2. les alliages a memoire de forme

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2. les alliages a memoire de forme
2. Alliages à mémoire de forme
2. LES ALLIAGES A MEMOIRE DE FORME
2.1. Familles d’alliages à mémoire de forme
2.2. Les alliages à base cuivre
2.2.1. Caractéristiques des phases
2.2.1.1. Phases d’équilibre des diagrammes binaires
2.2.1.2. Phase austénitique
2.2.1.3. Phase martensitique
2.3. Caractéristiques des alliages Cu-Zn-Al
2.4. Caractéristiques des alliages Cu-Al-Be
2.5. Stabilisation martensitique
2.5.1. Influence des traitements thermiques
2.5.2. Hypothèses du phénomène de stabilisation
2.5.2.1. Piégeage des interfaces
2.5.2.2. Changement d’ordre configurationnel de la phase martensitique
Ce chapitre présente les familles des alliages à mémoire de forme et leurs principales
caractéristiques. Les phases d’équilibre (ou de décomposition), austénitique et
martensitique des systèmes des alliages à base cuivre sont présentées, détaillant leurs
structures cristallines, propriétés et autres caractéristiques. La mise au point des
alliages ternaires à partir des systèmes Cu-Zn et Cu-Al est exposée, ainsi que les
caractéristiques des alliages Cu-Zn-Al et Cu-Al-Be. La dernière section est consacrée
à une revue bibliographique sur les études de la stabilisation martensitique. Ce
phénomène dégrade les propriétés des alliages à mémoire de forme, résultant en la
perte de mémoire ou amnésie. Les principales hypothèses des causes de la stabilisation
de la martensite sont abordées.
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2. Alliages à mémoire de forme
2.1. Familles d’alliages à mémoire de forme
Les propriétés de mémoire de forme peuvent apparaître dans alliages avec structures
cristallographiques diverses. Les alliages sont classés selon la nature des phases austénitique
et martensitique : alliages à composés intermétalliques de structure austénitique β cubique
centré, métaux et alliages présentent formes allotropiques (Co et ses alliages, Ti et Fe3Pt) et
les alliages à transition cubique ⇒ tétragonal (alliages à base In et à base MnCu) /46/.
Dans ce travail, nous nos intéressons aux alliages du premier groupe. Ces alliages
présentent les meilleures performances en terme de propriétés thermoélastiques, et les plus
utilisés dans applications technologiques. Ils sont divisés en familles en fonction de la
composition chimique : base cuivre, base fer, Au-Cd, Ag-Cd et Ti-Ni. Les alliages à base de
Ti-Ni présentent un grand potentiel d’application en raison de leurs excellentes propriétés
mécaniques, de la bonne stabilité de leurs propriétés de mémoire de forme, mais également
grâce à leur bio-compatibilité. Actuellement, ces alliages font l’objet de nombreux travaux et
développements dans les domaines de l’aérospatiale, de la robotique et du biomédical. Le
principal avantage des alliages à base cuivre est économique. Effectivement, les métaux
constituant des ces alliages, les processus d’élaboration des poly et monocristaux sont moins
coûteux par rapport aux alliages à base Ti-Ni. La relation coût/bénéfice rend les alliages à
base cuivre très compétitif pour des applications industrielles de l’effet mémoire de forme.
2.2. Les alliages à base cuivre
La figure 2.1 présente une classification des alliages à base cuivre par rapport aux
systèmes binaires. Les diagrammes des phases d’équilibre binaires sont montrés sur la figure
2.2. Dans un certain domaine de composition, ces systèmes présentent une phase β à haute
température, aussi appelée phase de Hume-Rothery, avec une concentration d’électrons par
atome d’environ 1,5. Une trempe à partir de cette phase permet d’obtenir la phase β
métastable à basse température. Un refroidissement subséquent donne lieu à transformation
de phase martensitique. La température de transformation MS et le type de martensite
dépendent de la composition chimique des alliages, comme l’illustre la figure 2.3. La
température de transformation martensitique peut être modifiée avec l’adition d’un troisième
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élément chimique. Pour le système Cu-Zn, cette addition a par objectif d’augmenter la
température de transformation, par exemple addition d’aluminium (figure 2.4), et pour le
système Cu-Al de la diminuer, par exemple l’addition de béryllium (figure2.14.b).
Systèmes des alliages à mémoire de forme à base cuivre
Cu-Zn
Cu-Al
Cu-Zn-x
Cu-Al-x
x = Al, Sn, Si, Mn, Ga
Cu-Sn
x = Ni, Mn, Be
Figure 2.1. Classification de la famille des alliages à base cuivre.
a) Diagramme binaire du système Cu-Zn.
