), certains faits
doivent être démontrés afin que le fonds de terre puisse être considéré
faire partie de la résidence principale du contribuable. Quant au
Ministère, le numéro 20 du Bulletin d’interprétation IT -120R 4 semble
suggérer une approche différente lorsque la superficie du fonds de terre
n’excède pas un demi-hectare :
Il n’est habituellement pas nécessaire de faire la preuve que un
demi-hectare ( 1 ⁄ 2) de fonds de terre ou moins, y compris l’aire sur
laquelle est érigé le logement, facilite l’usage et la jouissance du
logement comme résidence. Toutefois, si une partie de ce fonds de terre
est utilisée pour tirer un revenu d’entreprise ou de bien, cette partie n’est
habituellement pas considérée comme facilitant l’usage et la jouissance
du logement comme résidence. (soulignement ajouté)
En somme, le Ministère considère que la partie du fonds de terre d’un
demi-hectare ou moins est réputée faire partie de la résidence principale
du contribuable, sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’il facilite
l’usage et la jouissance du logement comme résidence. Cette position est
légèrement différente de celle énoncée à la version antérieure du Bulletin
d’interprétation, soit le IT-120R3, dont le numéro 11 était rédigé de
façon plus catégorique : «Il n’est pas nécessaire de prouver cet usage et
cette jouissance s’il s’agit d’un fonds de terre de 1 ⁄ 2 hectare ou
moins …». Cet énoncé suggérait qu’un fonds de terre d’un demi-hectare
ou moins faisait «automatiquement» partie de la résidence. Malgré ceci,
le Ministère n’a pas toujours donné cette interprétation à l’énoncé de sa
politique administrative. En effet, tel qu’il en est fait état plus loin, les
tribunaux ont eu à examiner des cas où le fonds de terre n’excédait pas
un demi-hectare. La version anglaise27 contenait toutefois déjà cette
27 Bulletin d’interprétation IT-120R3, numéro 11. Voir (vol. 118, n o 9), le 3 mars
1984 Gazette du Canada Partie I, à la p. 1792.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
368
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
subtilité additionnelle : «No proof of such use and enjoyment is
normally required in respect of 1 ⁄ 2 hectare of land or less».
(soulignement ajouté) Cette dernière version de la position du Ministère
sous-entend qu’il peut arriver qu’il exige la preuve de la contribution
du fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement comme
résidence, malgré que, de façon générale, une telle preuve ne soit pas
nécessaire. Le Ministère n’apporte cependant aucune précision relative
aux circonstances dans lesquelles cette preuve serait requise. Il serait
donc possible d’une part, dans le cas d’une disposition d’un fonds de
terre n’excédant pas un demi-hectare, qu’un contribuable doive faire la
démonstration du caractère contributif du fonds de terre à l’usage de la
résidence. D’autre part, dû à l’utilisation du fonds de terre non reliée à
l’usage du logement comme résidence principale, il serait également
possible que le fonds de terre ne soit pas raisonnablement considéré
faciliter cet usage du logement.
Le test permettant de déterminer si un fonds de terre peut être
considéré faire partie de la résidence principale diffère selon que la
superficie excède un demi-hectare ou non. Les cas où la superficie est
de plus d’un demi-hectare sont soumis à un test davantage rigoureux
étant donné que le contribuable doit faire la preuve de la «nécessité» de
la partie excédentaire à l’usage du logement (le test de nécessité). Pour
une superficie d’un demi-hectare ou moins, un test moins strict
s’appliquerait qui exigerait simplement la démonstration qu’il est
raisonnable de considérer le fonds de terre comme «facilitant» l’usage
du logement comme résidence principale (le test de contribution). Il
s’agit de deux tests différents qui ne doivent pas être confondus,
comme le fait remarquer le juge Strayer dans la décision Fourt :
Thus it will be seen that while the learned judge considered that the use
of Lot 77 may well have been convenient and enjoyable for the plaintiff
he dismissed her appeal because that lot was not “necessary” to the use
and enjoyment of the housing unit. He thus applied the test appropriate
for the disposition of land in excess of 1 ⁄ 2 hectare whereas the land in
question here was less than 1 ⁄ 2 hectare 28.
En outre, le juge fait remarquer plus loin que le test relatif au fonds
de terre dont la superficie n’excède pas un demi-hectare en est un qui
doit être appliqué de façon «objective». Un test subjectif serait plus
approprié dans le contexte de la disposition d’un fonds de terre dont la
superficie excède un demi-hectare :
28 Fourt, supra, note 21, à la p. 5633. Cette distinction n’est cependant pas toujours
présente à l’esprit des juges. Dans Gook et al. c. MRN, 92 DTC 1637 (CCI), le juge
Tremblay applique le test de contribution à un fonds de terre de 5,22 acres, soit plus de
1 ⁄ 2 hectare. À la page 1637 du jugement, il déclare :
The first point is whether for the year 1985 a 5.22 acre piece of land located in
Victoria, British Columbia, may reasonably be regarded as contributing to Flavia
and Richard E. Gook Sr.’s use and enjoyment of the housing unit as a residence
pursuant to the provision 54(g)(v) of the Income Tax Act.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
369
The word “reasonably” implies some kind of objective test […] It is not
for the officials of the Department of National Revenue, nor for the
courts, to be the arbiters of life-styles chosen by taxpayers. […] in
particular we are not entitled to reject the taxpayer’s claim that certain
land contributed to the use and enjoyment of his residence simply
because in our view such land was not necessary to that use and
enjoyment. The latter test is appropriate only for dispositions of holdings
totalling more than 1 ⁄ 2 hectare 29. (soulignement ajouté)
Cette dernière remarque du juge Strayer n’est pas en accord avec
l’affirmation qu’avait faite le juge Christie, bien qu’en obiter seulement,
quelques années auparavant dans l’affaire Rode. En effet, le juge Christie
était d’avis que le test de nécessité, comme le test de contribution, doit
être appliqué de façon objective et s’exprima comme suit :
Therefore what an appellant must do in order to establish that his principal
residence exceeds 1 acre is to prove that the excess was “necessary” to the
use and enjoyment of the housing unit as a residence. I believe that in this
context this requirement dictates that a stringent test shall be applied in
determining the acreage of a principal residence. I am also of the opinion
that what constitutes a principal residence is to be decided throughout by
objective, not subjective, testing30. (soulignement ajouté)
D’autres ont été d’avis que chacun de ces deux tests contient des
éléments qui font appel à une évaluation à la fois objective et
subjective, en particulier l’utilisation de l’expression «usage et
jouissance» qui était employée dans les deux cas, notamment la
décision du juge Bonner dans l’affaire Madsen :
[…] I think, that the test as laid down by paragraph 54(g) is not only the
objective test of use, but also the subjective test of enjoyment, being the
equivalent of gratification and pleasure31.
En effet, alors que le terme «usage» demande une certaine objectivité
puisqu’il s’agit de vérifier l’existence de certains faits seulement, le
terme «jouissance» demande plutôt d’évaluer le plaisir et la satisfaction
que retire le contribuable de la possession de son fonds de terre, ce qui
ajoute une composante subjective à chacun des deux tests.
Toutefois, comme le terme «jouissance» a été retiré de la plus
récente version de la définition de «résidence principale», et compte
tenu du plus récent courant jurisprudentiel à ce sujet, il est espéré que
l’application des tests de contribution et de nécessité sera dorénavant
plus «objective».
29
Fourt, supra, note 21, aux pp. 5633 et 5634.
Rode et al. c. MRN, 85 DTC 272, à la p. 274 (CCI). Cette opinion du juge Christie
a récemment été réitérée par la Cour fédérale d’appel dans Carlile c. La Reine, 95 DTC
5483, où le juge Desjardins mentionnait, à la page 5484, «One way of establishing that
land in excess of one acre is necessary to the use and enjoyment of the housing unit as
a residence is by reference to what is known as an objective test».
31 Madsen c. MRN, 81 DTC 1 (CRI) à la p. 2. Ce test objectif de l’usage et le test
subjectif de la jouissance ont été repris dans la décision Berkovic, supra, note 24.
30
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
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CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
Application par les tribunaux du test de contribution lors de la
disposition d’un fonds de terre mesurant un demi-hectare ou moins
Comme il s’agit d’un jugement récent de la Cour fédérale et donc d’un
poids certain en la matière, la décision Fourt 32 est celle qui mérite
d’être soulignée comme exemple de l’application du test de contribution
dans les cas où la superficie du fonds de terre ayant fait l’objet d’une
disposition n’excède pas un demi-hectare. De plus, Il s’agit de l’une
des rares décisions ayant eu à appliquer le test de contribution.
Le lecteur se souviendra que dans cette affaire, les contribuables
avaient fait l’acquisition de deux lots de terre, érigé leur résidence le
lot 76 tandis que le lot 77 servait de stationnement, d’espace vert et
d’emplacement pour un hangar servant à l’entreposage, un incinérateur
et une cabane extérieure. Il fut d’une part décidé que les lots 76 et 77
devaient être considérés comme des fonds de terre adjacents. D’autre
part, il s’agissait de savoir si, à ce titre, le lot 77, dont la superficie
totale additionnée à celle du lot 76 ne dépassait pas un demi-hectare,
pouvait raisonnablement être considéré comme facilitant l’usage et la
jouissance du logement comme résidence (test de contribution). Voici la
conclusion du juge Strayer :
In the present case the plaintiff gave very credible evidence that she and
her husband bought Lot 77 to provide them with additional space and
privacy. Although they had intended to build a house on it, they kept it
and did make use of it. While its use as space for a storage shed, an
outhouse, an incinerator, some lawn and parking was obviously not
essential to the use and enjoyment of the house on Lot 76, it clearly
contributed to that use and enjoyment. It is true, as counsel for the
defendant implied, that all of these uses could have been accommodated
on Lot 76. […] Nevertheless, that is not the test for whether a portion of
land may reasonably be regarded as contributing to the taxpayer’s use
and enjoyment of his or her housing unit. What is important is that Lot
77 did in the plaintiff’s view contribute to her use and enjoyment of her
house and that view cannot be characterized as exaggerated, fanciful, or
unnatural 33. (soulignement ajouté)
Tel que mentionné précédemment, le Ministère est d’avis que le
fonds de terre sous-jacent et adjacent au logement qui n’excède pas un
demi-hectare est réputé faire partie de la résidence principale du
contribuable sans qu’il ne soit nécessaire (habituellement) de faire la
preuve qu’il facilite l’usage et la jouissance du logement comme
résidence. Toutefois, dans le cas Fourt, le Ministère a exigé une preuve
de la contribution à l’usage et à la jouissance puisqu’un premier lot
avait été acquis sur lequel la maison avait été construite, le lot adjacent
n’ayant été acquis qu’ultérieurement34.
32
Fourt, supra, note 21.
Ibid., à la p. 5634.
34 Mémorandum interne de la Division générale et des entreprises, le 4 mai 1995,
dans Window on Canadian Tax (Don Mills : CCH Canadian) (feuilles mobiles),
(page suivante s.v.p.)
33
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
371
Cette décision peut servir à circonscrire les limites d’application du
test de contribution. En somme, le test requiert d’abord qu’il soit fait
usage du fonds de terre adjacent. Bien que cette utilisation du fonds de
terre n’ait pas à être caractérisée «d’essentielle», le test demande ensuite
que l’usage puisse être considéré faciliter ou contribuer à l’usage et à la
jouissance du logement comme résidence. Il est à noter que cette
contribution n’exige pas que l’usage du terrain soit «exclusivement»
relié au logement. Il doit toutefois être rattaché à la nature des fonctions
d’une résidence. Dans l’affaire Fourt, il a été considéré que le lot 77 qui
servait d’espace de stationnement, d’espace vert, et d’emplacement pour
le hangar, la cabane et l’incinérateur, pouvait raisonnablement être
considéré contribuer à l’usage et à la jouissance du logement comme
résidence. D’autres exemples types pourraient être l’utilisation du fonds
de terre comme potager ou roseraie, ou encore pour l’installation d’une
piscine. Il s’agit d’un test facile à respecter et l’auteure soupçonne que,
dans la majorité des cas, les tribunaux devront donner raison au
contribuable dans la mesure où une contribution est apportée par le
fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence,
du moins à son «usage» depuis les modifications apportées à la Loi.
Application par les tribunaux du test de nécessité lors de la
disposition d’un fonds de terre excédant un demi-hectare
Remarques préliminaires
Le test pour un fonds de terre dont la superficie excède un demi-hectare
est considérablement plus exigeant, principalement pour les deux
raisons qui suivent. D’une part, le contribuable a la charge de tenter de
réfuter la présomption établie par la Loi. Le présent texte de l’article 54
LIR stipule que «l’excédent [d’un demi-hectare] n’est réputé faciliter
l’usage du logement comme résidence que si le contribuable établit
qu’il était nécessaire à cet usage35». D’autre part, le test exige que
l’excédent du fonds de terre soit «nécessaire» à l’usage de la résidence
par opposition à simplement «contributif», ce qui ajoute
considérablement au fardeau de preuve imposé au contribuable.
L’interprétation du Ministère se lit comme suit :
L’excédent du fonds de terre doit être clairement nécessaire, et non
seulement souhaitable, pour que le logement puisse remplir
convenablement son rôle de résidence36.
Les tribunaux ont également tenté de définir le terme «nécessaire». À
noter, l’affaire Fraser 37 où le juge Taylor indique ce qui suit concernant
(… suite)
paragraphe 3662, à la p. 4669. Il est à noter que ces mémorandums internes, ainsi que
les interprétations techniques émises, bien qu’utiles pour apprécier la position du
Ministère, ne constituent pas des énoncés qui lient ce dernier.
35 Paragraphe 54e) LIR.
36 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 21. Le ministère du Revenu du Québec
décrit le test de nécessité dans les mêmes termes : IMP. 227-1/R1, numéro 5.
37 Fraser, supra, note 21.
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372
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
le sens à attribuer au terme «nécessaire» dans le contexte du test établi
à l’article 54 LIR :
I consider “necessary” in this context to be virtually synonymous with
“vital” or “essential.” […] for this appellant to bring himself within this
strict limits of the exception provision “necessary to such use and
enjoyment,” it is important to perceive of the excess area in dispute as
indispensable in its direct relationship to the residential properties of the
housing unit 38.
