Projet Campylobacter - Faculté de médecine vétérinaire | Université
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Épidémiologie des cas de l’infection par le Campylobacter en Islande, revue des voies de transmission et facteurs de risque Rapport présenté à Pascal MICHEL, DMV, PhD Rapport préparé par Kathleen Laberge, DMV (MSc.) Université de Montréal St-Hyacinthe, 1er octobre 2003 Avis de non-responsabilité Ces documents sont le résultat du travail de professionnels au service de Santé Canada ou de ses collaborateurs L’information qui s’y trouve ne représente pas nécessairement la vision, la position officielle ou les orientations stratégiques de Santé Canada. Ils ne doivent en aucun cas être considérés comme documents officiels de Santé Canada. Cette documentation a été mise à la disposition du public en la croyant conforme à la réalité. Toutefois, des erreurs, omissions ou fautes de typographie peuvent s’y être glissées. Nous ne pouvons pas être tenus responsables, de quelques façons que ce soit, d’un inconvénient causé par l’utilisation des renseignements inclus dans ces documents. 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The provisions of the Copyright Act cover the material on this site. 1 Introduction Campylobacter est la principale cause d’entérite résultant de toxi-infection alimentaire dans les pays industrialisés, de même que dans les pays en voie de développement. Un récent rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé (2000) affirme d’ailleurs que l’incidence de la campylobactériose dans les pays industrialisés ne cesse d’augmenter depuis 1990. Outre les problèmes digestifs, Campylobacter peut également être tenu responsable de séquelles neurologique et articulaire chez la population humaine ayant été infectée. Malgré toutes les études publiées et la recherche scientifique active, la complexité de ce micro-organisme est telle que plusieurs éléments fondamentaux entourant la problématique de Campylobacter demeurent un mystère. Ainsi, les sources d’infection, les modes de transmission, les différents hôtes de même que les facteurs favorisant la dispersion de Campylobacter dans l’environnement restent encore mal compris. Le présent document s’avère une revue de la littérature concernant l’épidémiologie de Campylobacter. L’impact en santé publique, la description de l’agent, les sources d’infection, les facteurs de risque, les voies de transmission, la saisonnalité, de même que la distribution géographique sont les sujets revus. Impact en santé publique Reconnu comme pathogène vétérinaire depuis très longtemps, ce n’est que depuis la fin des années soixante-dix que Campylobacter est associé à des problèmes de santé chez l’humain. On sait maintenant qu’il est la principale cause de gastro-entérite bactérienne dans le monde industrialisé (Hunter, 1997) . On estime d’ailleurs que le nombre de cas de campylobactériose par année aux États-Unis se situe autour de 2.1-2.5 millions (Sahin et al., 2002). Parmi cette population, ce sont les enfants qui sont le plus touchés avec un taux d’isolation de 14 par 100 000 habitants par année. Ce taux d’isolation décline à 4 par 100 000 habitants à l’adolescence et devient élevé à nouveau chez les jeunes adultes (8 par 100 000 habitants). Chez la population d’âge moyen et plus âgée, le taux d’isolation est de 3 par 100 000 habitants (Altekruse et al., 1999). Concernant les données canadiennes les plus récentes, 10 320 cas d’infections à Campylobacter ont été déclarés en 1995 ce qui correspond à 34,8 cas par 100 000 habitants. Parmi la population canadienne ayant été infectée par Campylobacter en 1995, 291 personnes ont nécessité une hospitalisation, tandis que 71 personnes ont du consulter à l’externe. Parmi ces cas de campylobactériose déclarés en 1995, onze personnes en sont décédées (Anonyme, 1998). D’autre part, il est intéressant de noter les récentes analyses rapportées par l’Organisation Mondiale de la Santé (2000) où on estime la mortalité due à Campylobacter, 30 jours post- infection, à 4 par 1000 infections. Finalement, pour les cas rapportés au Canada en 1995, 36 cas ont été reliés à des éclosions. Ces éclosions étaient reliées pour la plupart à la famille ou au fait d’avoir bu l’eau d’un lac (Anonyme, 1998). Il est important de noter que l’incidence de la campylobactériose chez les patients séropositifs au VIH est plus élevée que chez la population générale. Alterkruse et al. (1999) rapporte qu’entre 1983 et 1987, à Los Angeles aux États-Unis, l’incidence de la campylobactériose chez les patients sidéens était de 519 cas / 100 000 habitants, soit 39 2 fois plus élevée que chez la population générale. De plus chez ces patients, on a observé une résistance aux antibiotiques utilisés afin de traiter la maladie, de même que des infections récurrentes (Akitoye et al., 2002). L’infection à C. jejuni est associée à de sérieuses séquelles dont le syndrome de Guillain-Barré (GBS). Ce syndrome est une maladie neurologique caractérisée par une paralysie neuromusculaire ascendante qui peut mener à la paralysie des muscles respiratoires et à la mort (Allos 1997). Ce syndrome est la cause la plus commune de paralysie neuromusculaire aiguë dans le monde industrialisé et est reconnu comme étant un phénomène post-infectieux. En effet, dans 50% à 75% des cas, le GBS est précédé d’une infection aiguë reconnue. Pour ce qui est de C. jejuni, on sait qu’au moins 30%40% des patients souffrant du GBS ont d’abord été infectés par cette bactérie dans les 10 jours à 3 semaines précédant leurs symptômes neurologiques (Allos 1997). Fait encore plus troublant, on rapporte que lorsque le GBS survient suite à une infection au Campylobacter, la maladie est plus sévère et résulte plus souvent en des dommages neurologiques irréversibles que lorsqu’un autre agent infectieux précède le syndrome (Allos 1997). Une autre séquelle de l’infection à Campylobacter est le syndrome de Reiter. Ce syndrome se caractérise par une arthropathie inflammatoire pouvant affecter plusieurs articulations et causer de la douleur, allant parfois jusqu’à l’invalidité du patient. Cette séquelle peut durer quelques mois et peut parfois même devenir chronique. Elle survient chez 1% des patients qui ont souffert de campylobactériose (Altekruse et al., 1999). Ces deux séquelles associées à la campylobactériose semblent être une réponse autoimmunitaire faisant suite à l’infection. Toutefois, leurs pathogénies ne sont pas encore bien comprises. Agent Le genre Campylobacter comprend une liste de membres associés au règne animal dont Campylobacter jejuni est le principal sujet d’intérêt de cette revue. Il fait partie d’un sous-groupe de Campylobacters dont les autres membres sont : C. coli, C. laridis et C. upsaliensis. C. jejuni se divise en deux sous espèces : C. jejuni subsp. jejuni et C. jejuni subsp. doylei. Il existe également un deuxième sous-groupe de Campylobacters dont les membres sont : C. fetus, C. hyointestinalis, C. concisus, C. mucosalis et C. sputosum (Hunter 1997). Les bactéries du genre Campylobacter sont des bâtonnets Gram-négatifs, incurvés ou spiralés. Elles sont mobiles, avec un seul flagelle à une ou aux deux extrémités. Elles sont micro-aérophiles (elles poussent bien dans un environnement ou l’atmosphère est constitué de 5% O2, 10% CO2 et 85% N2), non saccharolytiques et positives à l’oxydase (Larrivière et Higgins 1998). Quant à Campylobacter jejuni et les autres membres de son sous-groupe, ce sont des pathogènes thermophiles. Leur température optimale de croissance se situe donc entre 3 37oC et 42oC (Altekruse et al., 1999). Ce germe est présent dans l’intestin d’une grande variété d’animaux sans généralement causer de signes cliniques. On considère alors ces animaux comme étant des porteurs asymptomatiques. La volaille est un exemple puisqu’elle est porteuse de façon subclinique de C. jejuni et de C. coli (Berndtson et al. 1996). D’ailleurs, la température corporelle du poulet varie de 41oC à 42oC, ce qui constitue la température idéale pour la croissance de C. jejuni (Alterkruse et al., 1999). Ce microorganisme est aussi sensible à la congélation, à la sécheresse, à des environnements acides (pH inférieur ou égal à 5.0) et à la salinité (Altekruse et al., 1999). Wesley et al. (2002) rapporte que dans l’environnement, les Campylobacters thermophiles restent viables à 4oC trois semaines dans les fèces, quatre semaines dans l’eau et cinq semaines dans l’urine. Le caractère pathogène du genre Campylobacter peut se manifester par des entérites aiguës chez les chiens, chats, singes et humains; par des avortements chez les ovins; par des hépatites chez la volaille, mais surtout ce germe s’avère la principale cause de toxi-infection alimentaire dans les pays industrialisés, particulièrement C. jejuni. On nomme cette toxi-infection la campylobactériose. La campylobactériose due à C. jejuni a une période d’incubation moyenne de 2 à 4 jours, mais peut se prolonger jusqu’à 7 jours (Hunter, 1997). Expérimentalement, il a été démontré qu’une dose aussi faible que 500 organismes était suffisante pour causer une gastro-entérite, mais la plupart des infections naturelles nécessitent environ 104 organismes (Hunter, 1997). La maladie dure habituellement une semaine et est caractérisée par de la diarrhée. Celle-ci est liquide, parfois sanguinolente et peut devenir très sévère. Une douleur au niveau de l’abdomen précède souvent la diarrhée. Cette douleur peut être si sévère qu’elle suggère un cas d’urgence intra-abdominale. En effet, cette douleur peut être confondue avec les symptômes d’une crise d’appendicite, de la colite ulcérative ou d’un cas aigu de la maladie de Crohn (Prescott et al., 1982). La fièvre est également un symptôme fréquent de la campylobactériose. Des maux de tête et de dos, de la myalgie ainsi que de l’althralgie accompagnent souvent la fièvre. Des nausées et des vomissements sont aussi observés chez le tiers des patients (Prescott et al., 1982). Le traitement de la campylobactériose consiste principalement au remplacement des fluides et électrolytes perdus lors de la diarrhée. Cependant pour les cas plus sévères, le traitement avec des antibiotiques s’avère efficace. L’érythromycine est l’antibiotique de choix puisque son administration est simple, aucun effet toxique sévère y est associé et son efficacité est prouvée (Altekruse et al., 1999). Les quinolones sont aussi utilisées, mais on observe de plus en plus de résistance associée à cette famille d’antibiotiques lorsqu’ils sont utilisés pour traiter la campylobactériose. D’ailleurs selon une étude menée au Minnesota en 1997 et rapportée par Altekruse et al. (1999), 20 % des C. jejuni isolés de poulets achetés au supermarché étaient résistants au ciprofloxacin. Finalement, il est important de noter que la plupart des cas de campylobactériose se rétablissent spontanément avec l’aide d’aucun traitement (Hunter 1997). 4 Lorsque C. jejuni se retrouve dans un environnement hostile (manque de nutriments, choc osmotique, variation de température et stress oxydatif) il peut passer sous une forme nommée : « viable, mais non-cultivable ». Ce passage lui permet de survivre à un milieu stressant et de retrouver son caractère pathogène dès le retour de conditions favorables (Talibart et al., 2000). Cette forme a particulièrement été isolée dans des sources d’eau froide naturelles, ou artificiellement produites (Altekruse et al., 1999 et Tholozan et al., 1999). Les méthodes de culture habituelles ne peuvent pas détecter la forme viable, mais non-cultivable de C. jejuni. La température semble un facteur important dans la perte des propriétés permettant à la bactérie de croître sur un milieu de culture. En effet, Tholozan et al. (1999) rapporte quelques études où la capacité de cultiver C. jejuni était perdue après 3 jours lorsque la température d’incubation était de 25oC et entre 18-28 jours, lorsque la température d’incubation était de 4oC. Le potentiel infectieux de la forme viable mais non-cultivable de C. jejuni, ainsi que la transition de cette forme à un stade actif, fournit un exemple intéressant d’une stratégie de survie d’une bactérie lors de conditions adverses. Cette stratégie n’est cependant pas sans causer des maux de tête aux chercheurs, qui tentent de trouver les sources d’infection et les voies de transmission de C. jejuni. Comme C. jejuni est un microorganisme complexe comprenant plusieurs souches, différentes méthodes sont disponibles afin de l’identifier. Ainsi, on retrouve des