présentation

Transcription

présentation
 Le “théâtre de la Nature”. Les jardins Vénètes et l’Europe entre art et science aux XVIe et XVIIe siècles Ce projet se situe dans la continuité d’une thèse de doctorat menée en cotutelle à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et à l’Université de Vérone, et d’une journée d’étude internationale organisée par le Département TeSIS de l’Université de Vérone en octobre 2013, intitulée Nel laboratorio del Rinascimento. Scienza e arte nei giardini europei tra ‘500 e ‘600 (actes en cours de publication). Il s’agit d’étudier les relations étroites établies entre les domaines de l’art et de la science-­‐ entendu comme connaissance de la nature et savoir technique -­‐, dans des créations qui ornaient les jardins de l’époque, comme les grottes artificielles, qui unissaient la recherche scientifique et esthétique, les fontaines qui exigeaient des connaissances hydrauliques et artistiques, ou encore la culture de plantes médicinales et de fleurs qui donna lieu à de précieux recueils illustrés par les meilleurs peintres et dessinateurs, et constituait en même temps le fondement de la pharmacopée. Dans ce domaine la Vénétie s’est illustrée comme l’un des foyers de l’union entre l’art et la science grâce à la présence de nombreux jardins qui ouvrirent la voie aux études botaniques, à partir de l’Orto botanico de Padoue, fondé en 1545, qui fut le premier en Europe à être dédié exclusivement à l’étude des plantes. Ce territoire était en effet marqué par la présence de l’université qui constituait alors un point de référence de dimension européenne dans le domaine des sciences naturelles, alors que se développait la Civiltà di villa promue par Alvise Cornaro (1484-­‐1566), et traduite en architecture par Andrea Palladio (1508-­‐1580). Une civilisation dans laquelle le jardin était un élément incontournable, lieu d’inspiration artistique et d’étude de la nature, sur lequel se sont penchées les recherches de Lionello Puppi et Margherita Azzi Visentini. Dans cette région la culture topiaire s’exprima aussi bien en ville qu’à la campagne: parmi les nombreux exemples existant le cas de la villa Barbarigo à Valsanzibio retiendra notre attention pour le grand raffinement de son programme iconographique, parmi les plus importants du XVIIe siècle en Italie et pour son parcours hautement symbolique imaginé par 1
ses propriétaires, la famille Barbarigo. Entièrement conçu autour du thème de l’eau par le cardinal Gregorio Barbarigo (1625-­‐1697), et réalisé par le fontainier pontifical Luigi Bernini (1612-­‐ 1681), le jardin de Valsanzibio déclinait un programme spirituel illustré par des réalisations hydrauliques virtuoses, dont l’étude demeure à l’état d’ébauche, et est délaissée depuis plus de vingt ans. En Vénétie Vérone s’affirma également comme un centre représentatif du dialogue entre l’art et la science, d’une part grâce à d’illustres protagonistes comme le pharmacien Francesco Calzolari (1522-­‐1572) et le médecin Girolamo Fracastoro (1476-­‐1553) dont les collections formèrent le noyau du premier musée d’histoire naturelle européen; de l’autre grâce à une culture figurative particulièrement attentive à la représentation de la nature qui atteint des sommets dans les œuvres de Jacopo Ligozzi (1547-­‐1627), et conféra un rôle important au paysage en peinture. Dans la ville et sur le territoire, la culture topiaire se développa déjà au XVIe siècle, avec les jardins urbains Giusti et Francescatti, et les nombreuses villas suburbaines, comme la villa Scopoli à Avesa et son imposant bassin, le jardin botanique de la villa Nichesola à Ponton, ou encore celui de la villa della Torre à Fumane, orné d’une splendide grotte encore visible et qui comprenait un important jardin aujourd’hui perdu mais dont nous avons plusieurs témoignages qui demeurent à approfondir. Pour ces raisons le projet se propose de prendre comme point de départ les jardins véronais: celui de villa Della Torre déjà cité, à propos duquel la famille Allegrini a récemment fait réaliser une publication qui présente l’état actuel de la recherche et sera une référence pour d’ultérieures recherches, en particulier sur la grotte; le jardin Giusti de Vérone, qui fut également le siège de représentations théâtrales, dont l’aura a été augmentée par des témoignages de visiteurs étrangers qui en firent les louanges et pour lequel un travail de synthèse et de contextualisation manque complètement. À propos du territoire véronais, la récente publication de Giulio Zavatta sur les réalisations palladiennes à Vérone sera une référence importante. Les principaux traits de la recherche sont les suivants: -­‐
Les grottes artificielles: une caractéristique commune des jardins les plus élaborés de Vérone et de la Vénétie est la présence de grottes, dont les spécificités dépendaient 2