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b) Diagramme binaire du système Cu-Al.
c) Diagramme binaire du système Cu-Sn.
Figure 2.2. Diagrammes binaire des phases d’équilibre des systèmes: a) Cu-Zn; b) Cu-Al; c) Cu-Sn.
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Figure 2.3. Diagramme métastable superposé au diagramme partiel du système Cu-Al.
Figure 2.4. Diagramme du système ternaire Cu-Zn-Al.
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2.2.1. Caractéristiques des phases
Les phases d’équilibre des diagrammes des alliages à base cuivre sont structurellement
et morphologiquement analogues. Ces phases peuvent être décomposées par traitements
thermiques (par exemple : traitements isothermes) ou pendant le chauffage à vitesses
variables. La figure 2.5 présente les décompositions des phases du système binaire Cu-Al par
mesures de calorimétrie à une vitesse de chauffage de 2°C.mn-1 /47/.
Figure 2.5. Séquences de décomposition des phases du Cu-12,4%Al pendant le chauffage. Calorimétrie, vitesse
de chauffage de 2°C.min-1 /47/.
2.2.1.1. Phases d’équilibre des diagrammes binaires
La phase α a une structure cubique à faces centrées. Elle se forme soit à partir de la
phase liquide, soit par décomposition de la phase β. La morphologie de la phase α est
aciculaire lorsqu’elle se forme à haute température, sous forme de lamelles à basse
température. Cette phase est très malléable et sa résistance mécanique augmente avec la
concentration en aluminium.
La phase γ a une structure ordonnée complexe à cube centré, avec une composition
stœchiométrique Cu5Zn8 ou Cu9Al4 (γ2). Elle présente une morphologie nodulaire qui peut
progresser sous forme de rosettes par précipitation à partir de la phase β, ou former lamelles
en présence de la phase α. Du point de vue mécanique, cette phase est dure et très fragile.
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2. Alliages à mémoire de forme
La phase β à haute température a une structure cubique centrée désordonnée
(structure A2), avec une composition stœchiométrique CuZn ou Cu3Al. Cette phase peut se
décomposer en d’autres phases pendant un refroidissement lent (transformation du type
eutectoide). L’augmentation de la vitesse de refroidissement inhibe la décomposition résultant
en des phases métastables (austénitique ou martensitique).
2.2.1.2. Phase austénitique
La phase β de ces alliages présente lors de refroidissements (suffisamment rapides
pour éviter les réactions de précipitations) une ou plusieurs transitions de mise en ordre. La
figure 2.6 présente les configurations atomiques des structures ordonnées à partie de la phase
β (A2): B2 (type CsCl), DO3 (type Fe3Al), L21 (type Cu2AlMn).
A2
B2
DO3
A
B
C
L2 1
Figure 2.6. Représentation atomique des structures.
La formation de ces différentes structures dépend de la composition chimique de
l’alliage et des énergies d’échange entre les espèces d’atomes. Chaque espèce d’atome occupe
un type de site du réseau cristallin. Inden a déduit les diagrammes des configurations
atomiques les plus stables à partir de l’approximation du modèle de Bragg-Williams-Gorski
(BWG) /48,49/. Ces configurations ont été déterminées en fonction des paramètres
énergétiques W1 et W2 qui représentent les énergies d’échange entre les paires d’atomes des
premiers et seconds voisins.
La figure 2.7 présente les diagrammes de phase et de
configuration des tendances de mise en ordre entre les premiers et seconds voisins. Pour les
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alliages de Cu-Zn-Al, les structures B2 et DO3 sont obtenues respectivement pour les
compositions stœchiométriques du Cu-Zn et du Cu3Al (figure 2.7.c).
a)
b)
Figure 2.7. Diagrammes représentant les différents types de mise en ordre en fonction de la température et de
la concentration: a) Diagrammes de configuration et de phase pour un rapport de énergie entre
premiers et seconds voisins de W1 = 2W2; b) Diagramme pour les alliages Cu-Zn et Au-Zn /48,49/.
