J`ai la vie d`un Canadien en Europe » HUGO HOULE

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J`ai la vie d`un Canadien en Europe » HUGO HOULE
CYCLISME
CANOË-KAYAK ! SLALOM
! TOUR D’ITALIE (4e étape)
Opération Rio,
phase 1
Alerte pour Wiggins
Près de trois ans avant les Jeux Olympiques de Rio, les
sélections en équipe de France débutent aujourd’hui
à Pau. Sans Estanguet, mais avec Fer et Gargaud.
Le Britannique, qui a perdu dix-sept secondes sur Nibali, découvre les dangers
de la « course à l’italienne ».
C’EST UNE NOUVELLE ÈRE qui
s’ouvre. Neuf mois après les Jeux de
Londres débutent aujourd’hui à Pau les
épreuves de sélection de l’équipe de
France slalom, en l’absence du triple
champion olympique en C 1 Tony
Estanguet, qui a mis un terme à sa carrière sportive.
Médaillée d’or aux derniers Jeux en K 1,
Émilie Fer sera en revanche présente,
mais en tant qu’invitée (ses performances ne seront pas prises en compte)
puisque son titre lui permet d’être sélectionnée d’office. Une première pour
celle qui, après un long break, a repris
l’entraînement fin janvier sur un nouveau bassin artificiel à Dubaï. « Ça va
être un peu particulier à vivre. Pour une
fois, je n’ai pas d’objectif de sélection,
raconte-t-elle. Mais c’est enfin le début
de la saison, après une longue période
hivernale durant laquelle j’ai pu profiter
des retombées de mon titre et récupérer
physiquement. En sachant que je ne
suis pas dans les mêmes conditions que
les autres filles (Caroline Bouzidi et
Caroline Loir), qui, elles, sont déjà
prêtes » .
La tension devrait également être palpable chez les garçons, où la concurrence s’annonce rude. « C’est le pre-
SERRA SAN BRUNO – (ITA)
de notre envoyé spécial
LA GUERRE EST DÉCLARÉE dans
le Tour d’Italie où Bradley Wiggins,
en proie à toutes sortes d’humeur, se
retrouve confronté, sans préséance,
à cette hostilité sournoise qui guette
les stranieri hissés au rang de favoris,
pour peu qu’ils relâchent leur attention, comme cela s’est produit, hier,
à quelques encablures de Serra San
Bruno, cette petite localité de chartreux, en partie pavée, forte de
6 000 habitants, noyée dans une
lueur crépusculaire quasi hivernale.
Il restait moins de trois kilomètres,
Danilo Di Luca, maillot jaune fluorescent de la Vini Fantini, déchirait des
rideaux de pluie, à coup de pédalées
rageuses, talonné par le peloton qui
ne tarderait pas à l’engloutir, quand
Salerno, Dupont et Garate chutèrent
en queue de peloton, dans les derniers dévers du Croce Ferrata, une
sorte de tremplin rocailleux, perché à
907 mètres d’altitude dans le cœur
humide et oublié de la Calabre. À cet
instant le peloton, aveuglé par la
pluie, était déjà très étiré et parmi les
coureurs distancés se trouvait Wiggins, lequel franchira la ligne avec
17 secondes de retard (il est maintenant à 3 secondes de Nibali au général).
Une polémique s’enflamma sur la
RAI, après que les commissaires de
l’Union cycliste internationale
eurent décidé de repêcher les trois
coureurs accidentés, sans aucune
mansuétude pour Wiggins. « Quand
la chute s’est produite, il était déjà
lâché », avait alors témoigné
l’ancien coureur Massimo Ghirotto,
qui suit et commente le Giro à moto
pour Radio RAI. Le chef de file des
Sky avait donc cédé du terrain dans
la descente où Uran et Henao ne
l’avaient pas attendu, ce qui est plus
troublant ! Harcelé par Hesjedal et
Nibali sur le sella di Catone, la veille,
Wiggins découvre tous les dangers
de la « course à l’italienne ». Et ses
règles non écrites.