méthodes phénotypiques et génotypiques. La méthode phénotypique la plus répandue est le sérotypage (Wassenaar et al., 2000). Tel que le mentionne Wassenaar et al. (1998), les méthodes phénotypiques tel que le sérotypage sont de plus en plus remplacées par des techniques de génétique moléculaire. Parmi les plus couramment utilisées on retrouve le ribotypage, le « pulsed-field gel electrophoresis » ou PFGE et le typage flagellaire (fla typing). Ce même auteur rapporte toutefois qu’une meilleure identification de C. jejuni a lieu lorsque le sérotypage est combiné avec une méthode génotypique, plutôt que l’utilisation du génotypage employé seul. Ces techniques de biologie moléculaire ont également permis à la communauté scientifique de constater, une fois de plus, la complexité de C. jejuni. En effet, il a été démontré que ce microorganisme était instable génétiquement et qu’il pouvait réarranger son contenu génétique (Wassenaar et al. 1998). Parmi les mécanismes moléculaires proposés afin d’expliquer la variation génomique de C. jejuni on note des réarrangements génomiques intramoléculaires spontanés, de la recombinaison issue d’éléments mobiles ou la recombinaison de deux génomes apparentés suite à une transformation naturelle (Wassenaar et al. 1998 et Wassenaar 2002). Ce phénomène rend encore plus difficile l’étude de l’épidémiologie de C. jejuni, particulièrement si le réarrangement génétique permet à ce micro-organisme de s’adapter à de nouveaux environnements. Sources d’infection Sachant que les Campylobacters sont des micro-organismes retrouvés dans plusieurs environnements ainsi que dans le tractus gastro-intestinal de plusieurs espèces d’oiseaux et d’animaux, l’étude de l’écologie de ce pathogène est nécessaire afin de 5 déterminer les différentes sources d’infection pour les humains ainsi que pour les poulets de chair. La section qui suit tentera donc de présenter les multiples sources d’infection des Campylobacters. La majorité des cas de campylobactériose provient de la consommation de viande de poulet insuffisamment cuite, de la manipulation du poulet cru ou de la consommation d’aliments contaminés par du poulet non cuit lors de la préparation de ces derniers. On croit que les carcasses des poulets se retrouvent contaminées lors de l’abattage soit par leurs propres matières fécales ou par du matériel d’abattage contaminé. Le fait que plusieurs poulets soient des porteurs sains de C. jejuni expliquent cette contamination (Stern et al., 1995). Berndtson et al. (1996) rapporte d’ailleurs que la prévalence de C. jejuni chez les poulets à leur arrivée à l’abattoir varie de 45% à 92%. Les facteurs de risque influençant cette prévalence seront revus dans une autre section, mais il est intéressant de mentionner que la prévalence varie en fonction de l’âge du poulet. En effet, on retrouve rarement C. jejuni chez les poulets âgés de moins de 2-3 semaines (Sahin et al., 2002). Par contre lorsqu’un poulet devient infecté, C. jejuni se propage rapidement aux autres poulets de la cohorte (via la contamination de l’eau de boisson et des aliments par les fèces ainsi que par la coprophagie), résultant à la contamination des carcasses lors du processus d’abattage. Cependant, bien que la littérature ait démontré que plusieurs cohortes de poulets arrivent contaminées à l’abattoir, le mécanisme de transmission de C. jejuni au poulet d’abattage n’est pas tout à fait élucidé et sera le sujet d’une prochaine section. Campylobacter spp. a souvent été isolé dans l’eau, soit l’eau potable, l’eau de surface ou directement d’un cours d’eau. La plupart des épidémies de campylobactériose recensées dans la littérature et ayant l’eau pour origine seraient causées par une défectuosité lors du traitement de l’eau ou la contamination de celle-ci par des matières fécales. Il en est de même pour la contamination de l’eau de boisson sur les fermes avicoles. Hunter (1997) rapporte plusieurs études où les cas de campylobactériose humaine avaient l’eau comme origine. Parmi différents cours d’eau étudiés, il a été noté que Campylobacter était très souvent présent, mais en faible quantité. Aussi, une corrélation positive a été établie entre la contamination des cours d’eau et la proximité d’une ferme avicole dans le voisinage de ces derniers. Les études épidémiologiques citées par Hunter (1997) rapportent que la plupart des épidémies correspondaient à une déficience dans le traitement de l’eau potable. Une étude où 19% de la population avait été atteinte a associé la maladie à la consommation d’eau chlorée, mais non filtrée, le processus de filtration ayant fait défaut. Dans cette même étude, on a décelé des systèmes de traitement du fumier inadéquats à proximité de la source principale d’approvisionnement en eau potable ainsi que plusieurs excréments d’animaux. Aussi lors de la période précédant l’épidémie, il y avait eu de fortes pluies suggérant la contamination du cours d’eau par ruissellement. D’autres épidémies ont été associées à la consommation d’eau filtrée mais non chlorée et où le réservoir principal d’eau potable était à ciel ouvert, suggérant ainsi la possibilité de contamination par les fèces des oiseaux sauvages. D’autres épidémies 6 rapportées ont été associées à la consommation d’eau provenant de réservoirs non traités. Ces épidémies survenaient souvent suite à de fortes pluies ou au printemps lors de la fonte des neiges. Encore une fois, la proximité d’un pâturage (moutons) laisse fortement envisager la contamination du cours d’eau par le ruissellement. Toutes ces épidémies, causées par la consommation d’eau, et rapportées par Hunter (1997) laissent supputer que les sources d’eau ont d’abord été contaminées par des matières fécales animales. Parmi les animaux pouvant contaminer les cours d’eau, les animaux de ferme sont souvent pointés du doigt (Skelly, 2003). Que ce soit les bovins laitiers, les bovins de boucherie ou les petits ruminants, si ces animaux pâturent et que les pluies ou la fonte des neiges entraînent leurs excréments dans un cours d’eau, la contamination de ce dernier est probable. Malgré que ces animaux peuvent être des porteurs sains du pathogène, la façon dont ces derniers se contaminent reste une question clé dans la compréhension de l’écologie