Comme une feuille... - Aptes
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Comme une feuille... - Aptes
TREMBLEMENTS ESSENTIELS Comme une feuille... Contrairement aux idées reçues, tout tremblement ne signe pas une maladie de Parkinson. Beaucoup plus fréquent, et pourtant méconnu, le tremblement essentiel embarrasse autant qu’il handicape. MARIE-FRANçOISE DISPA D ès les primaires, explique Isabelle Spiette, je tremblais en écrivant. C’était trop léger pour que mes parents s’en inquiètent, d’autant que notre médecin traitant attribuait ce problème à ma ‘nervosité’, mais je n’ai pas tardé à subir les moqueries de mes camarades de classe. Et ça ne s’est pas arrangé dans le secondaire, où je m’entendais régulièrement demander si j’étais en manque de drogue ou d’alcool ! J’ai consulté plusieurs formes sévères, le patient ne peut plus faire aucun geste fin : impossible de se servir une tasse de café, de tourner les pages d’un livre, ou même de signer ! Il faut se faire aider en permanence, on est dépendant ! » Appelé « essentiel » parce qu’il n’a pas de cause connue, c’est un tremblement qui est absent au repos, contrairement à celui de la maladie de Parkinson. « Il apparaît lorsqu’on essaie de maintenir une attitude, une posture – garder les bras tendus, par exemple – et persiste lors du mouvement volontaire, explique Michel Gonce. Un exemple ? La personne est assise, sans bouger, les mains sur la table : elle ne tremble pas. Je lui présente un verre d’eau, en lui demandant de le transvaser dans un autre verre. Dès qu’elle tend le bras pour saisir le verre, le tremblement se manifeste, et, comme elle continue à trembler pendant qu’elle verse, elle en répand la moitié ! » 1 sur 200 neurologues, qui ont parlé de maladie psychosomatique et m’ont mise sous calmants ou antidépresseurs – sans aucun résultat, d’ailleurs. J’avais terriblement peur. Apprendre ce que j’avais, à 21 ans, a été un soulagement ! » Un verre ? THS « On appelait cela autrefois le tremblement essentiel ‘bénin’, souligne le docteur Michel Gonce, neurologue. Mais bénigne, cette maladie est loin de l’être. Dans les Toujours bilatéral, le tremblement essentiel concerne avant tout les mains, mais il peut aussi toucher la tête et, plus rarement, les membres inférieurs, provoquant une instabilité à la station debout, mais sans perturber la marche. « Ce n’est pas une maladie rare, insiste Michel Gonce. Elle frappe 1 personne sur 200, tant les hommes que les femmes et, même si son incidence augmente avec l’âge, elle peut atteindre toutes les générations. Mais il n’existe pas d’examen permettant de la diagnostiquer à coup sûr – il faut procéder par élimination, en écartant les autres causes possibles de tremblement, comme des problèmes de Bien que les chercheurs aient déjà localisé deux gènes prédisposant au tremblement essentiel, il n’existe pas à l’heure actuelle de test génétique permettant de le caractériser. De plus, des personnes sans antécédents familiaux peuvent le développer sous des formes dites « sporadiques », dans lesquelles on suspecte l’intervention de facteurs environnementaux... Drôle de rôle de l’alcool... Le tremblement essentiel reste donc un phénomène intriguant, et le rôle surprenant joué par l’alcool chez certains patients ne contribue pas à sa compréhension. « Dès qu’ils boivent, ils cessent de trembler, constate Michel Gonce. Le problème étant évidemment de ne pas en abuser. Car, si l’effet dure deux ou trois heures, lorsqu’il s’estompe, il y a un rebond : après avoir momentanément disparu, le tremblement revient et s’accentue, ce qui suscite évidemment la tentation de prendre un autre verre ! Mais pourvu que ça reste ponctuel, c’est un moyen efficace de s’accorder, à l’occasion, une plage de normalité ! » D’autant que les traitements médicamenteux existants ne sont pas extraordinairement performants : une amélioration de l’ordre de 50% est déjà considérée comme satisfaisante ! « Le tremblement essentiel n’intéresse pas beaucoup les chercheurs ni l’industrie pharmaceutique, constate le docteur Gonce. Aujourd’hui comme hier, les principaux médicaments utilisés sont un vieux bêtabloquant, le propranolol, et un vieil antiépileptique, la primidone, qui peuvent éventuellement être