Pour sa part le juge Christie, dans la décision Rode 39, s’inspire de la
définition du terme «nécessaire» fournie par le dictionnaire afin d’en
établir les paramètres. Il s’exprime de la façon suivante :
Among the interpretations assigned to the word “necessary” in the Oxford
English Dictionary is: “Indispensable, requisite, essential, needful; that
cannot be done without.” From this selection I believe that the phrase
“that cannot be done without” best epitomizes what a taxpayer must meet
in order to establish that his principal residence can properly be regarded
as greater than 1 acre 40.
Des synonymes proposés, le juge choisit l’expression «cannot be
done without» qui constitue le plus strict des termes susceptibles de
décrire le sens du mot «nécessaire», par opposition aux termes requisite
et needful. En conséquence, le test de nécessité reçoit une interprétation
très étroite. D’autres décisions ont suivi le raisonnement du juge
Christie dans l’interprétation du test de «nécessité», notamment les
décisions Cox41 et Beaton42. L’affaire Cox fait explicitement référence à
la décision Rode :
The dugout or fish pond was quite capable of contributing to the use and
enjoyment of the housing unit as a residence, but it does not meet the
test of necessity enunciated in Rode 43. (soulignement ajouté)
De même, dans l’affaire Beaton, le juge Brûlé, après avoir cité les
commentaires du juge Christie, conclut de la façon suivante : «The
Appellant did indeed “do without” the 2.1 acres while using and
enjoying his residence44».
Exemples d’application
Selon l’interprétation donnée au test de nécessité contenu à la définition
de «résidence principale» de l’article 54 LIR, il n’est pas imprudent
d’affirmer que la tâche imposée au contribuable est très exigeante et
38
Ibid., aux pp. 452-53.
Rode, supra, note 30.
40 Ibid., à la p. 274.
41 Cox et al c. MRN, 85 DTC 320 (CCI). Il s’agit d’une décision du même juge, soit
le juge Christie.
42 Beaton c. MRN, 87 DTC 243 (CCI).
43 Supra, note 41, à la p. 322.
44 Supra, note 42, à la p. 246.
39
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
373
qu’il n’aura gain de cause que dans de rares cas. La jurisprudence
démontre que les tribunaux ont appliqué le test de nécessité de façon
très stricte. L’auteure attire d’abord l’attention du lecteur sur les cas où
les tribunaux ont refusé de considérer l’excédent d’un demi-hectare de
fonds de terre comme «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du
logement du contribuable.
L’espace d’un fonds de terre servant de potager pour le contribuable
ou de terrain de jeu pour ses enfants pourrait être considéré comme
«contribuant» ou «facilitant» l’usage et la jouissance de sa résidence
mais ne respecterait certes pas le test de nécessité45. Dans l’affaire
Rode 46, il était également question d’un fonds de terre utilisé comme
potager mais à plus grande échelle. Les contribuables, dont le style de
vie était autosuffisant, utilisaient le fonds de terre de 9,3 acres adjacent
à leur résidence pour cultiver les aliments dont ils avaient besoin pour
vivre. En appliquant le test de nécessité (cannot be done without) de
façon objective, le juge Christie conclut que, aussi louable que puisse
être considéré le style de vie des contribuables, ils n’avaient pu
démontrer qu’à défaut du fonds de terre en question, ils n’auraient pu
utiliser et tirer profit de leur logement comme résidence. Au même
effet, la décision Raper Estate 47 s’ajoute à titre d’exemple d’une
contribuable qui, afin de répondre aux besoins découlant de son style
de vie rural, utilisait le fonds de terre adjacent à sa résidence pour
cultiver ses légumes et garder quelques animaux. Après avoir cité la
majorité des passages de la décision Rode, le juge Tremblay conclut
que le style de vie de la contribuable ne suffisait pas à démontrer que
l’excédent d’un demi-hectare de terrain était nécessaire à l’usage et à la
jouissance de sa résidence.
Par ailleurs, il est à noter que l’usage du fonds de terre doit être relié
à la nature des fonctions de la résidence. Ainsi, un contribuable ne
pourrait soutenir que le fonds de terre sur lequel sont situées quelques
bâtiments qui servent à des assemblées religieuses peut être considéré
«nécessaire» à l’utilisation de la résidence48. La destination d’un tel
fonds de terre serait certes nécessaire à la conduite des activités
religieuses du contribuable, mais ce serait là appliquer un test différent
de celui établi à l’article 54 LIR49.
45
Fraser, supra, note 21.
Rode, supra, note 30.
47 Raper Estate c. MRN, 86 DTC 1513 (CCI).
48 Madsen, supra, note 31.
49 Ibid. Au même effet, voir la décision Watson et al. c. MRN, 85 DTC 270 (CCI).
La preuve démontrait que le contribuable avait fait l’acquisition d’une résidence,
incluant un fonds de terre sur lequel se trouvaient une grange, une écurie et un atelier,
dans le but d’y établir une pension pour chevaux. Cette partie du fonds de terre ne
pouvait être considérée nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence car son
utilisation n’était pas reliée aux fonctions d’une résidence mais plutôt aux occupations
du contribuable.
46
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
374
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
La décision Yates
Malgré le caractère restrictif du test de nécessité, les tribunaux ont
parfois accepté de considérer l’excédent d’un demi-hectare de fonds de
terre comme «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement d’un
contribuable. La décision qui est considérée établir un précédent en la
matière est celle du juge Heald de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt
Yates50. Dans cette affaire, le contribuable avait acquis, en 1964, un
fonds de terre d’une dimension de 10 acres. À l’époque, le règlement de
zonage en vigueur exigeait que les terrains résidentiels soient de cette
dimension minimum. Une modification au règlement municipal a par la
suite porté la dimension minimum à 25 acres. Le contribuable utilisait
un acre de terrain pour sa résidence, l’excédent étant loué à un fermier à
des fins agricoles. En 1978, sous menace d’expropriation, le
contribuable a disposé de 9,3 acres de terrain en faveur de la ville de
Guelph. Il a conservé la partie du terrain sur laquelle était située sa
maison et a continué d’y vivre. Dans un bref jugement oral, le juge
Heald a confirmé les conclusions du juge Mahoney de la Cour fédérale51
qui avait conclu qu’étant donné l’existence, au moment de la disposition
de la résidence principale, d’un règlement de zonage exigeant que le
fonds de terre du contribuable soit d’une dimension minimum, la
superficie totale de ce fonds de terre, en l’occurrence 10 acres, devait
être considérée faire partie de la résidence principale. Il était d’avis que
le contribuable s’était déchargé, de ce fait, du fardeau de prouver que
l’excédent d’un acre de terrain (aujourd’hui un demi-hectare) était
nécessaire à la fois à l’usage et à la jouissance du logement du
contribuable comme résidence principale.
Le juge Mahoney était d’avis que le règlement de zonage constituait
un facteur déterminant :
The Defendants could not legally have occupied their housing unit as a
residence on less than ten acres. It follows that the entire ten acres,
subjacent and contiguous, not only “may reasonably” be regarded as
contributing to their use and enjoyment of their housing unit as a
residence; it must be so regarded. It also follows that the portion in
excess of one acre was necessary to that use and enjoyment52.
Règlements municipaux
La décision dans l’affaire Yates est d’importance significative pour trois
raisons. Premièrement, elle établit que la partie excédant un demi-hectare
50 La Reine c. Yates et al., 86 DTC 6296 (CF Appel). Cette décision, qui établit le
principe que la partie du fonds de terre excédant un demi-hectare serait considérée
nécessaire à l’usage et la jouissance de la résidence lorsqu’un règlement municipal
requiert qu’un fonds de terre soit d’une dimension minimale, a été reprise par les
tribunaux de façon constante, plus particulièrement récemment dans l’affaire Carlile,
supra, note 30. Cette décision, du même tribunal, vient confirmer le principe.
51 La Reine c. Yates, 83 DTC 5158 (CF 1 re inst.).
52 Ibid., à la p. 5159.
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L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
375
de terrain sous-jacent et adjacent à la résidence serait «nécessaire», donc
faisant partie de la résidence principale, lorsqu’un règlement municipal
requiert qu’un fonds de terre soit de cette dimension minimale53. Le
Ministère est prêt à reconnaître que ce genre de restriction constitue un
facteur qui doit figurer dans l’évaluation du caractère nécessaire de la
partie excédant un demi-hectare du fonds de terre. En effet, le numéro 22
du Bulletin d’interprétation IT-120R4 énonce :
Un bien utilisé à des fins résidentielles peut être visé par une loi ou un
règlement d’une municipalité ou d’une province fixant la dimension
minimale du lot pour un emplacement résidentiel. Si la dimension
minimale de lot pour fins résidentielles imposée par la loi était
supérieure à un demi-hectare (1 ⁄ 2) au moment où le contribuable avait fait
l’acquisition du bien, cette dimension minimale est généralement
considérée comme la superficie minimale de fonds de terre nécessaire à
l’usage et à la jouissance du logement comme résidence, et ce, tout au
long de la période où le contribuable a possédé le bien d’une façon
continue depuis la date de son acquisition.
À la suite de la décision de la Cour fédérale d’appel dans Yates, le
Ministère avait émis un Communiqué sur cette position54 mais il
semblerait qu’il désire en limiter son application aux cas où les faits
présentés sont virtuellement identiques à ceux de l’affaire Yates55.
Par ailleurs, le Ministère indique, dans son Bulletin d’interprétation
IT -120 R 4, ainsi que dans le Communiqué du 13 avril 1987 qui a suivi la
décision Yates, que les restrictions de morcellement imposées par les
règlements de zonage en vigueur peuvent également constituer un
facteur à peser pour déterminer de la «nécessité» de l’excédent d’un
demi-hectare du fonds de terre à l’usage et à la jouissance du logement,
et donc considéré faire partie de la résidence principale du
contribuable 56.
53 Dans Wideman c. MRN 83 DTC 531, à la p. 535 (CCI), le juge Cardin en était
déjà venu aux mêmes conclusions après avoir examiné une situation similaire :
The by-law requiring that residential lots consist of two acres and 200 ft. frontage
appears to me to be not only reasonable but, in instances such as this one,
necessary for the access as well as the use and enjoyment of the principal
residence. The municipal by-law, with respect to the size of residential lots,
should in my opinion be applied here and the allocation of land to the principal
residence should be 2 acres with a 200 ft. frontage on one of the roads.
54 Ministère du Revenu, Communiqué, le 13 avril 1987. Ce Communiqué est discuté
par Arthur B.C. Drache, «Principal Residence Change Announced», dans The Canadian
Taxpayer, vol. IX, n o 11 (Toronto : DeBoo, 1987), 82.
55 Mémorandum interne de la Division générale et des entreprises, le 22 février 1991,
dans Claude Désy, Access to Canadian Income Tax, vol. 3 (Montréal : DAFCO) (feuilles
mobiles), paragraphe 91 RCT 226, à la p. 808,204.
56 La politique du Ministère concernant les restrictions de morcellement est énoncée
au numéro 21 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui se lit comme suit :
Des restrictions quant au morcellement ou à la subdivision du fonds de terre […]
sont d’autres facteurs qui doivent être pris en considération, dans certains cas,
(page suivante s.v.p.)
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
376
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
Comme facteur pertinent lors de l’application du test de nécessité, la
reconnaissance d’un règlement municipal ou d’une loi provinciale
exigeant qu’un terrain résidentiel soit d’une dimension minimale
supérieure à un demi-hectare est en accord et tire sa source de la
décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Yates. Pour sa part,
la reconnaissance des restrictions quant au morcellement ou à la
subdivision d’un fonds de terre comme facteur pertinent pour
déterminer le caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant un
demi-hectare, émane du Ministère lui-même. Jusqu’à récemment, les
tribunaux rejetaient cette considération comme facteur pertinent.
Il est important de distinguer un règlement municipal qui requiert
qu’un fonds de terre soit d’une dimension minimale d’un règlement
municipal qui impose des restrictions de morcellement. D’une part, si
un règlement municipal fixe la dimension minimale d’un lot pour un
emplacement résidentiel (15 hectares, par exemple), il est à présumer
que le contribuable ne pourrait légalement faire l’acquisition et habiter
une résidence située sur un fonds de terre plus petit. Il est donc logique
que les tribunaux et le Ministère évitent de pénaliser un contribuable
qui fait face à cette situation, bien qu’elle risque davantage de se
produire en milieu rural qu’en milieu urbain et qu’il serait alors
possible d’y voir un avantage pour le contribuable habitant en banlieue
par rapport au citadin. D’autre part, le contribuable dont le fonds de
terre (15 hectares, par exemple) est soumis à des restrictions de
morcellement se trouve dans une situation différente. S’il ne peut
légalement subdiviser son lot et disposer d’une partie, il peut par
ailleurs, légalement, faire l’acquisition et habiter une résidence située
sur un fonds de terre déjà subdivisé et d’une dimension inférieure.
Les tribunaux ont réitéré à quelques reprises la nécessité d’établir
une telle distinction et rejeté les restrictions de morcellement comme
facteur pertinent dans l’évaluation du test de nécessité. Dans l’affaire
Watson, le juge Bonner rappelle ce qui suit :
Mr. Watson stated that both when the property was acquired and when it
was expropriated it could not be severed. He referred, I assume, to the
prohibition contained in subsection 29(2) of the Planning Act. 2 The
argument seemed to be that in order to use the house and in particular to
have access to it the whole parcel was necessary because it was not
possible to convey the house and a strip of land required for the
driveway without at the same time, conveying the rest of the parcel. In my
view the definition of “principal residence” contained in paragraph 54(g)
is such that considerations as to what can lawfully and effectively be
conveyed are irrelevant. The amount of land which contributes to the use
(… suite)
pour déterminer si la portion du fonds de terre de plus d’un demi-hectare (1 ⁄ 2) est
nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence. Toutefois,
dans tous les cas, il s’agit d’une question de faits lorsque vient le temps de
déterminer quelle part, le cas échéant, de l’excédent de fonds de terre est
nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme résidence.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
377
and enjoyment of a housing unit is not, by paragraph 54(g) of the Income
Tax Act, made to depend on what can lawfully be bought and sold57.
