concours 2012 - École nationale supérieure d`architecture de
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CONCOURS D'ADMISSION - FORMATION PROFESSIONNELLE CONTINUE Ecole Nationale Supérieure d'Architecture de Lyon EPREUVE DE CULTURE GENERALE Mai 2011 Durée : 3 heures A- DEUX SUJETS OBLIGATOIRES. Sujet n°1 - RESUME DE TEXTE ET DISSERTATION. Choisir un des extraits au choix, donné ci-après. 1-A - MARINETTI, Filippo (1909) : Le Manifeste du Futurisme, in LE FIGARO, 20 février 1909. 1-B - ATTALI, Jean (2001) : Roman System, ou le Générique à tous les temps , in KOOLHAAS, Rem; BOERI, Stefano; ULRICH OBRIST, Hans; TAZI, Nadia & KWINTER, Sanford (2001) : Mutations, Bordeaux, Arc en rêve centre d'architecture, BARCELONA, ACTAR. 1-C - NOUVEL, Jean (2008) : Le manifeste de Louisiana, Holm Éditeur scientifique, DANEMARK. 1.1- Résumé de texte : Résumer l'extrait choisi, en 200 mots environ (équivalent de 20 à 25 lignes manuscrites). 1.2- Dissertation : A partir du texte choisi, développez une position critique personnelle sur les thèmes abordés par l'auteur. Sujet n°2 - CULTURE GENERALE ET CULTURE ARCHITECTURALE. 2.1 - Littérature et philosophie : Citez au moins trois écrivains, poètes et/ou philosophes du XXème siècle, importants a vos yeux; vous donnerez de façon très succincte des indications sur leur œuvre, et le cas échéant, un ou deux titres majeurs. 2.2- Arts plastiques, musique, danse : Même question que ci-dessus pour des peintres, sculpteurs, musiciens, chorégraphes, etc. 2.3- Architecture : Citez les architectes du XXème siècle qui vous semblent avoir fortement marqué la pensée et la création architecturales, résumez très succinctement leur apport et donnez, si possible, quelques références de leur production. B- EVALUATION L'évaluation de ces épreuves se fera suivant le barème indicatif suivant: Sujet n°1 : 12 points. Sujet n°2: 8 points. C- CONSEIL(S) Le sujet n°1 s'effectue en 2 h environ. Le choix du texte qui vous intéresse doit être très rapide. Pour le sujet 1-1, il ne s'agit de rien d'autre que d'un résumé qui doit rendre compte du contenu du texte donné ci-après, sans aucun commentaire personnel. Cette épreuve demande environ 1 heure, et en effectuant le résumé vous pourrez préparer par vos notes l'épreuve suivante, la dissertation. Pour le sujet 1-2, il s'agit d'une dissertation d'ouverture, vous demandant une posture critique personnelle sur le/les sujet(s) qui vous auront inspiré une réflexion particulière, un avis, une mise en perspective de ce texte par rapport à d'autres lectures que vous auriez pu faire ou contextes différents, un positionnement ... Il s'agit donc de développer une réflexion personnelle, précise, argumentée, hiérarchisée, sans paraphraser le texte que vous avez résumé. Le sujet n°2 s'effectue en 0h45 maximum. Il ne s'agit pas de donner ici un long développement; il s'agit de ne donner qu'un aperçu rapide et très synthétique de vos connaissances; tout débordement dans la rédaction sera pénalisé. Sujet proposé par W. HAYET SUJET n°1-A - MARINETTI, Filippo (1909) : Le Manifeste du Futurisme, in LE FIGARO, 20 février 1909. " Nous avions veillé toute la nuit, mes amis et moi, sous des lampes de mosquée dont les coupoles de cuivre aussi ajourées que notre âme avaient pourtant des cœurs électriques. Et tout en piétinant notre native paresse sur d'opulents tapis Persans, nous avions discuté aux frontières extrêmes de la logique et griffé le papier de démentes écritures. Un immense orgueil gonflait nos poitrines, à nous sentir debout tout seuls, comme des phares ou comme des sentinelles avancées, face à l'armée des étoiles ennemies, qui campent dans leurs bivouacs célestes. Seuls avec les mécaniciens dans les infernales chaufferies des grands navires, seuls avec les noirs fantômes qui fourragent dans le ventre rouge des locomotives affolées, seuls avec les ivrognes battant des ailes contre les murs! Et nous voilà brusquement distraits par le roulement des énormes tramways à double étage, qui passent sursautants, bariolés de lumières, tels les hameaux en face que le Pô débordé ébranle tout à coup et déracine, pour les entraîner, sur les cascades et les remous d'un déluge, jusqu'à la mer. Puis le silence s'aggrava. Comme nous écoutions la prière exténuée du vieux canal et crisser les os des palais moribonds dans leur barbe de verdure, soudain rugirent sous nos fenêtres les automobiles affamées. - Allons, dis-je, mes amis ! Partons ! Enfin la Mythologie et l'Idéal mystique sont surpassés. Nous allons assister à la naissance du Centaure et nous verrons bientôt voler les premiers Anges ! Il faudra ébranler les portes de la vie pour en essayer les gonds et les verrous !... Partons! Voilà bien le premier soleil levant sur la terre !... Rien n'égale la splendeur de son épée rouge qui s'escrime pour la première fois, dans nos ténèbres millénaires. Nous nous approchâmes des trois machines renâclantes pour flatter leur poitrail. Je m'allongeai sur la mienne comme un cadavre dans sa bière, mais je ressuscitai soudain sous le volant - couperet de guillotine - qui menaçait mon estomac. Le grand balai de la folie nous arracha à nous-mêmes et nous poussa à travers les rues escarpées et profondes comme des torrents desséchés. Ça et là des lampes malheureuses, aux fenêtres, nous enseignaient à mépriser nos yeux mathématiques. - Le flair, criai-je, le flair suffit aux fauves!