Les états d’ordre ne sont pas parfaits, les échanges des atomes dans le réseau cristallin
modifient le degré d’ordre atomique. Dans un alliage de composition stœchiométrique chaque
espèce d’atomes se place sur un site précis du réseau cristallin. Ce réseau est divisé en sous
réseaux de façon que chaque atome soit entouré préférentiellement d’atomes de l’autre
espèce. Le degré d’ordre est défini comme un paramètre en fonction des probabilités
d’occupation des sites du sous réseaux par les différentes espèces d’atomes. L’alliage est dit
ordonné à longue distance lorsque les atomes de la même espèce sont placés sur un même
sous réseau. Le concept d’ordre peut aussi changer en fonction du système de référence. Le
réarrangement d’atomes par rapport à son voisinage est considéré un désordre local ou à
courte distance.
Les alliages ternaires possèdent normalement une structure du type DO3 (formule –
[AC]3B). La différence entre les structures DO3 et L21 se situe essentiellement sur la nature
des atomes en présence. Lorsque les atomes peuvent être distingués, la structure la plus
représentative est celle d’Heusler (formule - A2BC). Cette configuration est admise par
exemple pour les alliages: Cu-Zn-Al, Cu-Zn-Au et Cu-Al-Ni. La figure 2.8 présente le cas des
alliages Cu-Al-Mn qui peuvent s’ordonner DO3 et L21. Au-dessous de 350°C, les structures se
décomposent en une phase riche en Cu2-Mn-Al et une phase riche en Cu3-Al. Cette séparation
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s’opère par un réarrangement d’atomes de Cu et de Mn sur l’un des sous réseaux de la
structure. La séparation de la structure ordonnée en deux structures ordonnées est attribuée à
une réaction de décomposition spinoidale assistée par lacunes de miscibilité (Cu3-xMnxAl est
ordonné DO3 pour x < 0,5 et L21 pour x > 0,5) /50,51/. Ces deux types de structures ont été
observés pour les alliages Cu-Al-Be /52/. Moreau a proposé que ces alliages puissent aussi
s’ordonner en fonction de la concentration de béryllium /53/.
Figure 2.8. Diagramme de phase des alliages Cu3-xMnxAl indiquant la séquence de mise en ordre /50/.
2.2.1.3. Phase martensitique
La phase martensitique des alliages à base cuivre peut se présenter sous des formes
structurales variées selon la composition chimique et l’état ordonné hérité de la phase
austénitique. Toutes les structures des martensites des alliages à base cuivre et Ti-Ni peuvent
être représentées par un empilement de plans compacts de type cubique de face centrée. Le
type d’empilement de la martensite dépend de la concentration électronique par atome (e/a),
et le nombre de plans denses de la maille dépend de l’ordre hérité de la phase mère.
Les différents types de martensite sont classifiées en: α’, β’ et γ’. Les représentations
structurelles des types de martensites sont présentées sur la figure 2.9, et leurs principales
caractéristiques sont indiquées dans le tableau 1.1. La nomenclature de Ramsdell classifie les
martensites en fonction de la structure et de la périodicité des plans compacts (exemple : 3R,
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9R). Lorsque la martensite est transformée à partir de phase β ordonnée DO3 ou L21, la
périodicité des fautes des empilements des différentes martensites sont doublées (exemple :
6R, 18R). De plus, les martensites α’ et γ’ présentent une microstructure maclée internement.
Les structures β’ peuvent aussi présenter une distorsion orthorhombique de quelques degrés
(monoclinique), donc elles sont identifiées par M9R ou M18R /6/.
Tableau 2.1. Caractéristiques des martensites des alliages à base cuivre.
Type de
Composition (e/a)
Martensite
α’
β’
γ’
< 1,42
1,42 > e/a < 1,50
>1,50
Structure
Phase
Empilement
Mère
Conv.
Ramsdell
CFC
B2
α’2
3R
ABC
DO3
α’1
6R
L21
α’3
6R
Orthorhombique
B2
β’2
9R
ABCBCACAB
DO3
β’1
18R
L21
β’3
18R
Hexagonal
B2
γ’2
2H
AB
DO3
γ’1
4H
L21
γ’3
4H
Nomenclature
Figure 2.9. Mailles élémentaires des structures martensitiques: α1’ β1’ et γ1’ (Ramsdell: 6R, 18R et 2H –
Zhdanov: (1)6, (21)6 et (11)) /6/.
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2.3. Caractéristiques des alliages Cu-Zn-Al
Les alliages du système binaire Cu-Zn possèdent propriétés mécaniques relativement
bonnes. La transformation martensitique dans ce système s’opère à très basse température
(< -100°C). L’addition d’un troisième élément chimique entraîne d’importants changements
de la température MS, comme l’illustre la figure 2.10 /54/. Ceci permet de choisir facilement
les températures de transformation, amplifiant ainsi les domaines des applications de ces
alliages à mémoire de forme.