Un peu plus tard, dans Lewis Estate58, le juge Rip a repris les
conclusions du juge Bonner. En 1981, les contribuables, monsieur et
madame Lewis, ont disposé de leur résidence principale et du fonds de
terre adjacent de 2,11 acres. Dans leur déclaration d’impôt pour l’année
en question, les contribuables n’ont inclus aucun montant provenant de
la vente de leur résidence ayant considéré que la totalité des 2,11 acres
faisait partie de la résidence principale. Au moment de la disposition de
leur résidence située dans un secteur zoné résidentiel, les règlements
municipaux en vigueur ne leur permettaient pas de subdiviser leur fonds
de terre. Les contribuables s’étaient appuyés sur la décision de la Cour
d’appel fédérale dans l’affaire Yates pour en arriver à la conclusion et
soumettre l’argument que la totalité du fonds de terre devait être
considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de leur
logement comme leur résidence principale. Le juge Rip a soulevé la
distinction qui devait être faite entre la situation de faits entourant
l’affaire Yates et celle en l’espèce se rapprochant davantage des
circonstances de faits entourant l’affaire Watson et a statué comme suit :
Where a by-law prohibits subdivision of an existing lot, except under
certain conditions, there may be no relationship between such a
prohibition and the requirement in paragraph 54(g)v) of the Act that for
the land in excess of the one acre subjacent to the housing unit (“excess
land”) to be included as principal residence, the land must be established
to be necessary to the use and enjoyment of the housing unit as a
residence to the taxpayer: See Watson v. M . N . R., 85 DTC 270. However,
where the by-law prohibits use and occupation of the property for
purposes of a residence of lots having less than a minimum area, as was
the case in Yates, op cit, the by-law prohibition has obvious relevance to
the words of paragraph 54(g)v) since the “use and enjoyment of the
housing unit as a residence” is dependent on the area of the property.
[…] The evidence did not establish the legal prohibition of use and
occupation on land of less than a minimum size for a residence; the
evidence only established that the 2.11 acres could not be subdivided and
sold. The facts fall within Watson, op cit, and not Yates, op cit 59.
Plus récemment, la Cour fédérale a eu l’occasion de confirmer, sous
la plume du juge Muldoon, les conclusions auxquelles étaient arrivés
les juges Bonner et Rip dans les décisions Watson et Lewis Estate
respectivement. Dans Windrim 60, il s’agissait encore une fois d’une
situation où le contribuable, ayant disposé d’un fonds de terre excédant
un demi-hectare, prétendait que la totalité de ce fonds de terre devait
être considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de son
57
Watson, supra, note 49, à la p. 271.
Supra, note 18.
59 Ibid., aux pp. 319 et 320.
60 Supra, note 11.
58
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
378
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
logement comme résidence principale, étant donné qu’au moment de la
disposition il lui était impossible, légalement, de subdiviser son fonds
de terre en plus petits lots. Le juge Muldoon dispose du litige de la
façon suivante :
So, the property, by operation of law could not be subdivided. On the
other hand, there was no legal minimum size of the taxpayer’s residential
property prescribed either by municipal by-law, provincial legislation or
by restrictive covenant. […] The restrictive covenant H48269 filed
against and running with the property from and after June 14, 1979
(exhibit 3(2)) establishes that subdivision of the land is prohibited, as the
plaintiff has known since he bought the property, but its existence and
operation do nothing to establish that the additional 12.66 acres or 5.122
hectares were necessary to the plaintiff’s use and enjoyment of the unit 61.
Il faut constater que, malgré l’énoncé du Ministère sur la question
des restrictions de morcellement imposées par les règlements
municipaux ou autres, les tribunaux ont préféré jusqu’à maintenant
appliquer le libellé de la Loi telle que rédigée et ont refusé de
considérer les restrictions de morcellement applicables à un fonds de
terre dont la superficie est supérieure à un demi-hectare, comme facteur
pertinent dans l’application du test de nécessité. Cette attitude des
tribunaux semble toutefois vouloir prendre une nouvelle orientation
pour rejoindre l’opinion du Ministère à cet sujet. En effet, à deux
reprises, la Cour fédérale d’appel a reconnu les restrictions de
morcellement imposées par les règlements municipaux comme facteur
pertinent dans l’évaluation du test de nécessité. Premièrement, dans
l’affaire Augart 62 dont il est question plus loin, puis dans l’affaire
Carlile où le juge Desjardins conclut comme suit :
I conclude that the appellant, both on V-Day and at the time of
disposition, has met the objective test not only vis-à-vis the 25-acre
minimum allotment size for her property, but also for the remainder since
the local authority would not have authorized a partition of her lot
between 25 acres and the remainder. She should, therefore, be exempted
from tax on capital gains for the whole of her parcel of land63.
Autres facteurs
Le Ministère fournit des exemples additionnels de facteurs pertinents à
considérer dans l’évaluation du test de nécessité au paragraphe 21 du
Bulletin d’interprétation IT-120R 4 :
Le fonds de terre de plus de un demi-hectare ( 1 ⁄ 2) pourrait être nécessaire
à cette fin si la dimension ou la nature du logement de même que son
61 Ibid., aux pp. 5224-25 et 5227-28. Il est à noter toutefois que dans La Reine c.
Joyner, 88 DTC 6459 (CF 1 re inst.), la Cour fédérale, bien que ne l’appliquant pas pour
d’autres raisons, accepte indirectement de prendre en considération les restrictions de
morcellement comme facteur pertinent dans l’évaluation du caractère nécessaire de la
partie excédentaire du fonds de terre.
62 Augart c. La Reine, 93 DTC 5105.
63 Carlile, supra, note 30, à la p. 5487.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
379
emplacement sur le lot font que cet excédent de fonds de terre est
essentiel à son usage et à sa jouissance comme résidence ou si
l’emplacement d’un logement exige cet excédent de fonds de terre pour
permettre au contribuable d’avoir accès aux chemins publics.
(soulignement ajouté)
Lorsque la partie du terrain excédant un demi-hectare sert d’accès au
chemin public, les tribunaux ont reconnu que cette étendue de terrain
était «nécessaire» à l’usage et à la jouissance du logement du
contribuable comme résidence principale. L’affaire Fraser fournit un
exemple de cet état de fait. Voici les commentaires du juge Taylor :
I must conclude that the Minister is in agreement that “access” must be
provided to the housing unit in order that it fill the function of a residence
even if, according a taxpayer this “access” (in this case the right of way)
produces a total area in excess of the one acre general limitation provided
in the relevant section of the Act. The access is clearly “necessary to such
a use …” (of the housing unit as a residence)64.
Compte tenu du fait que l’utilisation du fonds de terre pour l’accès
au chemin public est un facteur pesé et jugé pertinent, suffirait-il que le
contribuable construise sa résidence le plus loin possible du chemin
public afin de maximiser son exemption de gains en capital pour
résidence principale ?
D’une part, à moins que l’emplacement éloigné pour la construction
de la résidence ne soit choisi pour une raison précise, par exemple pour
être en bordure d’un lac, procéder de la sorte ne serait pas très
«pratique» pour le contribuable. D’autre part, après avoir énuméré les
exemples de facteurs pertinents à considérer dans l’application du test
de nécessité, le Ministère précise ainsi au numéro 21 du Bulletin
d’interprétation IT-120R 4 :
… dans tous les cas, il s’agit d’une question de faits lorsque vient le
temps de déterminer quelle part, le cas échéant, de l’excédent de fonds
de terre est nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement comme
résidence.
Le Ministère laisse donc la porte ouverte à l’appréciation des faits
entourant chaque cas et reconnaît que certaines circonstances, telles la
dimension, la nature d’un logement ou son emplacement sur le fonds de
terre peuvent rendre l’excédent de fonds de terre essentiel à l’usage et à
la jouissance de la résidence. Les tribunaux ont également considéré
certains faits autres que l’existence d’un règlement municipal exigeant
que les terrains résidentiels soient d’une dimension minimale supérieure
à un demi-hectare, comme pertinentes à l’application du test de
nécessité.
L’affaire Mintenko65 est particulièrement instructive à cet égard,
d’autant plus qu’il s’agit d’une décision de la Cour fédérale. En 1977,
64
65
Fraser, supra, note 21, à la p. 452.
Mintenko c. La Reine, 88 DTC 6537 (CF 1 re inst.).
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
380
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
le contribuable avait disposé de sa résidence, ainsi que de dix acres de
terrain qui lui étaient adjacents. Sur trois de ces dix acres de terrain
non cultivables se trouvaient notamment, un puits, quelques
dépendances, des arbres et un espace vert. Ayant à appliquer le test de
nécessité à ces trois acres de terrain, le juge Martin conclut de la façon
suivante :
Bearing in mind that this is farm land and, for the most part, sales are in
minimum areas of 160 acres and that, because there are no municipal
water and services, additional land is essential to the proper enjoyment of
the residence, I have concluded that the plaintiff has discharged the
obligation on him under paragraph 54(9)(v) and has established that three
acres were necessary for the use and enjoyment of the Duke farmhouse
and should be included as part of the plaintiff’s principal residence66.
(soulignement ajouté)
L’absence de services municipaux essentiels à l’utilisation d’une
résidence rend l’excédent du fonds de terre adjacent nécessaire,
lorsqu’il sert à donner accès aux ressources habituellement fournies par
les services publics. Cet énoncé semble demeurer vrai, même si
l’excédent de terrain ne sert pas entièrement à ces fins.
Disposition partielle
Le deuxième aspect intéressant qui ressort de la décision Yates est le
fait que la Cour n’ait apparemment pas suivi la position administrative
du Ministère à l’effet qu’une résidence principale ne puisse faire l’objet
d’une disposition partielle, c’est-à-dire que si une partie seulement du
fonds de terre excédant un demi-hectare fait l’objet d’une disposition et
que le logement peut continuer de servir de résidence, cette vente
indique que le terrain vendu n’était pas nécessaire à l’usage et à la
jouissance de la résidence. Cette position est énoncée au numéro 23 du
Bulletin d’interprétation IT -120R 467 :
66 Ibid., à la p. 6538. Voir également la décision du juge Tremblay dans Michael c.
MRN, 85 DTC 455, à la p. 459 (CCI) où, en obiter, il remarquait qu’étant donné
l’emplacement de la résidence, la topographie du terrain et la condition du sol, le
meilleur usage pouvant être fait du fonds de terre était en fonction de la résidence :
The description of the subject property given in paragraph 3.02 and, among
others, the fact that the house is situated 600 feet back from the road, in the rear
portion of the property, it seems to the court that the highest and best use of the
whole land is for the use and enjoyment of the principal residence. The whole
description in 3.02 is to be read. Moreover because the subject land is Dumfries
soil, its best use, with the other elements (trees, pond, etc.) is for the enjoyment
of the residence. (soulignement ajouté)
Le juge Tremblay conclut alors que la totalité du fonds de terre excédant un
demi-hectare était nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence principale.
Cette dernière décision semble aller au-delà des critères énumérés au numéro 21 du
Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui peuvent, selon le Ministère, être pris en
considération dans l’évaluation du caractère nécessaire d’un fonds de terre excédant un
demi-hectare.
67 Ancien numéro 13 du Bulletin d’interprétation IT-120R3.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
381
Lorsque le logement d’un contribuable est situé sur un fonds de terre de
plus de un demi-hectare ( 1 ⁄ 2) et qu’une partie ou la totalité de cet
excédent de fonds de terre est détachée du bien et vendue, le fonds de
terre vendu est généralement considéré comme ne faisant pas partie de la
résidence principale à moins que le logement ne puisse plus servir de
résidence en raison de la vente du fonds de terre. Si le logement peut
continuer de servir de résidence, cette vente indique que le fonds de terre
vendu n’était pas nécessaire à l’usage et à la jouissance du logement
comme résidence.
Dans Yates, le juge Mahoney a toutefois fait remarquer que
l’argument à l’effet que, de par sa nature, une résidence principale ne
peut faire l’objet d’une disposition partielle, ne lui avait pas été
présenté pour débat. Monsieur et madame Yates ont néanmoins pu
conserver l’usage et la jouissance de leur résidence située sur le 0,7
acre du fonds de terre, tandis que le 9,3 acres du fonds de terre vendu
ont été considérés nécessaires à l’usage et à la jouissance du logement
comme résidence.
Sur ce point, la décision Yates n’a toutefois pas toujours été suivie.
Dans Baird68, le juge Taylor a opté pour l’application du principe
énoncé au numéro 23 du Bulletin d’interprétation IT -120R4. En 1951,
le contribuable avait acquis un fonds de terre d’une dimension de 2,41
acres du «Director, Veterans’ Land Act». À cet époque, les 2,41 acres
représentaient la dimension minimum de terrain qu’un vétéran pouvait
acquérir comme résidence afin de bénéficier de l’aide financière fournie
en vertu de cette loi. En 1978, le contribuable a vendu une partie du
fonds de terre, 1,66 acre, et conservé la partie du terrain sur laquelle se
trouvait sa résidence. Il cherchait à exempter, au titre de résidence
principale, le gain en capital réalisé lors de cette vente. Le juge Taylor
a pris la position qu’une exemption ne pouvait être réclamée lorsqu’il
s’agissait, comme en l’espèce, d’une disposition partielle du fonds de
terre et que la résidence du contribuable était conservée sur l’autre
partie du terrain. Alors que dans l’affaire Yates l’argument sur la
disposition partielle n’avait pas été plaidé, les procureurs du Ministère
l’ont spécifiquement avancé dans l’affaire Baird. Le juge Taylor a
conclu ainsi :
In the instant case, counsel for the respondent specifically argued that
such a “partial disposition” was not possible and that, had that argument
been made at the Yates trial (supra), the judgement might have been
different. This argument of counsel for the respondent is very persuasive,
as I see it 69. (soulignement ajouté)
Il serait imprudent à ce stade de tirer des conclusions à ce sujet. La
Cour fédérale d’appel devra ultimement apporter des précisions pour
éclaircir la question d’une disposition partielle.
68
69
Baird c. MRN, 83 DTC 582 (CCI).
Ibid., aux pp. 584-85.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
382
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
La question du timing
Le troisième point qui ressort de la décision Yates est celui du timing
de l’application du test de nécessité. Cet arrêt énonce clairement que le
moment immédiatement avant la disposition de la résidence constitue le
moment critique aux fins de la détermination du caractère nécessaire du
fonds de terre excédant un demi-hectare, à l’usage et à la jouissance de
la résidence. Plusieurs décisions ont par la suite suivi les conclusions
du juge Mahoney à cet égard70. De ces décisions, l’arrêt Joyner a mérité
le plus d’attention puisqu’il s’agit d’une décision de la Cour fédérale et
que la question du timing de la démonstration du test de nécessité
constituait les motifs du jugement, par opposition à un obiter comme
pourraient être interprétés les commentaires sur le sujet contenus dans
les autres jugements.
