Les responsabilités du fait des produits défectueux

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Les responsabilités du fait des produits défectueux
11 LA RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
Identifier les garanties nécessaires pour se prémunir de risques
Délimiter le contenu et l’étendue des garanties dans une situation donnée
Identifier la nature juridique de la responsabilité dans une situation donnée
Analyser une situation de dommage
À côté des règles classiques de la responsabilité (cf. chapitres précédents), le droit
moderne a créé, notamment au travers de la loi du 19 mai 1998 (articles 1386-1 et
suivants du Code civil), un régime spécifique de responsabilité du fait des produits
défectueux. On peut dire que cette responsabilité du fait des produits défectueux
d’une façon originale, transcende la distinction classique entre responsabilité
contractuelle et responsabilité délictuelle, puisqu’elle relève de l’une comme de
l’autre. C’est là, la marque d’un droit moderne, qui préfère dépasser les anciennes
références pour servir efficacement l’objectif de sécurisation des personnes.
I- DOMAINE DE LA RESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX
A. LA RESPONSABILITE DU PRODUCTEUR
- Pour le Code civil, le responsable au sens large du fait des produits défectueux
c’est le producteur mais pas seulement le fabricant du produit stricto sensu, il s’agit
également des différentes personnes intervenant dans le processus de production.
- Concrètement, le responsable est celui qui vend le produit sous sa marque ou
sous son nom ou encore celui qui l’importe en Europe, et, si le producteur ne
peut être identifié, c’est alors le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur
professionnel.
- Plus encore, le responsable est aussi celui qui produit une matière première ou au
contraire, un simple composant entrant dans la fabrication du produit.
- En somme, la responsabilité pèse sur tous les professionnels ayant concouru
à mettre sur le marché le produit défectueux.
- Cependant, la loi prévoit une règle d’exonération de la responsabilité pour le
vendeur ou le loueur, à savoir la communication à la victime de l’identité du
fabricant.
- Mais, la responsabilité du producteur est dite « objective » c'est-à-dire non fondée
a priori sur l’hypothèse d’une origine fautive de la défectuosité du produit parce
que la loi prend en compte la réalité du monde industriel dans lequel les
professionnels qui interviennent dans la fabrication et la distribution d’un produit sont
souvent nombreux et il est alors difficile d’établir précisément la faute pouvant
expliquer le défaut de sécurité du bien mis sur le marché.
- A ce titre, l’acception du terme « produit » est très large puisque ce dernier
désigne généralement un bien issu d’un processus de transformation de la matière et
qu’il peut donc être un bien de consommation, un bien d’équipement y compris
professionnel, un produit agricole, un produit énergétique tels que l’électricité, un
médicament, un produit issu du corps humain comme le sang ou le plasma, etc.
- La défectuosité du produit s’entend évidemment comme une dangerosité de ce
dernier en ce sens qu’il ne présente pas « la sécurité à laquelle on peut
légitimement s’attendre ».
- Mais, comme nous l’avons précisé ci-avant, la loi considère objectivement le
défaut. Le produit peut-être irréprochable dans sa conception mais dangereux dans
sa production parce qu’il manque tout simplement, une notice d’explication pour un
médicament ou parce que le matériau rend le produit dangereux.
B- LES VICTIMES
- Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux protège toutes
les victimes : consommateurs comme professionnels.
- Toutefois, le contrat de vente entre professionnels peut valablement comporter
une clause limitative ou exonératoire de responsabilité alors qu’une telle clause
est réputée nulle dans le cadre d’un contrat de vente avec un particulier.
- Mais, la clause limitative ou exonératoire de responsabilité dans un contrat entre
professionnels ne pourra concerner que les suites de la défectuosité touchant
des biens à caractère professionnel.
II. LA MISE EN ŒUVRE DE LA RESPONSABILITE
A. DOMMAGE, FAIT GENERATEUR ET LIEN DE CAUSALITE
Au plan des dommages, la défectuosité du produit n’entraîne pas l’obligation de
réparer les défauts du produit lui-même. Outre la garantie légale contre les vices
cachés ou rédhibitoires, seuls sont couverts les dommages issus de la dangerosité
du produit et affectant les personnes ou les biens sachant que la loi précise
cependant que le préjudice subi doit dépasser 500 euros et même si le bien
défectueux a peu de valeur, la victime peut être indemnisée en cas de dégâts
importants causés par le produit dangereux (explosion ou incendie, par exemple).
Les autres dommages retenus sont :
- Le dommage corporel (blessures, décès)
- Le dommage économique (perte, manque à gagner)
- Le dommage moral (atteinte aux sentiments d’affection, pretium doloris, préjudice
d’agrément).
L’objectif de la loi étant de généraliser l’obligation de sécurité du producteur, elle
prévoit que cette responsabilité puisse être invoquée indifféremment par le
cocontractant (acheteur ou locataire) et par toute personne concernée par la
défectuosité dangereuse du produit (celui qui a reçu le bien en cadeau, celui à qui il
a été prêté, etc.).
B. LA DISPARITION DE LA RESPONSABILITE
Outre les causes d’exonération de responsabilité évoquées ci-avant, le droit admet
des causes spécifiques de disparition de la responsabilité du producteur :
- si le producteur n’a pas mis lui-même le produit en circulation (si le produit a
été volé, par exemple)
- si le défaut du produit est né postérieurement à sa mise sur le marché
- si le produit n’était pas destiné à être vendu ou distribué (par exemple lorsque le
producteur n’a pas fabriqué ni cédé le produit dans le cadre de son activité
professionnelle)
- si l’état des techniques ne permettait pas de déceler le défaut du produit au
moment où il a été mis sur le marché. On parle d’« exonération pour risque de
développement » car, le Code civil retient la règle selon laquelle on ne peut être
tenu pour responsable des dangers d’utilisation que l’on ne pouvait ni prévoir ni
prévenir du fait de l’insuffisance des connaissances techniques ou scientifiques.
Mais, il revient au producteur de prouver, au moment où le produit a été mis sur le
marché, que les informations techniques et scientifiques disponibles ne lui
permettaient pas de prévenir une défectuosité dangereuse.