Figure 2.10. Variation des températures de transformation martensitique MS avec l’addition d’un troisième
élément dans les alliages du système Cu-Zn (rapport e/a = constante) /54/.
L’adjonction d’aluminium entraîne l’élargissement et le décalage de la phase β vers
les basses concentrations en zinc (figure 2.4). Dans la littérature existent plusieurs
expressions pour détermination de la température de transformation en fonction de la
composition, par exemple /13/ :
MS = 2318 - 171 %Al – 61,9 %Zn
(2.1)
où MS est la température de transformation en °C, et Al et Zn sont les pourcentages en poids
pondéraux. Ces équations sont des formules empiriques, dont la marge d’erreur est
relativement importante (∆1%Zn ≈ 60°C du MS).
Les températures critiques de transformation ne sont pas une constante du matériau.
Elles dépendent fortement de l’histoire thermomécanique de l’alliage qui affecte plusieurs
facteurs tels que le degré d’ordre à long distante, la taille des grains, la concentration des
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lacunes et autres. Les figures 2.11.a et 2.11.b montrent les températures critiques des deux
transitions ordre-désordre que les alliages Cu-Zn-Al peuvent subirent en fonction de la
composition et pour des échantillons de concentration électronique constante (e/a = 1,48)
/55,56/. L’influence du degré d’ordre sur la température de transformation martensitique dans
ces alliages sont représentés sur la figure 2.12 /57/. La variation de la température de trempe
introduit des modifications dans le processus de remise en ordre de l’échantillon, entraînant
des changements des températures de transformation. Les températures des transitions d’ordre
correspondent aux maximums dans cette courbe (ordre B2 ≈ 500°C et L21 ≈ 300°C).
a)
b)
Figure 2.11. Diagrammes de transitions d'ordre du Cu-Zn-Al. a) Variation des températures de transition
d’ordre B2 (en pointilles) et DO3 en fonction de la composition /55/ ; b) Températures critiques
de mise en ordre des échantillons avec concentration électronique constante (e/a = 1,48) /56/.
Figure 2.12. Evolution du MS en fonction de la température de trempe (TQ) pour Cu-20at%Zn-14at% Al /57/.
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2. Alliages à mémoire de forme
2.4. Caractéristiques des alliages Cu-Al-Be
Dans le cas du système Cu-Al, les températures de MS sont trop élevées, par exemple
la composition eutectoïde 11,8% Al en masse se transforme vers 350°C (figure 2.3). Ce
système présente un autre problème qui doit être contourné, la concentration d’aluminium est
responsable de la résistance mécanique des ces alliages /8,58,59/. Un faible concentration en
aluminium induit une martensite désordonnée (α’ et/ou β’). Pour concentrations riches en
aluminium, s’obtiennent des précipités γ2 et la formation de la martensite γ’ qui fragilisent
l’alliage (figure 2.3). La figure 2.13.a présente les modifications du système Cu-Al après
l’addition de 4% en nickel. Le domaine de stabilité de la phase β se trouve déplacé vers les
concentrations riches en aluminium, avec une diminution du MS d’environ 200°C (courbe en
pointillés sur la figure 2.13.a). L’adition de nickel doit être limitée à 5% en poids pour éviter
la formation de précipités très fragile de Ni-Al. Du fait des ces impératifs sur les
concentrations, la température de transformation martensitique des alliages industriels du CuAl-Ni se trouve limité entre 50 et 200°C, avec compositions de 13-14% Al et 3-4% Ni /60/.
L’emploi du béryllium sur le système Cu-Al est une alternative pour éliminer ces
problèmes. L’étude de Prawdzik et al. a démontré que l’addition du béryllium abaisse les
températures du MS /61/. Plus tard, Hyguchi et al. mesurent plusieurs propriétés pour ces
alliages ternaires, et déterminent une équation de la dépendance du MS en fonction de la
composition /62/. Belkahla a étudié les influences de l’adjonction du béryllium sur le
diagramme d’équilibre Cu-Al et sur la température de transformation martensitique /63/. Les
faibles quantités de béryllium utilisées ne changent pratiquement pas le domaine de stabilité
thermique de la phase β et ne modifie pas la nature de la transformation martensitique, mais
diminuent considérablement les températures de transformation (figure 2.13.b). Il a vérifié
que la temperature MS dépend linéairement des concentrations d’aluminium et de béryllium
(figure 2.14). Il a aussi établi une nouvelle expression pour l’estimation de la température MS
en fonction de la composition en poids de l’alliage :
MS = 1245 - 71 %Al- 893 %Be
(2.2)
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2. Alliages à mémoire de forme
a)
b)
Figure 2.13. Diagrammes de phases partielles du système Cu-Al. a) Addition de 4% nickel /8/, b) Addition de
0,47% béryllium /63/.