Monsieur et madame Joyner ont acquis une résidence située sur 14
acres de terre agricole, qu’ils ont habité jusqu’au moment de sa
disposition en 1980. Quelques années après l’achat, le gouvernement
provincial imposait des restrictions de morcellement applicables au
fonds de terre des contribuables qui ont alors demandé une exemption
aux restrictions. Ils ont réussi, de façon partielle, et procédé à la
disposition en 1980 de 7,9 des 14 acres de terrain, incluant la
résidence. Le Ministère a calculé l’exemption de gain en capital en ne
considérant qu’un seul acre de terrain faisait partie de la résidence
principale. Les contribuables ont prétendu que leur avis de cotisation
devait être diminué afin de tenir compte que, durant un certain nombre
d’années, la totalité du fonds de terre était soumise à des restrictions
contenues à un règlement de zonage, les 6,1 acres restants demeurant
toujours assujettis aux restrictions de zonage. La question était de
savoir à quel moment évaluer l’impact des restrictions imposées par le
gouvernement provincial sur la détermination du caractère nécessaire de
l’excédent du fonds de terre.
Le juge Reed a d’emblée rejeté la notion voulant que la résidence
principale puisse avoir an elastic existence. En s’inspirant de la
décision Yates, Madame la juge en est arrivée aux conclusions
suivantes :
I have come to the conclusion that it is the time of the disposition of the
property which is significant for the purposes of ascertaining whether or
not land in excess of one acre should be deemed to be part of the
taxpayer’s principal residence 71.
Le moment critique serait donc la date de disposition par opposition
à la date d’acquisition ou encore, à un moment donné au cours de
chacune des années de désignation. Toutefois, la décision Raper
Estate 72, rendue par la Cour canadienne de l’impôt, avait établi, deux
70 Rode, supra, note 30; Joyner, supra, note 62; Lewis, supra, note 18 et, encore
récemment, Gook, supra, note 28.
71 Joyner, supra, note 61, aux pp. 6463-64.
72 Supra, note 47.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
383
années auparavant, un principe différent. Les faits en sont relativement
simples : la contribuable avait, durant les dix années précédant son
décès, habité sa résidence située sur 2,46 acres de terrain. Durant toutes
ces années, à l’exception des deux années précédant son décès, des
restrictions contenues aux règlements de zonage en vigueur
s’appliquaient au fonds de terre de la contribuable. Ainsi, la Cour
établit que, pour une période de huit ans, la totalité des 2,46 acres
devait être considérée comme nécessaire à l’usage et à la jouissance de
la résidence de la contribuable. Dans sa décision, le juge Tremblay
s’exprime ainsi :
The designation of principal residence status being made for each year of
ownership, it seems equitable that the critical time for demonstrating
necessity would be also on a yearly basis73.
Devant ces deux opinions divergentes, le Ministère a pris position en
198874 en faveur des conclusions du juge Reed dans l’affaire Joyner.
Toutefois, la Cour fédérale d’appel se prononçait récemment sur le
débat dans l’affaire Augart 75 dont les faits pertinents se résument
comme suit : en 1966, le contribuable faisait l’acquisition d’une
résidence située sur un fonds de terre de 8,99 acres. À cette époque, les
règlements municipaux exigeaient qu’un bâtiment soit situé sur un
fonds de terre d’une dimension minimale de 3 acres et les restrictions
de morcellement empêchaient la subdivision des terrains de moins de
10 acres. Peu avant que le contribuable dispose de sa résidence en
faveur de la municipalité en 1980, un nouveau règlement municipal est
entré en vigueur stipulant qu’une résidence devait dorénavant être
située sur un fonds de terre d’une dimension minimale de 80 acres, les
fonds de terre existants d’une dimension inférieure étant réputés
conformes au nouveau règlement.
Étant donné l’existence du règlement municipal au moment de la
disposition, le contribuable prétendait que la totalité du fonds de terre
était nécessaire à l’usage et à la jouissance de sa résidence. Pour sa
part, le Ministère soutenait que le contribuable pouvait «légalement»
habiter sa résidence sur 3 acres et que l’excédent de 5,99 acres ne
pouvait donc être considéré nécessaire à l’usage et à la jouissance de la
résidence. Il s’agissait de déterminer le moment critique pour apprécier
la pertinence de l’existence d’un règlement municipal. À cet égard, les
juges Heald et Robertson, majoritaires, ont décidé comme suit :
A determination regarding the area of land to be deemed a principal
residence should not, in my opinion, be resolved by the mechanical
application of a single criterion such as a minimum lot size on the date
73
Ibid., à la p. 1519.
«Table ronde de Revenu Canada», dans Report of Proceedings of the Fortieth Tax
Conference, 1988 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études
fiscales, 1989), 53:9-188, question 55, aux pp. 53:154-55.
75 Supra, note 62.
74
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
384
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
of disposition. […] In conclusion, the minimum amount of property,
zoned for residential use, that the appellant was legally required to have
both at the time of purchase and at the moment before disposition was
8.99 acres 76.
Il découle de cette décision que le moment critique pour évaluer le
caractère nécessaire du fonds de terre excédant un demi-hectare est non
seulement le moment de la disposition mais également le moment de
l’acquisition. Par ailleurs, ont été pris en considération non seulement
les règlements municipaux imposant une dimension de fonds de terre
minimale mais, indirectement, ceux imposant des restrictions quant au
morcellement. En effet, pour justifier 8,99 acres comme dimension du
fonds de terre nécessaire à l’usage et à la jouissance de la résidence du
contribuable, les juges ont conclu qu’au moment de l’acquisition, le
contribuable devait acheter la totalité du fonds de terre s’il voulait
habiter cette résidence particulière située sur 8,99 acres de terrain étant
donné l’existence du règlement interdisant la subdivision des fonds de
terre d’une dimension inférieure à 10 acres. De plus, au moment de la
disposition, les 8,99 acres étaient également nécessaires à l’usage et à
la jouissance de la résidence puisqu’il existait un règlement municipal
exigeant que les fonds de terre résidentiels soient d’une dimension
minimale de 80 acres.
Les juges majoritaires considéraient que ces conclusions n’étaient
pas en contradiction avec la décision Yates. En effet, dans Yates, bien
que le juge n’avait pas pris en considération le moment de l’acquisition
de la résidence, la totalité du fonds de terre sur lequel elle était située à
cette date, soit 10 acres, était soumis à l’application d’un règlement
municipal exigeant cette dimension minimale. Les contribuables avaient
donc dû faire l’acquisition des 10 acres de terrain.
Pour l’auteure, le fait que les restrictions contenues dans les
règlements municipaux sur la superficie minimale d’un fonds de terre
de même que celles sur le morcellement soient considérées comme
critère pertinent dans l’application du test de nécessité semble donner
des résultats plutôt arbitraires. Comme les règlements municipaux en
vigueur varient d’un endroit à l’autre au Canada, ce critère est certes
susceptible d’être appliqué de façon variable selon l’endroit particulier
où se trouve la résidence du contribuable. De plus, ces règlements
municipaux ne sont pas statiques dans le temps. Ainsi, en appliquant le
raisonnement qui se dégage de la décision Yates et qui a été suivi à
plusieurs reprises, notamment par le juge Reed dans la décision Joyner,
il en résulte de graves iniquités.
Exemple : deux contribuables détiennent chacun, pendant une période
de huit ans, une résidence située sur 4 hectares de terrain. Dans le cas
du premier contribuable, les règlements municipaux en vigueur durant
les quatre premières années de détention exigent cette dimension
76
Ibid., aux pp. 5209 et 5210.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
385
minimale pour le fonds de terre. Dans le cas du deuxième, un règlement
municipal similaire est en vigueur, cette fois pour les quatre dernières
années de détention. Selon la décision Joyner, le deuxième contribuable
bénéficierait d’une exemption totale du gain en capital réalisé lors de la
disposition de sa résidence, ainsi que du fonds de terre qui lui était
adjacent. Par contre, pour le premier contribuable, une partie de son
gain en capital réalisé lors de la disposition de sa résidence ne serait
pas exemptée étant donné que l’excédent d’un demi-hectare de son
terrain ne pourrait être considéré faire partie de sa résidence principale.
Il semble que la décision Augart apporte un élément de solution en
préconisant que les règlements municipaux, pour être considérés
pertinents comme facteur d’évaluation du test de nécessité, devront être
examinés à la fois à la date d’acquisition et au moment de la
disposition. Toutefois, malgré cette solution, il demeure des iniquités
possibles. Exemple : deux contribuables font chacun l’acquisition d’une
résidence située sur un fonds de terre de 10 hectares alors qu’un
règlement municipal en vigueur exige cette dimension minimale. Le
règlement est par la suite aboli et le premier contribuable dispose de sa
résidence. Deux ans plus tard, le deuxième contribuable dispose à son
tour de sa résidence, immédiatement après que le règlement en question
ait été remis en vigueur. En se fondant sur la décision Augart,
faudrait-il conclure que le fonds de terre excédant un demi-hectare du
deuxième contribuable serait considéré nécessaire à l’usage de sa
résidence alors que celui du premier contribuable ne respecterait pas le
test de nécessité ?
Pour ces raisons, l’auteure préconise une application uniforme de ce
test à tous les contribuables canadiens et souscrit aux conclusions du
juge Tremblay dans Raper Estate 77 à l’effet que le caractère nécessaire
d’un fonds de terre excédant un demi-hectare s’évalue sur une base
annuelle. Il en va de l’équité. De plus, cet argument est appuyé par le
fait que la formule d’exemption contenue à l’alinéa 40(2)b) LIR requiert
que le statut de résidence principale d’un bien soit déterminé sur une
base annuelle; il devrait en être de même pour l’application du test de
nécessité 78.
Utilisation de la résidence
Pour être admissible à titre de résidence principale durant chacune des
années d’imposition pertinentes, la résidence doit être «normalement
77
Supra, note 47.
Cette opinion est partagée par divers auteurs notamment, R.B. Thomas, «Recent
Developments in Federal Taxation», dans Report of Proceedings of the Thirty-Fifth Tax
Conference, 1983 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études
fiscales, 1984), 689-705, à la p. 705 : «Because the designation of principal residence
status is made for each year of ownership, one wonders why the critical time for
demonstrating necessity would not also be on a yearly basis.» et W.D. Gray, «Current
Cases» (1989), vol. 37, n o 1 Revue fiscale canadienne 113-18.
78
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386
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
habitée» dans l’année par le contribuable, son conjoint ou ex-conjoint
ou par un de ses enfants. Des exceptions à cette condition sont prévues
à l’alinéa b) de la définition de «résidence principale» contenue à
l’article 54 LIR, qui fait en sorte qu’à défaut d’avoir été normalement
habité, un bien à l’égard duquel le contribuable a fait un choix pour
l’année conformément aux paragraphes 45(2) ou (3) peut être
admissible comme résidence principale. Ces deux paragraphes
concernent le changement d’usage dont le bien peut avoir fait l’objet,
sujet traité plus loin dans cet article.
Remarques préliminaires concernant la condition relative à
l’utilisation de la résidence
La Loi exige que le logement soit habité «au cours de l’année» par
opposition à «pendant toute l’année», ce qui signifie qu’un contribuable
peut être considéré avoir habité plus d’une résidence dans la même
année, à condition qu’il ait habité chacune d’elles «au cours de
l’année». Ainsi, le contribuable qui a vendu sa résidence principale
dans une année et fait l’acquisition d’une autre résidence dans cette
même année respecterait cette condition puisqu’il aurait habité chacune
d’elles «au cours de l’année». Il pourrait alors désigner la résidence de
son choix comme résidence principale durant cette année, à condition
évidemment que les autres critères d’admissibilité soient respectés. Par
ailleurs, le libellé de cette condition fait en sorte qu’un logement habité
sur une base périodique seulement (telle qu’une résidence saisonnière
habitée durant les vacances) respecterait cette exigence, malgré qu’elle
n’ait été habitée que durant une courte période de temps.
Outre cette exigence, la Loi stipule que le logement doit être
«normalement» habité par le contribuable sans fournir de définition du
terme. Il peut s’avérer intéressant de considérer l’interprétation que les
tribunaux ont donnée, par le passé, à l’expression ordinarily resident
contenue au paragraphe 250(3) LIR (qui se rapproche sensiblement de
l’expression ordinarily inhabited) et particulièrement l’interprétation de
la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Thomson79. Selon cette
décision, «habiter normalement» une résidence signifierait une
habitation qui s’inscrit dans le cours «normal» ou «habituel» du mode
de vie du contribuable, compte tenu des circonstances particulières et
du type de résidence en question.
Cette condition relative à l’utilisation de la résidence comporte donc
deux volets, l’un exigeant que le logement soit habité «au cours de
l’année» et l’autre exigeant qu’il soit «normalement» habité. Dans le
cas particulier de l’exemple d’une résidence saisonnière, les deux volets
79 Thomson c. MRN, [1946] CTC 51, à la p. 64 (CSC) : «It [the expression
“ordinarily resident”] is held to mean residence in the course of the customary mode of
life of the person concerned, and it is contrasted with special or occasional or casual
residence. The general mode of life is, therefore, relevant to a question of its
application.»
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
387
de cette exigence, telle que libellée, sont respectés. En effet, outre le
fait que la résidence est habitée à un moment «au cours de l’année»,
une telle habitation peut certes être qualifiée de «normale», compte tenu
qu’il s’agit d’une résidence saisonnière accessible en dehors des
périodes de travail seulement.