Il sait aussi, pour avoir fait rouler son
équipe, dans la défense du maillot
rose de Salvatore Puccio, l’autre
jour, derrière des échappés, qu’il
s’est fait des ennemis dans le peloton. Le manager de Vini Fantini, Luca
Scinto, stigmatisait hier, dans la
presse, son absence de finesse et
d’habileté manœuvrière. « Pour
gagner le Giro il faut savoir se faire
des amis, laisser aux autres certaines
satisfactions, ça peut toujours servir.
Les Sky sont arrogants, ils pourraient
le payer un jour ou l’autre. » Les avis
bien sûr divergent à propos du Bri-
PROGRAMME
HOCKEY SUR GLACE
CHAMPIONNAT DU MONDE HOMMES (premier tour) –
RUSSIE - FRANCE (demain)
Manavian,
Chabal du hockey
SERRA SAN BRUNO, HIER. – Pris dans une cassure en fin d’étape, sur une chaussée glissante, Bradley Wiggins a terminé l’étape en 48e position, à 17 secondes du premier groupe où figuraient notamment Vincenzo Nibali et Ryder Hesjedal.
(Photo Fotoreporter Sirotti/Icon Sport)
tannique, « surpris », dit-il, par le
final frénétique de Marina di Ascea
où il avait le sentiment « d’être dans
un manège ».
Un défi secret
Hier, il s’est fait surprendre, apeuré
par la pluie, les risques de chute,
peut-être aussi, tétanisé par le froid,
tant il présente ici une silhouette
ascétique. Vu le contexte, il n’aura
pas d’autres choix que de frapper un
grand coup samedi, à Saltara, dans
le chrono, sur 54,7 km, et de gérer
mais soulagé d’avoir vaincu le signe
indien, hier, sur les pavés mouillés de
Serra Bruno, où il redoubla de prudence (« car les roues sautaient sur les
pavés », dit-il).
Il goûtait d’autant plus cette victoire
que sa formation avait longtemps
redouté de ne pas être retenue pour le
Giro. « Ce succès va me libérer. Jeune,
je voulais être Cipollini, aujourd’hui je
me sens plus proche d’un Philippe Gilbert... » lâcha le natif de Marostica, en
Vénétie, où vit... Giovanni Battaglin,
l’ancien rival de Merckx et Hinault,
avec lequel il n’a pas la moindre parenté. – Ph. Br.
CLASSEMENTS
Policastro Bussentino - Serra San Bruno :
1. Battaglin (ITA, Bardiani-CSF), les 246 km
en 6 h 14’19’’ (moy : 39,4 km/h), bonif. : 20’’ ;
2. Felline (ITA, Androni), bonif. : 12’’ ; 3. Visconti (ITA, Movistar), bonif. : 8’’ ; 4. Uran
(COL, Sky) ; 5. Jeannesson (FDJ) ; 6. Evans
(AUS, BMC) ; 7. Intxausti (ESP, Movi) ;
8. Hesjedal (CAN, Garmin-Sharp) ; 9. Kiserlovski (CRO, RadioShack) ; 10. Paolini (ITA,
Katusha) ; 11. Kangert (EST, Astana) ;
12. Pellizotti (ITA, And) ; 13. Nibali (ITA, Astana) ; 14. S. Sanchez (ESP, Euskaltel) ;
15. Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) ; 16. Caruso (ITA, Kat) ; 17. Kruijswijk
(HOL, Blanco) ; 18. Gesink (HOL, Blan) ;
19. Betancur (COL, AG2R La Mondiale) ;
20. Kelderman (HOL, Blan)... 22. Scarponi
(ITA, Lampre-Merida), t.m.t... 48. Wiggins
(GBR, Sky), à 17’’... 52. Mourey (FDJ), à
21’’... 63. Dupont (AG2R), m.t . – 206 classés.
1 non-partant : Casar (FDJ).
Bonifications intermédiaires. – 6’’ : Marcato (ITA, Vacansoleil-DCM) ; Ligthart (HOL,
Vac) ; 4’’ : Rabottini (ITA, Vini Fantini-Selle
Italia) ; Bérard (AG2R La Mondiale) ; 2’’ :
Quintero (COL, Colombia) ; Le Bon (FDJ).
