Les liens entre croissance économique, réduction de la pauvreté, et

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Les liens entre croissance économique, réduction de la pauvreté, et
Les liens entre croissance économique, réduction de la pauvreté, et durabilité de
l'environnement en milieu rural à Madagascar1
Manfred Zeller (Goettingen University), Bart Minten (Cornell University-Programme Ilo),
Cécile Lapenu (IFPRI), Eliane Ralison (FOFIFA), Claude Randrianarisoa (FOFIFA-Michigan S.U.)2
1
Introduction
La plupart des pauvres dans les pays en développement dépendent directement ou indirectement de
l’agriculture pour leur sécurité alimentaire et leur subsistance. Dans les régions rurales, le taux de
croissance démographique est de l’ordre de 2 à 3,5% exerçant une pression constante sur les
ressources naturelles avec l’augmentation de la production agricole. De telles augmentations de la
production peuvent principalement être obtenues à partir de deux facteurs: augmentation de la surface
ou augmentation du rendement ou la combinaison des deux facteurs. Nous appellerons le premier la
stratégie de l’extensification agricole tant qu’elle n’est pas due à l’utilisation des semences ou plantes
améliorées ni des engrais minéraux ou de l’irrigation ou des techniques améliorées de la gestion des
sols ou animales ou des plantes. La seconde est appelée la stratégie d’intensification agricole
(Boserup, 1965; Ruthenberg, 1980; Pingali, Bigot et Binswanger, 1987). La transformation avec
succès de certaines sociétés agraires nous montre que l'apprauvissement et la dégradation massives
des ressources naturelles ont pu être évités en suivant la stratégie d'intensification c'est à dire par
l'adoption des technologies de cultures à haute rentabilité qui produisent une croissance de la
production année après année sans dégrader la qualité des sols. Quels sont les facteurs qui déterminent
un changement dans l’utilisation et la gestion des ressources naturelles et comment la politique
pourrait-elle intervenir pour aider à la fois à la protection de l’environnement, à la croissance des
revenus et la réduction de la pauvreté au niveau des ménages ruraux et des villages? Notre but est
d’essayer d’apporter des réponses à cette question en nous basant sur l’analyse des données
communautaires à Madagascar.
2
Cadre conceptuel
2.1 Théorie de l’innovation induite
Selon la théorie de l’innovation induite, la dégradation de l’environnement peut se corriger ellemême, la rareté des ressources ou l’accroissement des coûts privés ou sociaux générés par la
dégradation induisant le développement et l’utilisation de nouvelles pratiques agricoles et de gestion
des ressources. La revue de la littérature effectuée par Ruthenberg sur les systèmes agraires dans les
tropiques rapporte de nombreuses innovations agricoles qui sont associées à la croissance de la
population ou sa densité et l’accroissement de l’intégration des marchés dans les différents zones
agroécologiques (Ruthenberg, 1980). Il explique les changements des techniques observés pour les
cultures et la gestion des sols par l’augmentation de la rareté des terres et la dégradation de la fertilité
des sols. Plus récemment encore, Scherr et Hazell (1994) ont identifié et décrit des processus
similaires d’intensification largement endogène. Ces nouvelles recherches essaient d’aller plus loin
que la description des changements historiques, et d’identifier les rôles joués par les facteurs
technologiques, institutionnels et politiques dans les choix de mode de développement rural et
d’utilisation des ressources naturelles. Scherr et Hazell ont conçu une voie de développement
compatible avec la théorie de l’innovation induite. Avec l’augmentation de la population ou la
pression sur le marché pour une ressource naturelle donnée, la dégradation s’accentue et atteint un
niveau maximum sur le plan économique après un certain temps. Comme la valeur (ou rareté) des
1
Cet article est une synthèse du Cahier de la Recherche sur les Politiques Alimentaires, No. 19, Juillet 1998, IFPRI/FOFIFA,
Antananarivo.
2
Nous tenons à remercier l'US Agency for International Development (USAID) pour l'appui financier qu'il a accordé pour
réaliser ces travaux analytiques.
ressources augmente, la rentabilité pour les investissements techniques, institutionnels ou autres
investissements des ressources de base augmente à son tour. Après un certain temps, les bénéfices des
investissements de ressources deviennent supérieurs aux coûts générés par ces investissements et la
maintenance ou la réhabilitation des ressources est alors relancée. De nouvelles améliorations dans la
productivité des ressources augmentent encore leur valeur économique (à travers par exemple les
variétés de cultures à rendement élevé), et rendent les investissements plus intéressants. Une
caractéristique majeure du cadre conceptuel est que la dégradation peut être économiquement
rationnelle jusqu’à un certain niveau, et dans de nombreux cas, être réversible grâce à des
changements appropriés en termes de technologie, gestion et arrangements institutionnels3.
2.2 Le triangle critique du développement rural: le cas de Madagascar
Vosti et Reardon (1997) ont conçu un triangle critique entre trois objectifs de développement: la
croissance économique, la réduction de la pauvreté et la protection de l’environnement. Ils soulignent
l’importance de la considération simultanée de ces trois objectifs, l’existence de liaison mais aussi
d’un compromis possible entre eux dans un contexte particulier. L’environnement écologique,
technologique et socioéconomique influence les relations et les échanges entre ces objectifs. Ainsi, le
choix des instruments politiques devrait être basé sur la reconnaissance des déterminants et l’équilibre
entre ces objectifs. Ainsi, les programmes et politiques qui n’ont pas à la fois les trois objectifs (un ou
deux seulement) sont susceptibles de ne pas répondre aux objectifs poursuivis et pour des raisons
humanitaires, politiques, sociales et économiques, ne pourront pas être appliqués à grande échelle.