de Campylobacter. Chez les fermes avicoles, on croit aussi que l’eau peut être la source de contamination des poulets de chair. Pearson et al. (1996) rapporte que C. jejuni avait été introduit via le système de distribution d’eau de boisson et avait colonisé celui-ci. Des mesures d’hygiène et de désinfection avaient d’ailleurs permis de diminuer grandement la quantité de C. jejuni présents, sans toutefois l’éliminer complètement. Plusieurs auteurs affirment aussi que les buvettes peuvent être contaminées par C. jejuni. Il s’agit plutôt d’une voie de transmission du pathogène et non une source d’infection puisque ce sont les poulets qui contaminent leur eau de boisson avec leurs déjections. Cette contamination propage donc l’infection, mais ne permet pas d’en déterminer la source. Les animaux sauvages ont aussi fait partie de certaines études afin de déterminer leur contribution à la contamination des cours d’eau. Parmi ceux-ci, les canards et oies sauvages auraient un rôle significatif dans la contamination de l’eau par C. jejuni (Pacha et al., 1987). Il semblerait que puisque C. jejuni est un microorganisme micro aérophile et incapable de croître à des températures inférieures à 31o C, sa présence dans les ruisseaux, les rivières et l’eau potable ne serait que le signe d’une contamination récente par les fèces du bétail ou des oiseaux sauvages (Sahin et al., 2002). Cependant, les nouvelles connaissances concernant la forme viable, mais non cultivable de C. jejuni peuvent éventuellement contredire nos connaissances actuelles. Comme C. jejuni est un microorganisme commensal du bétail, la consommation de lait ou de produits laitiers non pasteurisés a souvent été ciblée comme cause de campylobactériose. La contamination du lait par C. jejuni se ferait via les fèces de la vache. Wesley et al., (2000) rapporte que la prévalence de C. jejuni chez la vache laitière en santé varie de 5 à 53%. Aux États-Unis, de 1978 à 1986, sur 57 épidémies causées par C. jejuni, 26 ont été causées par la consommation de lait non pasteurisé (Wesley et al., 2000). On craint également que les animaux de ferme aient la possibilité d’être la source d’infection du poulet de chair. En effet, ils ont le potentiel de contaminer les pâturages et les eaux de surface qui en retour peuvent contaminer l’eau de boisson des poulets à 7 griller. Cependant une étude rapportée par Sahin et al., (2002) fait mention d’un cas où les vaches ont été mises en cause comme source d’infection de la volaille et où le mode de transmission de C. jejuni est resté obscur. Certains croient qu’il serait possible que la volaille ait d’abord contaminée les bovins… Parmi les autres animaux susceptibles d’être des sources d’infection de C. jejuni, on peut citer les petits rongeurs tel que les souris et les rats de même que les ratons laveurs. Ces derniers peuvent aussi être des porteurs sains de C. jejuni et servir de réservoir pour les poulets de chair (Sahin et al., 2002). En effet comme le mentionne Berndtson et al. (1996) les souris peuvent être colonisées par C. jejuni pour de longues périodes et sont très communes dans l’environnement des fermes avicoles. Par contre, considérant l’accès limité de la vermine à l’intérieur des bâtiments des fermes avicoles, de même que l’efficacité des traitements rodenticides, il est très peu probable qu’il s’agisse là d’une source significative d’infection. Les insectes de ferme comme source de transmission ont aussi fait l’objet d’études. La majorité des auteurs s’entendent sur le fait que les mouches peuvent servir de vecteur mécanique et transmettre C. jejuni d’un animal ou d’un environnement réservoir aux troupeaux de poulets de chair. Par contre comme le mentionne Sahin et al., (2002) les insectes étudiés étant contaminés par C. jejuni le sont devenus après que le microorganisme fut isolé des poulets à l’étude. Il est donc peu probable que les insectes soient à l’origine de l’infection d’une ferme avicole, mais leur rôle dans la transmission du microorganisme d’une ferme à l’autre est à considérer. Rien n’a été négligé dans l’étude de l’environnement immédiat du poulet à griller. La litière et la nourriture des poulets ont été analysées afin de déterminer s’ils constituaient une source potentielle d’infection à C. jejuni. Pour ce qui est de la nourriture, Montrose et al.,(1984) rapporte que C. jejuni ne peut survivre dans la nourriture de la volaille tel qu’elle est conservée sous forme commerciale. En effet le taux d’humidité de la moulée n’est pas compatible avec la survie de C. jejuni. Par contre le rôle de la litière n’est pas sans taches, même si sa contribution est plutôt reliée au mode de transmission qu’à une source d’infection. Une étude spécifique du rôle de la litière dans la transmission de C. jejuni effectuée par Montrose et al., (1984) affirme que si C. jejuni est présent dans la litière, les poulets peuvent s’infecter en pratiquant la coprophagie. Cependant, la litière non souillée ne peut être une source originale d’infection, elle doit d’abord être contaminée par des fientes de poulets. En effet, C. jejuni est très sensible à l’oxygène et à un faible taux d’humidité tel que ceux rencontrés dans de la litière propre. La litière devient un problème si elle est contaminée et conservée pour la croissance de plus d’une cohorte de poulets. Par contre une autre étude similaire et plus récente rapportée par Sahin et al., (2002) arrive à des résultats très différents. Dans cette étude, la transmission de C. jejuni, via la litière d’une cohorte à une autre dans le même espace n’a pas été démontrée. De plus, comme les fermes avicoles sont généralement nettoyées, désinfectées et la litière changée entre les cohortes de poulets, il est peu probable que la litière soit une source primaire d’infection. 