Nouveau combi : «Volkswagen surfe sur son héritage»

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Nouveau combi : «Volkswagen surfe sur son héritage»
Nouveau combi : «Volkswagen surfe sur son
héritage»
Par Richard Poirot — 6 janvier 2016 à 18:13
Le patron de Volkswagen, Herbert Diess, présente son Budd-e, concept car qui pourrait être
commercialisé d'ici 2020. Photo David Becker. AFP
Volkswagen a présenté mardi soir un monospace qui se
veut le descendant des combis légendaires de la marque
allemande. Un nouvel exemple de business de la nostalgie
dans le secteur automobile, après la Fiat 500, la Mini et la
nouvelle Coccinelle.
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Nouveau combi : «Volkswagen surfe sur son héritage»
La descendance est tracée à gros traits. Avant la présentation du nouveau monospace
Volkswagen, mardi soir, lors du CES de Las Vegas, l’assistance a eu droit à une vidéo en
préambule qui retraçait rapidement l’histoire du mythique combi. Une vidéo utile, car la
filiation n’est pas évidente, physiquement en tout cas. Le Budd-e, qui pourrait voir le jour
«d’ici la fin de la décennie», selon le président de la marque, Herbert Diess, est électrique et
bardé de connexions. Il communique même avec le judas de votre porte ou avec votre
réfrigérateur (l’ancien combi avait parfois son frigo à bord…).
Le communiqué de presse précise que, «vu de devant, le design en forme de V de la surface
transparente fait le lien avec le premier monospace Volkswagen et avec la coccinelle».
Mouais… Pourquoi insister sur ce lien avec le van légendaire ? Parce que la nostalgie,
question marketing, ça fonctionne. Explications avec Aurélie Kessous, maître de conférences
à l’université d’Aix-Marseille et auteure d'une thèse sur le sujet.
Pourquoi Volkswagen utilise encore l’imagerie de son combi ?
Avec le combi, nous sommes clairement dans une forme de nostalgie collective. Ce véhicule
est le précurseur du camping-car dans les années 50, puis il a été associé à l’époque hippie, à
cette volonté de vivre ensemble. Cela ne m’étonne pas que Volkswagen ressorte un nouveau
combi. Ces valeurs, nous les retrouvons aujourd’hui, sous une forme différente. Ce n’est plus
du collectivisme, mais cet état d’esprit communautaire résonne avec l’économie collaborative
ou le développement du covoiturage, les problématiques de développement durable et la
nécessité de faire des économies d’énergie.
Le combi a souvent été perçu comme un compagnon de voyage…
Oui, ce n’est pas un hasard si le nouveau combi s’appelle Budd-e [un jeu de mot avec
«buddy», le copain, ndlr]. Ce véhicule a été très important dans le processus de construction
identitaire. Le rétromarketing, très utilisé ces dernières années, permet d’associer un produit à
une idéologie. C’est un moyen de créer de l’attachement et de dépasser les problématiques
commerciales. Les possesseurs des nouvelles Mini, Fiat 500 ou des nouvelles Coccinelles ont
ainsi l’impression d’avoir vécu artificiellement cette histoire. Et pas seulement au travers du
discours de la marque, mais aussi par celui de leurs proches qui ont réellement vécu l’époque
ciblée. Sur les réseaux sociaux, on voit ces images où le père et le fils se prennent en photo au
coté de l’ancienne voiture et du modèle réactualisé. En plus, pour les consommateurs, l’idée
que la marque est ancienne, qu’elle a su traverser l’histoire, survivre aux crises, c’est un gage
de qualité et de confiance. Les fabricants, s’ils en ont l’occasion, vont surfer sur cet héritage.
Si la marque est toujours là, c’est parce qu’elle est forte. Et si elle est forte, et on va avoir une
relation forte avec elle. Le rétromarketing puise dans les codes du passé pour lutter contre
l’obsolescence.
Pourant, le Budd-e de Volkswagen ne ressemble pas du tout au combi de nos parents.
Parce que dans le cas du combi, la marque ne mise pas sur le design, mais sur la rupture
technologique, avec un véhicule électrique et connecté. C’est le même positionnement
qu’avait choisi Citroën lors du lancement de sa nouvelle gamme DS. Elle ne ressemblait pas
du tout aux anciens modèles. D’ailleurs, leur slogan était axé autour du slogan «antirétro».
Citroën s’est appuyé sur un mythe qui symbolisait le saut créatif, a utilisé des images
d’archives de John Lennon et de Marilyn Monroe, mais uniquement pour vanter l’esprit
d’innovation de la marque. Volkswagen fait la même chose avec le Budd-e. Il rappelle qu’il a
été précurseur dans son domaine, qu’il sait s’adapter au goût du jour. Le rétromarketing ne
fonctionne pas si la marque se contente de réécrire son passé. Le risque, avec la nostalgie,
c’est de passer pour des has been.
Et ça marche ?
Oui, à condition de ne pas sonner faux. Et de bien sélectionner sa cible. Les leviers de la
nostalgie ne sont pas les mêmes selon les générations. Les adulescents, âgés de 18 à 25 ans,
seront sensibles aux produits ludiques, comme la confiserie ou les jeux, qui sont évocateurs de
l’enfance. Pour la génération X et les baby boomers, il vaut mieux miser sur des catégories de
produits évocatrices d’indépendance ou d’hédonisme. Les véhicules réédités renvoient aux
années 60 ou 70. C’est la dolce vita avec la Mini, la liberté, mai 68 avec le combi.
Les constructeurs y trouvent donc un intérêt ?
Oui, la nostalgie est un moyen de rajeunir la clientèle, de tisser du lien entre les générations,
de remonter en gamme et de cibler des CSP élevés. Et surtout, les constructeurs créent une
communauté de fans autour d’une idéologie. Les propriétaires d’une Mini la remplaceront par
une autre Mini. On est dans une forme d’addiction.
Vit-on dans une époque propice à la nostalgie ?
Complètement. La nostalgie repose sur une activité cognitive qui consiste à idéaliser les
souvenirs a posteriori. Plus le temps passe et plus on a l’impression que c’était mieux avant.
Le négatif a tendance à être supprimé. A une époque où on traverse une crise économique, où
il n’y a jamais eu autant de chômage, sans parler des craintes sanitaires, nous sommes face à
des générations qui sont inquiètes. En se connectant à des expériences du passé, elles se
rassurent.
Richard Poirot

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