Effectivement, on constate que différents politiques ou projets qui visent à protéger les ressources
naturelles se concentrent seulement sur l’un ou deux de ces trois objectifs de développement. Les
Projets de Développement et de Conservation Intégrés (PDCI), par exemple, conduits au début des
années 1990 à Madagascar pris comme hypothèse l’existence de liaisons entre la pauvreté et la
dégradation de l’environnement, mais manquent, selon Gezon (1997), la prise en considération de la
viabilité économique. Le Gouvernement malgache et les bailleurs de fonds ne disposent pas
suffisamment de ressources pour gérer toutes les forêts primaires et les autres richesses naturelles
selon les coûteux programmes des PDCI.
L’attention portant précédemment sur des interventions microéconomiques fortement subventionnées
a pu également limiter le besoin d’examiner des politiques plus larges mais aussi potentiellement plus
pertinentes concernant le triangle entre la réduction de la pauvreté, la croissance économique et la
protection de l’environnement. Pour permettre des choix politiques plus intéressants et rationnels, les
liaisons qui existent entre ces trois objectifs doivent être bien comprises. Ce document cherche à
apporter sa contribution à cet objectif ambitieux, et basé sur le cadre conceptuel de l’innovation
induite, cherche à analyser les déterminants et l’équilibre entre les trois éléments du triangle critique
du développement rural à Madagascar.
Madagascar est connu au niveau international pour la richesse et l’unicité de ses ressources naturelles,
malheureusement menacées par la déforestation très rapide. L’effet de la colonisation et les
exportations des bois et des cultures, la rotation culturale, le pâturage, la production de charbon de
bois, les feux de brousse et la pression démographique qui pousse les gens pauvres à étendre les terres
cultivables pour leur consommation sont cités comme les principales raisons de la destruction massive
des forêts primaires pendant ce siècle (Gazon, 1997; Jarosz, 1993). Depuis le milieu des années 80,
Madagascar est devenu le centre d’intérêt des efforts de conservation au niveau international alors que
3
Le schéma décrit entraine à la dégradation de l’environnement naturel et conduit à la mise en place d’un environnment géré
par les hommes et finalement durable. La perte de l’environnement naturel peut souvent être accompagnée d’une perte
irréversible d’espèces. Du fait de incertitude sur la valeur économique et sociale future d'espèces en danger, et des limites
des marchés pour prendre ces pertes en compte, certaines formes de régulations publiques sont souvent requises et choisies
dans la pratique pour protéger les habitats naturels dans leur forme originelle.
des bailleurs de fonds comme la Banque Mondiale ou l’USAID ont lié une grande partie des prêts
financiers et des programmes d’assistance à des objectifs en termes de protection de l’environnement.
En 1984 déjà, le Gouvernement malgache rédigeait un premier essai de Stratégie Nationale pour la
Conservation et le Développement, qui reconnaissait le triangle critique mentionné ci-dessus par
l’introduction de la conservation de l’environnement, du développement économique et les besoins
humains dans son cadre de référence4.
3
Analyse descriptive des indicateurs choisis de développement rural
3.1 Source de données et structure de l’échantillon.
En 1997, l’Institut International de Recherche pour les Politiques Alimentaires (IFPRI) et le Ministère
de la Recherche Scientifique (MRS/FOFIFA) à Madagascar ont conduit une enquête auprès de 200
communautés reparties dans six régions agroécologiques différentes. Bien que le but de l’enquête soit
en général d’essayer d’expliquer la situation actuelle et les tendances antérieures de l’agriculture et le
développement rural pour pouvoir comprendre les réponses à la libéralisation des marchés, des
sections ont été ajoutées pour obtenir des données sur les changements des ressources naturelles et
proposer des hypothèses pour ces changements.
Pour améliorer l’efficacité de l’échantillon, deux variables stratificatives ont été choisies pour choisir
les villages au hasard: la taille du village (au-dessous ou au-dessus de la médiane de tous les villages
dans la même zone agroécologique), et les terciles de distance qui sépare le village et la route
nationale la plus proche. Ces stratifications correspondent à des variables exogènes à court ou moyen
terme pour le développement rural, mais influencent l’accès du village aux marchés des produits ou
du crédit, aux informations, à la santé et à l’éducation et aux autres services publics. Toutes ces
variables sont considérées comme les moteurs pour la bonne marche et la vitesse du développement
rural. Parmi ces strates, les villages sont choisis en nombres proportionnels.