… Et nous chassions, tels de jeunes lions, la Mort au pelage noir tacheté de croix pâles, qui courait devant nous dans le vaste ciel mauve, palpable et vivant. Et pourtant nous n'avions pas de Maîtresse idéale dressant sa taille jusqu'aux nuages, ni de Reine cruelle à qui offrir nos cadavres tordus en bagues byzantines !... Rien pour mourir si ce n'est le désir de nous débarrasser enfin de notre trop pesant courage! Nous allions écrasant sur le seuil des maisons les chiens de garde, qui s'aplatissaient arrondis sous nos pneus brûlants, comme un faux-col sous un fer à repasser. La Mort amadouée me devançait à chaque virage pour m'offrir gentiment la patte, et tour à tour se couchait au ras de terre avec un bruit de mâchoires stridentes en me coulant des regards veloutés au fond des flaques. - Sortons de la Sagesse comme d'une gangue hideuse et entrons, comme des fruits pimentés d'orgueil, dans la bouche immense et torse du vent !... Donnons-nous à manger à l'Inconnu, non par désespoir, mais simplement pour enrichir les insondables réservoirs de l'Absurde. Comme j'avais dit ces mots, je virai brusquement sur moi-même avec l'ivresse folle des caniches qui se mordent la queue, et voilà tout à coup que deux cyclistes me désapprouvèrent, titubant devant moi ainsi que deux raisonnements persuasifs et Sujet proposé par W. HAYET pourtant contradictoires. Leur ondoiement stupide discutait sur mon terrain... Quel ennui! Pouah !... Je coupai court, et par dégoût, je me flanquai - vlan! - cul pardessus tête, dans un fossé... Oh, maternel fossé, à moitié plein d'une eau vaseuse ! Fossé d'usine ! J'ai savouré a pleine bouche ta boue fortifiante qui me rappelle la sainte mamelle noire de ma nourrice soudanaise! Comme je dressai mon corps, fangeuse et malodorante vadrouille, je sentis le fer rouge de la joie me percer délicieusement le coeur. Une foule de pêcheurs à la ligne et de naturalistes podagres s'était ameutée d'épouvante autour du prodige. D'une âme patiente et tatillonne, ils élevèrent très haut d'énormes éperviers de fer, pour pêcher mon automobile, pareille à un grand requin embourbé. Elle émergea lentement en abandonnant dans le fossé, telles des écailles, Sa lourde carrosserie de bon sens et son capitonnage de confort. On le croyait mort, mon bon requin, mais je le réveillai d'une seule caresse sur son dos tout puissant, et le voilà ressuscité, courant à toute vitesse sur ses nageoires. Alors, le visage masqué de la bonne boue des usines, pleine de scories de métal, de sueurs inutiles et de suie céleste, portant nos bras foulés en écharpe, parmi la complainte des sages pécheurs à la ligne et des naturalistes navrés, nous dictames nos premières volontés à tous les hommes vivants de la terre: 1. Nous voulons chanter l'amour du danger, l'habitude de l'énergie et de la témérité. 2. Les éléments essentiels de notre poésie seront. le courage, l'audaoe et la révolte. 3. La littérature ayant jusqu'ici magnifié l'immobilité pensive, l'extase et le sommeil, nous voulons exalter le mouvement agressif, l'insomnie fiévreuse, le pas gymnastique, le saut périlleux, la gifle et le coup de poing. 4. Nous déclarons que la splendeur du monde s'est enrichie d'une beauté nouvelle la beauté de la vitesse. Une automobile de course avec son coffre orné de gros tuyaux tels des serpents à l'haleine explosive... Une automobile rugissante, qui a l'air de courir sur de la mitraille, est plus belle que la Victoire de Samothrace. 5. Nous voulons chanter l'homme qui tient le volant, dont la tige idéale traverse la Terre, lancée elle-même sur le circuit de son orbite. 6. Il faut que le poète se dépense avec chaleur, éclat et prodigalité, pour augmenter la ferveur enthousiaste des éléments primordiaux. 7. Il n'y a plus de beauté que dans la lutte. Pas de chef-d'oeuvre sans un caractère agressif. La poésie doit être un assaut violent contre les forces inconnues, pour les sommer de se coucher devant l'homme. 8. Nous sommes sur le promontoire extrême des siècles !... A quoi bon regarder derrière nous, du moment qu'il nous faut défoncer les vantaux mystérieux de l'Impossible? Le Temps et l'Espace sont morts hier. Nous vivons déjà dans l'absolu, puisque nous avons déjà créé l'éternelle vitesse omniprésente. 9. Nous voulons glorifier la guerre - seule hygiène du monde, le militarisme, le patriotisme, le geste destructeur des anarchistes, les belles Idées qui tuent, et le mépris de la femme. 10. Nous voulons démolir les musées, les bibliothèques, combattre le moralisme, le féminisme et toutes les lâchetés opportunistes et utilitaires. 11. Nous chanterons les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques; les gares gloutonnes avaleuses de serpents qui fument; les usines suspendues aux nuages par les ficelles de leurs fumées; les ponts aux bonds de gymnastes lancés sur la coutellerie diabolique des fleuves ensoleillés; les paquebots aventureux flairant l'horizon; les locomotives au grand poitrail, qui piaffent sur les rails, tels d'énormes chevaux d'acier bridés de longs tuyaux, et le vol glissant des aéroplanes, dont l'hélice a des claquements de drapeau et des applaudissements de foule enthousiaste. C'est en Italie que nous lançons ce manifeste de violence culbutante et incendiaire, par lequel nous fondons aujourd'hui le Futurisme, parce que nous voulons délivrer l'Italie de sa gangrène de professeurs, d'archéologues, de cicérones et d'antiquaires. L'Italie a été trop longtemps le grand marché des brocanteurs. Nous vouIons le débarrasser des musées innombrables qui la couvrent d'innombrables cimetières. Musées, cimetières!... Identiques vraiment dans leur sinistre coudoiement de corps qui ne se connaissent pas. Dortoirs publics où l'on dort à jamais côte à côte avec des êtres hais ou inconnus. Férocité réciproque des peintres et des sculpteurs s'entre-tuant à coups de lignes et de couleurs dans le même musée. Qu'on y fasse une visite chaque année comme on va voir ses morts une fois par an... Nous pouvons bien l'admettre !... Qu'on dépose même des fleurs une fois par an aux pieds de la Joconde, nous le concevons !... Mais que l'on aille promener quotidiennement dans les musées nos tristesses, nos courages