8 Finalement, les véhicules de transport des poulets vers l’abattoir, les travailleurs agricoles de même que l’équipement de ferme ont tous été étudiés en lien avec C. jejuni. Ils seront cependant traitées dans les sections sur les voies de transmission et facteurs de risque puisqu’ils ne sont pas de sources primaires d’infection. Facteurs de risque Facteurs de risques chez la population aviaire La nature saisonnière de la contamination des poulets de chair a été rapportée par beaucoup d’auteurs (Refrégier-Petton et al., 2001, Berndston et al., 1996, Stern 1995, Stern et al., 2002, Sahin et al. 2002, Wedderkopp et al., 2000) et est si importante qu’elle sera traitée dans une section spécifique. Mentionnons cependant que c’est un facteur de risque très important et que c’est à l’été et à l’automne que les troupeaux sont le plus à risque d’être contaminés par C. jejuni. Plusieurs risques sont associés directement aux troupeaux de poulets. Berndston et al. (1996) affirme que le risque d’infection augmente avec la grosseur de la cohorte de poulets. Ce risque accru serait en partie dû au fait que plus d’oiseaux nécessitent plus d’eau de boisson, de nourriture, de litière, d’échange d’air et d’heures de travail représentant plusieurs sources potentielles d’infection. Cependant, Stern et al. (2002) n’a pas obtenu les mêmes résultats lors de son étude effectuée en Islande. En effet, les petits et les grands troupeaux avaient des degrés divers de contamination. Dans cette étude, la grosseur de la cohorte n’était donc pas un bon moyen de prédiction concernant la contamination des poulets par C. jejuni. L’âge des poulets constitue également un facteur de risque puisque la prévalence de la contamination augmente avec l’âge du poulet lors de son abattage. Cette constatation semble bien évidente chez les poulets abattus au-delà de 6 semaines d’âge (Berndtson et al. 1996). D’ailleurs, C. jejuni est rarement détecté chez le poulet de chair avant 2-3 semaines d’âge (Orhan et al., 2002). Berndtson et al. (1996) ne croit pas que les parents puissent être un facteur de risque puisque plusieurs cohortes infectées et provenant des même parents étaient contaminées par des C. jejuni ayant des sérotypes différents. Comme la transmission verticale est un aspect complexe et controversé de C. jejuni, elle sera discutée dans une prochaine section. La période de vide entre les cohortes s’avère également un risque. Celui-ci est augmenté lorsque la période de vide est courte (Berndtson et al. 1996). Refrégier-Petton et al. (2001) rapporte que les conditions ambiantes des bâtiments sont particulièrement importantes. Ainsi les problèmes d’échange et de circulation d’air, de même que la température élevée dans les bâtiments à ventilation naturelle durant la saison chaude favorisent la croissance des Campylobacters, constituant donc un facteur de risque. Neil et al. (1984) rapporte que la litière mouillée est associée à un risque de contamination des poulets. Par contre, comme le mentionne Berndtson et al. (1996), la litière propre est un milieu trop sec pour favoriser la croissance de C. jejuni, mais une fois 9 humide elle peut favoriser sa survie. La litière humide serait plutôt associée au niveau d’hygiène du logement des poulets et doit d’abord être contaminée par les fientes de ces derniers avant de propager le microorganisme. Le risque associé à la litière en serait donc un associé à l’hygiène du milieu. Dans le même ordre d’idées, il a été remarqué par Berndtson et al. (1996) qu’il y avait plus de cohortes infectées par Campylobacter (45%) sur les fermes où les abreuvoirs n’étaient pas nettoyés durant la période d’engraissement des poulets, que sur celles où les abreuvoirs étaient nettoyés à chaque jour (21%). Les abreuvoirs étaient contaminés par les fèces des poulets et par la litière souillée. Encore une fois, le risque de contamination était associé au statut d’hygiène général de la ferme. Refrégier-Petton et al. (2001) rapporte également que l’acidification de l’eau de boisson des poulets constitue un facteur de risque. Cette mesure de régie est utilisée chez certaines fermes avicoles afin de prévenir la contamination des troupeaux par la salmonelle. Dans le cas présent, l’acidification de l’eau semble être le reflet d’une mauvaise hygiène de l’eau servie aux poulets. Donc encore une fois le risque de contamination est associé à de mauvaises conditions ambiantes. Il a aussi été remarqué que le traitement des troupeaux de poulets aux antibiotiques afin de traiter une maladie quelconque diminuait le risque de contamination par C. jejuni (Refrégier-Petton et al., 2001). Par contre Brendston et al. (1996) n’a remarqué aucune différence significative entre les cohortes traitées aux antibiotiques et celles non traitées. Les travailleurs agricoles sont associés à plusieurs facteurs de risque. Ceux travaillant dans plusieurs bâtiments avicoles de même qu’avec les porcs semblent augmenter le risque de contamination (Berndston et al. 1996). Refrégier-Petton et al. (2001) arrive à des résultats similaires. En effet, dans leurs études, le risque de contamination de C. jejuni augmentait lorsque deux personnes ou plus s’occupaient d’une même cohorte de poulets et lorsque plusieurs bâtiments avicoles étaient présents sur la ferme. Aussi, les mesures d’hygiène sur la ferme semblent primordiales. Ainsi, lors d’une étude effectuée par Berndston et al. (1996), la prévalence de C. jejuni était plus élevée (39% vs 22%) chez les cohortes de poulets élevés dans les bâtiments où les travailleurs ne respectaient pas des mesures d’hygiène strictes, tel que le changement de bottes à l’entrée du bâtiment. Van De Giessen et al. (1998) rapporte également les bienfaits de mesures d’hygiène strictes. Lors de son étude, il a démontré que le fait de changer de bottes avant d’entrer dans la ferme, le bain de pieds et le lavage des mains avant la manipulation des poulets diminuaient le risque d’infection des poulets à griller. Stern et al. (2002) a également observé l’importance des mesures d’hygiène sur la ferme. En effet suite à plusieurs mesures préventives, l’Islande a pu diminuer l’incidence de la contamination de ses carcasses de poulets par Campylobacter de plus de 50 % (62% en 1999 et 15% en 2000). Afin d’obtenir une diminution aussi significative de la contamination des carcasses, les travailleurs agricoles ont adopté des mesures de biosécurité à la ferme et les bâtiments ont fait l’objet de mesures strictes de nettoyage et de désinfection entre chaque cohorte de poulets. Les cages de transport des poulets vers l’abattoir ont également été nettoyées puis désinfectées afin de réduire la contamination 10 croisée entre les cohortes. Aussi, lorsqu’une