Température Ms (°C)
0.47% Be en poids
Température Ms (°C)
11.7% Al en poids
200
150
100
100
50
0
0
- 100
- 50
- 100
10.0
11.0
12.0
13.0
% Al (poids)
- 200
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
% Be (poids)
a)
b)
Figure 2.14. Variation de la température MS en fonction de la composition : a) 0,47% Be; b) 11,7% Al /63/.
Les études sur les réactions de précipitations par traitements isothermes des alliages
Cu-Al-Be ont été effectuées par Flores-Zuniga, qui propose un diagramme tempstempérature-précipitation (figure 2.15) /64/. Les transformations de mise en ordre ont été
étudiées par Jurado /52,65/. Elle a émis l’hypothèse que les alliages Cu-Al-Be subissent une
seule transition d’ordre (A2 ⇒ DO3), pour des températures d’environ 500°C. La transition
A2 ⇒ B2 des alliages à base cuivre ne peut pas être évitée, même en effectuant une trempe
rapide. Pour la plupart des alliages ternaires du système Cu-Al cette transition s’effectue à
haute température (≈ 700°C – figure 2.8) /50,51/. Les mesures de diffraction réalisées par
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2. Alliages à mémoire de forme
Moreau indiquent que la phase mère du Cu-Al-Be doit s’ordonner plutôt en L21 /53/. Si
l’ordre est DO3 les atomes de béryllium n’auraient pas de sites préférentiels et seraient
distribués au hasard. Il a vérifié que les atomes de béryllium se placent préférentiellement de
façon à compléter les sites B ou C dans la structure d’Heusler (figure 2.6).
Figure 2.15. Diagramme temps-température-précipitation pour les alliages Cu-Al-Be /64/.
2.5. Stabilisation martensitique
La stabilisation martensitique constitue une des barrières pour les applications
technologiques des alliages à mémoire de forme. Cette stabilisation dégrade les propriétés de
mémoire de forme (perte de mémoire/amnésie), et se manifeste de plusieurs façons :
Décalages des températures de la transformation inverse (AS et AF), avec
l’accroissement de l’étalement (eC);
Diminution de la fraction de martensite transformée, qui peut aller jusqu’au cas où
la transformation est pratiquement effacée;
Altérations et irrégularités pendant la transformation mesurables par exemple en :
calorimétrie, résistivité, émission acoustique et autres;
Diminution du coefficient d’amortissement et augmentation du module par rapport
à martensite non stabilisée.
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2. Alliages à mémoire de forme
De nombreux travaux scientifiques ont été dédiés aux études du phénomène de la
stabilisation, mais leur mécanisme n’est pas encore complètement éclairci /66-71/. Ce
phénomène est aussi désigné comme responsable par l’effet caoutchoutique /14-16/. Les
recherches montrent que les traitements thermomécaniques jouent un rôle prépondérant sur le
processus de la stabilisation.
2.5.1. Influence des traitements thermiques
Les microstructures des métaux et alliages sont très sensibles à l’histoire
thermomécanique. Les traitements thermiques agissent directement sur les propriétés
métallurgiques, physiques et mécaniques des alliages à mémoire de forme. Les traitements
affectent la concentration des lacunes, les réactions de remise en ordre et peuvent promouvoir
des réactions de précipitation. Les changements de ces facteurs peuvent favoriser la
stabilisation martensitique.
Pour présenter les propriétés de mémoire de forme, les alliages à base cuivre doivent
subir à un traitement de « betatisation ». Le traitement consiste dans une trempe à partir de la
phase β promouvant des modifications structurales, comme schématisé sur la figure 2.16.
Pendant la trempe, l’alliage passe généralement par deux transitions ordre-désordre. Après la
trempe, les échantillons peuvent se présenter en phase austénitique, martensitique ou mixte,
en fonction de la composition chimique et de la température du milieu extérieur. Ces phases
contiennent une sursaturation de lacunes de trempe qui peuvent assister et/ou favoriser des
phénomènes contrôlés par la diffusion.
