Parabole des jumeaux

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Parabole des jumeaux
« Parabole des jumeaux »
Il était une fois des jumeaux conçus dans un même utérus.
Secondes, minutes et heures passèrent tandis que les deux vies
dormantes croissaient. L’étincelle de vie prit de l’ampleur avec
la formation de leurs cerveaux embryonnaires. Et à partir de
leurs cerveaux tout simples ont émergé des sensations, et par
ces sensations, des perceptions - de leur environnement, de l’un
et de l’autre, et d’eux-mêmes. En prenant conscience de la vie
de l’autre et de leur propre vie, ils ont tout de suite su que la vie
était belle, et ils ont ri et s’en sont réjouis. « Comme nous
sommes chanceux d’avoir été conçus et d’être de ce monde.
Bénie soit la Mère qui nous a donné cette vie et nous a conçus
ensemble. »
Chacun grandissait et leurs bras, leurs doigts, leurs jambes
potelées et leurs petits orteils se déployaient. Ils exerçaient
leurs poumons, tournaient ça et là dans ce nouveau monde sans
pesanteur. Dans leur exploration, ils trouvèrent le cordon de
vie, qui les alimentait du sang précieux de leur Mère. De joie,
ils se mirent à chanter : « Combien est grand l’amour de la
Mère qui partage tout ce qu’elle a avec nous ! » Et ils étaient
très heureux et très satisfaits de leur sort.
Les semaines s’accumulèrent en mois, et à chaque nouveau
mois, ils observaient des changements en eux-mêmes et dans
l’autre. « Nous nous transformons » dit l’un, « qu’est ce que
cela peut bien signifier ? ». « Cela signifie », répondit l’autre,
« que nous nous rapprochons de notre naissance. » Un frisson
inconfortable les envahit car ils avaient peur. Ils pressentaient
que naître signifiait qu’ils allaient devoir quitter leur univers
présent.
L’un d’eux dit : « Si cela ne dépendait que de moi, je resterais
ici pour toujours. ». « Mais il nous faut naître », répondit
l’autre. « C’est arrivé à tous ceux qui sont passés par ici. »
C’était vrai, car il y avait eu de la vie avant eux, la Mère ayant
accouché de plusieurs enfants. « Mais y a-t-il une vie après la
naissance ? ». « Comment peut-il y avoir de la vie après une
naissance ? » s’écria l’autre. « Ne laisserons-nous pas derrière
nous notre cordon ombilical et les tissus sanguins qui nous
nourrissent ? As-tu déjà parlé à quelqu’un qui est né ? Est-ce
qu’il y a déjà quelqu’un qui soit revenu dans le sein de sa mère
après sa naissance ? NON ?! ». Il tomba alors dans le désespoir
et se mit à gémir : « Si le seul but de notre conception et toute
cette croissance est de se terminer à la naissance, alors la vie
est définitivement absurde. ». « Mais il doit y avoir une
maman », protesta l’autre. « Sinon, qui nous a nourris dans
notre monde actuel ? ». « Nous sommes nourris et notre monde
a toujours été là. Et s’il y a une maman, où est-elle ? L’as-tu
déjà vue ? Est-ce qu’elle te parle ? NON ! Nous avons inventé
une Maman parce que cela satisfait un besoin en nous. Cette
idée nous sécurisait, nous apaisait et nous rendait heureux. »
Tandis que l’un se plaignait et désespérait, l’autre se résigna à
naître et plaça sa confiance en sa Mère. Les heures passaient
péniblement, puis de jours, puis des semaines. Tous deux
sentaient que leur naissance approchait et surtout tous deux
craignaient ce qu’ils ne connaissaient pas.
Lorsqu’ils furent expulsés de l’utérus, ils crièrent et crachèrent
des fluides et du sang. Ils aspirèrent l’air sec et froid. Puis, ils
constatèrent qu’ils étaient nés. Et quand ils furent certains
d’être nés, ils ouvrirent les yeux, et se retrouvèrent blottis dans
les bras aimants et chauds de leur mère qu’ils voyaient pour la
première fois.
Emerveillés devant la beauté et la vérité qu’ils n’avaient jamais
osé espérer ou même imaginer, ils demeurèrent bouche bée et
tout à leur bonheur.