fragiles et notre inquiétude, nous ne l'admettons pas!.. Voulez vous donc vous empoisonner? Voulez-vous donc pourrir? Que peut-on bien trouver dans un vieux tableau si ce n'est la contorsion pénible de l'artiste s'efforçant de briser les barrières infranchissables à son désir d'exprimer entièrement son rêve ? Admirer un vieux tableau c'est verser notre sensibilité dans une urne funéraire, au lieu de la lancer en avant par jets violents de création et d'action. Voulez-vous donc gâcher ainsi vos meilleures forces dans une admiration inutile du passé, dont vous sortez forcément épuisés, amoindris, piétinés ? En vérité la fréquentation quotidienne des musées, des bibliothèques et des académies (ces cimetières d'efforts perdus, ces calvaires de rêves crucifiés, ces registres d'élans brisés!...) est pour les artistes ce qu'est la tutelle prolongée des parents pour des jeunes gens intelligents, ivres de leur talent et de leur volonté ambitieuse. Pour des moribonds, des invalides et des prisonniers, passe encore. C'est peut être un baume à leurs blessures que l'admirable passé, du moment que l'avenir leur est interdit... Mais nous n'en voulons pas, nous, les jeunes, les forts et les vivants futuristes ! Viennent donc les bons incendiaires aux doigts carbonisés!... Les voici! Les voici!... Et boutez donc le feu aux rayons des bibliothèques! Détournez le cours des canaux pour inonder les Sujet proposé par W. HAYET caveaux des musées!... Oh qu'elles nagent à la dérive, les toiles glorieuses! A vous les pioches et les marteaux! Sapez les fondements des villes vénérables! Les plus âgés d'entre nous ont trente ans; nous avons donc au moins dix ans pour accomplir notre tache. Quand nous aurons quarante ans, que de plus jeunes et plus vaillants que nous veuillent bien nous jeter au panier comme des manuscrits inutiles !... Ils viendront contre nous de très loin, de partout, en bondissant sur la cadence légère de leurs premiers poèmes, griffant l'air de leur' s doigts crochus, et humant, aux portes des académies, la bonne odeur de nos esprits pourrissants, déjà promis aux catacombes des bibliothèques. Mais nous ne serons pas là. Ils nous trouveront enfin, par un nuit d'hiver, en pleine campagne, sous un triste hangar pianoté par la pluie monotone, accroupis près de nos aéroplanes trépidants, en train de chauffer nos mains sur le misérable feu que feront nos livres d'aujourd'hui flambant gaiement sous le vol étincelant de leurs images. Ils s'ameuteront autour de nous, haletants d'angoisse et de dépit, et tous exaspérés par notre fier courage infatigable s'élanceront pour nous tuer, avec d'autant plus de haine que leur coeur sera ivre d'amour et d'admiration pour nous. Et la forte et la saine Injustice éclatera radieusement dans leurs yeux. Car l'art ne peut être que violence, cruauté et injustice. Les plus âgés d'entre nous ont trente ans, et pourtant nous avons déjà gaspillé des trésors, des trésors de force, d'amour, de courage et d'âpre volonté, à la hâte, en délire, sans compter, à tour de bras, à perdre haleine. Regardez-nous! Nous ne sommes pas essoufflés... Notre coeur n'a pas la moindre fatigue! Car il s'est nourri de feu, de haine et de vitesse !... Ça vous étonne? C'est que vous ne vous souvenez même pas d'avoir vécu! Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles! Vos objections? Assez! Assez! Je les connais! C'est entendu! Nous savons bien ce que notre belle et fausse intelligence nous affirme. - Nous ne sommes, dit-elle, que le résumé et le prolongement de nos ancêtres. - Peut-être! Soit!... Qu'importe?... Mais nous ne voulons pas entendre! Gardezvous de répéter ces mots infâmes! Levez plutôt la tête! Debout sur la cime du monde, nous lançons encore une fois le défi aux étoiles!" Milan - Via Senato, 2 Filippo Tommaso Marinetti" MARINETTI, Filippo (1909) : Le Manifeste du Futurisme, in LE FIGARO, 20 février 1909. SUJET n°1-B - ATTALI, Jean (2001) : Roman System, ou le Générique à tous les temps , in KOOLHAAS, Rem; BOERI, Stefano; ULRICH OBRIST, Hans; TAZI, Nadia & KWINTER, Sanford (2001) : Mutations, Bordeaux, Arc en rêve centre d'architecture, BARCELONA, ACTAR. " ROMAN SYSTEM, OU LE GÉNÉRIQUE À TOUS LES TEMPS Jean ATTALI 1 MÉTHODE GLOBALE L'urbanisme peut-il s'apprendre comme on apprend la lecture aux enfants, selon la « méthode globale » ? Selon ses partisans, l'enfant, dès l'âge de la maternelle, découvre le lien mot écrit/sens à partir de la physionomie globale du mot (comme un logo), d'après son contexte de présentation, puis éventuellement selon sa composition en lettres . ordre es lettres n'est pas une donnée pertinente. Sans doute, la faiblesse congénitale de la méthode (son dédain de l'articulation) est compensée dès lors qu'elle est, littéralement, mise en jeux. Les process d'acquisition sont alors en mouvement : c'est le couple objet/action des jeux vidéo, et le fascinant pouvoir d'apprentissage qu'excitent leur rapidité et leur interactivité. Pour les concepteurs ou software de « Roman System » (R/OS), la tendance à aller droit au but et le mépris du danger de l'approximation sont comme une seconde nature. La relecture de l'urbanisme romain, à partir de la trame de ses villes (le cardo et le decumanus comme échiquier) et de ses idéogrammes (les types de bâtiments, utilisés comme les pièces du jeu), se fait à la vitesse d'un jeu vidéo ou d'une simulation informatique. Generic City se conjugue à tous les temps passé, présent et futur. Elle commence avec Rome, du moins c'est aux images de Empire qu'elle revient rétrospectivement, comme à la matrice du jeu La combinaison du jeu et du programme informatique consacre le pouvoir heuristique de la simulation : le monde ancien, réinventé à partir d'une série de logos et reconstruit à la vitesse du processeur. 