3.2 Tendances du développement rural
3.2.1
Les tendances majeures caractérisant le triangle critique du développement rural
Le riz est l’aliment principal dans les milieux rural et urbain de Madagascar. En moyenne, la moitié
des calories consommées est obtenue par le riz, pour toute la nation5. La plupart du riz consommé sont
produits localement. Le riz constitue la principale culture dans presque tout Madagascar sauf pour la
région du Sud Ouest (semi-aride) de l’Ile. L’importance du riz, comme aliment et comme culture de
vente, semble être en déclin sur la dernière décennie au profit d’autres produits vivriers tels que le
manioc, la patate douce, la pomme de terre et les autres plantes à tubercules, qui augmentent en
termes de production, de consommation et de commercialisation6. Pourtant, le riz constitue la culture
et l’aliment le plus important, et le gain de productivité en riz constitue d’une manière certaine la
majeure composante de la croissance rurale et agricole.
Le tableau 1 montre le rendement du riz irrigué (en kg par hectare) pour les régions agroécologiques
de l’échantillon. Le riz irrigué inclut seulement le riz de saison des pluies (Vary Vakiambiaty ou Vary
Jeby). En moyenne pour toutes les régions, le rendement du riz a diminué de 1765kg par hectare à
1540kg par hectare. Cependant, il existe des différences importantes entre régions. Dans la région de
Vakinankaratra (une chaîne de montagnes qui couvre les villes d’Antsirabe et de Betafo, situé à 200
km environ au Sud de la capitale Antananarivo), le rendement est resté le même. Les diminutions
4
Pour plus d’information sur le développement de la politique environnementale à Madagascar depuis les années 80, voir
Gezon (1997) et Larson (1993).
5
Voir Ravelosoa, 1997 et SECALINE, 1996.
6
Voir Minten et al. (1997).
importantes sont notées dans la région de Majunga et dans une moindre mesure dans la région de
Fianarantsoa. Alors que le rendement peut être pris comme un indicateur de la croissance de tout le
secteur agricole, on peut conclure qu’il n’y a pas eu de croissance ou une croissance négative dans la
productivité agricole malgache.
Dans l’enquête communautaire, on a essayé d’obtenir des informations sur les changements en terme
de pauvreté sur les dix dernières années. Les dimensions de la pauvreté peuvent se présenter sous
plusieurs aspects à travers l’insécurité alimentaire, la malnutrition, l’analphabétisme, la mauvaise
santé et le manque de droits fonciers. Cependant, comme la plupart de ces indicateurs sont difficiles à
mesurer à travers des enquêtes s’ils ne sont pas demandés au niveau du ménage ou au niveau de
l’individu. De plus, on était intéressé à connaître les changements sur les dix dernières années, il
fallait donc des variables qui peuvent facilement être retenues sur le long terme par les représentants
des villages. Une des ces variables est le niveau du salaire rural. Dans la plupart des régions de
Madagascar, le salaire est souvent payé en riz, et mesuré par le nombre de “kapoaka7” par jour de
travail. Cette salaire payé en nature dans le village est facilement remémoré par les paysans. Ce sont
les ménages pauvres qui n’ont pas ou peu de terres qui sont généralement engagés dans le salariat
agricole.
L’enquête menée en 1997 par l’IFPRI/FOFIFA a pu trouver par exemple que 43% des ménages
ruraux touchent des revenus provenant des travaux salariés à un moment ou l'autre pendant l'année.
Pour les ménages pris ensemble, la part moyenne sur le revenu total du ménage obtenu par les salaires
agricoles était de 11%. Pour les ménages sans terres, parmi les plus pauvres, ce pourcentage est plus
élevé et peut dominer par rapport aux autres revenus du ménage (Lapenu et al., 1998). Les salariés
trouvent des travaux dans l’agriculture, que ce soit pour la préparation des sols ou la plantation des
semences, le désherbage ou la récolte. De cette manière, la demande de travail et le salaire sont
déterminés par les paysans riches, propriétaires fonciers. Comme les salaires sont souvent payés en
nature (riz blanc), non seulement le taux de salaire est facile à mesurer mais en outre il n’est pas
perturbé par l’inflation et peut être pris comme mesure directe du pouvoir d’achat alimentaire. De
plus, les répondants n’ont pas de difficultés à se rappeler le niveau des cinq ou dix ans passés (Zeller,
Minten et Randrianarisoa, 1998).
Le tableau 1 différencie les niveau des salaires ruraux dans les différentes régions écologiques. Pour
l’ensemble de toutes les régions, on note que le taux de salaire est en déclin sur les dix dernières
années. Cependant, il y a une différenciation notable pour chaque région. Le salaire s’est amélioré
dans la région de Vakinankaratra, tandis que dans la région de Fianarantsoa on enregistre une faible
baisse. Cette baisse est encore plus marquée à Majunga. Tant que les salaires ruraux déterminent le
pouvoir d’achat alimentaire des régions pauvres à Madagascar, on peut conclure que l’insécurité
alimentaire et la pauvreté rurale ont augmenté.
Le changement de la fertilité des sols qui reflète l’objectif environnemental dans le triangle critique
est le troisième indicateur dans le tableau 1. Les chefs de villages ont été questionnés sur le
changement de la fertilité des “tanety”. Il est évident dans le tableau 1 que la fertilité des sols a
dégradé en général, plus accentuée dans les régions de Fianarantsoa Hautes-Terres, Vakinankaratra et
Fianarantsoa Côte et Falaise. Cette dégradation est moins accentuée dans la région de Majunga.