Classement général : 1. Paolini (ITA, Katusha), en 15 h 18’51’’ ; 2. Uran (COL, Sky), à
17’’ ; 3. Intxausti (ESP, Movistar), à 26’’ ;
4. Nibali (ITA, Astana), à 31’’ ; 5. Hesjedal
(CAN, Garmin-Sharp), à 34’’ ; 6. Wiggins
(GBR, Sky), m.t ; 7. Caruso (ITA, Katusha), à
36’’ ; 8. Henao (COL, Sky), à 37’’ ; 9. Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia), à 39’’ ;
10. Evans (AUS, BMC), à 42’’ ; 11. Danielson
(USA, Gar), m.t. ; 12. Gesink (HOL, Blanco), à
45’’ ; 13. Trofimov (RUS, Kat), à 46’’ ; 14. Visconti (ITA, Movi), à 52’’ ; 15. Santaromita
(ITA, BMC), à 54’’ ; 16. Weening (HOL, OricaGreenEdge), à 55’’ ; 17. Kiserlovski (CRO,
RadioShack-Leopard), à 1’ ; 18. Aru (ITA, Ast),
à 1’15’’ ; 19. S. Sanchez (ESP, Euskaltel), à
1’18’’ ; 20. Kruijswick (HOL, Blanco), à 1’19’’ ;
21. Scarponi (ITA, Lampre-Merida), à 1’23’’...
40. Jeannesson (FDJ), à 2’48’’... 50. Mourey
(FDJ), à 3’9’’... 69. Dupont (AG2R La Mondiale), à 9’39’’.
PROGRAMME
AUJOURD’HUI. – 5e étape : Cosenza-Matera (203 km).
Une étapetrompeuseavec 180 km toutplats... et deuxbosses à la fin. À 10 km de l’arrivée,
une montée continue sur 5 km (avec des passages à 6 %), puis une succession de faux
plats et de virages avec une montée à 3 % dans les 500 derniers mètres. Les puncheurs
seront à la fête.
DIMANCHE 26 MAI : 21e et dernière étape.
I DES ZONES VERTES AU GIRO. – Prenant exemple sur le Tour de France, le
Giro s’est doté cette année de zones vertes (les Camelbak green zones, deux par
étape, à l’exclusion des chronos). Elle sont positionnées après les ravitaillements
et à 20 km de l’arrivée. Elles permettent aux coureurs de se délester de leurs bidons
vides, qui sont ensuite distribués au public et aux clubs locaux.
I SCIANDRI REFUSE LA SÉLECTION ITALIENNE. – Même si c’était, selon ses
termes, « l’opportunité d’une vie », Maximilian Sciandri a décliné l’offre de la
Fédération italienne de faire de lui le sélectionneur de l’équipe nationale pour
les Championnats du monde et les Jeux Olympiques. Plutôt que de succéder à
Paolo Bettini, l’ancien coureur a préféré rester chez BMC, « une grande équipe
qui a un programme formidable, avec des coureurs, un staff et des managers
incroyables ».
MERCREDI 8 MAI 2013
PASCAL SIDOINE
AUJOURD’HUI. – À Pau (Pont d’Espagne), qualifications (à partir de 9 heures) et finales (à partir
de 11 h 30) courses nos 1 des C 1 et K 1 HOMMES et des C 1 FEMMES. DEMAIN : courses nos 1
des C 2 H et K 1 F. VENDREDI : courses nos 2 des C 1, K 1, C 2 H et C 1 et K 1 F. SAMEDI :
courses nos 3 des C 1 et K 1 H et C 1 F. DIMANCHE : courses nos 3 des C 2 H et K 1 F.
Principaux engagés. – HOMMES. K 1 : Daille, Damiens, Neveu, B. Peschier. C 1 : Gargaud,
Marc, N. Peschier. C 2 : N. Peschier-Labarelle, Klauss-Pêché. FEMMES. K 1 : Fer, Loir, Bouzidi.
C 1 : Loir, Rebours.