2. GLOBALISATION, HYBRIDATION Chez Saskia SASSEN, « Global » renvoie aux espaces qui gouvernent la mondialisation i e l'économie. Le centre de l'économie-mon e se trouve dans les territoires restreints des capitales financières, avec leur substrat social étendu. Chez Rem KOOLHAAS, « Globalisation » designe un schéma général d'hybridation de la pensée et de action. La diffusion planétaire des modèles urbanistiques a une signification quasi écologique ce qui a fleuri ici germera là-bas, beaucoup plus loin (dans t'espace ou dans le temps), dans un milieu plus propice. Les modèles (génériques) ne deviennent réels que sous les conditions (locales) d'un climat plus favorable et d'une liberté d'action débridée. La fécondité des plus beaux fleurons de la science et de l'art, sans les restrictions de la culture et de l'histoire. Ce découplage a une signification essentiellement pratique comme dans la première métamorphose nietzschéenne, si vous voulez avancer, commencez par vous décharger du fardeau de votre excès de savoir. 3. TABLE DE PEUTINGER Au XVIe siècle, un antiquaire d'AUGSBOURG, Konrad PEUTINGER, reçoit un parchemin représentant les itinéraires reliant toutes les villes de ROME Immense compilation cartographique, aux origines obscures (copiée par un moine au XIIIe siècle ? d'après un original du Ve siècle ? Inspiré lui-même d'une carte préparée par AGRIPPA, gendre d'AUGUSTE ?), de forme démesurément allongée (6,82 x 0,34 m), comprenant quelque 6000 noms propres et 550 vignettes dessinées, réparties elles-mêmes en trois types principaux comme les étoiles d'un guide Michelin ,a Table de Peutinger est à la fois carte, indicateur routier, guide de voyage. C'est la vision Sujet proposé par W. HAYET synthétique d'un réseau étendu jusqu'aux confins de l'Empire (de Bordeaux jusqu'à l'Inde...). Schématiquement exacte, bien qu'au prix d'un fourmillement d'erreurs, la Table est un diagramme éblouissant. Elle ne décrit pas une voie, elle ne décrit pas non plus toutes les voies, mais des tronçons successifs et des raccordements à l'intérieur du réseau total. Les flux à l'intérieur de l'Empire ne s'identifient pas à un tracé unique : une route est comme une corde qui vibre, elle se tend lorsque le trafic est intense (avec des rectifications et des raccourcissements), elle se relâche et sinue aux périodes creuses 1. La Table livre la clé de « Roman System » : la ville romaine est un système articulé de mouvements en tous sens, ses édifices répartis sur tout l'univers habité n'en sont que les « vaisseaux » ou les relais. Elle est comme une préfiguration des atlas du cyberespace. 4. « EN L'HONNEUR DE ROME » Tel est le nom d'un discours d'Aetius ARISTIDE, écrit en 144 ap J.-C, « le ras bel éloge littéraire de l'Empire » selon le philologue WILAMOWITZ. Il signe l adhésion du monde grec à la suprématie romaine 2. Aristide, le citoyen de SMYRNE, exprime non sa soumission de colonisé mais son privilège de citoyen de ROME. Selon lui, l'exploit de l'Empire est « d'avoir à la fois pris le dessus sur les barbares pour ce qui est des ressources et des forces, et dépassé les Grecs en sagesse et en modération » (§ 41). Rome a succédé, en les surpassant, aux empires mondiaux des Assyriens, des Mèdes, des Perses, des Macédoniens... En quoi consiste son prestige ? « Vous avez, dit Aristide à l'empereur, tendu le filet sur la totalité du monde habité » (§ 85).. «Vous avez organisé la totalité du monde habité comme une seule maison » (§ 1021. Vertige spatial : tes villes n'ont jamais été si nombreuses, au point que celui qui voyage les compte « d'après te nombre de jours, parfois même en traversant deux ou trois le même jour, comme si c'étaient des rues » (§ 931 Vertige politique : le gouvernement de Rome est « comme un mélange de tous tes régimes », à la fois tyrannie et oligarchie, royauté et aristocratie plus la démocratie, qu'elle soit bien ou mal administrée... (§ 90) Vertige urbanistique : « Tout est plein de gymnases, de fontaines, de propylées, de temples, d'ateliers, d'écoles... » (§ 97). 5. RHÉTORIQUE ANCIENNE ET THÉORIE DES 200 % A peine programmée, une ville de synthèse est destinée à proliférer, à interagir avec toutes tes autres, selon les conditions locales d'application du modèle. Il n'y a donc plus d'original ni de copie, le centre de ROME est partout et son périmètre nulle part. Comme l'écrit ARISTIDE, il faut voyager des mois et des années avant d'en atteindre les remparts (§ 80). il interaction est un principe de variation, elle tend '1 annuler (ou à renverser) le rapport du centre et des colonies. Telle ville devient-elle plus belle, plus richement parée que ROME ? Du moins la compétition de toutes est devenue la règle pour chacune. La rivalité n'est que l'expression d'une tension auto-organisatrice, et le principe qui définit l'émergence d'une qualité double chaque ville est 100 % générique et 100 % spécifique. Elle n'assume ni ne dépasse les contradictions du « global » et du « local », elle intègre en revanche ses propres variations continues (elle est toute la ville, en chaque lieu où elle se bâtit, parce qu'elle naît du rapport de tous les flux qui la traversent avec sa propre « armature générique ») : c'est la ville à 200 %, la ville en fuite... Vous êtes un enfant qui Joue, mais vous n'en êtes pas mo ns un maître d'éloquence. Votre réussite au jeu dépend de votre ardeur persuasive autant que de votre agilité. Les positions et figures dans l'espace sont sous le pouvoir de la rhétorique. Cela est vrai pour le novice comme pour l'expert. Telle est la leçon de Ménandre de Laodicée, dit le Rhéteur (IIIe siècle ap. J.-C.), dans ses exhortations à prononcer l'éloge des villes 3... 