probablement en partie d’une optique d’émulation et de dépassement. Les grottes véronaises et vénètes de la seconde moitié du XVIe siècle et de la première moitié du XVIIe siècle sont un chapitre fondamental de l’histoire du jardin de cette région, er demeurent encore en grande partie sous-­‐étudiés. Outre à des comparaisons entre les différents exemples qui permettront de mieux en cueillir les spécificités, elles seront analysées dans le contexte de la culture européenne qui se passionna alors pour ces antres aux valeurs symboliques et scientifiques extrêmement riches, et aujourd’hui pour la plupart oubliées. La grotte de la villa Della Torre, en particulier, présente des caractéristiques très suggestives puisqu’elle fait partie d’un programme complexe qui selon les dernières recherches comprenait un parcours spirituel depuis la partie basse du jardin vers les hauteurs où se trouve la chapelle de Michele Sanmicheli. Un tel parcours sera comparé avec celui du jardin Giusti qui présente des caractéristiques semblables, mais aussi avec des exemples français comme la grotte des Pins à Fontainebleau (1543), et celle de Meudon (1556-­‐1559) réalisées par l’élève de Giulio Romano (1499-­‐1546) Francesco Primaticcio dit Le Primatice (1504–
1570), la grotte de la Bâtie d’Urfé (1550 ca), et également de la longue description offerte par le céramiste français Bernard Palissy (1510-­‐1590) dans sa Recepte véritable (1563). -­‐
Les rapports avec la France: le projet prendra en considération la dimension européenne de la culture topiaire en privilégiant les comparaisons avec la France sous deux angles. Tout d’abord le langage architectural rustique dérivé d’exemples provenant du nord de l’Italie qui se développa en France à partir des années 1540. Dans ce domaine les inventions mantouanes de Giulio Romano, transmise en France grâce à la présence de Sebastiano Serlio (1475–1554) et Francesco Primaticcio jouèrent un rôle fondamental. Il faudra enquêter sur un possible impact de l’architecture rustique utilisée par Palladio dans l’Hexagone – la villa Santa Sofia à Pedemonte par exemple – et Michele Sanmicheli – actif à la villa della Torre, outre à ses réalisations en ville. Ce style rustique en architecture, qui s’exprima dans de nombreuses réalisation Vénètes était étroitement lié au goût alors diffus pour le jeu illusionniste entre l’apparence naturelle recréé par l’artifice et l’apparence d’artifice présente dans la Nature, un exercice qui trouva sa meilleure traduction dans les jardins, en particulier les grottes artificielles, où grâce a la présence de pièces naturalistes les processus de génération de la matière étaient mis en scène, selon les concepts de Natura naturans et Natura naturata. Là, dans ces antres tant appréciés de l’élite européenne, pouvait 3
s’exprimer au mieux la curiosité dans le domaine des sciences naturelles –de la minéralogie à la zoologie-­‐, le goût pour le monstrueux et les formes bizarres – typique selon Sebastiano Serlio des terres françaises, et le talent humain dans l’imitation parfaite des formes naturelles. La richesse des significations et des fonctions qu’implique le choix du style rustique a déjà fait l’objet d’un chapitre de la thèse de doctorat qui précède cette recherche à propos du cas de Bernard Palissy (1510-­‐1590), mettant en évidence l'étroit rapport entre le choix de ce langage et l’étude de la Nature. Le lien entre l’architecture et le paysage environnant, avec ses enjeux symboliques, scientifiques et artistiques sera donc l’un des pivots de la recherche grâce à des mise en parallèle entre des réalisations françaises et vénètes, afin d’en mettre en évidence la dimension européenne. Le second aspect du lien Vénétie-­‐France concerne un aspect fondamental et interdisciplinaire: ce sont les rapports entretenus par la France avec l’université de Padoue, comme le démontrent les travaux d’Anna Bettoni sur la présence d’érudits et de patients français dans la ville, et ceux d’Anna Maria Raugei sur la correspondance entre les deux humanistes Gian Vincenzo Pinelli et Claude Dupuy qui s’échangeaient aussi bien des livres et des objets que des graines et des plantes. Les étrangers qui fréquentaient les milieux cultivés de la « Terraferma», témoignaient une fois rentrés dans leur patrie de ce qu’ils avaient observé, depuis les remèdes médicaux jusqu’aux réalisations artistiques et architecturales – par exemple le naturaliste français Pierre Belon (1517-­‐1564) qui décrivit certains jardins italiens dans les Remonstrances sur le défault du labour et culture des plantes et de la cognoissance d'icelles.... (1558), dont des exemples padouans. Des témoignages de ce type seront d’utiles sources pour connaître aussi bien les jardins en soi que leur perception de la part d’une mentalité culturellement différente. 4

Documents pareils