Le vieillissement de l’échantillon en phase austénitique favorise l’élimination des
lacunes en sursaturation et l’augmentation du degré d’ordre de la phase métastable β (figure
2.16 - étape A). Les échantillons trempés directement en phase martensitique peuvent être
soumis à ces mêmes processus par un revenu au-dessus du MF (chauffage rapide - figure 2.16
- étape B). La martensite produite par ces étapes est appelée « normale » ou
« thermoélastique ». Le vieillissement de l’échantillon en phase martensitique ou d’une
retransformation par chauffage lent conduisent au phénomène de la stabilisation martensitique
(figure 2.16 - étapes C et D). Dans ces deux cas, l’austénite aurait un ordre hérité de la
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2. Alliages à mémoire de forme
martensite stabilisée. Les hypothèses des causes de ce phénomène seront décris dans la
section suivante. Le vieillissement en phase austénitique à températures relativement élevées
propice la précipitation de particules (α et γ). En résume, les effets de la stabilisation peuvent
être évités ou minimisés par un vieillissement en phase austénitique (au-dessus de AF)
Températures
immédiatement après la trempe, afin d’éliminer les lacunes et établir l’ordre à long distance.
Betatisation (≈ 800°C)
A
Austénite
β⇒ ∆ordre + degré ordre
+ sursaturation lacunes
Austénite
Austénite
β⇒ élimination lacunes
+ ↑degré ordre
βS ⇒ ordre hérédité
de β’S
Etat Mixte
MF
⇒
β + β’
lacunes de trempe
Revenu
AF
C
B
Chauffage Lent
Temps
Martensite
Martensite
Martensite Stabilisée
β’⇒ lacunes de trempe
β’⇒ Normale
β’S ⇒ condensation
lacunes
Vieillissement
D
Figure 2.16. Schématisation des traitements thermiques et de leur influence sur les structures des alliages à
base cuivre.
2.5.2. Hypothèses du phénomène de stabilisation
Nombreux travaux ont été réalisés pour identifier les causes de la stabilisation
martensitique,
utilisant
plusieurs
techniques
expérimentales :
résistivité
électrique,
calorimétrie, frottement intérieur, émission acoustique, annihilation de positrons, diffraction
de rayons X, microscopie électronique, essais de traction, pouvoir thermoélectrique et autres
/72/. Cependant, les théories formulées ne sont pas encore suffisantes pour expliquer la
stabilisation. Les principales hypothèses de l’origine du phénomène de la stabilisation
admises sont :
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2. Alliages à mémoire de forme
Piégeage mécanique des interfaces ;
Changement d’ordre configurationnel de la phase martensitique:
a. évolution des paramètres de réseau (distorsion orthorhombique);
b. désordre atomique configurationel de la phase austénitique.
2.5.2.1. Piégeage des interfaces
Le traitement thermique de trempe produit une forte sursaturation de lacunes, avec des
énergies de formation de lacunes différentes pour chaque phase (austénitique 0,65 eV et
martensitique 1,3 eV) /73,74/. La phase martensitique est une phase compacte et les
coefficients de diffusion sont faibles par rapport à ceux de la phase austénitique. Mesures
d’annihilation de positrons ont démontré que la phase martensitique retient une grande
quantité de lacunes, dont la concentration change vers un état d’équilibre avec le temps /75/.
Ces observations proposent un mécanisme de stabilisation par piégeage mécanique des
interfaces austenite/martensite et martensite/martensite par les lacunes de trempe en
sursaturation ou par des amas de lacunes /76,77/. La sursaturation en lacunes obtenue après
trempe en phase martensitique induit une condensation de ces lacunes au niveau des
interfaces, ce qui entraîne un blocage de celles-ci, empêchant la martensite de se transformer.
La stabilisation martensitique est un phénomène thermiquement activé. Plusieurs paramètres
peuvent affecter ce processus, par exemple : le temps de maintient en phase martensite, le
temps du revenu, la vitesse de chauffage et autres /78-81/. La figure 2.17.a montre que la
fraction de martensite transformée diminue avec l’augmentation du temps de vieillissement en
martensite /76/. Ceci est accompagné par des changements des températures de la
transformation inverse /79/. L’emploi d’un traitement de revenu de quelques secondes
modifie les effets de la stabilisation /78/. Mantel a étudié l’effet des montées en température
par échelons au cours de la transformation inverse (figure 2.17.b) /81/. Dans ces essais, la
vitesse de chauffage moyenne est pratiquement identique. Il a considéré que chaque échelon
correspond à un déplacement des interfaces. La stabilisation est plus importante lorsque les
échelons de température sont faibles que pour des grands échelons. Pour ce dernier cas, les
interfaces sont débloquées plus facilement des lacunes de trempe. Ces résultats sont similaires
aux résultats de frottement intérieur réalisés par Morin /82/. Il a proposé que le mécanisme de
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2. Alliages à mémoire de forme
piégeage serait effectué en deux étapes : condensation des lacunes
dans les régions
correspondant aux positions extrêmes du volume balayé par l’interface (freinage progressif
des interfaces), et ensuite de l’ancrage des interfaces à l’une des positions extrêmes lorsque la
condensation de lacunes est suffisante. Ceci entraîne une diminution du frottement intérieur et
une augmentation du module.