Battaglin se révèle...
enfin
CONSIDÉRÉ À SES DÉBUTS en
2010, avec Felline, Modolo, Moser,
Viviani et Guardini, comme l’un des
tenants de la nouvelle génération italienne, Enrico Battaglin avait stupéfié
tout son monde en se jouant de Mark
Cavendish, en août 2011, à l’arrivée de
la Coppa Sabatini. Un succès précoce
et prometteur, salué par la critique
mais peu suivi d’effet. Depuis, il végétait. « À l’époque, j’étais plus fort que
Moser mais comme je ne cours pas
beaucoup de Pro Tour avec la Bardiani
(son équipe), j’ai manqué de confrontations au plus haut niveau et j’avais
fini par perdre confiance », a relaté
l’Italien de vingt-quatre ans, frigorifié
mier temps des JO de Rio (2016),
souligne Bertrand Daille, directeur de
l’équipe de France. La tension sera toutefois moins forte que l’an dernier avant
Londres car cette année on qualifie trois
bateaux par catégorie. En C 1, l’arrêt de
Tony Estanguet laisse aussi de l’espace.
A priori, Denis Gargaud est favori, mais
ils sont cinq pour trois places, avec
Nicolas Peschier, Pierre Labarelle, Thibaut Viellard et Jonathan Marc. En K 1,
on retrouve le trio de l’an dernier,
Étienne Daille, Boris Neveu et Bastien
Damiens, auquel il faut ajouter Benoît
Peschier et peut-être une ou deux surprises. » Privé des JO de Londres, Denis
Gargaud revient déterminé, exclusivement en C 1, avec la ferme intention de
gommer son échec d’il y a un an.
« Comme je me suis raté l’an dernier,
j’ai une petite revanche à prendre sur
moi-même, explique-t-il. Mais je ne
sous-estime personne et je fais attention de pas commettre de péché
d’orgueil. Car même si ce n’est pas
l’année des Jeux, ces sélections représentent une étape importante en vue du
Championnat d’Europe (6-9 juin à Cracovie, Pologne) et des Mondiaux (miseptembre à Prague). »
ensuite son avance en montagne.
« Son équipe est faite pour ça. D’ailleurs, s’il ne pensait pas gagner ce
Giro, il ne serait pas venu entouré de
Uran et Henao », remarque Beppe
Martinelli, de l’Astana, inquiet pour
le devenir de Tiralongo, blessé au
genou. « À Saltara, Wiggins va créer
des écarts tellement considérables
qu’il aura le Giro en poche », pronostiquait l’autre matin, à Sorrente, l’exrepenti Danilo Di Luca, rejeté chez
Vini Fantini, dans un relatif anonymat qu’il a tenté de briser, hier, sous
le déluge du Croce Ferrata.
D’ici à Brescia, la route sera longue et
pleine d’embûches pour le Britannique, fier de relever « ce défi » sans
en préciser la nature. Car une question demeure. Pourquoi prend-il le
risque de se remettre en jeu, dans ce
Giro, insidieux, ultra-montagneux,
avec le Gavia et les Trois Cimes de
Lavaredo en toile de fond ? Pourquoi
le Giro et pas le Tour, où les cols plus
roulants se prêtent à la fluidité de sa
pédalée ? Selon certains observateurs, sa démarche serait sous-tendue par un motif intime, tenu secret.
Wiggins serait venu sur ce Giro régler
une blessure d’amour-propre, un
reliquat du Tour mal cicatrisé, effacer de son esprit cette humiliation
qu’il avait ressentie à Peyragudes,
quand Froome l’avait distancé, puis
attendu de façon ostentatoire.
Voilà ce qui le gouverne et l’obsède,
ce qu’il entend démontrer ici, en terrain hostile, dans une course qui ne
lui semble pas vraiment destinée,
« mais que Hesjedal a gagné,
non ? », rappelle-t-il comme pour
dire, pourquoi pas moi... Oui,
démontrer à ses équipiers, aux scep-
tiques qui n’ont jamais admis sa
mutation en coureur par étapes, que
Froome ne lui a pas fait cadeau du
maillot jaune mais qu’il en était
digne. Tout simplement. « Pour moi,
il est venu revaloriser son succès du
Tour et contredire les réserves qu’il a
pu susciter, et ça ne manque pas de
cran », estimait, hier, David Millar,
de la Garmin, qui fera tout, bien sûr,
pour que Ryder Hesjedal barre la
route à son compatriote. En tout bien
tout honneur.