3.2.2
L’expansion de la frontière agricole dans les régions rurales à Madagascar
Le rendement du riz, la principale culture, semble avoir stagné ou décliné à Madagascar. Cela semble
dire que les paysans et les villages ruraux malgaches n’ont pas choisi les stratégies d’intensification
7
Le kapoaka est une unité de mesure en aluminium que la Compagnie Nestlé a utilisé pour la conservation des laits
concentrés. Un kapoaka peut contenir 285grammes de riz blanc.
mais plutôt le contraire. Le tableau 2 montre cette affirmation. Les communautés ont
substantiellement augmenté leur surface cultivée pendant les dix dernières années. En moyenne, les
surfaces cultivées en riz ont été augmentées de 5% pour l’ensemble de toutes les régions tandis que
les “tanety” ont connu une augmentation de 24% de surfaces. En considérant que l’augmentation de la
population sur cette période était de 3,5% par an dans les régions enquêtées, ou plus de 35% dans les
dix dernières années, le taux de croissance des terres arables reste en fait au-dessous de celui de la
croissance de la population.
Si l’on fait l’hypothèse d’une production agricole par tête constante sur ces années (ce qui correspond
probablement à une estimation haute de la croissance de la productivité du travail agricole sur les dix
dernières années), des gains ont dû être réalisés pour les rendements des cultures de tanety telles que
le manioc, les pommes de terres, le maïs et d’autres cultures vivrières et de rente, en considérant que
le rendement du riz a chuté.
L’expansion des frontières agricoles (extensification) se fait au dépend des forêts, des kijanas et des
zones de pâturages. Ces types de terres sont gérés comme des propriétés communes (Lapenu et al.,
1998) mais deviennent, par le droit coutumier malgache, des propriétés privées après quelques années
de culture par la même famille. En moyenne pour l’ensemble des régions, les pertes majeures en
forêts sont enregistrées pour les forêts primaires. Si l’on prend un indice de 100 en forêts primaires en
1987, cet indice chute à 67% en 1997. Cela indique qu’on a perdu le tiers des forêts primaires en dix
ans. Les pertes en forêts secondaires montent jusqu’à 28%, alors que les pertes en buissons et prairies
sont de l’ordre de 20%.
Les pourcentages sont les moyennes pour tous les villages. Ainsi, ce taux n’est pas pondéré par la
taille des villages, ce qui serait nécessaire pour avoir une image plus juste de la déforestation totale de
l’échantillon. Par exemple, il se pourrait que les villages avec un taux de déforestation élevé n’ont
qu’une faible surface de forêts alors que d’autres villages avec moins de déforestation ont des surfaces
de forêts plus importantes. Si c’était le cas, notre moyenne surestimerait le taux actuel de
déforestation pour les régions enquêtées. Les données ne contiennent pas d’informations sur les
surfaces en forêts et en savanes. Pourtant, que ce soit sous-estimé ou sur-estimé, si la déforestation se
poursuit, dans 20 ou 30 ans, les régions enquêtées pourraient ne plus avoir de forêts primaires 8. Alors
que l’expansion des rizières - à partir des terrassements - est largement en compétition avec les tanety,
l’expansion de ces derniers est surtout dérivée des kijanas et des forêts.
Tableau 3 montre que presque la moitié des villages dans les régions enquêtées disent qu'ils ont
encore la possibilité de choisir entre extensification et intensification pour les prochaines années. Ces
villages avec des terres disponibles, pourraient encore maintenir leur niveau de vie stable même en
continuant avec une faible utilisation d’intrants agricoles et en étendant les terres arables. Pourtant,
alors que cette augmentation de la production agricole peut aider à subvenir aux besoins à court terme,
cela peut avoir des implications néfastes pour la productivité agricole, la santé et la nutrition dans le
futur (Von Braun, 1997). La sécurité alimentaire actuelle, réalisé par l’extensification, pourrait
probablement nuire à la productivité agricole des futures générations.
La majorité des ménages sont déjà conscients de ce compromis. Lapenu et al. (1998) ont montré, par
exemple, qu’un nombre significatif de ménages dans les villages enquêtés ont actuellement besoin de
plus de temps pour collecter le bois de chauffe comparé à dix ans auparavant. Dans ces villages qui
ont un contrainte croissante pour le bois de chauffe, le besoin de reboisement a été perçu plus
fréquemment que pour les villages où la moyenne de temps nécessaire pour la collecte de bois de
chauffe est faible.
8
Ce résultat coïncide plus au moins avec l’estimation de l’EIU (Economist Intelligence Unit) en 1990, cité par Keck et
al (1994) et l'analyse sur quelques zones de PDCI de Dufils et Rowland (1997).
La moitié restante des villages n’ont plus de possibilité pour l’extension des terres cultivables. Pour
ces villages, deux choix restent possibles pour maintenir le niveau de vie des ménages: soit
l’intensification agricole, l’augmentation du commerce et la diversification vers les entreprises non
agricoles, soit la migration. La stratégie principale et certainement la plus prometteuse à long terme
repose sur l’intensification agricole et l’augmentation de la productivité par rapport à la rareté des
ressources en terres 9.
Premièrement, la productivité plus élevée des sols peut être obtenue pas l’utilisation des bonnes
semences, l’utilisation des engrais et de l’irrigation et par une plus grande intensité des cultures.