Dans le Bulletin d’interprétation IT-120R4, le Ministère fournit
quelques précisions sur cette condition relative à l’utilisation de la
résidence principale. Il indique qu’il n’est pas nécessaire qu’une
résidence soit habitée «durant toute l’année» afin de respecter le critère;
il suffit qu’elle ait été habitée suffisamment, compte tenu des faits
pertinents reliés à chaque cas. Aucune distinction n’est faite quant aux
deux volets que comporte la condition, tels qu’exposés. Il semble même
qu’ils soient assimilés de façon à n’en faire qu’une seule exigence. Le
Ministère ajoute par ailleurs une condition supplémentaire :
Pour déterminer si un logement est “normalement habitée” dans une
année d’imposition par le contribuable ou par le conjoint, l’ancien
conjoint ou un enfant du contribuable, il faut s’appuyer sur les faits
propres à chaque cas. Si une de ces personnes occupe un logement
pendant une courte période au cours d’une année d’imposition (p. ex.,
dans le cas d’une résidence saisonnière occupée pendant les vacances du
contribuable ou d’une maison qui a été vendue tôt ou achetée tard dans
l’année d’imposition), selon le Ministère, le contribuable habite
normalement le logement dans l’année, pourvu que le bien n’ait pas été
acquis principalement dans le but d’en tirer ou de lui faire produire un
revenu 80. (soulignement ajouté)
La position administrative du Ministère apparaît plus généreuse pour
le contribuable que le libellé de la Loi, étant donné que le Ministère
assimile l’exigence de l’habitation «normale» à celle qui veut que la
résidence soit habitée «au cours de l’année». Le Ministère semble
davantage préoccupé par les raisons motivant la détention de la
résidence que par l’exigence elle-même. Exemple : un contribuable qui
possède un appartement en copropriété au centre-ville de Montréal
devrait l’habiter «normalement» durant toute l’année étant donné qu’il
travaille dans cette ville. Le contribuable habite cependant
l’appartement durant quelques mois dans l’année et en fait la location
le reste du temps — sans pour autant l’avoir acquis dans le but d’en
tirer un revenu — alors que normalement, compte tenu des
circonstances, il pourrait l’habiter durant toute l’année. L’appartement
peut-il alors être considéré comme normalement habité par le
contribuable au cours de l’année ? Il serait certes considéré comme
habité «au cours de l’année» mais serait-il possible de le considérer
comme «normalement» habité compte tenu des circonstances et du type
de résidence ?
À la lumière de l’interprétation du Ministère il y aurait lieu de
répondre dans l’affirmative. Toutefois, si le libellé de la Loi, telle que
80
Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 12.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
388
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
rédigée, devait être appliqué relativement à l’exigence que la résidence
soit «normalement» habitée, il n’est pas certain que l’habitation de la
résidence du contribuable soit jugée s’inscrire dans le cours normal ou
habituel du mode de vie du contribuable. Une résidence, dans la ville
où travaille le contribuable est habituellement habitée par ce dernier de
façon continue durant l’année. Toutefois, si le contribuable cesse
d’occuper sa résidence de ville pour une période de chaque année dans
le cours habituel de son mode de vie, la résidence devrait être
considérée «normalement habitée» par lui durant son absence.
Pour sa part, dans l’exemple de la résidence saisonnière, elle
respecterait à la fois les deux volets de la condition relative à
l’utilisation de la résidence, même si elle devait être louée durant la
période où le contribuable ne s’y rend pas, dans la mesure toutefois où
le but principal de son acquisition n’ait pas été d’en tirer un revenu.
Le fait que le Ministère ne dissocie pas les deux volets bien distincts
de la condition relative à l’utilisation d’une résidence diminue
l’importance de l’exigence que la résidence soit «normalement» habitée.
Le Ministère a choisi de ne pas mettre l’accent sur l’exigence de
l’habitation «normale», préférant plutôt laisser la porte ouverte à
l’appréciation des faits de chaque cas particulier81.
Interprétation donnée à l’expression «normalement habité au
cours de l’année» par le contribuable
Comme pour le terme «logement», aucune définition de cette expression
n’est fournie par la Loi. Par ailleurs, tel que l’indique le Ministère, la
question de savoir si une résidence a normalement été habitée au cours
de l’année par le contribuable dépend des faits propres à chaque cas.
Les tribunaux ont à quelques reprises examiné la question et
interprété l’expression, sans toutefois apporter de distinctions sur ses
différentes composantes tel que l’auteure suggère. Dans l’affaire
Ennist82, le juge Taylor est d’avis qu’une visite d’une durée de 24
heures ne suffirait pas à respecter la condition relative à l’utilisation de
la résidence. Les contribuables, monsieur et madame Ennist, ont fait
une offre d’achat sur un appartement en co-propriété à Toronto avec
l’intention d’en faire leur résidence principale. L’appartement était en
construction et devait être prêt pour habitation quelques mois plus tard.
Avant que la transaction ne soit conclue, monsieur Ennist, fonctionnaire
81 Le Ministère estime que cette question «dépend des faits propres à chaque cas».
Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 12. La charge de l’appréciation des faits
particuliers à chaque cas est laissée aux tribunaux qui ont eu à quelques reprises
l’occasion de se pencher sur la question. Le Ministère a également eu l’occasion
d’interpréter une situation de faits particuliers. Voir l’Interprétation technique de la
Division générale et des entreprises, le 31 décembre 1990, dans Désy, supra, note 55,
paragraphe 90 RCT 231, à la p. 805,871, ouvrage dans lequel il confirme la position
exprimée au numéro 12 du Bulletin d’interprétation IT-120R4.
82 Ennist et al. c. MRN, 85 DTC 669 (CCI).
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
389
fédéral, était promu et devait dorénavant s’acquitter de ses fonctions à
partir d’Ottawa. Plutôt que de demander un remboursement de leur
dépôt du constructeur pour l’achat de l’appartement, les contribuables
ont conclu la transaction d’achat et pris les dispositions nécessaires
pour le vendre. Étant donné le contexte économique favorable à
l’époque, l’appartement s’est vendu à profit. Il a été démontré qu’une
fois la transaction d’achat conclue et avant la vente de l’appartement,
les contribuables l’ont occupé pour une période de 24 heures. Il est
également pertinent de mentionner qu’après le départ de monsieur
Ennist pour Ottawa, madame Ennist est demeurée à Toronto dans
l’appartement que les époux louaient jusqu’à ce moment. Après avoir
examiné la définition des mots «normalement» et «habité» le juge est
arrivé à la conclusion qui suit :
However, when one combines the two critical words in the phrase
“ordinarily inhabited,” and puts forward as a definition the expression “in
most cases, usually or commonly occupied as an abode” (a combination
of the definitions provided above), I am quite prepared to say that the
“24-hour stay” did not fill that requirement83.
Par ailleurs, dans l’affaire Shlien84 où le juge Couture avait à
examiner cette condition voulant que la résidence d’un contribuable soit
«normalement habitée» pour être admissible à titre de «résidence
principale», il était d’avis que l’habitation doit constituer plus qu’une
visite occasionnelle, ce qui était le cas du contribuable en l’espèce :
Paragraph 54(g)(i) refers to housing unit which is “ordinarily inhabited”
in the year by the taxpayer. This to me implies much more than a place
where one would visit occasionally or use for certain purposes other than
ordinary habitation. The determination of which one of many residences
may be a taxpayer’s “principal residence” must be done in the light of all
the circumstances 85.
Il se dégage de ces décisions, comme dénominateur commun, que
l’expression «normalement habité» requiert que le contribuable occupe
la résidence de façon permanente, par opposition à des visites
occasionnelles86. Aussi, un séjour d’une courte durée mais qui
83 Ibid., à la p. 673. Au même effet, le juge Martin dans Mintenko, supra, note 65,
indique qu’une brève visite ne suffirait pas à remplir la condition voulant que la
résidence du contribuable soit «normalement habitée».
84 Shlien c. MRN, 88 DTC 1152 (CCI).
85 Ibid., à la p. 1154. Au même effet, voir la décision récente dans Standhaft et al. c.
La Reine, 94 DTC 1543 (CCI).
86 Voir à ce sujet les commentaires du juge Taylor dans Andronis c. MRN, 77 DTC
134, à la p. 137 (CRI) :
Without coming to any final conclusion on this point, the Board would put
forward the view that to comply with the term “ordinarily resident” would
necessitate an occupancy of some more obvious permanence and duration than
that implied by merely taking up temporary residence for the express purpose of
proposing that this transitory act should, in itself, fulfill the requirements and
qualifications under the Income Tax Act for a “principal residence.”
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
390
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
impliquerait un certain degré de permanence suffirait à qualifier la
résidence du contribuable de «normalement habitée dans l’année».
Néanmoins, une période trop courte, par exemple une visite de 24
heures ou un séjour de quelques fins de semaines, ne suffirait pas à
satisfaire aux conditions de ce critère. Un séjour d’une trop courte
durée démontre habituellement le caractère non permanent ou
occasionnel de la visite.
Après avoir conclu que le critère d’utilisation de la résidence
principale exige que le contribuable l’habite pour une période de temps
minimale, il s’ensuit que la simple intention d’aller habiter une
résidence particulière sans qu’il n’y ait effectivement habitation, ne
pourrait être considérée. Le contribuable doit en effet habiter la
résidence dans les faits pour une période de temps afin qu’elle puisse
être admissible à titre de résidence principale. La seule intention initiale
de l’habiter et d’en faire sa résidence principale, ayant par la suite été
frustrée pour diverses raisons, ne suffirait pas à satisfaire l’exigence de
la Loi 87.
La question de savoir si le contribuable, qui a fait l’acquisition d’une
résidence dans le but d’en faire sa résidence principale sans qu’il lui
soit possible de le faire, peut être considéré l’avoir normalement
habitée, s’est posée à quelques reprises devant les tribunaux. À cet
égard, ils sont unanimes à dire que l’intention du contribuable dans un
tel contexte n’est pas pertinente. La question de l’intention du
contribuable lors de l’achat d’une résidence ne sera pertinente que pour
déterminer si le bien a été acquis à des fins spéculatives ou non. Dans
les cas où telle n’était pas l’intention du contribuable, le gain réalisé
lors de la disposition ultérieure de la résidence serait considéré de
nature capitale par opposition à un revenu. Le juge Tremblay rappelle
cet état de fait dans la décision Woods88 où il s’agissait d’un
contribuable qui avait entrepris la construction d’un immeuble dans le
but d’en faire sa résidence principale. Avant que le contribuable ne
puisse aménager la résidence, il était muté dans une autre province par
son employeur. Les commentaires du juge Tremblay à l’égard de cette
situation sont les suivants :
The intention of the appellant however in the present case had not the
same influence as if the crux of the matter would be to know whether the
profit is a capital gain or a revenue. Then the intention at the time of
acquisition of a property can become an important factor89.
En définitive la question de savoir si une résidence a été
normalement habitée pendant une année d’imposition par le
contribuable doit être examinée à la lumière des faits entourant la
87
Voir Haber c. La Reine, 83 DTC 5004 (CF 1 re inst.).
Woods c. MRN, 78 DTC 1576 (CRI).
89 Ibid., à la p. 1578. À l’appui de cette assertion, voir la décision Ennist, supra, note 82.
88
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
391
situation, sans prendre en considération l’intention du contribuable
d’habiter effectivement la résidence.
Construction d’une résidence principale sur un terrain vacant
Un terrain vacant acquis par un contribuable dans le but d’y construire
sa résidence principale, n’est admissible à ce titre qu’à partir de l’année
où la résidence y est érigée. Cette affirmation tire sa justification d’une
part, du fait que la définition de résidence principale, contenue à
l’article 54 LIR, stipule qu’elle doit d’abord être un «logement» qui est
réputé comprendre le fonds de terre sous-jacent et adjacent. D’autre
part, un terrain vacant ne pourrait être considéré comme «normalement
habité» par le contribuable dans l’année. Ainsi, un contribuable qui
acquiert un terrain vacant dans une année et qui, par la suite y construit
sa résidence principale, ne pourrait la désigner à ce titre que pour les
années où elle a été normalement habitée. Par ailleurs, le contribuable
serait considéré être propriétaire de la résidence depuis l’année de
l’acquisition du terrain vacant, aux fins de l’application de la formule
de calcul de la partie exemptée du gain en capital énoncée à l’alinéa
40(2)b) LIR. Or, dans ces circonstances, une partie du gain en capital se
rapportant à l’immeuble, réalisé lors de la disposition de la résidence et
du fonds de terre sur lequel elle est située se trouverait inévitablement
assujettie à l’impôt.
Exemple : en 1985, un contribuable acquiert un terrain vacant pour la
somme de 20 000 $. Il y érige sa résidence principale en 1988 et
commence immédiatement à l’habiter. Le coût total de la construction
s’élève à 50 000 $. En 1993, le contribuable dispose de la résidence et
de la totalité du fonds de terre sur lequel elle avait été érigée pour une
considération totale de 100 000 $ répartis comme suit : 75 000 $ est
attribuable à la résidence, 25 000 $ correspond au terrain.
Étant donné que le contribuable a normalement habité sa résidence
durant toutes les années de détention, il serait raisonnable de considérer
que la partie du gain en capital se rapportant à l’immeuble, en
l’occurrence 25 000 $, soit totalement exempte d’impôt. Quant au gain
en capital se rapportant au fonds de terre lui-même, c’est-à-dire
5 000 $, il devrait être exempté pour les 7/9 selon la formule contenue
à l’alinéa 40(2)b) LIR, à savoir :
5 000 $* ×
1 + 6(1988 à 1993)
= 3 888 $**
9(1985 à 1993)
* partie du gain en capital correspondant à la disposition du terrain
** partie exemptée du gain en capital
Au total, 28 888 $ du gain en capital total de 30 000 $ devraient être
exempts d’impôt. Mais, comme la formule opère le calcul sans
distinction entre le gain en capital correspondant à l’immeuble et celui
correspondant au fonds de terre, une partie du gain en capital
correspondant à l’immeuble se trouve assujettie à l’impôt dans ces
circonstances particulières :
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
392
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
30 000 $* ×
1 + 6(1988 à 1993)
= 23 333 $**
9(1985 à 1993)
* gain en capital total
** partie du gain en capital total exemptée d’impôt
Cette façon de calculer produit des résultats inéquitables pour le
contribuable. Conscient de ce problème, le Ministère énonce dans son
Bulletin d’interprétation IT-120R4 qu’il s’agit néanmoins de la méthode
de calcul appropriée :
Si un contribuable acquiert un fonds de terre au cours d’une année
d’imposition et y construit un logement au cours d’une année subséquente,
il ne peut désigner le bien comme une résidence principale pour les années
qui précèdent l’année où le contribuable, son conjoint, son ancien conjoint
ou son enfant commence à habiter normalement le logement. Les années
précédentes (au cours desquelles le contribuable n’était propriétaire que du
fonds de terre vacant ou du fonds de terre sur lequel il y avait un
logement en construction) ne figureraient pas dans le numérateur […].