PHILIPPE BRUNEL
« J’ai la vie d’un
Canadien en Europe »
HELSINKI, HARTWALL AREENA, 6 MAI 2013. – Antonin Manavian est
en train d’imposer son physique avec l’équipe de France, comme ici
face au Finlandais Veli-Matti Savinainen. (Photo Alexander Nemenow/AFP)
HELSINKI –
HUGO HOULE, vingt-deux ans, coureur d’AG2R La Mondiale, est déterminé
à faire carrière, un vœu que partageait avec lui son jeune frère, tragiquement
disparu il y a quatre mois.
UN MATIN D’AVRIL pluvieux à Cambrai. Hugo Houle regarde à travers une
vitre d’hôtel. « S’il mouille, je ne pointerai pas le nez derrière la fenêtre »,
décrète le jeune Québécois en optant
pour une séance de home-trainer. Le
coureur d’AG2R La Mondiale est considéré comme un bon rouleur, il a manqué pour quelques centimètres seulement le podium du dernier Mondial
Espoirs à Valkenburg. « J’aime les circuits techniques, dit-il. En Amérique
du Nord, beaucoup de courses sont des
critériums et j’ai couru pendant deux
ans en Belgique avec mon ancienne
équipe, SpiderTech. Je ne suis pas
sprinteur, je ne suis pas superpuissant,
mais j’ai un bon sprint, j’arrive à me
faufiler. »
C’est un jeune homme longiligne,
(1,85 m, 71 kg) d’apparence tranquille
dont le sourire adoucit encore un peu
plus un visage aux traits fins. Houle n’a
que vingt-deux ans et son existence
ressemble déjà à celle d’un bourlingueur. « Chez SpiderTech, nous restions entre Canadiens, on voyageait
d’hôtel en hôtel, raconte-t-il. C’était de
bonnes années. Rejoindre AG2R La
Mondiale, une équipe du World Tour,
c’est l’idéal pour se développer. Le plus
dur, c’est l’éloignement avec ma
copine. J’habite à Uriage, près de Grenoble, je suis hébergé par un ami de
mon entraîneur, Pierre Hutsebaut. Je
mène la vie d’un coureur canadien en
Europe. »
Qui doit faire son trou et gagner le respect de ses pairs, comme demain au
Tour de Picardie. « Quand il y a un blessé, je suis le premier sur la liste (pour le
remplacer), c’est normal, faut faire son
bout pour avoir de meilleures conditions. Déjà, j’ai la chance d’avoir été
retenu pour disputer de grandes classiques. » Où l’attendait la malchance.
Son premier Milan-San Remo : « Mon
pédalier s’est cassé après 20 km, mon
vélo n’était pas sur la galerie de la voiture de l’équipe, Astana m’en a prêté
un. Quand on est repartis (après
l’interruption de la course provoquée
par la neige), nouvelle casse. »
Son premier Paris-Roubaix : « Deux
secteurs avant la tranchée d’Arenberg,
après un camp d’entraînement en
Espagne avec sa nouvelle équipe.
« J’étais fatigué. Je ne sais pas trop
pourquoi, je suis allé me coucher dans
son lit. Il jouait à la XBox dans sa
chambre. On a “jasé”. » Dans la soirée, son cadet part faire un footing. Il
n’en reviendra pas. Une voiture l’a
mortellement heurté.
Il démasque
le chauffard qui
a tué son frère
COMPIÈGNE (Oise), 7 AVRIL 2013. – Hugo Houle au matin de ParisRoubaix. Le Québécois rejoindra le vélodrome nordiste dans la voiture d’un spectateur...