6. RÉPERTOIRE Le texte de « Roman System » (R/OS( est composé comme un Reader d'études urbaines : un manuel, un répertoire, un mode d'emploi, un dictionnaire, un recueil de citations - un compromis entre un traité (voire un manifeste) et un livre de procédures. La séparation volontaire entre production et critique aménage ici un niveau intermédiaire : les patterns de la Ville générique. La Ville générique est facile « Il est possible de la reconstruire à partir de la plus petite entité, à partir d'un ordinateur de bureau, peut-être même d'une simple disquette » (Generic City, § 3.3). 1 Voir R. Chevalier, « Table de Peutinger et recherche de voies antiques », Gaule, Bulletin de la Société d'histoire, d'archéologie et de tradition gauloise, Paris, 1995. 2 Aelius Aristides, Éloges grecs de Rome, traduits et commentés par Laurent Pernot, Paris Les Belles Lettres, 1997 3 Menander Rhetor. « Laus Urbis », Treatise II Oxford, Clarendon Press, 1932. Extrait de: ATTALI, Jean (2001) : Roman System, ou le Générique à tous les temps , in KOOLHAAS, Rem; BOERI, Stefano; ULRICH OBRIST, Hans; TAZI, Nadia & KWINTER, Sanford (2001) : Mutations, Bordeaux, Arc en rêve centre d'architecture, BARCELONA, ACTAR. Sujet proposé par W. HAYET SUJET n°1-C - NOUVEL, Jean (2008) : Le manifeste de Louisiana, Holm Éditeur scientifique, DANEMARK. " Manifeste de Louisiana En 2005, plus que jamais, l’architecture annule les lieux, les banalise, les violente. De temps à autre elle se substitue au paysage, le crée à elle seule, ce qui n’est qu’une autre façon de l’effacer. A l’opposé il y a celle de Louisiana, un choc émotionnel. La preuve donnée d’une vérité oubliée : l’architecture a un pouvoir transcendant. Elle révèle géographies, histoires, couleurs, végétations, horizons, lumières. Avec insolence et naturel, elle est au monde, elle vit. Elle est unique. Je l’appellerai louisianienne. Elle est un microcosme, une bulle. Aucune image, aucun propos ne peut en révéler la profondeur. Il faut y être pour l’éprouver et le croire. Elle est extension de notre monde au moment où celui-ci rapetisse. Au moment où nous le parcourons en tous sens de plus en plus vite, où nous écoutons et regardons à travers les mêmes réseaux planétaires ,partageons l’émotion des mêmes catastrophes, où nous dansons sur les mêmes hits, regardons les mêmes matches, où on nous abreuve des mêmes films, où la star est planétaire, où le président d’un pays veut diriger le monde, où nous achetons dans des shoppings centers dupliqués, travaillons derrière les mêmes et sempiternels murs rideaux… et, où les quelques avantages qui devraient découler de cette réduction ne font pas partie des priorités globales. Ainsi pourquoi par les mêmes canaux, l’enseignement ne touche-t-il pas plus vite et plus sûrement l’analphabète ? Pourquoi les médicaments qui sauvent la victime des pandémies n’arrivent-ils pas à temps ? L’architecture n’est en rien épargnée par ces nouvelles conditions d’un monde efficace et rentable de plus en plus marqué par une idéologie livrée dans les bagages de l’économie. Aujourd’hui la globalisation accentue ses effets et une architecture dominante revendique clairement le mépris du contexte. Or le débat sur le sens de cette situation galopante n’a pas lieu : la critique architecturale, au nom des limites de la discipline, en reste à des considérations esthétiques et stylistiques, évacue l’analyse du réel et ignore la question cruciale, historique, qui oppose chaque jour de façon plus criante une architecture globale à une architecture de situation, l’architecture générique à l’architecture spécifique. La modernité d’aujourd’hui est elle l’héritière directe, dénuée de tout esprit critique, de celle du XXème siècle ? Consiste-t-elle à parachuter sur la planète des objets célibataires ? Ne devrait-elle pas, au contraire chercher les raisons, les correspondances, les accords, les différences, pour proposer une architecture ad hoc, ici et maintenant ? Louisiana est le lieu symbole pour engager ce nouveau combat de David contre Goliath, celui qui oppose les partisans de l’architecture de situation aux profiteurs de l’architecture décontextualisée. Sans doute l’opposition est plus profonde et plus complexe que celle du global et du local. La spécificité est liée à l’actualisation des connaissances. Le savoir architectural est par nature diversifié, en relation avec toutes les civilisations. Les voyages sont une part essentielle de la culture d’un bâtisseur. On sait l’importance que revêtait pour les architectes le voyage en Egypte, en Grèce, et à Rome. Louisiana est la conséquence du voyage en Californie, le fruit du croisement d’informations recueillies au loin avec l’interprétation d’une situation unique. Bien sûr l’architecture générique fleurit sur le terreau, sur les excréments fonctionnalistes de l’idéologie moderne simpliste du XXème Sujet proposé par W. HAYET siècle. La charte d’Athènes se voulait aussi humaniste que le communisme de Moscou mais les caricatures dogmatiques mises en œuvre par des résignés ou des corrompus laissent un héritage politique et urbain accablant. Au nom du plaisir de vivre sur cette terre il faut se battre contre l’urbanisme des zones, des réseaux, des territoires hachés, contre cette pourriture automatique qui annule l’identité des villes de tous les continents, sous tous les climats, qui se nourrit de clones bureaux, de clones logements, de clones commerciaux, assoiffés de pré-pensé, de pré-vu pour éviter de penser et de voir. A ces règles territoriales génériques et architecturales, [oui architecturales ! Car l’architecture existe à toutes les échelles et l’urbanisme lui n’existe pas, c’est le travesti mal maquillé d’une servile architecture à macro-échelle qui avance pour faire le lit de myriades d’architectures génériques] à ces règles aveugles, il faut en substituer d’autres, basées sur l’analyse structurelle d’un paysage vécu. Il faut