Deuxièmement, la productivité plus élevée des sols peut être obtenue par l’optimisation des
combinaisons de cultures (ou par extension de la faisabilité économique des cultures, du bétail et des
entreprises non agricoles qui réduiraient les coûts de transactions du commerce intra et interrégionaux). Ainsi, les villages et les ménages pourraient améliorer leur productivité en exploitant leurs
avantages comparatifs et par le commerce: en produisant et en vendant davantage les produits et
services agricoles et non agricoles que les autres villages produiront à des coûts plus élevés, et en
achetant des biens et services que leur propre village produirait à des coûts relativement plus élevés10.
Les gains potentiels obtenus à partir du commerce et de la spécialisation pourraient être augmentés
par l’amélioration des accès aux technologies, aux produits et au marché financier. Les politiques
économiques ont ainsi un rôle critique à jouer pour permettre aux villages et aux ménages d’adopter
une stratégie d’intensification. La seconde stratégie face à l’insuffisance des terres est la migration
c’est à dire quitter définitivement ou pour une certaine période le village. Dans un sens plus strict, il
s’agit aussi d’une forme d’échange inter-régional en termes d’échange en force de travail. Cependant,
ses conséquences sur la réduction de la pauvreté et l’environnement pourraient être différentes de la
première stratégie.
Il existe deux formes de migrations: rural-urbain (dans la Capitale ou les autres Centres Régionaux)
ou rural-rural. Alors que les auteurs ne disposent pas d’étude sur la pauvreté urbaine et l’insécurité
alimentaire des ménages migrants à Madagascar, nous jugeons raisonnable de supposer que la plupart
des migrants vers les Centres Villes finissent par changer d’une forme de pauvreté à une autre11. Le
problème de la pauvreté urbaine à Madagascar est en hausse, comme c’est le cas de beaucoup de pays
de l’Afrique Sub-Saharienne d’ailleurs, aggravé par la faible croissance ou la stagnation dans
l’agriculture et dans l’économie rurale. La seconde stratégie de migration est de se déplacer vers les
villages à potentialité agricole et salariale plus importante12. L’analyse économétrique montre que le
facteur déterminant de la migration rural-rural n’est pas due à la recherche de salariat mais à la
disponibilité des terres (Zeller et al., 1998). La migration rural-rural exporte seulement le problème de
dégradation des ressources naturelles vers une autre région. Pour ces raisons, aucune forme de
migration ne peut être considérée comme un processus qui puisse répondre aux objectifs du triangle
critique du développement.
9
Les revenus ruraux plus élevés pourraitent être obtenus en augmentant les activités dans les secteurs non agricoles.
Comme ce document se base sur la croissance des revenus agricoles, la promotion des stratégies pour les entreprises
non agricoles pourrait être importante pour la croissance agricole (par exemple, pour le traitement et le commerce des
aliments et pour la prestation des services ruraux). Cependant, le succès de cette stratégie dépend de la grandeur du
rapport avant et après qui existe entre le secteur agricole et le secteur non agricole. Islam (1997) a trouvé que le
multiplicateur de croissance était estimé à 1.35 à 1.90 pour le revenu agricole, c’est à dire 1 dollar de plus par rapport à
ce du revenu non agricole qui était de 0.35 à 0.90. Pour les liaisons entre les croissances agricole et non agricole, voir
Hazell (1983) et Hazell et Haggblade (1993).
10
On peut prendre comme exemple dans le Vakinankaratra les villages qui exploitent les avantages comparatifs et
compétitifs en se spécialisant dans la production de la pomme, de la tomate et du lait.
11
Pour avoir plus d’information sur la consommation alimentaire et la pauvreté à Antananarivo, voir Ravelosoa et
Roubaud, 1996.
12
Les données IFPRI/FOFIFA mesurent seulement les flux de migration qui viennent ou qui sortent du village.
Quelques unes de ces données pourraient être de migration rural-urbain ou urbain-rural.
3.2.3
Les tendances sur l’accès aux marchés des produits, aux marchés financiers et aux
services publics
Intrants agricoles et marchés des produits. Dans l’enquête, on a demandé l’amélioration de l’accès
à un marché particulier des produits (Tableau 4). Pour l’ensemble des régions, on a remarqué une
faible détérioration au niveau de l’accès de l’ensemble des sept intrants agricoles prédéfinis. L’accès
au marché des semences de riz et des équipement agricoles s’est amélioré, et l’accès aux engrais
minéraux, aux pesticides, aux herbicides, aux semences de légumes et aux produits vétérinaires s’est
détérioré sur cette période. Plus particulièrement, on note le déclin non négligeable de l’accès aux
marchés des engrais. Pourtant, pour les marchés des produits, on a une image plus positive surtout
pour le marché du riz. Chaque région a reporté une amélioration au niveau de l’accès au marché du
riz. Cela semble montrer que la libéralisation a eu un impact plus positif sur les marchés des produits
que sur les marchés des intrants.