cohorte était confirmée positive à C. jejuni avant son abattage, les carcasses de ses poulets étaient congelées avant leur mise en marché. Cette procédure permet de diminuer par dix le niveau de Campylobacter spp par carcasse (Stern et al., 2002). Toutes ces mesures à la ferme ont permis de contrôler l’épidémie de 1999, mais aussi de diminuer grandement les risques d’infection de la population islandaise. Les travailleurs chargeant et transportant les poulets à l’abattoir représentent aussi un risque de contamination, particulièrement lorsqu’ils se déplacent d’une ferme à une autre sans changer leurs vêtements et leurs bottes de travail. D’ailleurs, Sahin et al. (2002) rapporte une étude où C. jejuni a été isolé des bains de pieds sur les fermes ainsi que sur les bottes de travail. Ceci est particulièrement important lorsque les cohortes de poulets sont divisées et qu’une partie de la cohorte reste sur place afin d’être abattue à un moment ultérieur. Il a été remarqué par Wedderkopp et al. (2000) que l’étalement de l’abattage des cohortes de poulets (d’une même ferme) sur plusieurs jours causait la colonisation de 8,2% des cohortes qui étaient négatives avant le début des procédures d’abattage. On explique cette augmentation de la contamination par le fait que C. jejuni a suffisamment de temps pour contaminer les poulets de la cohorte non acheminée vers l’abattoir (Berndston et al. 1996). Un autre élément de risque est le transport des poulets à l’abattoir. Une étude rapportée par Stern et al (1995) affirme que 12.1% des poulets avant l’abattage avait en moyenne 102.71 cfu de Campylobacter par carcasse, alors qu’après le transport, 56.0% des poulets avait en moyenne 105.15 cfu de Campylobacter par carcasse. Cette augmentation de la contamination provient de la surface des poulets et non du système digestif (cæcum). La proximité et la défécation des poulets dans les cages de transport expliquent ce résultat. Des mesures d’hygiène doivent donc être respectées afin de diminuer le risque de contamination via le transport. La présence d’animaux sur la ferme ou dans l’environnement immédiat représente également un facteur de risque. À ce sujet, Sahin et al. (2002) rapporte que la présence d’animaux tels que des porcs, des vaches, des ovins et des canards a été associée à un risque élevé de contamination des troupeaux de poulets de chair par Campylobacter. Ce même auteur rapporte également d’autres études où soigner des porcs avant de pénétrer dans les fermes avicoles était un facteur de risque sérieux de contamination des poulets de chair. Van De Giessen et al. (1998) confirme également que la présence d’animaux de ferme dans l’environnement des fermes avicoles est associée à un risque élevé de contamination. D’ailleurs son étude a démontré la présence d’un Campylobacter spp. ayant le même type RAPD chez les vaches que chez plusieurs cohortes successives de poulets de chair et ce, dans le même environnement (les bâtiments des deux espèces étaient voisins). Il reste à savoir si ce sont les vaches ou les poulets qui sont le facteur de risque de contamination… Les souris pouvant être porteuses de C. jejuni servent à l’occasion de réservoir sur les fermes. Berndston et al. (1996) rapporte que chez des cohortes où on a remarqué 11 la présence de souris, la prévalence de C. jejuni était de 40% comparée à 23% chez des cohortes où aucune trace de souris n’avait été détectée. Les insectes peuvent aussi servir de vecteur à C. jejuni. Refrégier-Petton et al. (2001) affirme d’ailleurs que des «litter-beetles» présentes dans le vestiaire de la ferme étudiée constituaient un risque élevé de contamination des poulets par C. jejuni, puisque leur présence était le reflet d’une importante infestation de ces insectes dans la litière de la ferme. Comme les oiseaux sauvages sont très souvent porteurs de Campylobacter dans leur système digestif, ils sont considérés comme un risque potentiel de transmission du microorganisme dans la population de poulets de chair (Sahin et al., 2002). Par contre, ce facteur de risque demande encore à être étudié puisque les isolats de Campylobacter retrouvés chez les oiseaux sauvages diffèrent de ceux des poulets à griller. La consommation d’eau contaminée par C. jejuni est également un facteur de risque pour la population animale. En effet comme il a été mentionné dans la section source d’infection, lorsque le système de distribution de l’eau de boisson est contaminé, les poulets s’abreuvant à cette source ont de forte chance de devenir infecté. Facteurs de risque chez la population humaine La nature saisonnière des cas de campylobactériose est un facteur de risque à considérer et sera traitée dans une section spécifique. Kapperud et al. (1992) ainsi que Deming et al. (1987) rapportent une association étroite entre la consommation de poulet et la campylobactériose. Lors de leurs études, le risque associé à la consommation de poulet était en partie dû à de mauvaises manipulations et cuissons de la viande, de même qu’à la contamination croisée d’autres aliments par la viande de poulet non cuite. Aussi Kapperud et al. (1992) a identifié la consommation de grillades comme risque potentiel d’infection, plus particulièrement la consommation de saucisses. Tel que discuté dans la section sources d’infection, la consommation d’eau contaminée par Campylobacter a été associée à plusieurs épidémies d’entérite et s’avère donc un facteur de risque très important pour la population humaine. La consommation de lait non pasteurisé constitue également un risque important pour la santé humaine. Comme le rapporte Altekruse et al. (1999) plusieurs épidémies impliquant la consommation de lait non pasteurisé font suite à des visites de fermes laitières. Comme le rapporte Blaser (1997), les personnes de tout âge peuvent être infectées par C. jejuni mais les enfants de moins de un an sont plus à risque, suivit par les gens ayant entre quinze et trente ans. Un rapport sur la surveillance canadienne de Campylobacter pour l’année 1995 reconnaît plutôt un risque élevé pour les enfants de moins de dix ans et pour les gens situés dans le groupe d’âge des 20 à 35 ans. 12 Voyager dans des pays en voie de développement est aussi considéré comme un facteur de risque, d’autant