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J’aime, j’en parle : Emilio Morenatti
Emilio le photojournaliste :
Emilio Morenatti est né en 1969 en Espagne. Il a commencé sa carrière de photojournaliste en 1989 pour « Jerez de la Frontera », un
journal local. En 1992, il rejoint l’agence EFE, la principale agence d’informations espagnole et s’installe à Séville. De là, il couvre de
nombreux événements nationaux et internationaux, dont plusieurs Jeux Olympiques et la guerre d’Irak en 2002. Fin 2003, il se rend en
Afghanistan en tant que correspondant pour l’agence Associated Press basée à Kaboul alors même qu’il maîtrisait encore mal l’anglais. Il y
couvre la guerre et la chute du régime taliban et la transition démocratique qui s’ensuit. Dès lors Emilio va acquérir des années
d'expériences dans différentes zones de guerres,
que ce soit en Afghanistan, au Pakistan, en Israël ou
dans les territoires palestiniens, il est le porte
drapeau de l’AP. Ainsi en 2005, l’agence l’envoie au
Moyen-Orient pour couvrir le conflit dans la ville de
Gaza et à Jérusalem. En 2006, alors qu'il opère dans
le cadre du conflit de Gaza City, il est kidnappé par
des hommes armés avant d'être libérés sain et sauf
le lendemain. Il est actuellement basé au Pakistan et
couvre l'Asie centrale toujours pour l’AP. Il est
nommé, en 2008, photographe d’actualité de l’année
par Pictures of the Year International.
L’accident :
En Afghanistan, en août 2009 alors âgé de 40 ans, il
fait hélas partie des quatre hommes grièvement
Islamabad 2009
blessés parmi deux journalistes d’AP et deux
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A displaced girl collects water from a water truck in Shah Mansour refugee camp, in northwest Pakistan 2009
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A Pakistani man waits next to his tools to be hired as a day laborer in a street in Rawalpindi, Pakistan 2009
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soldats américains. Le Stryker, blindé à huit roues
dans lequel il voyageait avec des soldats américains
pour ce qui aurait dû être sa dernière patrouille
avant de rentrer chez lui a heurté une bombe en
bordure de route et s’est retourné. Inconscient,
Quand il se réveille, il a essayé de se lever, mais il
ne le pouvait pas, son pied gauche était suspendu
par quelques tendons : « J'ai ressenti une douleur
brutale, comme une décharge électrique, qui a
commencé dans ma jambe et a balayé le reste de
mon corps. Encore à l'intérieur du véhicule, j'ai
pensé à ma femme pour rester en vie. Finalement,
des soldats m'ont trouvé et m'ont chargé dans un
hélicoptère à côté d'un soldat qui avait perdu ses
deux jambes. Nous avons décollé de la capitale dans
An Afghan man carries a bundle of balloons as he walks along a street on the outskirts of Kabul, Afghanistan 2008
la province de Kandahar vers un hôpital de Dubaï. La
solidarité à ce moment est la dernière chose dont je
me souvienne avant de me réveiller dans une tente de l'hôpital et constater que ma jambe gauche a été amputée en dessous du genou. Il n'y
avait aucune possibilité de la sauver, c’est ce que les médecins m'ont dit, car os et tissus avaient été détruits par des éclats. Mais
heureusement, mon genou était intact, et que cela ferait une différence importante dans ma future mobilité, expliquent-ils. » Quand on lui
demande ce qui est le plus difficile, entre réadaptation physique et psychologique, il dit que les deux vont de paire : « Si vous n'avez pas
réussi à assimiler ce sentiment de perte, que votre vie a changé et ne sera plus jamais vraiment la même, vous n'arriverez jamais à vous
remettre complètement d’une amputation. Même si votre jambe manquante est remplacée par une prothèse, la perte n’en reste pas moins
permanente ».
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Pénitent, Séville, Espagne 2010
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People walk past a boy playing marbles in the street in Rawalpindi , Pakistan 2009
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Emilio intervient également après le drame de Boston,
alors que de la fumée s'échappe encore autour des
blessés : « Je sais ce qui se passe dans la tête des
victimes mutilées. Ils sont à la fois conscients et
inconscients. Ils veulent crier, mais ils ne peuvent pas
crier. Ils veulent se réveiller d'un cauchemar, mais ils
sont éveillés. Submergé par un sentiment de déjà vu, je
sens mon passé converger avec le présent en voyant ces
spectateurs
blessés.