Marchés financiers. Le secteur financier rural à Madagascar montre une pénétration négligeable dans
le milieu rural. C’est un phénomène typique pour les pays à faible revenu avec des infrastructures
minimes et de tenure de terre coutumière dans les pays Sub-Sahariens. Depuis 1986, la Banque d’Etat
pour le Développement Rural (BTM) était la principale institution de crédits pour les paysans. La
technique d’emprunt traditionnelle avec comme garantie la terre titrée et un faible taux d’intérêt a
conduit à des comportements de recherche de rente chez les plus riches et par conséquence, selon un
schéma classique, les petits paysans n’ont pas pu emprunter. A la fin des années 1980 des projets de
développement, fréquemment trouvés dans les régions à haute potentialité agricole telles qu’autour du
Lac Alaotra et du Lac Itasy, ainsi qu’à Marovoay ont commencé à promouvoir la formation des
groupes de crédits avec caution solidaire. Alors que les précédents projets de microfinance était en fait
des projets de crédit agricole n’ayant pas l’ambition de contribuer au développement des systèmes
financiers, un nombre de programmes de banques villageoises et des coopératives de crédits et
d’épargnes ont été introduits dans les années 1990 et ultérieurement développé dans les régions de
Vakinankaratra, de Fianarantsoa Hautes-Terres, du Lac Alaotra et de Marovoay (Fraslin 1997).
En moyenne pour tous les villages, 11% des ménages participent à de telles institutions (Tableau 5).
La participation des villages dans ces institutions est plus élevée dans les premières zones
d’intervention des organisations non gouvernementales. La BTM, comme les autres banques dans le
pays, n’a pas de rôle dans la vie des ménages paysans. A part les lourdes formalités administratives ou
les garanties qu’on doit fournir et que les ménages pauvres ne peuvent pas fournir, le temps moyen
mis pour aller à l’institution bancaire la plus proche est de 4.75 heures (Tableau 5). Cela veut dire
qu’on devrait dépenser un jour seulement pour déposer une demande de crédit. Ce temps de
déplacement augmente actuellement comparé avec ce qu’il était dix ans auparavant. On observe la
même tendance pour aller dans un bureau de poste ou un bureau de caisse d’épargne. L’augmentation
du temps de déplacement est sans doute due à la détérioration des routes pour aller du village vers un
centre rural où se trouve un bureau de poste ou une agence bancaire.
Accès des villages aux services publics. Des analyses ont été faites sur le temps mis pour aller à un
service public qui est fourni soit par le gouvernement national ou local. Le temps de déplacement
pendant la période des pluies varie de 2 à 4 heures (Tableau 5), en utilisant le même moyen de
transport. Le temps mis pour aller dans une cabine téléphonique est le plus élevé des temps pour aller
dans un service public quelconque. Pour aller à l’école primaire la plus proche ou une école
secondaire, il faut en moyenne 2 heures de déplacement ainsi que pour aller à un hôpital. Comparé à
1987, les temps nécessaires sont presque les mêmes ou légèrement plus élevés pour l’ensemble des
régions en 1997. Malgré tout, des différences importantes existent selon les régions. La région de
Majunga est la plus désavantagée. L’augmentation des temps mis pour un déplacement a pour cause
la détérioration des routes nationales et rurales dans certaines régions.
4
Déterminants du triangle critique: un diagramme causal
Pour notre analyse, le rendement du riz dans les plaines, le taux de salaire, et la fertilité des sols ont
été respectivement pris comme les variables indicatrices de la croissance agricole, de la réduction de
la pauvreté et la protection de l’environnement. De plus, nous avons distingué trois stratégies
majeures que les ménages ou villages peuvent suivre pour maintenir leur niveau de vie. La première
est la stratégie d’extensification, c’est à dire continuer avec une faible taux d’intrants agricoles, une
faible technologie agricole mais en augmentant les surfaces cultivées et en réduisant le temps de
jachère, ce qui affecte de façon négative la fertilité des sols. La seconde stratégie est l’intensification
de la production agricole et l’accroissement du rendement par l’exploitation de l’accès aux marchés
des intrants agricoles, des produits et des services financiers en adoptant les technologies à haute
rentabilité et en bénéficiant du commerce inter-régional et de la spécialisation. Nous faisons
l’hypothèse que les incitations en faveur de la stratégie d’intensification vont de pair avec la rareté des
ressources en terre et avec l’augmentation de l’accès aux marchés et aux services publics. La
troisième stratégie observée à partir des données est la stratégie de migration. Comme on ne dispose
que des données rurales, nous ne traitons que les migrations rurales (ceux qui entrent et qui sortent du
village). La stratégie de migration est similaire à la première stratégie dans la mesure où les migrants
sont attirés par la disponibilité des terres dans d’autres régions, la pression des ressources naturelles
est alors seulement changée d’une région vers une autre sans renverser les tendances de déforestation
et la dégradation de la fertilité des sols.
De ce fait, notre cadre conceptuel stipule trois variables endogènes qui sont influencées par trois
stratégies, conduisant à différentes voies du développement rural. Le choix des stratégies est bien sûr
endogène puisqu’il est influencé par le niveau de salaire, du rendement du riz et la fertilité des sols
eux-mêmes endogènes et par les caractéristiques agroéconomiques et socioéconomiques des régions
et l’accès aux marchés et aux services publics.