plus que la diarrhée contractée lors de tels voyages est souvent très sévère et associée à des souches de Campylobacter résistantes aux antibiotiques (Akitoye et al., 2002). Le fait d’habiter un ménage où vit un chien est également un facteur de risque rapporté (Kapperud et al., 1992). Il semblerait aussi que les jeunes enfants seraient plus susceptibles que les autres groupes d’âges à la contamination fécale-orale provenant des fèces animales. Avoir un contact avec des chats ou des chatons s’avère aussi un facteur de risque pour la population humaine ( Deming et al., 1987). Le sexe a été démontré comme étant lui aussi un facteur de risque. En effet, Deming et al. (1987) affirme que les étudiants de sexe masculin sont plus à risque d’être contaminés par C. jejuni. Voies de transmission Malgré le fait que Campylobacter soit très prévalent dans le système de production des poulets de chair, la façon dont les troupeaux se retrouvent contaminés n’est pas encore élucidée. Plusieurs études laissent croire que la transmission horizontale via des sources environnementales serait la route principale des infections des poulets à griller par Campylobacter. Cependant, selon de récentes études, la transmission verticale (des parents à leur progéniture) semblerait possible. La section qui suit tentera de lever le voile sur les dernières connaissances concernant la transmission de C. jejuni aux troupeaux de poulets de chair. Transmission horizontale Tel que discuté dans les sections «sources d’infection » et « facteurs de risque», plusieurs éléments de l’environnement des fermes avicoles semblent être étroitement associés à la contamination des poulets par C. jejuni. Ainsi les sources telles que la litière souillée, l’eau de boisson non traitée, d’autres animaux de ferme, les oiseaux sauvages, les insectes présents sur la ferme, l’équipement et les véhicules de transport vers l’abattoir de même que les travailleurs agricoles ont été associés à la transmission de C. jejuni aux poulets de chair. Cependant, aucune source n’a été formellement identifiée comme étant principalement responsable de la transmission du microorganisme aux troupeaux de poulets. La transmission se ferait-elle alors via plusieurs sources? Ou encore comme le mentionne Sahin, O. et al. (2002), les poulets de chair seraient-ils responsables de la transmission du microorganisme à l’environnement? Par contre, il ne fait aucun doute que lorsque C. jejuni s’installe chez une cohorte en croissance, il se répand très rapidement et colonise la plupart les poulets membres de cette cohorte (Berndtson, E. et al. 1996). Considérant que Campylobacter se reproduit principalement à l’intérieur du système digestif de plusieurs espèces animales, son excrétion dans l’environnement, via 13 les fèces d’animaux porteurs et d’animaux infectés, définit son écologie. Les excréments agissent alors comme principal mécanisme de dispersion du microorganisme dans l’environnement. Ainsi toute l’écologie entourant Campylobacter et pouvant lui servir de vecteur vers un hôte potentiel, peut agir en tant que voie de transmission. À partir de ces prémisses de modélisation éco-environnementale, il est possible de faire le lien entre les différentes sources d’infection et de déterminer comment la transmission du pathogène peut avoir lieu. C’est ce qu’ont fait Skelly et Weinstein (2003). La figure 1 à l’annexe I, tirée de leur étude, permet de visualiser le modèle. Transmission verticale Plusieurs auteurs ont démontré que la transmission horizontale de Campylobacter, via plusieurs sources environnementales, était la principale voie de transmission et que la transmission verticale était peu probable. En effet, comme le rapporte Sahin et al. (2002) plusieurs études ont observé des faits rejetant la théorie de la transmission verticale. Parmi ceux-ci, il rapporte le fait que les jeunes poulets de chair sont rarement colonisés par C. jejuni avant deux à trois semaines d’âge, et ce malgré qu’ils proviennent de parents infectés. Aussi, il rapporte que des poulets provenant de mêmes parents peuvent produire des cohortes négatives dans certains cycles de production et des cohortes positives dans d’autres. Par ailleurs, comme le rapporte Van de Giessen et al (1998), les cohortes de poulets sont souvent infectées par des souches de C. jejuni différentes de celles qui infectent leurs parents. Dans le même ordre d’idées, Bernston et al. (1996) rapporte que des cohortes de poulets provenant des mêmes parents ne possèdent pas nécessairement les mêmes sérotypes, alors que des poulets provenant de différents reproducteurs peuvent être infectés par le même clone ( Sahin et al., 2002). Finalement, comme le mentionnent les études rapportées par Sahin et al (2002), l’isolation de C. jejuni d’œufs infectés de façon naturelle ou expérimentale s’avère très difficile et très rare et jusqu’à maintenant aucune cellule vivante de Campylobacter n’a été détectée dans les couvoirs ou chez les poulets naissants. Malgré tous ces arguments contre la théorie de la transmission verticale, la transmission horizontale comme seule voie de transmission de C. jejuni aux poulets de chair est loin d’être une théorie convaincante. En effet, des règles de biosécurité très strictes comme celles rencontrées dans les fermes à l’étude dans l’article de Bernston et al. (1996) ont eu un succès limité dans la prévention de la contamination des poulets par C. jejuni. Aussi dans l’étude menée par Van de Giessen et al. (1998), l’application de mesures de contrôle strictes telles que le nettoyage et la désinfection des bâtiments entre les cycles de production n’ont pas empêché les cohortes de poulets d’être infectées par Campylobacter, même si une réduction marquée de la contamination fut observée. Donc malgré le contrôle des voies de transmission horizontales, les poulets de chair peuvent être contaminés par C. jejuni, laissant croire que la transmission verticale puisse survenir. Pearson et al. (1996) a mis en évidence la possibilité de la transmission verticale de C. jejuni. En effet, chez la ferme faisant l’objet de son étude, lorsque les conditions de transmission horizontale étaient contrôlées, il a obtenu des isolats de C. jejuni chez les poulets de chair ayant les