établir des règles sensibles, poétiques, des orientations qui parleront de couleurs, d’essences, de caractères, de d’anomalies à créer, de spécificités liées à la pluie, au vent, à la mer, à la montagne. Des règles qui parleront du continuum temporel et spatial, qui orienteront une mutation, une modification du chaos hérité et qui s’intéresseront à toutes les échelles fractales de nos villes. Ces règles sensibles ne pourront que défier l’idéologie générique qui tend à faire proliférer les techniques dominantes hégémoniques pour créer des dépendances, qui tend ainsi à hypertrophier tous les réseaux de transport, d’énergie et d’assainissement, à faire dans le trop lourd. L’idéologie spécifique au contraire vise à autonomiser, à se servir des ressources du lieu et du moment, à privilégier l’immatériel. Comment se servir de ce qui est là et qui n’est pas ailleurs ? Comment différencier sans caricaturer ? Comment approfondir ? Architecturer les grandes dimensions ce n’est pas inventer ex nihilo. Architecturer c’est transformer, organiser les mutations de ce qui est déjà là. Architecturer c’est favoriser la sédimentation des lieux qui ont tendance à s’inventer eux-mêmes, c’est révéler, orienter, c’est prolonger l’histoire vécue et ses traces des vies précédentes, c’est être attentif à la respiration d’un lieu vivant, à ses pulsations, c’est interpréter ses rythmes pour inventer. L’architecture doit être considérée comme modification d’un continuum physique, atomique, biologique. Comme modification d’un fragment situé au milieu de notre incommensurable univers où les découvertes des macro et nano physiques nous donnent le vertige. Quelle que soit l’échelle de la transformation, d’un site ou d’un lieu, comment traduire cette incertitude de la mutation d’un fragment vivant ? Pouvons-nous apprivoiser les composants visibles, les nuages, les végétaux, les êtres vivants de toute dimension, par des signes, des reflets, des plantations nouvelles ? Comment créer une vibration évocatrice d’une profondeur cachée, d’une âme ? C’est, bien sûr, un travail de poésie puisque seule la poésie sait fabriquer « de la métaphysique instantanée », un travail sur la limite du maîtrisable, sur le mystère, le fragile, le naturel, un travail qui anticipe sur les atteintes du temps, la patine, les matériaux qui changent, qui vieillissent avec caractère, un travail sur l’imperfection comme révélation de la limite de l’accessible. Ne sont pas louisianiennes ces architectures qui tuent l’émotion, celles des artistes-architectes planétaires, rois de la répétition, spécialistes du détail parfait, sec, pérenne, de ce véritable aveu d’impuissance émotionnelle ! La répétition du détail « maîtrisé » comme preuve d’insensibilité à ce que pourrait être la nature d’une architecture au monde ! La « maîtrise » comme méprise ! La lourdeur et l’emphase comme vecteurs de la pédanterie architecturale ! Le détail comme l’ensemble est l’occasion d’inventer, de déplacer, d’enrichir le monde, de re-composer, de ré-assembler, de provoquer des rencontres de textures, de lumières, de techniques improbables. Le détail générique comme l’architecture générique, révèle le préfabriqué, le manque de doute, ce qui est sans danger, ce qui est très loin des limites du faisable et du sensible, ce qui a vocation à exister partout, à se vendre partout, à uniformiser, à tuer les différences, à proliférer. Nous sommes dans la pensée simpliste, le systémique, le rassurant. Nous sommes loin de cette condition absolue de la séduction : le naturel. Est louisiannienne l’architecture qui créée la singularité dans la dualité, qui l’invente face à une situation. Elle s’oppose à l’attitude de ces artistes-achitectes de la recette, de la répétition du champ formel approprié comme « signature d’artiste » elle s’oppose à ce qui est parachutable en toute occasion, en tout lieu. Ce phénomène global participe de la continuité avec l’art du XXème siècle pour l’essentiel autonome, dessitué, délocalisé, conçu pour appartenir directement aux mathématiques cases blanches des musées. Les architectures autonomes, à l’inverse de ces œuvres d’art isolables sont condamnées à l’interférence, elles viennent comme des collages saugrenus, des éternuements, et, malheureusement la sensibilité surréaliste n’est pas souvent au rendez-vous... Architecturer c’est modifier à une époque donnée l’état d’un lieu par la volonté, le désir et le savoir de quelques hommes. Nous n’architecturons jamais seul. Nous architecturons toujours quelque part, certes pour quelqu’un ou quelques uns, mais toujours pour tous. Il faut arrêter de limiter l’architecture à l’appropriation d’un champ stylistique. L’époque a besoin d’architectes qui doutent, qui cherchent, qui ne pensent pas avoir trouvé, d’architectes qui se mettent en danger, qui retrouvent les valeurs de l’empirisme, qui inventent l’architecture en la construisant, qui se surprennent euxmêmes, qui découvrent des moisissures sur leurs fenêtres et savent les interpréter. Laissons aux architectes qui se pensent comme des esthètes la cosmétique des villes vaniteuses. Que désormais l’architecture retrouve son aura dans l’indicible et dans le trouble ! Dans l’imperfection de ce qui s’invente ! L’architecte ne prend conscience d’être allé au bout de son travail que quand il glisse, quand il dérape de la création à la modification, de l’affirmation à l’allusion, de l’édification à l’insertion, de la construction à l’infiltration, de la position à la superposition, de la netteté au brouillage, de l’addition à la déviation, de la calligraphie à la griffure, à la rature… Sujet proposé par W. HAYET À l’archaïque but architectural qu’était la domination, le marquage pour toujours, préférons aujourd’hui la recherche du plaisir de vivre quelque part. Souvenons