Frédéric Steiner - Union Internationale des Alsaciens

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Frédéric Steiner - Union Internationale des Alsaciens
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n° 42 - Été 2013
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Ces Alsaciens qui firent
le monde :
Frédéric Steiner
(1788-1869),
l’industriel du
« rouge turc »
en Angleterre
Frédéric
Steiner
L’aventure industrielle de Frédéric Steiner en Angleterre
est intimement liée à celle
des manufactures textiles de
Haute-Alsace au XIXe siècle et
à celle du rouge d’Andrinople
(ou rouge turc) qui était une
de leurs spécialités. La production de cette couleur, essentielle pour la fabrication
des indiennes particulièrement en vogue à l’époque,
exigeait des manipulations
complexes ainsi qu’une longue
période de séchage à l’air et
au soleil de près de six semaines. Né à Ribeauvillé en
1788, Frédéric Steiner semble
avoir eu une expérience dans
ce domaine quand il quitte
l’Alsace au début de la Restauration pour tenter sa
chance en Angleterre. Grâce
à ses connaissances en chimie,
il est rapidement engagé par
la manufacture d‘impression
Broad Oak à Accrington, près
de Manchester, une des plus
prestigieuses du Lancashire.
Au début des années 1830, il
met au point un procédé de
fabrication du rouge turc qui
permet d’éviter d’exposer les
tissus à l’air. Il garde le secret
de sa découverte et ne dépose pas de brevet pour la
protéger. La découverte est
pourtant importante, comme
l’attestent plusieurs articles
« L’éléphant indien », impression sur coton teint en rouge Steiner, Angleterre
Souche d’échantillons de F. Steiner, Accrington, 1846
parus dans les journaux spécialisés britanniques sur ce
que l’on appela le « Steiner’s
red » (« rouge Steiner »). En
1836, Steiner entre en affaires avec l’industriel Robert
Peel – le père du futur premier ministre qui fait abolir
les Corn Laws, ouvrant ainsi
la voie au libre-échange – à
qui il achète des ateliers à
Church, près d’Accrington, et y
installe un moulin à garance et
une manufacture de produits
chimiques. En 1840, en association avec un autre partenaire anglais, il commence
l’impression sur tissus. Sa société, F. Steiner & Co, connait
un réel succès dans toute
l’Angleterre et il commence à
exporter vers l’Europe. Devenu sujet britannique en
1836, il s’implique dans la vie
sociale de sa ville, notamment en faveur de l’église
(baptisé luthérien, il rejoint
l’église anglicane) et d’écoles
ainsi que des mechanics institutes, ces cercles oeuvrant
pour la formation des ouvriers. Propriétaire à Hyndburn d’un des plus beaux
manoirs de la région, il prend
une part active dans les débats politiques et est proche
des dirigeants libéraux comme
Richard Cobden. Steiner meurt
en 1869 et sa veuve prend la
relève. Jusqu’en 1897, l’entreprise reste entre les mains
de la famille, puis elle est
transformée en société anonyme. Elle reste florissante
jusque dans les années 1920,
et malgré quelques difficultés, poursuit son activité
jusque dans les années 1950.
La société connaît pourtant
un prolongement en Alsace
jusqu’à nos jours. En 1831 en
effet, Frédéric Steiner est rejoint par son neveu, Charles
Emile Steiner, qui participe à
la mise en route de l’usine de
Church et y fait ses premières
armes. En 1839, le neveu revient à Ribeauvillé pour y
fonder une filiale de la société
anglaise sur le continent.
Cette manufacture, installée
dans les locaux d’une ancienne teinturerie, fabrique
mouchoirs, châles, indiennes
et tissus d’ameublement dans
le fameux « rouge Steiner »
qui lui vaut une réputation
internationale. L’unité alsacienne, devenue indépendante, est reprise par Charles
Frédéric Steiner, le fils de
Charles Emile, et poursuit son
activité sous le nom de Steiner jusqu’en 1979. Malgré la
sévère crise du secteur du
textile en Alsace, elle est alors
remise à flots par la famille
Borin. Sous la marque Beauvillé, l’entreprise de Ribeauvillé est aujourd’hui la seule
manufacture d’impression sur
étoffes qui poursuit la tradition textile, autrefois un des
fleurons de l’industrie en Alsace.
Philippe Edel
Secrétaire de l’UIA

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