mêmes sérotypes ou génotypes que ceux de leurs parents. Les 14 poulets en question provenaient d’un couvoir en particulier et seulement ceux issus de ce dernier étaient contaminés lorsque plusieurs couvoirs fournissaient la ferme. Ce sont ces observations qui ont permis à l’auteur de conclure à la transmission verticale. Cet aspect controversé du comportement C. jejuni mérite des études supplémentaires afin de mieux comprendre les différentes voies de transmission de ce pathogène. Saisonnalité On ne peut discuter de l’épidémiologie de Campylobacter sans considérer son patron saisonnier. En effet il a été observé que la prévalence de Campylobacter variait beaucoup selon la saison, avec un apogée à l’été et au début de l’automne. Ce phénomène semble être présent autant chez la population humaine que chez la population animale. Concernant la population humaine, Skelly et al. (2003) affirme que l’oscillation saisonnière de l’incidence de la campylobactériose est une caractéristique frappante observée dans tous les pays possédant un système de surveillance de Campylobacter. Chez ces pays, on retrouve un maximum de cas durant la saison chaude (été et début automne). Blaser (1997) rapporte le même phénomène dans sa revue des caractéristiques épidémiologiques de C. jejuni. Meanger et al (1989) rapporte également plusieurs études où le phénomène a été observé. Les pays étudiés étaient l’Angleterre, la Belgique, les États-Unis, l’Afrique du sud et tous avaient un patron saisonnier de l’incidence de Campylobacter , avec un pic à l’été. Par contre, dans les pays en voie de développement la prévalence de C. jejuni ne semble pas avoir de préférence saisonnière. Certains croient que l’absence de variations extrêmes de température serait une explication possible, mais d’autres croient plutôt que l’absence de systèmes adéquats de surveillance des épidémies de campylobactériose fait en sorte que le phénomène n’est pas observé (Akitoye et al., 2002). Chez la population animale le phénomène a été observé chez plusieurs espèces, dont le poulet à griller. Stern (1995) a observé que la prévalence la plus élevée de Campylobacter spp. sur les carcasses de poulets à l’abattoir était observée à l’été ainsi qu’à l’automne, tandis que la prévalence la plus faible était observée au printemps. Wedderkopp et al. (2000) a également observé que la colonisation des poulets de chair par Campylobacter est étroitement associée avec la saison. Dans son étude, ce sont durant les mois de juin à octobre que les carcasses de poulets étaient le plus contaminées par Campylobacter. Pearson et al. (1996) a obtenu des résultats similaires avec une contamination accrue des carcasses de poulets à l’abattoir lors des mois de juillet et août. Chez les vaches laitières le phénomène de la saisonnalité a aussi été observé. Plusieurs auteurs dont Meanger et al. (1989) et Weysley et al. (2000) rapportent que les vaches laitières excrètent du Campylobacter de façon plus importante à l’été et à l’automne. 15 Quelques auteurs ont tenté d’expliquer le phénomène saisonnier sans toutefois conclure avec certitude. Skelly et al. (2003) croit que l’incidence élevée de cas de campylobactériose chez l’humain durant la saison chaude pourrait être reliée à une exposition accrue au pathogène due à la consommation de grillades. Il croit que ce mode de cuisson pourrait favoriser une cuisson inadéquate de la viande de même que la contamination croisée entre les aliments puisque souvent les grilles sont surchargées. Ce même auteur présume aussi qu’un lien est possible entre les animaux de consommation et l’homme puisque le phénomène de prévalence saisonnière élevée est observé lors des même saisons chez plusieurs espèces animales. Par contre, il rapporte une étude où l’augmentation de la prévalence de Campylobacter avait d’abord eu lieu chez l’humain avant d’être observé chez les animaux. Il est donc bien difficile de tirer une conclusion. Distribution géographique Tel que le mentionne l’Organisation Mondiale de la Santé (2000), Campylobacter est la principale cause d’infections entériques d’origine zoonotique à travers le monde, que ce soit chez les pays industrialisés ou en voie de développement. Le pathogène est donc distribué à l’échelle de la planète. Au Canada, Campylobacter est distribué de façon uniforme pour l’ensemble des provinces, mis à part l’Ontario et la Colombie-Britannique où le nombre de cas par habitant est beaucoup plus élevés que la moyenne nationale (Anonyme, 2000). Toutefois des études s’avèrent nécessaires afin de déterminer les facteurs agroenvironnementaux influençant la distribution géographique de Campylobacter, puisque la littérature révèle un manque évident de connaissances à ce sujet. 16 ANNEXE I Procédures d’abattage Préparation des aliments Hôtes susceptibles/infectés Fèces Traitement du fumier Traitement des eaux Environnements aquatiques Figure 1. Modèle éco-environnemental de la campylobactériose humaine tiré de Skelly et Weinstein (2003). Le modèle comprend quatre composantes : des hôtes susceptibles ou infectés, des filtres écologiques (composantes ovales de la figure), des environnements aquatiques et des trajectoires liant les hôtes aux filtres écologiques et aux environnements aquatiques. La flèche bleue représente les micro-organismes excrétés par les fèces des animaux. Les flèches vertes représentent les mécanismes primaires de dispersion des micro-organismes. Les flèches jaune représentent les mécanismes secondaires de dispersion des micro-organismes. Les flèches rouge représentent les nouvelles expositions. 17 Références : Akitoye, O.C., Isokpehi, R.D., Thomas, B.N., Amisu, O. et Obi, C.L. 2002. Human Campylobacteriosis in developing countries. Emerg. Infect. Dis. 8 ( 3 ). Allos, B.M. 1997. Association between Campylobacter infection and Guillain-Barré Syndrome. JID 176 ( Suppl2 ): S125-S128. Altekruse, S.F., Stern, N.J., Field, P.I. et Swerdlow, D.L. 1999. Campylobacter jejuni, An emerging foodborn pathogen. Emerg. Infect. Dis. 5: 28-35. Anonyme. 1998. Cas de Campylobacter chez les humains dans: Rapport sur la surveillance canadienne intégrée de Salmonella, Campylobacter et Escherichia coli pathogène pour l’année 1995. 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