a)
b)
Figure 2.17. Facteurs d’influence sur la stabilisation martensitique : a) Cinétique de la stabilisation. Fraction
de martensite transformée en fonction du temps de vieillissement pour cinq températures
différentes /76/; b) Influence de la vitesse de chauffage /81/.
2.5.2.2. Changement d’ordre configurationnel de la phase martensitique
La transformation martensitique étant une transformation displacive (sans diffusion),
la martensite hérite l’état d’ordre établi en phase β. Les lacunes retenues par la trempe
peuvent déclencher mécanismes contrôlés par diffusion qui entraînent des changements
d’ordre configurationnel de la phase martensitique. Ces réarrangements atomiques peuvent
avoir lieu au cours du vieillissement en phase martensitique, ainsi que pendant la
transformation elle-même et/ou à partir l’état d’ordre de la phase austénitique.
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2. Alliages à mémoire de forme
Dans le premier cas, la stabilisation de la martensite est liée à un processus complexe
dans lequel un excès de lacunes diffuserait dans une matrice dont l’ordre évoluerait
graduellement. Après transformation inverse, l’austénite hériterait de cette martensite
stabilisée /74/. La remise en ordre de la martensite entraînerait une diminution de son énergie
libre par rapport à celle de l’austénite et une augmentation des températures de la
transformation inverse.
La figure 2.18 présente une étude des effets de la stabilisation dans un monocristal de
martensite induit sous contrainte réalisée par Abu Arab et Ahlers /83,84/. La variation de la
contrainte entre la charge et la décharge de la fraction de martensite stabilisée augmente avec
le temps de vieillissement. Cet effet est attribué à un processus difusionnel contrôlé par
l’énergie libre de la martensite et non à une force de friction liée à un piégeage pendant la
transformation inverse. Lors du vieillissement, il se produit une remise en ordre à courte
distance. Les auteurs proposent qu’une permutation des paires d’atomes de Cu et Zn se
produise dans les sous réseau de la structure.
Figure 2.18. Cycle superélastique dans un monocristal de Cu-Zn-Al. L’éprouvette a été vieillie dans un état
partiellement transformé par un temps t (ε = 3%) /84/.
La stabilisation martensitique est aussi liée à un phénomène de mise en ordre de la
phase austénitique. En effet, l’état d’ordre de la martensite sera celui dont elle héritera de
l’austénite. Lors de la transformation, les atomes se déplacement d’une distance inférieure à
un espacement interatomique, et il existe une correspondance des déplacements atomiques
entre les deux mailles (austénite-martensite).
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2. Alliages à mémoire de forme
Nous avons vu dans les sections précédentes que la phase β des alliages à base cuivre
peut présenter deux transitions ordre-désordre. Les changements de la température et de la
vitesse de trempe entraînent modifications des propriétés, par exemple de la température MS
(figure 2.12), de la résistivité électrique (figure 2.19.a) et de la contrainte critique d’induction
de la martensite (figure 2.19.b) /57,81,85/.
a)
b)
Figure 2.19. Effets de la température de trempe sur les propriétés des alliages : a) Résistivité électrique de la
phase austénitique mesurée à 0°C d’une alliage de Cu-Zn-Al; b) Variation de la contrainte
critique de deux échantillons de Cu-Zn-Al en fonction de la température de trempe (TQ) /85/.
Clark et Brown ont étudié les effets de la trempe dans un alliage de Cu-Zn par
résistivité électrique /86/. Les figures 2.20.a et 2.20.b présentent les changements de
résistivité électrique en fonction de la température de trempe pour des échantillons brut de
trempe et vieilli en phase austénitique (traitement de recuit). Ils ont déduit que les variations
de résistivité de la figure 2.20.a (courbe C) peuvent être décomposé en deux courbes A et B
(figures 2.20.c et 2.20.d). La courbe A correspond aux échantillons parfaitement ordonnés, et
la courbe B correspond aux échantillons ordonnés à longue distance avec un désordre à courte
distance (échange des paires atomiques). La phase β à haute température a une concentration
de lacunes importante, pendante la trempe, cette concentration assiste la remise en ordre.