La figure 1 représente un diagramme causal des différentes stratégies, et les trois variables
caractérisant le triangle critique du développement rural. Les flèches entre les variables indiquent les
relations entre elles. Un signe positif indique qu’une augmentation de la valeur de la variable d’où la
flèche provient induit une augmentation de la valeur de l’autre variable. Par exemple, nous faisons
l’hypothèse que le rendement plus élevé du riz dans les plaines diminuera les incitations à l’expansion
sur tanety puisque les profits des investissements en main d’oeuvre ou en capital dans la production
du riz deviennent relativement plus élevés par rapport au défrichement. Cette relation est indiquée par
une flèche à signe négatif.
On va voir d’abord les flèches qui déterminent les changements dans les surfaces des tanety. En
premier lieu, avec l’augmentation des taux de salaire, les ménages ruraux tendent à choisir une
technologie agricole extensive: comme la culture du riz irrigué est plus intensifiée par rapport au riz
sur tanety, le taux de salaire élevé induit une utilisation plus faible de la main d’oeuvre et donc un
faible rendement mais augmente l’extension des surfaces. Deuxièmement, l’augmentation de l’accès
au crédit - indiqué par un taux d’intérêt plus faible ou des montants à emprunter plus importants - rend
l’utilisation du capital dans la production de riz dans les tanety moins coûteuse. Avec les coûts réduits
de ce facteur de production, la rentabilité de ces techniques augmente, avec pour une augmentation
des rendements du riz en plaine et sur tanety. L’importance du résultat dépendra du profit marginal du
capital dans la culture du riz irrigué et sur tanety. Troisièmement, l’expansion des tanety est perçue
comme positivement influencée par une immigration nette plus élevée dans le village puisque les
migrants sont censés cultiver sur les nouvelles terres qui ne sont pas encore occupées par les
villageois. Enfin, l’augmentation des surfaces des tanety peut avoir des impacts négatifs sur la fertilité
des sols comme elle tend à réduire la période de jachère ou à déplacer l’agriculture vers des terres
marginales ou non fertiles. Vice versa, la flèche négative partant de la fertilité des sols vers le
changement dans les surfaces de tanety souligne les effets d’un cercle vicieux: un faible niveau de
fertilité des sols conduit les paysans à abandonner les champs après quelques années seulement et à
chercher de nouvelle terre à cultiver.
A part avec l’extension des tanety, la fertilité des sols devrait décroitre si le niveau de salaire dans le
village augmente. Comme les investissements pour la conservation de la fertilité des sols demandent
des travaux intensifs (comme épandre du fumier, planter les arbres, terrasser les terres),
l’augmentation des coûts du travail réduira la rentabilité relative des investissements pour la
conservation des sols. De plus, la participation accrue dans les institutions financières améliorera la
fertilité des sols comme cette participation peut augmenter la disponibilité du capital pour les
investissements en réduisant le coût du capital, rendant ainsi la conservation moins coûteuse.
Dans le modèle causal de la Figure 1, le taux net d’immigration est perçu comme une fonction du taux
de salaire endogène. Nous admettons que les villages qui ont des taux de salaire élevé attireront des
migrants. Cependant, comme il y a beaucoup de migrants qui viennent s’installer dans ces villages,
l’offre de salaire va augmenter à son tour et diminuera le taux de salaire, ce qui est indiqué par la
flèche avec un signe négatif.
Les taux de salaire sont supposés être influencés par trois variables endogènes: le taux d’immigration
net, l’accès au marché du crédit et le rendement du riz en plaines. Si l’accès au marché du crédit
augmente, le coût du capital pour le village et les ménages diminue, en augmentant le profit marginal
du travail, et poussant le taux de salaire à augmenter. D’une façon similaire, si le rendement du riz
irrigué augmente, le profit marginal du travail pour cette production augmente ce qui peut entraîner
une augmentation du salaire.
Le rendement du riz irrigué est influencé par plusieurs variables. L’accès au crédit et le taux de salaire
ont déjà été discutés. De plus, l’augmentation en surfaces de tanety et donc l’augmentation de la
production vivrière et en cultures de rente sur tanety réduiront les incitations des ménages à intensifier
la production du riz, en particulier si cette production nécessite davantage de capital et du travail plus
intensif que la production sur tanety et si il y a encore des possibilités d’étendre les tanety. Ce même
type d’argument peut être attendu pour l’effet de la fertilité des sols des tanety sur le rendement du riz
sur plaines. Si les sols en tanety sont fertiles et productifs, et permettent d’obtenir une bonne récolte, il
n’y a que très peu d’incitation économique pour accroître le rendement du riz irrigué. Les résultats des
regressions empiriques sont discutés en détail en Zeller et al. (1998). Nous discutons ici seulement les
implications de ces résultats.
5
Implications pour les politiques
A Madagascar, comme ailleurs, les programmes sur l’environnement, la croissance agricole et
économique et de la réduction de la pauvreté sont liés: étudier l’un d’entre eux sans traiter les autres
conduit à des échecs à long terme (Vosti et Reardon, 1997). Il s’agit de mieux comprendre les liaisons
entre la pauvreté et l’environnement et entre la croissance et l’environnement et les processus par
lesquels les politiques alternatives, les institutions et les technologies affectent ces trois objectifs de
développement.
Adopter le triangle critique c’est mettre en avant les ménages et villages ruraux. Les politiques qui
mettent seulement l’accent sur l’environnement, avec ou sans compensations pour les acteurs ruraux,
s’avèrent économiquement insoutenables à long terme; les politiques qui ne prennent pas en
considération la pauvreté, l’amélioration nécessaire des revenus des pauvres, de la sécurité
alimentaire, de la nutrition et de la santé sont des politiques qui conduiront probablement des échecs.