Toutefois, toutes les années à compter de l’année au cours de laquelle le
contribuable a acquis le fonds de terre vacant figureraient dans le
dénominateur […]. Par conséquent, il est possible que, au moment de la
disposition ultérieure du bien, l’exemption pour résidence principale
élimine une partie seulement du gain calculé par ailleurs90.
Dans le calcul de la partie du gain en capital exemptée aux fins de
l’alinéa 40(2)b) LIR, il n’est pas logique d’inclure au dénominateur de
la formule les années d’imposition au cours desquelles le contribuable
possédait le terrain alors qu’il était vacant. En effet, l’exemption
accordée à l’alinéa 40(2)b) se rapporte à une «résidence principale». En
vertu de la définition de ce terme contenue à l’article 54 LIR, la
résidence principale du contribuable est son «logement» et est réputée
comprendre le fonds de terre sous-jacent et adjacent à ce logement. Or,
tant qu’un logement n’est pas érigé sur le terrain il ne saurait être
question de parler d’une résidence principale, qui par ailleurs ne serait
pas admissible à ce titre étant donné l’absence d’habitation normale. En
définitive, un calcul distinct devrait être effectué pour les années
pré-construction et post-construction. Dans l’exemple, la partie du gain
en capital se rapportant à l’immeuble pourrait alors faire l’objet d’une
exemption totale, alors que seule une partie du gain en capital se
rapportant au terrain serait exemptée, ce qui serait une solution
beaucoup plus équitable.
Désignation de la résidence
La définition de résidence principale contient une condition relative à la
désignation qui doit être respectée pour chacune des années
90 Numéro 16. Cette position se retrouve également dans «Revenue Canada Round
Table», dans Report of the Thirty-Second Tax Conference, 1980 Conference Report
(Toronto : Association canadienne d’études fiscales, 1981), 591-628, question 24, aux
pp. 609-10.
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L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
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d’imposition où le contribuable cherche à qualifier une résidence de
résidence principale. Elle doit être désignée comme résidence principale
du contribuable pour chacune des années, en la forme et selon les
modalités réglementaires, soit en remplissant le formulaire T -2091
( IND) 91. L’article 2301 du Règlement de l’impôt sur le revenu92 prescrit
les modalités de désignation :
Toute désignation effectuée par un contribuable en vertu du sous-alinéa
54g)(iii) de la Loi doit être faite dans la déclaration de revenu qu’il est
tenu, en vertu de l’article 150 de la Loi, de produire pour chaque année
d’imposition au cours de laquelle
a) il a disposé d’une propriété devant être désignée comme sa
résidence principale; ou
b) il a accordé une option relativement à l’acquisition de ladite
propriété.
La désignation en question est donc effectuée en produisant le
formulaire T -2091 avec la déclaration d’impôt du contribuable pour
l’année de la disposition de la résidence ou l’année où une option
d’achat est accordée93. Il est à noter toutefois que la position
administrative du Ministère est à l’effet que la désignation n’a pas à
être produite avec la déclaration d’impôt du contribuable lorsque la
totalité du gain en capital réalisé lors de la disposition de la résidence
principale est exemptée d’impôt. Cette position est énoncée au numéro
13 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 :
[I]l n’est pas obligatoire de remplir et de produire la formule T2091 avec
la déclaration de revenus du contribuable, à moins qu’il ne reste un gain
en capital imposable réalisé au moment de la disposition du bien après
utilisation de l’exemption pour résidence principale.
Curieusement, et contrairement à sa pratique habituelle, le ministère
du Revenu du Québec exige pour sa part que soit produit le formulaire
prescrit (TP-274) avec la déclaration d’impôt du contribuable pour
l’année d’imposition pendant laquelle la résidence principale a été
aliénée, que le gain en capital qu’il réalise soit ou non exempté en
totalité après soustraction du montant du gain exempté94.
Par ailleurs, le contribuable, de même que tous les membres de sa
famille, ne doivent avoir désigné, directement ou indirectement par
l’entremise d’une fiducie, aucune autre résidence pour ces mêmes
années d’imposition. Aux de la définition de «résidence principale» à
l’article 54 LIR, le terme «famille» comprend deux conjoints, qui ne
vivent pas séparés en vertu d’une séparation judiciaire ou d’un accord
91
Le formulaire à compléter aux fins de la Loi sur les impôts du Québec est le TP-274.
CRC (1978), c. 945, tels que modifiés.
93 Voir l’article 49 LIR.
94 «Table ronde sur la fiscalité provinciale», dans Congrès 1994 (Montréal :
Association de planification fiscale et financière, 1995), 30:1-53, question 1.5, à la
p. 30:6.
92
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394
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
écrit de séparation95, ainsi que tous les enfants de ces conjoints qui ne
sont pas mariés et qui ont moins de 18 ans. Une seule résidence par
famille pourra faire l’objet d’une désignation pour chaque année
d’imposition, limitant ainsi la possibilité de doubler l’exemption de
gains en capital réalisés lors de la disposition d’une résidence
principale, à l’intérieur d’une même famille.
Une seule résidence principale par famille ne veut pas dire que
lorsque deux conjoints détiennent leur résidence en copropriété indivise,
un seul de ces derniers pourra effectuer une désignation pour la moitié
de la résidence. Ils pourront chacun désigner le bien comme résidence
principale et bénéficier de l’exemption. De plus, si l’un des conjoints
désigne un tel bien détenu en commun comme résidence principale,
l’autre conjoint aura tout avantage à le faire étant donné que, depuis
1982, une seule résidence par famille peut faire l’objet de la
désignation 96.
Dans ce dernier cas toutefois, il doit s’agir d’un «même bien» détenu
«conjointement» par les deux membres de la famille. Exemple : si un
contribuable était propriétaire d’une résidence située sur un lot de terre
(n o 100) et que son épouse était propriétaire du lot (n o 101)
immédiatement adjacent (et dont la superficie totale ne dépasserait pas
un demi-hectare) ce dernier lot ne pourrait être désigné comme
résidence principale pour une année d’imposition dans la mesure où le
contribuable désigne lui-même sa résidence située sur le lot no 100
comme résidence principale. D’une part, le fonds de terre détenu par
l’épouse ne respecterait pas les critères de la définition de «résidence
principale» à l’article 54 LIR étant donné qu’il ne s’agit pas d’un
«logement» et, d’autre part, il ne pourrait pas faire l’objet d’une
désignation puisqu’une seule résidence par famille ne peut être désignée
comme résidence principale pour une année d’imposition97. Si les deux
lots avaient été détenus conjointement par les époux et que le lot no 101
immédiatement adjacent était aliéné, pourrait probablement faire l’objet
d’une désignation (sujet aux commentaires précédents concernant les
95 Des conjoints qui vivraient séparés pendant une année d’imposition, sans
séparation judiciaire ni accord écrit de séparation, ne pourraient désigner qu’une seule
résidence comme résidence principale entre eux pour ladite année d’imposition. Voir
l’Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 1 er octobre 1992,
dans Désy, supra, note 55, paragraphe 92 RCT 230, à la p. 810,553.
96 Voir le numéro 10 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 qui énonce :
Lorsqu’un gain est réalisé au moment de la disposition d’un bien appartenant à un
contribuable et à son conjoint […] les conjoints ont chacun un gain au moment de
la disposition. Si l’un des conjoints désigne le bien comme sa résidence
principale pour une année d’imposition après l’année d’imposition de 1981,
l’autre conjoint doit aussi envisager de désigner de la même façon le même bien,
car […] nul autre bien ne peut être désigné comme résidence principale de cet
autre conjoint pour cette année-là.
97 Voir Can-Am Realty Limited et al. c. La Reine, 94 DTC 6293, à la p. 6303 (CF 1 re
inst.) (en appel).
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dispositions partielles) avec le reste de la résidence, comme disposition
d’une partie de résidence principale et, lors de la disposition de la
résidence, elle serait également reconnue comme résidence principale
pour les années d’imposition pour lesquelles la désignation aurait été
faite 98.
Propriété de la résidence
La quatrième condition à respecter à l’égard de la définition d’une
résidence principale à l’article 54 LIR a trait à la propriété de la
résidence. La résidence doit «appartenir» au contribuable conjointement
avec une autre personne ou autrement afin de se qualifier de résidence
principale.
Sens attribué au terme «propriété»
La Loi ne définit pas le terme «propriété». En principe, la signification
de ce terme devrait tirer sa source dans le droit civil applicable dans la
province de Québec ou dans la Common Law si l’on se trouve dans les
autres provinces.
Au Québec, la propriété d’un bien est désignée en fonction de son
démembrement, c’est-à-dire le droit d’usage ou d’habitation lorsqu’une
personne n’a que le droit d’utiliser le bien (l’usus), l’usufruit du bien
lorsque cette personne a à la fois le droit d’utiliser le bien et d’en tirer
les revenus (l’usus et le fructus), et la nue-propriété d’un bien qui
comporte le droit de l’aliéner (l’abusus) et qui s’assimile au legal
ownership de la Common Law.
Le législateur, ainsi que le Ministère, reconnaissent les particularités
du système de droit civil applicable au Québec par opposition aux
juridictions de Common Law en ce qui concerne les principes de la
propriété d’un bien. Le numéro 6 du Bulletin d’interprétation IT-437R99
apporte cette précision :
Puisque la province de Québec est une juridiction de droit civil et non
une juridiction de common law, le paragraphe 248(3) de la Loi de l’impôt
sur le revenu prévoit une série de règles spéciales, aux fins de l’impôt
sur le revenu, en ce qui a trait à cette province.
Le paragraphe 248(3) LIR vient réputer un usufruit, un droit d’usage
ou d’habitation et une substitution (institutions du droit civil) comme
étant des fiducies aux fins du droit fiscal, et les biens sujets à ces
institutions sont réputés être détenus en fiducie. De plus, les personnes
qui ont le droit immédiat ou futur et conditionnel ou non de recevoir
tout ou partie du revenu ou du capital relativement à un bien sujet à un
usufruit, un droit d’usage ou d’habitation ou à une substitution sont
réputées avoir un droit de bénéficiaire dans ladite fiducie. Aussi, si le
98
99
Voir le numéro 24 du Bulletin d’interprétation IT-120R4.
«Propriété d’un bien (résidence principale)», le 21 février 1994.
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bien détenu en fiducie est admissible à titre de résidence principale, la
fiducie réputée qui en dispose peut demander l’exemption de gains en
capital pour résidence principale afin de réduire tout ou partie du gain
en capital réalisé, dans la mesure où toutes les autres conditions de
l’article 54 LIR sont respectées. En effet, aux termes des modifications
apportées à la définition de «résidence principale» à l’article 54, une
fiducie personnelle peut réclamer le bénéfice de l’exemption de gains
en capital pour résidence principale, tel qu’il sera discuté ci-après.
Ainsi, un droit d’usufruit100 est réputé être une fiducie, même s’il ne
s’agit pas d’une fiducie en droit civil, et les biens assujettis à un
usufruit sont réputés être détenus en fiducie101. Les usufruitiers et le
nu-propriétaire sont assimilés aux bénéficiaires de la fiducie car ils sont
réputés avoir un droit de bénéficiaire dans la fiducie 102. Or, l’usufruitier
serait considéré comme détenteur d’une participation au revenu de la
fiducie et le nu-propriétaire serait considéré détenir une participation
dans le capital de la fiducie. À ce titre, la disposition par un usufruitier
de son droit d’usufruit correspondrait à la disposition de son intérêt
dans la fiducie et non du bien détenu par la fiducie réputée et qui
constitue une résidence principale. L’usufruitier ne pourrait donc pas
bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence principale.
Il en serait de même pour le nu-propriétaire qui disposerait de la
nue-propriété du bien car il serait considéré disposer de sa participation
dans la fiducie aux fins de la Loi103.
Selon l’ancien paragraphe 248(3) LIR, une personne ayant un droit
d’usufruit était réputée détenir la propriété effective du bien assujetti à
l’usufruit. Étant donné que le bénéficiaire d’un usufruit sur un bien
immeuble est habituellement la personne qui l’habite normalement et,
qu’aux fins de la Loi, l’usufruitier était considéré détenir la propriété
de fait de l’immeuble, les conditions énoncées à l’article 54 LIR étaient
considérées être respectées et il pouvait bénéficier de l’exemption de
gains en capital pour résidence principale lors de la disposition de son
droit d’usufruit. Quant au nu-propriétaire, il était considéré, avec
l’usufruitier, avoir la propriété du bien immeuble, situation qui respecte
le libellé de la définition de résidence principale à l’article 54 qui
stipule que le bien doit appartenir «au contribuable conjointement avec
une autre personne ou autrement». Toutefois, le nu-propriétaire ne
pouvait bénéficier de l’exemption de gains en capital pour résidence
principale lors de la disposition du bien immeuble qu’à la condition où
100 Pour un exposé plus détaillé sur l’usufruit voir Luc Massé, «L’usufruit et l’impôt
sur le revenu» (1992), vol. 14, n o 1 Revue de planification fiscale et successorale 1-45.
101 Alinéa 248(3)a) LIR.
102 Alinéa 248(3)e) LIR.
103 Ces conclusions sur le droit d’usufruit sont conformes à l’Interprétation technique
en date du 30 juillet 1991 émise par la Division des services bilingues et des ressources
industrielles que l’on retrouve dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 240, à la
p. 808,216.
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il habitait normalement la résidence. Cette situation pouvait donc se
produire lorsque le contribuable qui était le nu-propriétaire de la
résidence l’habitait avec son conjoint et/ou ses enfants qui étaient euxmêmes usufruitiers de la résidence. Le droit d’un usufruitier acquis après
1990 est toutefois maintenant soumis aux règles exposées plus haut.
Détention par une société
Le libellé de l’article 54 ne permettrait pas la détention indirecte d’une
résidence principale par l’entremise d’une société qui ne pourrait par
conséquent réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour
résidence principale lors de la disposition d’une résidence qu’elle
détient.
