Ventilation double flux, avis d`expert

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Ventilation double flux, avis d`expert
regard sur
regard sur
Ardent défenseur de la
maîtrise de l’énergie
dans l’habitat, Olivier
Sidler a notamment été
conseiller lors du Grenelle
de l’Environnement. En
tant qu’expert reconnu,
il anime régulièrement
conférences et formations.
autres solutions existantes (en simple
flux) s’appuient sur une réduction du
débit d’air. Mais cette stratégie, si elle
est bon marché, n’en présente pas
moins de nombreux risques affectant la santé des usagers et générant
des pathologies sur la construction
(moisissure, etc.). On ne saurait trop
recommander de faire le choix d’un
débit de renouvellement d’air important, car l’intérieur des habitations est
aujourd’hui fortement pollué par les
matériaux de construction et d’ameublement (sans parler des risques de
radon). Dans ce contexte, la ventilation
double flux s’impose, avec ses avantages et ses inconvénients.
L’entretien des filtres,
le vrai du faux
© Olivier Sidler
On lui reproche souvent son entretien.
Elle dispose effectivement d’un filtre sur
l’air neuf qui évite l’entrée massive de
poussières dans le logement. Au regard
de l’état des filtres après quelques mois
de fonctionnement, on se dit qu’ils ne
sont pas vraiment de trop. Mais un filtre
trop encrassé perturbe gravement le
Ventilation double flux,
avis d’expert
Directeur du bureau d’études Enertech, célèbre pour ses campagnes de mesures
énergétiques in situ, et expert reconnu de l’association négaWatt, Olivier Sidler
partage avec nous sa vision d’un équipement controversé, la ventilation double flux.
L
e poids du renouvellement
d’air dans les bâtiments
à très faible consommation se situe entre 35 et
45 kWh/m².an. Pour
atteindre le niveau passif
ou BBC, on est donc contraint de récupérer la chaleur de l’air extrait. Toute
solution de ventilation assurant un débit
14 • La Maison écologique N°78
sanitaire suffisant (c’est-à-dire de l’ordre
de 0,6 vol/h minimum) doit donc impérativement être munie d’un dispositif de
récupération de chaleur. C’est ce service
qu’offre principalement la ventilation
double flux.
Il existe sur le marché d’autres solutions
pour réduire la charge énergétique du
renouvellement d’air. Il y a les pompes
à chaleur sur l’air extrait. Elles peuvent
préchauffer de l’air neuf, mais dans
ce cas l’installation est aussi de type
double flux (car il faut bien un réseau
pour amener l’air chaud), ou elles
peuvent faire de l’eau chaude sanitaire, malheureusement avec un coefficient de performance, aujourd’hui
encore, assez peu flatteur. Toutes les
Contacts
Enertech
(BE ingénierie énergétique)
Le Village
26160 Félines-sur-Rimandoule
Tél. 04 75 90 18 54
www.enertech.fr
(nombreuses études en libre accès)
Association négaWatt  
(groupe d’études, de propositions
et d’action pour une politique
énergétique fondée sur le  
tryptique sobriété - 
efficacité - renouvelables)
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26958 Valence Cedex 9
[email protected]
www.negawatt.org
Institut négaWatt (formations,
études, accompagnement)
BP 16181
26958 Valence Cedex 9
Tél. 04 75 58 60 85
www.institut-negawatt.com
fonctionnement de la ventilation et il
doit être nettoyé. Il est exact qu’en ville
ce nettoyage doit être effectué environ
tous les quatre mois. Mais avec une ventilation naturelle ou simple flux, toutes
les poussières seraient entrées dans le
logement et auraient été respirées par
les habitants. Contrairement à ce que
l’on entend souvent, un filtre encrassé
n’est pas une source de pollution du
réseau et de la maison : au contraire,
plus il est encrassé, plus il filtre car la
taille des mailles se réduit au fur et à
mesure de l’encrassement.
Dans le contexte d’une
construction performante,
la ventilation double
flux s’impose, avec ses
avantages et ses
inconvénients.
Impact sonore
d’une double flux
On parle aussi du bruit que pourrait
faire une ventilation double flux. Si elle
est bien mise en œuvre, le seul bruit
que l’on puisse percevoir est celui de
l’air au travers des bouches de soufflage.
Il s’agit d’un petit sifflement dont le
niveau sonore est de 20 ou 25 dB, et qui
doit rester à peine perceptible. Mais il
est inévitable. Toutefois on s’adapte très
rapidement à sa présence. En revanche,
si le caisson est de mauvaise qualité, si
le réseau n’est pas bien mis en œuvre,
la ventilation peut s’avérer bruyante et
on peut entendre le bourdonnement du
ventilateur en permanence. Il faut considérer dans ce cas que l’installation n’est
pas conforme à ce qu’elle aurait dû être,
et il ne faut pas hésiter à faire revenir
l’installateur pour qu’il améliore sa mise
en œuvre. De nombreuses techniques
existent pour piéger le son des installations de ventilation. On déconseillera
toutefois les conduits souples double
peau en " papier aluminium " qui sont
beaucoup trop fragiles et n’assurent pas
du tout l’étanchéité à l’air parfaite dont
une installation double flux a besoin
pour fonctionner correctement.
Double flux
et consommation électrique
La dernière critique récurrente faite à la
ventilation double flux est sa consommation d’électricité. Celle-ci n’est pas
une fatalité. Une installation peut avoir
une consommation extrêmement
faible si le réseau a de faibles pertes
de charge, si les antennes sont courtes,
si la machine a bien été dimensionnée, etc. La consommation annuelle
d’électricité d’un caisson double flux
en maison individuelle doit se situer
entre 2 et 3 kWh/m² habitable. Cette
valeur est fréquemment rencontrée, et
elle assure une bonne cohérence au
choix de la ventilation double flux (car
le risque serait que la chaleur récupérée dans l’échangeur soit inférieure
à la surconsommation électrique du
caisson). On peut aussi conseiller
aux utilisateurs, lorsqu’ils arrêtent le
chauffage, de couper la ventilation
mécanique (dont l’intérêt est surtout
en hiver) à la condition impérative
d’ouvrir en permanence les fenêtres
(de façon modérée bien sûr).
Dire que toutes les installations de
ventilation double flux sont posées
correctement ne seraient pas juste.
Trop d’installateurs ne maîtrisent pas
encore cette technique et se contentent
d’emboîter des conduits les uns dans
les autres depuis un ventilateur jusqu’à
une bouche. Il est donc nécessaire que
la profession se forme et progresse
techniquement afin d’offrir des installations dont on sait aujourd’hui
qu’elles peuvent parfaitement fonctionner, sans aucun inconvénient,
lorsqu’elles sont correctement mises
en œuvre.
On peut enfin aussi mentionner l’arrivée sur le marché de ventilation
double flux décentralisée. Il s’agit de
boîtiers muraux à placer dans chaque
pièce principale. Ils contiennent deux
petits ventilateurs, des filtres et un
échangeur. Ils nécessitent deux orifices dans le mur mais aucuns réseaux
d’air. Toutefois, ils renforcent les
contraintes de maintenance en imposant le changement d’un plus grand
nombre de filtres…
Olivier Sidler, directeur du
bureau d’études Enertech, expert de
l’association négaWatt et formateur à
l’Institut négaWatt.
z Texte
Contacts : page 77
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