Des questions se posent et nécessitent d’être éclaircies à travers le triangle critique et les problèmes
spécifiques de Madagascar: comment faire pour que les individus, les ménages et les villages
choisissent la stratégie d’intensification, compatible avec la durabilité de l’environnement, par rapport
à la stratégie d’extensification, et comment les politiques sectorielles, nationales et institutionnelles,
les innovations technologiques, la santé et l’éducation contribueront-elles à faire que la stratégie
d’intensification soit plus attractive à court et à long terme.
L’analyse dans ce document propose des suggestions pour des politiques. Premièrement, l’accès aux
institutions de crédit semble avoir un rôle important pour promouvoir une stratégie d’intensification
agricole à Madagascar. L’accès aux institutions financières a un effet positif sur le rendement du riz
irrigué et sur la fertilité des sols des tanety. Cependant, la participation à une mutuelle financière
d’épargne et de crédit a un effet positif sur l’augmentation de l’expansion des tanety quand le capital
devient plus accessible et moins cher pour les paysans. Mais cet effet direct est compensé par l’effet
indirect de la participation aux marchés de crédit.
L’effet de l’accès au crédit formel sur les tanety est la somme de l’effet direct du changement des
surfaces en tanety et des effets indirects de l’accès au crédit sur le rendement, la fertilité des sols et les
salaires. La somme de tous les effets montre que l’augmentation de 1% des ménages qui participent à
une mutuelle de micro-crédits réduit les surfaces en tanety en valeur absolue de 0.36% (Zeller et al.,
1998). Nous en concluons que la promotion des micro-crédits pour les ménages ruraux pourrait avoir
des effets bénéfiques sur la productivité agricole, la pauvreté et les ressources naturelles.
Deuxièmement, les échanges inter-régionaux pourraient être améliorés par la réduction des coûts de
transactions dans l’accès aux marchés des produits, et pourrait augmenter les gains commerciaux à
partir de la spécialisation. Les résultats ont montré un effet positif de l’amélioration de l’accès aux
marchés du riz et des intrants agricoles sur le rendement du riz, la fertilité des sols et la réduction des
tanety cultivés. A court terme, l’amélioration de l’accès aux marchés des produits autres que le riz
cultivés sur les tanety augmente l’expansion des surfaces en tanety. Comme l’accès au marché
s’améliore et, par conséquent, les prix de revient des producteurs augmente comme les coûts de
transaction pour la vente et l’achat des produits diminuent, la valeur des terres augmentera et les
investissements pour la conservation des sols seront plus rentables. Négliger les possibilités
d’améliorer l’accés aux marchés et aux infrastructures au niveau des ménages et des villages ruraux
les condamnerait à continuer à utiliser un faible taux d’intrants agricoles, à produire de faibles
quantités mais aussi à continuer à s’orienter vers la stratégie d’extension des tanety.
Troisièmement, la croissance démographique n’est pas une cause majeure d’extensification agricole.
De plus, Zeller et al. (1998) montrent que la pression démographique pourrait amener à la
conservation des sols à travers l’adoption de technologies et d’arrangements institutionnels plus
efficaces. Nous avons vu que la migration est un facteur majeur d’expansion des terres arables. La
pauvreté dans les villages qui envoient des migrants (Faritany de Fianarantsoa) à la recherche de
meilleures conditions de vie pourrait accélérer la dégradation des ressources naturelles dans les autres
régions. Ainsi, la réduction de la pauvreté à travers l’amélioration de l’accès aux services publics, tels
que l’école, les services de santé, l’amélioration du commerce, et la création d’opportunités pour des
revenus hors-agriculture, ont des effets bénéfiques sur la conservation des sols et des ressources
naturelles. Notre analyse semble suggérer que quand la terre devient plus rare, cela pourrait réduire les
investissements pour la conservations des sols à cause de l’existence probable de conflits sur les
propriétés communes et donc de l’insécurité sur la tenure des terres. Alors qu’il y a encore beaucoup
de villages qui ont la possibilité d’étendre les tanety, les autres louent ou vendent les propriétés
privées et peuvent subir des conflits sur les terres communes. Une meilleure connaissance de telles
situations sur le mode de tenure des terres et sur les droits fonciers est importante pour que les
programmes d’interventions ou éventuellement les révisions des lois foncières puissent prendre en
considération les contraintes des ménages ruraux.
Nous notons qu’on ne devrait pas sous-estimer la potentialité d’opportunités de création d’emplois et
de revenus dans le secteur non agricole à Madagascar. La plupart des ménages ruraux pourtant
dépendent directement ou indirectement de la production agricole ou animale. La première nécessité
est encore l’intensification agricole pour les cultures majeures telles que riz, manioc, patates et maïs:
Madagascar est un pays où la Révolution Verte doit encore avoir lieu (Von Braun, Malik et Zeller,
1993). Ces résultats suggèrent fortement que les politiques publiques ont un grand rôle à jouer dans
l’amélioration de la production agricole sur les rizières irriguées et les tanety qui nécessitent un
accroissement de l’investissement sur les recherches et la vulgarisation agricole.
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