(Photo Bernard Papon/L’Équipe)
j’étais dans le peloton, j’ai crevé des
deux roues, je me suis retrouvé avec
une trentaine de coureurs attardés sur
les pavés d’Haveluy, j’ai crevé roue
arrière à nouveau. Comme j’étais loin
derrière, il n’y avait plus de voiture
pour dépanner. J’ai fait la rencontre de
quatre spectateurs. Ils m’ont dit : “On
va à Roubaix, tu veux qu’on
t’embarque ?” J’ai mis le vélo dans le
coffre de leur voiture et ils m’ont déposé au vélodrome. »
Quand il sera en veine, Houle tentera
d’ouvrir son palmarès. Physiquement,
il a un bon moteur. Mentalement,
l’image de son frère récemment disparu l’aide à aller plus loin dans l’effort.
« Je n’ai pas hésité à repartir en
Europe, c’est ce que mon frère aurait
voulu que je fasse », glisse-t-il pudiquement. Pierrik avait dix-neuf ans. Il
est décédé le 22 décembre dernier, le
jour où Hugo est rentré à la maison
Porté sur un jeu très physique, le colosse barbu
commence à se faire une place en équipe de France
après des années d’espoirs déçus.
Le chauffard reviendra sur les lieux du
drame, à Sainte-Perpétue, le village
des Houle, à bord d’un autre véhicule.
Hugo le démasque. « Quand j’ai vu le
camion et ce gars-là, clac, j’ai allumé.
Je me suis dit qu’il n’était pas là pour
rien, a-t-il raconté dans le journal la
Presse. Je lui ai demandé : “Qu’est-ce
que tu cherches ?” Il me demandait :
“Qu’est-ce qui s’est passé ? Sais-tu à
quelle heure c’est arrivé ?” Je ne
répondais pas. Puis je lui ai dit : “C’est
toi qui l’as tué.” »
Il doit cette intuition à l’enseignement
qu’il a reçu durant trois ans à l’école de
police. « On nous explique qu’il arrive
souvent que la personne à l’origine
d’un délit revienne là où s’est déroulé
l’accident pour se rendre compte par
elle-même... Son comportement
m’intriguait, son haleine sentait
l’alcool... », rapporte le futur policier.
« En 2014, si je n’ai plus de contrat, ou
dans dix ans, j’en sais rien », soufflet-il, philosophe. Sa formation de policier ne lui a pas seulement assuré un
avenir, elle a élargi sa conscience. « En
France, c’est criminel de se doper (*),
tu vas “à la Cour”. Au Canada, il n’y a
pas de “tache criminelle”, tu peux
voyager. Selon moi, il faudrait que tous
les pays s’alignent sur la France. Moi, si
je me fais prendre (pour dopage), je ne
passerai pas le stade de l’enquête
d’embauche dans la police. Je vais
donner tout ce que je peux donner
dans le vélo en étant propre. »
JEAN-LUC GATELLIER
(*) En France, un cas de dopage
conduit à l’ouverture d’une enquête
judiciaire afin d’établir un lien éventuel
avec un réseau de fournisseurs.
de notre envoyé spécial
ON LUI ÉPARGNERA cette fois le
coup de l’homme des cavernes.
D’autant que, dispensé de glace,
comme la plupart des Bleus, au lendemain de la courte défaite face à la
grande Finlande (1-3), il n’a pas fréquenté hier l’étrange grotte accueillant
la patinoire d’entraînement de la Hartwall Areena. Mais la comparaison colle
à la barbe noire d’Antonin Manavian
(26 ans), appendice remarquable même
dans un sport où les mentons fleurissent
au printemps, saison des play-offs et du
repos du rasoir.
« Je ne savais pas que Chabal jouait au
hockey », a tweeté un internaute au
début du Mondial. « J’ai cessé de me
raser en début de saison, quand j’ai
appris que ma femme était enceinte.
C’est la barbe de play-offs du bébé qui
arrive en juillet ! explique le défenseur,
ancien glabre et nouveau titulaire chez
les Bleus. Alors, on me surnomme
“Chabal”, mais il est un peu plus costaud que moi… » À deux centimètres et
treize kilos près. Car Manavian, 1,91 m
pour 100 kg, est un beau bébé lui aussi.
Un gabarit qui a très tôt suscité l’intérêt
des recruteurs. Ce Parisien aux lointaines origines arméniennes a ainsi
franchi le sévère filtre mis en place visà-vis des étrangers dans le hockey
juniors canadien (deux par équipe et par
an), drafté en 2005 par Acadie-Bathurst
dans la prestigieuse Ligue juniors
majeure du Québec (1). L’expérience
n’a duré qu’un an, premier exil avorté.