nous que l’architecture est aussi un moyen d’oppression, de conditionnement du comportement : Ne permettons jamais à quiconque de censurer cette quête hédoniste, surtout dans le territoire du familier et de l’intime si nécessaire à notre épanouissement. Identifions-nous ! Chacun porte en lui un monde en puissance. Prenons conscience de notre potentiel qui est l’égal de celui de chaque être humain, à savoir largement inexploré, souvent poétique donc inquiétant. Halte aux carcans, aux prêt-a-vivre ! Halte à l’architecture numérique qui nous numérise ! Halte aux villes dupliquées, aux bureaux planétaires, aux logements préhabités ! Nous voulons continuer à pouvoir voyager pour entendre des musiques spontanées, pour vivre des paysages habités comme l’est une personne, pour rencontrer des hommes et des femmes qui inventent leur culture, pour découvrir des couleurs inconnues. L’architecture est le réceptacle des variations. Une permanence altérée par la vie et les événements. Une architecture inaltérable n’est pas solidaire du lieu et de ceux qui l’habitent. L’architecture doit s’imprégner et imprégner, s’impressionner et impressionner, absorber et émettre. Aimons les architectures qui savent faire le point, celles qui sont lumière, celles qui font lire la topographie, les profondeurs de champ, ressentir le vent, les ciels, les terres, les eaux, les feux, les odeurs, les arbres, les herbes, les fleurs, les mousses… celles qui se souviennent des us et coutumes et qui en même temps sont connectées aux terminaux des informations de notre monde, celles qui révèlent les époques et les hommes qui les traversent, ces architectures s’édifient en harmonie avec leur temps : les attardés qui construisent encore les archétypes du XXème siècle sont malades de diachronie, refusant de vivre leur vie, L’architecture est datée. Nous la savons mortelle, précaire, nous la soupçonnons vivante. Ainsi la regardons nous sortir des ténèbres et imaginons qu’un jour elle y retournera. Les architectures de situation, spécifiques, louisianiennes tissent ce lien entre passé et futur, minéral et végétal, instant et éternité, visible et invisible. Elles sont des lieux d’émergence et de disparition. Elles distillent leur lent et pathétique naufrage. Cette conscience du temps se superpose aux surprises des nouvelles vies qui l’habitent, aux rythmes magnifiés des aubes et des crépuscules, à l’indifférence des inévitables heures d’indolence et de décadence... Les architectures louisianiennes se rêvent, silencieuses, ruines, lieux d’oubli mais aussi d’archéologie. Elles deviennent prétexte à réinterprétation d’un passé ambigu. Les architectures louisianiennes nous émeuvent parce que rêvées vivantes, insécurisées, résistantes, quelques fois désespérées, naufragées, ou assassinées mais jamais oubliées, parce que tel un phénix disparaissant pour mieux renaître, elles font songer à une éternité en pointillé… L’incertitude, la simplicité et la modestie même des matériaux et des moyens louisianiens créent l’espoir que cette architecture puisse exister dans toutes les économies. Qu’elles puissent s’infiltrer jusque dans les bidonvilles de la honte de nos politiques globales... Et lire la beauté dans la précarité ce n’est pas oublier les conditions du désespoir, c’est uniquement voir la force et la dignité de la vie dans des situations extrêmes et éprouver la profondeur insondable de l’humain. Nous commençons à comprendre pourquoi des habitants des « ranchos », des « favelas » ont préféré leurs maisons spontanées, précieuses, aléatoires, évolutives aux casiers de béton formatés des machines intensives à habiter ! Explorer est un devoir, comprendre un intense désir, contester une condition de l’évolution. Nous pensons avec nos sens, nous sentons avec nos idées. Des contradictions naissent les étincelles. Des sensations naissent des émotions. Des émotions l’amour, de l’amour le désir de vivre, de partager, de donner, de prolonger notre vie en d’autres. Architecturer c’est connecter, c’est appartenir, c’est interférer, c’est dire et contredire. Mais c’est aussi harmoniser l’inerte et le vivant. L’harmonie n’est pas toujours émolliente, elle peut être source d’un plaisir inimaginable, d’un surespoir, d’une exaltation de notre imaginaire. Le plaisir est quelquefois l’improbable particule indispensable pour transformer le doute intelligent, le désespoir honnête en force conquérante. Il faut décourager les résignés, les tristes, les spéculateurs de fabriquer des sinistroses, de répéter ! En architecture aussi la répétition est souvent morbide, la vie est dans le changement. Apprentis promoteurs, apprentis architectes, n’entrez dans ce métier dangereux que pour différencier et non pour stéréotyper, pour construire et non pour détruire, ne gagner pas votre vie en limitant celle des autres ! Si vous n’aimez pas, si vous n’êtes pas sensibles à une ville, à un lieu. Épargnez-la ! Épargnez-le ! Partez ! Si vous ne voulez pas donner mais prendre, spéculez sur autre chose ! Si toutefois vous pouvez admettre que le cynisme aussi devrait avoir ses limites. L’architecture est un don venu du plus profond de soi. C’est une mise aux mondes, une invention de mondes, de micro plaisirs, de micro sensations, d’immersions fugitives. Que l’architecture soit vibrante, en perpétuel écho avec l’univers changeant ! Qu’elle s’installe en havres temporaires pour nomades à la Sujet proposé par W. HAYET recherche des tropismes, des envies, qui le temps d’une vie les constituent ! Comment marquer, entourer notre temps de vie ? Comment pétrifier la sérénité, le calme, la volupté ou encore le délire, l’ivresse, l’euphorie, la jubilation ? Eloignons-nous à jamais des froides machines à habiter ! Nous sommes dans des abîmes à sonder, des altitudes à respirer, des