Néanmoins, le Ministère indique, au numéro 11 de son Bulletin
d’interprétation IT-120R 4, qu’en dépit du fait que la société elle-même
n’ait pas droit à l’exemption de gains en capital pour résidence
principale, un membre de la société pourrait y avoir droit :
Un logement, un droit de tenure à bail y afférent ou une action du
capital-actions d’une coopérative d’habitation constituée en corporation
peut être un bien de société. La société n’est pas un contribuable et ne
peut pas utiliser l’exemption pour résidence principale au moment de la
disposition de ce bien. Toutefois, un membre de la société pourrait
utiliser l’exemption pour résidence principale pour réduire ou éliminer la
partie de tout gain réalisé au moment de la disposition du bien qui lui est
attribué conformément à la convention de société, pourvu qu’il satisfasse
aux autres exigences de l’alinéa 54g) (p. ex., l’associé a résidé dans le
logement de la société pour les années en question).
Ainsi, un associé qui habiterait normalement, comme résidence
principale, un immeuble détenu par la société, pourrait réclamer le
bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence principale,
dans la mesure où le gain réalisé lors de la disposition de cet immeuble
est attribué à cet associé en particulier aux termes de la convention de
société.
Détention par une fiducie
Jusqu’en 1990, seules les fiducies établies au profit du conjoint au sens
du paragraphe 70(6) ou 73(1) LIR avaient droit à l’exemption de gains
en capital pour résidence principale à l’égard d’un bien qu’elle
détenait104. Avant 1991, lorsqu’une fiducie personnelle quelconque
détenait une résidence qui devait faire l’objet d’une disposition, la
fiducie devait, pour avoir droit à l’exemption de gains en capital pour
résidence principale, distribuer d’abord la résidence à un bénéficiaire du
capital de la fiducie. En vertu du paragraphe 40(7) LIR, lorsqu’une
fiducie personnelle remet un bien à un bénéficiaire en acquittement de
104 «Table ronde de Revenu Canada», dans Report of Proceedings of the Forty-First
Tax Conference, 1989 Conference Report (Toronto : Association canadienne d’études
fiscales, 1990), 45:30-60, question 25, aux pp. 45:45-46.
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tout ou d’une partie de sa participation au capital de la fiducie et que
cette distribution s’effectue sur une base de roulement selon le
paragraphe 107(2) LIR, le bénéficiaire qui en dispose par la suite est
réputé, aux fins du calcul de l’exemption de gains en capital pour
résidence principale, avoir été le propriétaire de la résidence depuis que
la fiducie l’a acquise pour la dernière fois. Ainsi, si le contribuable qui
reçoit la résidence l’a normalement habitée durant les années précédant
la distribution ainsi qu’après, la résidence peut être admise et désignée
comme résidence principale pour toutes les années où elle était détenue
par la fiducie et par le contribuable lui-même et donc, la totalité du
gain en capital réalisé peut être exemptée.
À la suite des modifications apportées à la définition de «résidence
principale» à l’article 54 LIR105 et applicables aux dispositions
effectuées après 1990, les fiducies personnelles, en plus des fiducies au
profit du conjoint, peuvent bénéficier de l’exemption de gains en capital
pour résidence principale. La fiducie personnelle peut désigner, pour
une année d’imposition, un bien qu’elle détient comme résidence
principale lorsqu’elle est normalement habitée au cours de l’année par
un «bénéficiaire déterminé» de la fiducie, par le conjoint ou l’ancien
conjoint de ce bénéficiaire ou par un de ses enfants. Un bénéficiaire
déterminé de la fiducie est un particulier qui a un droit de bénéficiaire
dans la fiducie106 et qui habite normalement le logement ou dont le
conjoint, l’ancien conjoint ou un enfant l’habite.
Afin que la fiducie personnelle puisse avoir droit à l’exemption de
gains en capital sur la résidence qu’elle détient, les conditions suivantes
doivent être réunies :
• le bien doit faire l’objet d’une désignation, dans la forme et selon
les modalités réglementaires107, comme étant la résidence principale de
la fiducie pour l’année;
• la désignation doit comporter le nom de chacun des bénéficiaires
déterminés;
• aucune société ou corporation, à l’exception d’un organisme de
charité enregistré, ne détient de droit de bénéficiaire dans la fiducie au
cours de l’année; et
• aucune autre résidence n’a fait l’objet d’une désignation pour
l’année par un bénéficiaire déterminé de la fiducie ou par toute autre
personne membre de la famille du bénéficiaire.
Ainsi, une seule résidence principale pourra être désignée
directement ou indirectement par l’entremise d’une fiducie par une
même famille pour une année d’imposition.
105
LC (1994), c. 7, annexe VIII, paragraphe 16(1).
C’est-à-dire un bénéficiaire du revenu ou du capital de la fiducie : paragraphe
248(25) LIR.
107 Formulaire T1079.
106
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Les nouvelles règles qui permettent à toutes les fiducies personnelles
de réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour
résidence principale, offrent dorénavant une plus grande souplesse dans
la planification entourant la détention d’une résidence qu’un
contribuable habite normalement et qu’il veut désigner comme sa
résidence principale.
RÈGLES RELATIVES AU CHANGEMENT D’USAGE
D’UN BIEN
À la section du calcul des gains et pertes en capital, la Loi prévoit des
règles particulières concernant le changement d’usage d’un bien,
notamment concernant le choix que peut effectuer un contribuable lors
d’un tel changement d’usage.
Changement complet d’usage d’un bien utilisé à
une seule fin
Lorsqu’un contribuable a acquis un bien à une autre fin et commence, à
un moment ultérieur, à l’utiliser en vue de gagner un revenu ou
vice-versa, le paragraphe 45(1) LIR prévoit qu’il est réputé avoir
disposé du bien et l’avoir réacquis aussitôt pour un montant égal à sa
juste valeur marchande. Il s’agit d’une disposition présumée qui résulte
de l’application de la Loi et qui implique nécessairement la réception
par le contribuable du produit de disposition réputé. Bien que ce dernier
principe semble être logique, il a néanmoins fait l’objet d’un litige dans
l’affaire Derlago108. Il s’agissait d’une situation où les règles relatives
au changement d’usage d’un bien s’appliquaient et où le contribuable
était réputé avoir disposé d’un bien qu’il utilisait pour gagner un revenu
qu’il a commencé à utiliser comme résidence principale. Il prétendait
que l’alinéa 45(1)a) LIR ne prévoyait pas expressément que le produit
de disposition présumée était réputé reçu au moment de la disposition
présumée mais qu’il était plutôt reçu à un moment ultérieur. Devant cet
argument, le juge Martin conclut :
As applied to this matter it means that when the plaintiff changed the
purpose for which he was using the property in 1980, he was deemed to
have sold it in 1980 for an amount equal to its fair market value. I can
find nothing in that which would lead me to conclude that some portion
or all of the deemed proceeds should be deemed to be payable after the
end of the plaintiff’s 1980 taxation year. If I am to deem that the
plaintiff sold his property in 1980 for a specific sum of money, I would
assume, in the absence of any provision to the contrary, that he received
the proceeds at the time of the disposition. My view in this respect is
reinforced by subparagraph (iv) of section 45(1)(a) which provides that
immediately after the taxpayer is deemed to have sold the property, he is
deemed to have reacquired it for the same price. This indicates to me, in
this fictional world of taxation, that Parliament must have intended the
deemed proceeds to have been received by the plaintiff because it
108
Derlago c. La Reine, 88 DTC 6290 (CF 1re inst.).
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provided for the expenditure of the proceeds by the plaintiff immediately
after their creation109.
Le contribuable est donc présumé avoir disposé du bien faisant
l’objet d’un changement d’usage complet, avoir reçu un produit de
disposition réputé égal à la juste valeur marchande du bien et l’avoir
réacquis aussitôt pour un coût égal à cette somme. Il réalise donc à ce
moment un gain égal ou une perte égale à la différence entre la juste
valeur marchande du bien et son prix de base rajusté.
Changement d’usage de résidence principale à un bien
produisant un revenu
Lorsqu’un contribuable a complètement converti un bien utilisé à une
autre fin, notamment comme résidence principale, en un bien produisant
un revenu, les règles sur le changement d’usage d’un bien décrites plus
haut sont applicables et le contribuable peut utiliser l’exemption des
gains en capital pour résidence principale afin d’éliminer ou de réduire
le gain réalisé au moment de la disposition présumée. Le contribuable
peut toutefois faire un choix en vertu du paragraphe 45(2) LIR aux fins
d’être réputé ne pas avoir effectué le changement d’usage du bien et
peut donc reporter la réalisation de tout gain à une année ultérieure,
possiblement au moment de la disposition réelle de la résidence ou
jusqu’à une année d’imposition ultérieure où il révoque ce choix. Le
choix est également considéré révoqué le 1 er jour de l’année
d’imposition pour laquelle le contribuable demande une déduction pour
amortissement à l’égard du bien.
La Loi ne précise pas la façon dont ce choix doit être effectué.
Toutefois, le Ministère indique, au numéro 31 de son Bulletin
d’interprétation IT -120R 4, que le choix s’effectue au moyen d’une
lettre signée par le contribuable et produite avec sa déclaration de
revenus pour l’année au cours de laquelle le changement d’usage a eu
lieu. La politique actuelle du Ministère, ainsi que celle du ministère du
Revenu du Québec, sont à l’effet d’accepter un choix produit
tardivement dans la mesure où aucune déduction pour amortissement
n’a été demandée pour le bien depuis le changement d’usage et pendant
la période où le choix demeure en vigueur110.
Bien qu’en principe le contribuable puisse, en vertu du choix du
paragraphe 45(2) LIR, éviter l’application des règles relatives au
changement d’usage d’un bien, à partir de ce moment, le bien ne
pourrait être admissible à titre de résidence principale. En effet, le
contribuable ayant commencé à utiliser le bien en vue de gagner un
revenu, le bien ne pourrait être considéré comme «normalement habité»
durant ces années d’imposition. La définition de résidence principale à
109
Ibid., à la p. 6291.
Numéro 31 du Bulletin d’interprétation IT-120R4 et paragraphe 5 du IMP. 281-1,
«Règles relatives au changement dans l’usage d’un bien aux fins du calcul des gains et
pertes en capital», le 30 novembre 1994.
110
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l’article 54 permet toutefois qu’un bien soit admis et désigné comme
résidence principale du contribuable pour un maximum de quatre
années d’imposition au cours desquelles un choix effectué en vertu du
paragraphe 45(2) est en vigueur. Il est à noter que pour tirer avantage
de cette possibilité, le contribuable doit être résident canadien ou réputé
résider au Canada étant donné le libellé de la formule de calcul de la
partie exemptée du gain en capital pour résidence principale prévue à
l’alinéa 40(2)b). Évidemment, si le bien faisant l’objet d’un choix en
vertu du paragraphe 45(2) est désigné comme résidence principale du
contribuable au cours d’une année, aucun autre bien ne pourra, au cours
de cette même année d’imposition, être désigné comme tel par le
contribuable ou par un autre membre de l’unité familiale.
En vertu du choix effectué selon le paragraphe 45(2), «le
contribuable est réputé ne pas avoir commencé à utiliser le bien en vue
de gagner un revenu». Tout revenu, par exemple un revenu de location
à l’égard du bien, devra cependant être déclaré aux fins de l’impôt et
les dépenses afférentes, incluant les intérêts sur un prêt hypothécaire111
mais à l’exception de la déduction pour amortissement, pourront être
déduites, tant et aussi longtemps que le choix est en vigueur112.
Un choix effectué en vertu du paragraphe 45(2) permet au
contribuable, d’une part, d’être réputé ne pas avoir commencé à utiliser
sa résidence en vue de gagner un revenu et, d’autre part, de désigner
cette résidence comme résidence principale pour quatre années
d’imposition au cours desquelles le choix est en vigueur. Dans une
interprétation technique récente113, le Ministère émet l’opinion à l’effet
que «Where the four-year principal residence designation expired prior
to a sale, the property would be deemed to have been disposed off and
reacquired under the change-in-use rules». Cette opinion semble étrange
puisque rien dans la Loi ne prévoit que lorsqu’une résidence fait l’objet
d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) et qu’elle peut par ailleurs être
désignée comme résidence principale pour une période de quatre ans,
une disposition présumée surviendrait nécessairement à l’expiration de
ces quatre ans. Selon cette interprétation, si le contribuable choisit de
désigner la résidence faisant l’objet du choix du paragraphe 45(2)
comme résidence principale, ce choix ne pourrait s’appliquer que pour
une période maximale de quatre ans. Le libellé du paragraphe 45(2) ne
prévoit aucune telle règle.
Lorsque le changement d’usage de résidence principale à bien
produisant un revenu résulte du fait que le contribuable a changé de
lieu d’emploi, la limite de quatre années pour lesquelles un bien faisant
111 Interprétation technique de la Division des industries financières, le 28 mars
1991, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 184, à la p. 807,918.
112 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 32.
113 Interprétation technique de la Division générale et des entreprises, le 28 mai
1991, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 91 RCT 234, à la p. 808,210.
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l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2) peut être désigné
comme résidence principale est supprimée. En effet, selon l’article 54.1
LIR , cette limite est étendue indéfiniment si les conditions suivantes
sont réunies :
• le contribuable n’habite pas normalement sa résidence pendant une
année visée par le choix prévu au paragraphe 45(2) en raison du
changement du lieu de son emploi ou de celui de son conjoint;
• l’employeur n’est pas lié au contribuable ou à son conjoint;
• la résidence est plus éloignée d’au moins 40 kilomètres de son
nouveau lieu d’emploi ou de celui de son conjoint selon le cas, que son
nouveau lieu de résidence; et
• le contribuable recommence à habiter sa résidence pendant la durée
de son emploi (ou de celui de son conjoint) chez cet employeur ou
avant l’année d’imposition qui suit immédiatement celle au cours de
laquelle cet emploi se termine ou encore, le contribuable meurt pendant
la durée de cet emploi.
Le paragraphe 45(1) LIR prévoit des règles qui s’appliquent «lors
d’un changement d’usage». Dans certains cas, il est plus difficile de
déterminer s’il y a eu ou non un changement d’usage au sens de la Loi.