J'ai
perdu
ma
jambe
dans
l'explosion d'une bombe. Je connais ce qu’est le choc
violent d'une journée qui commence bien et qui se
termine par une amputation, dans le brouillard des
médicaments, le ressenti de la chirurgie et les mois de
rééducation douloureuse. Je sais quelle souffrance
attend ces gens qui ont perdu un membre ou plus au
marathon de Boston en ce lundi 15 Avril 2013. C'est le
An Egyptian man sleeps on the wheels of a tank in Cairo's Tahrir Square in early February during a lull in the popular
protests that had called for the ouster of Egyptian president Hosni Mubarak, Egypt 2011
jour où leur monde a changé, le mien a changé le mardi
11 août 2009. » … « La différence entre ceux qui ont perdu des membres à Boston et moi, c'est que je savais que je prenais un risque dans
une zone de guerre alors qu'eux étaient simplement sortis pour encourager des parents et amis lors d’un événement sportif. Ils n'étaient
pas censés être en danger ! »
Rééducation :
Plus tard lors de sa rééducation qu’il commence à Baltimore et termine à Washington, il avoue avoir apprécié encore plus sa « chance »
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Afghanistan, 2009
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Afghan women walk through a street in the central market of Kabul, Afghanistan 2008
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d’être passé par Walter Reed et confie avoir réalisé que le destin est marqué par l'endroit où l’on est né. Effectivement, en Afghanistan,
Emilio avait visité un centre de rééducation, considéré comme l'un des meilleurs du pays, géré par la Croix-Rouge à Kaboul. L'hôpital était
l'un des rares qui fournissait des prothèses aux patients, y compris aux enfants dynamités par les mines oubliées dans les zones rurales. De
quoi relativiser sur son propre sort sans doute, même s’il est impossible pour nous autres valides, d’imaginer comprendre ce sentiment. La
force des soldats blessés de Walter Reed l’a, selon ses dires, beaucoup aidé. « Même si pour beaucoup, leurs blessures étaient tellement
pires que la mienne, je n'ai jamais entendu personne se
plaindre de douleurs ou verser dans l'apitoiement…
Nous avons partagé nos expériences quotidiennes et les
difficultés, souvent avec humour. Un jour un soldat qui
avait perdu ses deux bras et ses deux jambes, taquin
m'avait appelé "Coupe papier" pour mes moindres
blessures, et je l'avais appelé "tronc" et nous avons ri…
» Morenatti retourne sur le terrain en 2012, pour
notamment couvrir le conflit libyen, sur lequel il a réalisé
un reportage qui sera primé. Emilio, quant à lui, dit ne
pas savoir si son approche de la photographie a changé
depuis son accident. Il reconnait mieux réfléchir à sa
photo avant de la prendre afin d’économiser son énergie.
Cependant,
quand
il
s’exprime
sur
les
jeux
paralympiques, son ton change. « Couvrir les jeux
A group of young people playing football at a club in Port-au-Prince with lower limb amputations due to earthquake,
Haiti 2010
paralympiques fut une expérience incroyable qui n’est
comparable à aucune autre expérience », confie-t-il dans
une interview accordée au Guardian. Il avoue ne pas
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A Pakistani girl peers over part of a makeshift tent in Chota Lahore Refugee Camp in Swabi, Pakistan 2009
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A Pakistani lawyer runs away from tear gas fired by police officers outside the residence of the country's deposed chief justice Iftikhar Mahmood Chaudhry during a protest
in Islamabad, Pakistan 2008
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avoir plus d’empathie pour les athlètes paralympiques qu’en les photographiant, et regrette que cela ne se reflète pas dans ses photos.
Aujourd’hui, Emilio est basé à Barcelone en tant que photographe en chef AP pour l'Espagne et le Portugal. Emilio fait partie de ces
photographes passionnés qui n’abandonnent jamais leur métier et nous touche, tant par sa personnalité, que par la qualité de son travail.
Un immense photographe :
Les nombreuses récompenses reçues par Morenatti
incluent des prix comme le Fuji European Press
Awards en 1996 et le National Headliner Awards en
2005 et en 2006. Il a également gagné le prix du
Photojournaliste de l’année en 2010, lors de la
compétition du meilleur photojournaliste, sponsorisé
par la National Press Photographers Association pour
son reportage « Déplacés en Tunisie » de mars 2001.
Ce document en images raconte le début de la
révolution libyenne, quand plus de 250 000 travailleurs
émigrés ont fuit les combats en Libye pour les pays
voisins, principalement la Tunisie et l’Egypte. A la
frontière entre la Tunisie et la Libye, des milliers de
réfugiés se sont entassés dans les camps pouvant
accueillir parfois jusqu’à 20 000 personnes, en
attendant leur évacuation. Ceux qui venaient de Libye
ont déclaré avoir tenté de fuir, mais ont été retenu par
A Pakistani butchers holds a knife after slaughtering a cow to mark the beginning of Eid al-Adha in Rawalpindi, Pakistan
2008
la violence des combats sur les routes.
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Pakistani Kushti wrestlers prepare the soil in the ring prior to a competition at the Champion Shahadra Wrestling Club in the Old City of Lahore, Pakistan 2008
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Cette femme, qui cache son visage derrière un voile, lit, sur la place Tahrir, le quotidien indépendant égyptien Al Shorouk qui titre en une Le peuple veut construire un nouveau
régime, Caire, Egypt 2011
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Cette série d’images est une chronique de la vie de ces réfugiés.
Pour ce même reportage Emilio recevra le prix Lucas Dolega 2012
et exposera en janvier et février 2013 à la galerie « La Esquina » de
Marseille.
A displaced girl does the washing in a river next to her tent at the Chota Lahore refugee camp, at
Swabi, in northwest Pakistan 2009
Les sites sur lesquels vous pourrez voir son travail sont :
http://www.morenatti.com/ (Page temporairement hors service),
http://www.worldpressphoto.org/people/emilio-morenatti
et
http://emiliomorenatti.photoshelter.com/gallery-list
Hamas security officers stand guard as thousands of Hamas supporters gather during a rally in Gaza
city 2007
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Squal

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