L’état d’ordre change avec les températures de trempe étagée. Il y a trois domaines des
températures :
Trempe à haute température (> 470°C) : l’état de désordre retenu est important.
Trempe aux températures intermédiaires (entre 350 et 470°C) : le paramètre
d’ordre à longue distance est grand.
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2. Alliages à mémoire de forme
Trempe à basse température (entre 350 et 150°C) : le paramètre d’ordre à longue
distance est très perturbé. Ce paramètre augmente pendant le traitement de recuit.
a)
b)
c)
d)
Figure 2.20. Le degré ordre en fonction de la température de trempe des alliages Cu-Zn : a) Changements de
résistivité électrique mesurés en phase mère après trempe étagée; b) Variation de la résistivité des
échantillons brut de trempe et recuit; c) Composition de la courbe de résistivité (courbe C) en
fonction des effets du état d’ordre (courbe A ordonné et B désordonné); d) Variation de
résistivités des phases /86/.
Ces études montrent que le phénomène de stabilisation peut être influence par l’état
d’ordre de la phase austénitique et par les modifications en phase martensitique. L’emploi de
traitements thermiques appropriés rend possible l’étude de la stabilisation de façon à vérifier
les contributions des degrés d’ordre et des concentrations de lacunes des phases martensitique
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2. Alliages à mémoire de forme
et austénitique. Mantel et al. ont étudié l’évolution de l’état d’équilibre en lacunes par suite
d’un vieillissement (phases austénitique et martensitique) d’un alliage de Cu-Zn-Al /81,87/.
Ils ont vérifié que la résistivité diminuait pendant que la température de transformation
inverse (AS) augmentait avec le temps de vieillissement. La figure 2.21 présente les évolutions
des paramètres reliés par une loi linéaire pour chaque phase. Les auteurs ont mis en évidence
que ces évolutions (attribuées aux réarrangements atomiques) de mise en ordre pour chaque
phase sont différentes. Cette différence a été expliquée par la modification que pouvait
apporter la transformation martensitique à la coordinance et aux distances entre atomes placés
en premier et seconds voisins. L’étude de la cinétique de stabilisation de la martensite
indique que l’énergie apparente change en fonction de la température de trempe. Pour
températures de trempe d’environ 300°C, cette énergie est de 0,88 eV, et pour des trempes à
partir de 800°C l’énergie varie entre 0,88 et 1,22eV /81/. Cette augmentation a été attribuée
au phénomène de mise en ordre assisté par la grande concentration de lacunes.
Figure 2.21. Comparaison du vieillissement en phase mère et en phase martensitique sur les variations de
résistivité mesurées à 77K pour l’alliage Cu-Zn-Al /81,87/.
Analyses de la diffraction de rayons X réalisées par Delaey et al. sur des échantillons
soumis à différentes températures et temps de vieillissement a montré que des réarrangement
atomiques entraînent une modification du réseau martensitique /88/. Cette modification
consiste en une diminution de la distorsion orthorhombique au cours du vieillissement
(l’angle de monoclinicité tend vers 90°). La microstructure de la martensite stabilisée ainsi
que les relations cristallographiques existant entre les différentes variantes de martensite et la
phase mère, ne correspondent pas exactement aux conditions d’invariance du plan d’habitat.
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2. Alliages à mémoire de forme
La figure 2.22 présente les mesures de résistivité électrique réalisées par Suzuki et al. sur des
échantillons du Cu-Zn-Al /89/. Ils ont observé que la martensite stabilisée retourne à la phase
austénitique selon un mécanisme en deux étapes (523 et 670K). La distorsion orthorhombique
diminue avec l’augmentation du degré d’ordre DO3 ou avec la diminution de l’ordre B2 /88/.
A partir des résultats de diffraction de rayons x, ils ont émis l’hypothèse que ces étapes
correspondent à la transformation de la martensite stabilisée par l’accroissement du type
d’ordre hérédité de la phase β de haute température. L’hypothèse d’une déviation du plan
d’habitat vient s’ajouter aux deux autres hypothèses, piégeage mécanique des interfaces et
phénomène de remise en ordre de la phase martensitique, comme causes de la stabilisation.
Figure 2.22. Mesures de résistivité électrique pour l’alliage Cu-Zn-Al: a) Brut de trempe; b) trempe à l’air /89/.
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