Exemple : en 1990, un contribuable acquiert une résidence pour en faire
sa résidence principale. Il l’habite normalement jusqu’en novembre
1992 et, à ce moment a l’intention de la mettre en location. Toutefois,
il ne la loue qu’à partir de janvier 1994. Étant donné que le
contribuable n’habite plus normalement la résidence depuis novembre
1992, elle ne pourrait en principe être admissible à titre de résidence
principale à partir de l’année d’imposition 1993, à moins qu’elle ne
fasse l’objet d’un choix en vertu du paragraphe 45(2), choix qui ne peut
être effectué que dans la mesure où il y a eu un changement d’usage. À
cet égard, le sous-alinéa 45(1)a)(i) LIR stipule qu’il y a changement
d’usage d’un bien acquis à une autre fin à un moment postérieur où le
contribuable commence à l’utiliser en vue de gagner un revenu. Dans
ce contexte, l’intention du contribuable en novembre 1992 serait-elle
pertinente ?
Les tribunaux se sont prononcés à deux reprises 114 à l’effet que
l’intention du contribuable lors de l’acquisition d’un bien ne peut
prévaloir sur l’utilisation effective qui en est faite. Dans ces deux cas,
les contribuables cherchaient à éviter l’application des règles de
changement d’usage en prétendant qu’un bien qu’ils avaient utilisé
respectivement durant plusieurs années pour gagner un revenu ne faisait
pas l’objet d’un changement d’usage au moment où ils ont commencé à
l’utiliser comme résidence principale, étant donné qu’ils l’avaient
acquis expressément dans ce but.
114 Woods, supra, note 88 et Derlago c. MRN, 86 DTC 1503 (CCI), confirmée par le
Cour fédérale, Division de première instance, supra, note 108.
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Pourtant, dans une rare décision québécoise traitant de ce sujet, la
Cour provinciale en est venue à une conclusion différente115. Dans cette
affaire, le contribuable avait fait l’acquisition d’une propriété en
octobre 1977 aux fins d’en faire sa résidence principale. Il ne
l’emménagea néanmoins qu’en mai 1978. Entre-temps la résidence était
louée à la venderesse moyennant un loyer mensuel. En ce qui concerne
la question de savoir s’il y avait eu changement d’usage du bien en mai
1978 le juge Verdy en vint à la conclusion suivante :
L’appelant ayant admis qu’il a acheté sa propriété en vue d’en faire sa
résidence principale ne peut, selon ces articles, prétendre qu’il y a eu
disposition présumée de ce bien par changement d’usage le 1er mai 1978,
le 18 mai ou le 29 mai. Le fait que la venderesse soit demeurée dans
l’immeuble en attendant que l’appelant puisse emménager, “par la force
des choses”, constitue une situation strictement temporaire et
circonstancielle qui n’a rien à voir avec l’intention première de l’achat
qui était de faire de la propriété une résidence principale. C’est la
distinction qu’on doit faire d’avec l’arrêt Woods c. M . R. N. (4) où, au
contraire, le contribuable avait loué son immeuble pendant neuf ans et
avait même acheté dans une autre province une maison qu’il a habitée
durant sept ans. On a décidé alors qu’à son retour pour occuper sa
résidence il y avait disposition présumée116.
Étant donné que l’usage qui a été fait de la résidence ne
correspondait pas à l’intention du contribuable, c’est-à-dire au but de
l’achat, et s’avéra «strictement temporaire et circonstanciel», l’intention
du contribuable a prévalu et il n’y eut aucun changement d’usage en
mai 1978.
Une analogie pourrait être établie entre cette dernière décision et le
cas du contribuable dans l’exemple précité et prétendre qu’il n’y aurait
eu, en novembre 1992, aucun changement dans l’usage de la résidence
puisque le contribuable avait l’intention de tirer un revenu de la
résidence à partir de novembre 1992; le fait qu’il n’ait pu la louer avant
janvier 1994 constituait une circonstance strictement temporaire et
l’intention du contribuable devrait prévaloir. La résidence pourrait alors
faire l’objet du choix prévu au paragraphe 45(2) et être désignée comme
résidence principale pour quatre années d’imposition après 1992.
Changement d’usage d’un bien produisant un revenu à une
résidence principale
Lorsqu’un contribuable a converti un bien qu’il utilisait pour gagner un
revenu à une résidence principale (par opposition à d’autres fins), les
règles prévues à l’alinéa 45(1)a) LIR concernant le changement d’usage
d’un bien sont applicables. Cette disposition réputée peut donc donner
lieu à la réalisation d’un gain en capital imposable. Toutefois, à l’instar
du choix prévu au paragraphe 45(2), le contribuable peut choisir de
115
116
Côté c. Sous-ministre du Revenu du Québec, [1982] RDFQ 90 (CP).
Ibid., à la p. 93.
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404
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
différer la réalisation de ce gain jusqu’à une année ultérieure en
choisissant, selon le paragraphe 45(3), de n’être pas réputé avoir
disposé du bien et l’avoir acquis de nouveau à ce moment. Le choix est
effectué au moyen d’une lettre signée par le contribuable et produite
avec sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition au cours de
laquelle une disposition réelle du bien survient ou plus tôt lorsque le
Ministre en fait la demande formelle. Le choix prévu au paragraphe
45(3) ne peut être effectué que dans la mesure où aucune déduction
pour amortissement n’a été réclamée à l’égard du bien pour les années
d’imposition précédant la date du changement d’usage117.
La définition de résidence principale contenue à l’article 54 LIR
permet au contribuable de désigner comme telle un bien faisant l’objet
d’un choix exercé en vertu du paragraphe 45(3) pour un maximum de
quatre années d’imposition, soit les années d’imposition antérieures au
changement d’usage, bien que la résidence n’ait pas été «normalement
habitée» par le contribuable durant ces quatre années. Encore une fois,
comme dans le cas du choix exercé en vertu du paragraphe 45(2), le
contribuable devra avoir été résident canadien ou réputé résider au
Canada pendant les années visées par le choix s’il veut tirer avantage
de l’exemption des gains en capital pour résidence principale étant
donné le libellé de la formule de calcul de la partie exemptée de ce
gain. Le contribuable ou un autre membre de sa famille ne pourra
désigner aucun autre bien comme résidence principale pour les années
d’imposition au cours desquelles le bien faisant l’objet d’un choix en
vertu du paragraphe 45(3) est désigné comme telle.
Les choix prévus aux paragraphes 45(2) et 45(3) ne peuvent être
exercés que dans la mesure où il y a changement «complet» d’usage
d’un bien par opposition à un changement partiel, c’est-à-dire lorsque le
contribuable convertit une partie de l’usage de son bien.
Changement partiel d’usage d’un bien utilisé à une seule fin
Lorsqu’une partie d’un bien utilisé pour gagner un revenu commence à
être utilisée à une autre fin, et vice-versa, le contribuable est réputé
avoir aliéné et réacquis à ce moment la partie du bien qui a fait l’objet
d’une conversion d’usage. Exemple : si un contribuable convertit une
partie de sa résidence principale en un bien produisant un revenu, la
partie du bien ainsi convertie est réputée, en vertu du paragraphe 45(1)
LIR , avoir fait l’objet d’une disposition présumée pour un produit de
disposition égal à la part de la juste valeur marchande du bien
attribuable à cette partie. Cette même partie du bien est réputée avoir
été immédiatement acquise de nouveau pour un coût égal à ce montant.
Le contribuable est donc susceptible de réaliser un gain lors de la
disposition présumée, qui peut être éliminé ou réduit par l’exemption de
gains en capital pour résidence principale.
117 La Loi prévoit expressément cette règle au paragraphe 45(4), contrairement au cas
du choix selon le paragraphe 45(2) pour lequel il s’agit d’une politique du Ministère.
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Bien que dans le cas d’un changement partiel d’usage d’un bien
utilisé comme résidence principale le gain réalisé lors de la disposition
présumée peut être éliminé grâce à l’exemption des gains en capital
pour résidence principale, la partie du bien convertie ne pourra
ultérieurement faire l’objet d’une désignation comme résidence
principale. Cependant, pour qu’il soit considéré y avoir eu changement
partiel d’usage d’un bien utilisé comme résidence principale, le
changement doit être important et de nature permanente, c’est-à-dire un
changement structurel118. À cet égard, le Ministère est d’avis que :
Un changement structurel se produit, par exemple, avec la conversion de
l’avant d’une maison en magasin, la conversion d’une partie de maison
en établissement domestique autonome en vue de gagner un revenu de
location (un duplex, un triplex, etc.) ou des modifications apportées à
une maison afin d’aménager des locaux commerciaux distincts. Dans ces
cas-là et dans d’autres cas semblables, le contribuable déclare le revenu
et peut déduire les dépenses concernant la partie modifiée du bien
(c.-à-d. une partie raisonnable des dépenses relatives à l’ensemble du
bien) ainsi que la DPA sur cette partie modifiée.
Lorsqu’il n’y a pas de changement structurel du bien, qu’aucune
déduction pour amortissement n’a été demandée et que l’usage comme
bien produisant un revenu est accessoire à l’usage principal du bien
comme résidence, la pratique du Ministère, énoncée au numéro 38 du
Bulletin d’interprétation IT -120R4119, est à l’effet que les règles de
disposition présumée ne soient pas appliquées. Ainsi, la résidence
principale du contribuable qui n’aurait pas subi de changement
structurel mais qui par ailleurs serait utilisée en partie pour gagner un
revenu accessoire conserverait, dans son ensemble, son caractère de
résidence principale et pourrait être désignée en totalité comme
résidence principale aux fins de l’exemption des gains en capital. Tel
serait le cas, par exemple, si le contribuable «exploite une entreprise
pour la garde d’enfants dans sa maison, qu’il loue une ou plusieurs
pièces de la maison ou qu’il a un bureau ou un autre espace de travail
dans la maison qu’il utilise dans le cadre de son entreprise120». Par
contre, le contribuable doit déclarer le revenu tiré de l’utilisation de
cette partie de sa résidence et peut déduire les dépenses afférentes, à
l’exception de la déduction pour amortissement.
Malgré ce dernier énoncé très clair de la position du Ministère, une
opinion contraire a été émise lors d’une demande d’interprétation
technique où certaines questions étaient posées concernant une partie
d’une résidence principale utilisée par la corporation du propriétaire121.
118
Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 37. Voir aussi IMP. 281-1, numéro 10.
La politique du ministère du Revenu du Québec est au même effet : IMP. 281-1,
numéro 11.
120 Bulletin d’interprétation IT-120R4, numéro 38.
121 Interprétation technique de la Division des services bilingues et des ressources
industrielles du 16 juillet 1990, dans Désy, supra, note 55, paragraphe 90 RCT 91, à la
p. 805,662.
119
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
406
CANADIAN TAX JOURNAL / REVUE FISCALE CANADIENNE
Le Ministère a émis l’opinion que la partie de la résidence utilisée par
la corporation ne serait pas considérée comme résidence principale aux
fins de l’exemption du gain en capital pour résidence principale, que le
contribuable ait réclamé ou non la déduction pour amortissement à
l’égard de cette partie de la résidence. Donc, au moment de la
disposition, le gain en capital réalisé sur cette partie de la résidence
pour la période au cours de laquelle elle était utilisée par la corporation
du contribuable ne pourrait être exempté en vertu de l’alinéa 40(2)b)
LIR . Cette interprétation n’est toutefois pas conforme à la plus récente
position du Ministère énoncée au numéro 38 du Bulletin
d’interprétation IT -120R 4 qui a été émis à une date ultérieure, soit le
26 mars 1993.
CONCLUSION
Étant donné que le gain en capital que réalise un contribuable canadien
lors de la disposition de sa résidence peut potentiellement faire l’objet
d’une exemption totale d’impôt, il a tout avantage à connaître les règles
fiscales sur l’application de l’exemption de gains en capital pour
résidence principale. Plus particulièrement, le libellé de la formule de
calcul de la partie du gain en capital exemptée contenue à l’alinéa
40(2)b) LIR permet d’effectuer des planifications relativement simples,
parfois retarder la transaction de quelques jours, pour ainsi maximiser
l’accession à cette exemption.
De plus, pour être admissible à l’exemption, la résidence du
contribuable doit constituer une «résidence principale» au sens attribué
à cette expression à l’article 54 LIR. Cette définition étant rédigée de
façon large, les tribunaux ont dû s’y pencher et préciser l’interprétation
de certaines notions, notamment les termes et expressions «logement»,
«normalement habitée» et «fonds de terre nécessaire à l’usage et à la
jouissance du logement comme résidence». Outre le fait d’apporter des
précisions, ils n’ont pas restreint l’interprétation de ces notions ou
l’application des tests d’appréciation. Or, un contribuable qui connaît
l’interprétation de la portée de cette définition faite par les tribunaux et
par le Ministère dans son Bulletin d’interprétation IT-120 R4, est
davantage en mesure de planifier a priori l’achat, la détention et la
disposition de sa résidence pour s’assurer de bénéficier au maximum de
l’exemption du gain en capital pour résidence principale qui pourra en
résulter.
Par ailleurs, il est possible de constater l’ouverture par le législateur
à une plus grande souplesse dans les règles pour les adapter à la réalité
économique canadienne, plus particulièrement au niveau des dernières
modifications apportées à la définition de «résidence principale» à
l’article 54 LIR afin de permettre à toute fiducie personnelle de
réclamer le bénéfice de l’exemption de gains en capital pour résidence
principale. Cette nouvelle règle tient compte des différents modes de
détention juridique possibles d’un bien et les traite sur un pied
d’égalité; elle permet également la mise en place de planifications pour
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2
L’EXEMPTION DU GAIN EN CAPITAL POUR RÉSIDENCE PRINCIPALE
407
un particulier (par exemple pour mettre ses actifs à l’abri des
créanciers) sans compromettre pour autant sa possibilité de bénéficier
de l’exemption de gains en capital pour résidence principale. Cette
souplesse se dégage également des règles applicables au changement
d’usage d’une résidence, en ce sens qu’elles permettent de faire
exception aux critères d’admissibilité à l’exemption de gains en capital
pour résidence principale.
La politique fiscale actuelle, qui tend à vouloir éliminer ou limiter le
plus possible les abris fiscaux — exonération cumulative des gains en
capital de 100 000 $, règles concernant les régimes enregistrés
d’épargne-retraite, règles touchant les fiducies familiales — ne semble
pas, jusqu’à maintenant, vouloir viser l’exemption de gains en capital
pour résidence principale. Elle demeure donc un outil certain d’épargne
fiscale.
(1996), Vol. 44, No. 2 / no 2