Si Manavian s’affirme en Ligue Magnus
comme un défenseur solide et habile,
capable également de produire offensivement, et empile les trophées avec
Grenoble puis Rouen (2), il peine à passer le palier supérieur. Parti en ECHL
(ligue mineure nord-américaine) en
2010, il est viré par Bakersfield au bout
de sept matches. Et sa saison
2012-2013 en Autriche (Innsbruck)
aura été un cauchemar : 10 victoires
pour 44 défaites et le record du nombre
de minutes de pénalité (160).
En équipe de France aussi, autre point
commun avec son homologue rugbyman, il a longtemps douché les espoirs
placés en lui. Jusqu’à la divine surprise
de ce Mondial, où il tient le choc, bombardé dans la première paire défensive
aux côtés de Yohann Auvitu après les
forfaits de Baptiste Amar (main) et
Johann Morant (raisons familiales).
« Avant, Antonin était un peu nonchalant, mais il a repris le dessus mentalement, observe Dave Henderson, le
sélectionneur. Il fait ce qu’on lui
demande : jouer physique, simple, et le
reste suit. »
Le colosse en profite, savoure la victoire
de dimanche (3-1) sur ses amis autrichiens, se réjouit de se coltiner demain
(15 h 15, heure française) l’armada
russe des Ilya Kovaltchouk ou
Alexandre Radoulov. « Je ne suis pas
encore un cadre, mais j’apprends, dit-il,
casquette noire vissée sur la tête.
Auprès de ma femme, je suis devenu
plus mûr, plus responsable. » La rumeur
l’envoie à Rouen la saison prochaine,
mais lui veut poursuivre sa route à
l’étranger, peut-être à Innsbruck, avec
qui il parle prolongation malgré tout.
Parce que les déménagements forcés, à
la fin, ça le barbe.
YANN HILDWEIN
(1) Seuls trois autres Françaisont été retenus dans cette draft depuis 1997, dont le
néo-international Timothé Bozon en
2011.
(2) 1 Coupe continentale, 3 titres de
champion, 2 Coupes de France, 2 Coupes
de la Ligue.
ATTENTION, L’AUTRICHE S’ACCROCHE. – L’opération maintien des Bleus se
complique. Leur rival autrichien, dominé dimanche (3-1), a remporté hier sa première victoire contre la Lettonie (6-3), revenant à leur hauteur au classement. Le
duel entre la France et l’équipe balte, lundi prochain, pourrait s’avérer décisif pour
éviter la relégation. – Ya. H.
J GROUPE H (à Helsinki, FIN). – HIER : Autriche-Lettonie, 6-3 (2-1, 2-1, 2-1) ; Russie États-Unis, 5-3 (2-2, 1-1, 2-0). Classement : 1. Russie, 9 pts ; 2. Finlande, 8 ;
3. États-Unis, Slovaquie, 6 ; 5. France, Austriche, 3 ; 7. Allemagne, 1 ; 8. Lettonie, 0.
AUJOURD’HUI, 15 h 15 : Autriche-Allemagne ; 19 h 15 : États-Unis - Finlande.
J GROUPE S (à Stockholm, SUE). – HIER : Slovénie-Danemark , 2-3 a.p. (1-0, 1-1, 0-1,
0-1) ; Canada-Norvège , 7-1 (4-0, 1-1, 2-0).
Classement : 1. Suisse, 8 pts ; 2. Canada, 7 ; 3. Norvège, Suède, 6 ; 5. Rép. tchèque et
Biélorussie, 3 ; 7. Danemark, 2 ; 8. Slovénie, 1.
AUJOURD’HUI, 16 h 15 : Slovénie-Suisse ; 20 h 15 : Norvège-Suède.
Les quatre premiers de chaque groupe en quarts de finale. Le dernier de chaque groupe relégué en Division 1A (le 2e niveau après l’Élite mondiale).
Programme en heure française. Pour l’heure locale à Helsinki, ajouter une heure.
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