administrés en combinaison. Ils ne suppriment pas le tremblement, mais ils en facilitent la gestion. En tout cas dans les formes légères et modérées... » L’ennui, c’est que le tremblement essentiel est une maladie évolutive : souvent peu gênante à ses débuts, elle s’aggrave plus ou moins vite, et la réponse au traitement varie selon les personnes. « Je n’ai pas pris de médicaments avant l’âge de 40 ans, remarque Danielle Vadjaraganian. Et aujourd’hui, à plus de 60 ans, je me débrouille encore sans trop de difficultés dans la vie quotidienne, même si le tremblement a fini par affecter ma voix, qui est devenue un peu chevrotante... » Mais chez d’autres, comme Danielle Spiette, la maladie brûle les étapes. « Je n’avais pas 30 ans, et tous les traitements disponibles restaient sans effet sur moi. Je ne mangeais plus qu’à la cuillère, je ne buvais plus qu’avec une paille. Malgré mes efforts et l’aide de mes collègues, je ne parvenais plus à faire mon travail d’assistante administrative... J’ai demandé à être opérée, mais, la première fois, je me suis heurtée à un refus, sous prétexte que je n’étais pas ‘assez’ malade ! » Comme tout le monde Dans les formes très sévères, en effet, la seule solution est d’implanter dans le cerveau des électrodes, destinées à stimuler électriquement un des noyaux du thalamus, qui régule les mouvements et la fonction musculaire (sur le même principe que dans certaines formes de la maladie de Parkinson). « On fait deux trous de trépan dans le crâne afin de mettre les électrodes en place, explique Michel Gonce, puis on les relie en sous-cutané à un neurostimulateur, comparable à un pacemaker cardiaque, qui est fixé au muscle pectoral chez l’homme et dans la paroi abdominale chez la femme. Le patient reste éveillé pendant l’intervention, afin que le neurochirurgien puisse tester immédiatement le bon positionnement des électrodes : si le tremblement s’arrête quand on branche le stimulateur, on a gagné ! » Le résultat est immédiat et souvent spectaculaire : l’amélioration peut atteindre 70, 80, voire 90%. De plus, l’opération est réversible, le neurostimulateur pouvant être retiré à volonté ; si de nouvelles thérapies apparaissent, rien n’empêchera le patient d’en profiter. Mais il y a des risques opératoires, le principal étant la survenue d’un hématome. « C’est pourquoi on ne m’a pas dit oui tout de suite, admet Isabelle Spiette. L’intervention est d’ailleurs impressionnante : sentir qu’on vous perce le crâne n’a rien d’agréable ! Mais le moment où j’ai cessé de trembler m’a payée de toutes mes peines : j’en avais les larmes aux yeux ! Aujourd’hui, je peux de nouveau écrire, coudre, tricoter, dessiner... Même si des réglages réguliers s’imposent, puisque la maladie continue à évoluer, je ne souffre plus du regard des autres : je suis de nouveau comme tout le monde ! » Pour aller plus loin : APTES-Belgique asbl, 025244898, www.aptes-belgique.be Le Club des Mouvements anormaux (CMA asbl) s’occupe sur le plan scientifique de tous les désordres du mouvement : www.neurosc.be JANVIER 2012 ÉQUILIBRE 11 SANTÉ thyroïde, un mauvais métabolisme du cuivre ou certains médicaments – et elle est souvent confondue, même par les médecins, avec la maladie de Parkinson. Les traitements dont nous disposons actuellement étant purement symptomatiques, le fait de les entamer tardivement ne modifie pas l’évolution du tremblement essentiel. Mais, pour les patients, il est important de pouvoir mettre un nom sur leur problème ! » Le tremblement essentiel, qui résulte d’une anomalie de communication entre certaines régions du cerveau, notamment le cervelet, le thalamus et le cortex moteur, est généralement familial. « Je peux en témoigner, affirme Danielle Vadjaraganian, présidente de l’asbl APTES (Association des Personnes concernées par le Tremblement Essentiel) Belgique. Ma grand-mère paternelle tremblait, mon père aussi, et ma sœur et moi tremblons toutes les deux, même si le tremblement a commencé chez moi dès l’apprentissage de l’écriture, alors qu’il ne s’est manifesté chez elle que vers l’âge de 20 ans. Par contre, mes enfants, qui ont une trentaine d’années, ne tremblent pas – ou plutôt pas encore, car le tremblement essentiel peut apparaître à tout âge. »