natures à incruster ! Dénonçons l’architecture automatique, celle de nos systèmes productifs en série ! Attaquons la ! Phagocytons la ! Cette architecture sans âme a vocation à être contredite, à être achevée dans les deux sens du terme ! Des hasards naissent des rencontres à exploiter, des situations à inventer ! Ces architectures sèches doivent devenir des supports, des points de départ de stratégies singulières, détournées, dynamitées, inversées ! C’est une des missions de l’architecture louisianienne de compléter de dévier, de diversifier, de modifier et d’imaginer ce que les architectures génériques n’imaginent jamais : le temps de vie qu’elles vont abriter. Soyons louisianiens ! Résistons ! Revendiquons les architectures de l’improbable ! Celles qui allient praxis et poesis pour imprimer un lieu, lier leur sort à ce lieu. Soyons louisianiens avec tous ces territoires : de Petra à Sanaa, de Venise à Manhattan, de Chartres à Ronchamp, des maisons de pêcheurs aux tentes du désert des favelas de Rio aux ruines industrielles de la Ruhr, de Katsura à Louisiana, Tous chocs de temporalités et de lumières, paradoxes poétiques Ces paradoxes miraculeux que Paul VALÉRY résumait en ce simple vers : « Le temps scintille et le songe est savoir ». Jean NOUVEL" Texte écrit et publié à l'occasion de l'exposition "Jean Nouvel : Louisiana Manifesto", Humlebaek, Louisiana Museum of Modern Art, 2005 NOUVEL, Jean (2008) : Le manifeste de Louisiana, Holm Éditeur scientifique, DANEMARK. ! " $#$ ! # % $ 6 !" # $ % & ( ! % ( $ ' % & ' !) # $ ' % & ( * ! * + ' * # ( " ' * & % $ . ' "& #' & # % # $ / $ $ % ,0 0 & % & % & " & "# $#$ () "& 0 " 1 # % # $ / $ $ % ,0 0 & 1 & % 1 % & 1 " & "# $#$ * )! )!" )! )!) 1 $ () 2" 2 2" 2 0 1 && / 0 0 0 ) 3( 3( 3 ( 3( - + #" 1 ' " " " " , ' - * , 4 0 3 ' )! )!5 " & " & "# - ! !" ! !) " - * $#$ "! 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Dans ce cadre vous devez concevoir pour des aménagements au fil d’un canal fluvial aménagé 3 types de petit projet, qui pourront se décliner et être installés pour créer une cohérence dans un grand territoire autour de la valorisation de l’eau, des berges et de l’offre touristique/promenade. Les berges du canal sont construites par un mur en pierre ancien de 40cm d’épaisseur. Le niveau de l’eau est de 70cm en dessous du niveau de la berge qui est une aire horizontale de 6m de large en revêtement sablé. Un passage de 1,6 minimum sera toujours à conserver. Toutes les constructions ne pourront pas s’implanter au-delà de ces 6m. Le canal fait 8m de large. Les 3 projets sont sur 3 sites différents le long du canal. Leur conception doit prendre en compte la spécificité de la situation, du rapport avec l’eau. 1/ une petite halle : Afin de ranger des bateaux pour un club d’aviron, concevoir une petite halle ouverte et couverte efficacement de 4m de large par 12m de long, sans porteurs intermédiaires avec une hauteur utile et libre minimum de 3m. Indiquer les matériaux utilisés, et représenter la structure porteuse verticale et de la couverture/toiture. > La dimension constructive, les principes de dimensionnement de la structure porteuse sont primordiales, le soin apporté au dessin de structure et sa lisibilité. 2/ une capitainerie d’écluse : Afin de proposer plusieurs services (information/accueil) une capitainerie est implantée à proximité d’une écluse (à ne pas dessiner). Elle devra occuper une surface de 2,5m x 7,5m. Elle doit intégrer un petit vestiaire pour l’éclusier (douche+wc+rangements), un grand espace pour l’accueil des touristes leur information avec une banque d’accueil servant de bureau pour l’éclusier, un WC public accessible depuis l’extérieur. Cette capitainerie doit être très ouverte sur le canal et le pus en contact avec l’eau, elle doit être très repérable, attractive et constitue la nouvelle image du renouveau des aménagements du canal. Elle est entièrement couverte par une toiture et fermée. Elle fonctionne en toute saison. L’implantation est libre par rapport au canal et doit faire l’objet d’une proposition où figurera en plan et en coupe la relation et distance souhaitée avec l’eau. > la dimension expressive architecturale est recherchée. Ce petit volume doit marquer le paysage, et jouer avec les notions de « vitrine », de rapport à l’eau, la dimension créative et originale est primordiale. 3/ un kiosque pour pique-nique : afin de contrôler les aires de pique-nique, il s’agit de concevoir un petit kiosque complètement ouvert sur ses 4 faces pouvant accueillir 6 places assises avec une table, une couverture protégeant du soleil et des intempéries, un petit container poubelle discrètement intégré et éloigné de la zone repas. Il s’agit de dessiner tout le mobilier qui sera fixe et le kiosque. L’implantation de ce kiosque est libre par rapport au canal et doit faire l’objet d’une proposition où figurera en plan et en coupe la relation et distance souhaitée avec l’eau. > la dimension fonctionnelle est primordiale, l’ensemble des éléments doivent être côtés / mesurés en lien avec l’usage. Rendu / Evaluation : Utiliser les calques A2 / mettre votre nom et prénom en bas à droite / sens, nombre de pages et mise en page utilisés sont libres / tout document et dessin doit avoir un titre (plan de la capitainerie…) + une échelle / les échelles de rendu sont libres mais privilégier celles du 1/100 et du 1/50 / Les dessins doivent permettre de comprendre et d’exprimer vos idées (croquis / plans / coupe / façade / détail…) / des légendes ou indications écrites peuvent être portées sur les documents. Le projet 1 est noté sur 6pts / le projet 2 noté sur 8 pts / le projet 3 noté sur 6 pts / Les critères principaux sont : qualité et soin du rendu / cohérence de la conception avec la demande / qualité et créativité de la proposition