À Firminy, on tape le cuir contre les discriminations

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À Firminy, on tape le cuir contre les discriminations
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Samedi 6 avril 2013
SPORT & FORME
avis aux amateurs
A Firminy, on tape le cuir
contre les discriminations
prix « le monde » - fais-nous rêver
Depuis 2006, le club de football de cette ville proche de Saint-Etiennerenforce
son engagement social en accompagnantdes jeunes de quartiersdifficiles
le revers de la médaille
Alain Bernard dans
le grand bain de la vie
postolympique
Médaillée d’or du relais aux JO de Londres,
la star de Pékin 2008 prépare sa reconversion
Emmanuel Versace
I
Mercredi 20 mars, sur la pelouse du Football club olympique Firminy.
SYLVAIN FRAPPAT POUR « LE MONDE »
Benoît Pavan
Firminy (Loire), envoyé spécial
A
Firminy, commune de
20 000 âmes située à une
poignée de kilomètres au
sud-ouest de Saint-Etienne, les habitantssont administrativement désignés
comme les « Appelous» depuis le XIXe siècle. Un clin d’œil à l’histoire de la ville, plus
précisément au tablier en peau de bête, la
« pelou », jadis porté par les cloutiers de
cette ancienne cité minière à l’identité
ouvrière bien trempée, aujourd’hui durement touchée par la crise.
S’il est une autre référenceau passé de Firminy qui ne manque pas de singularité, à
l’instarduprojet urbanistiqueimaginé dans
les années 1960 par Le Corbusier, c’est bien
le Football club olympique Firminy (FCO).
Créé en 1940, ce club cosmopolite, où évoluent quelque 380 licenciés, a décidé d’opérer un virage social d’envergure il y a sept
ans. L’initiative fait aujourd’hui du FCO l’un
des moteurs des efforts d’insertion par le
sport engagés par la municipalité.
Tout débute pourtant par un épisode de
fortes turbulencesque les dirigeantsdu club
évoquent encore aujourd’hui avec amertume. En 2006, toutes les sections du FCO,
notamment celles accueillant les plus jeunes, sont pleines à craquer. « Nous avions
atteint nos limites de fonctionnement. Nous
avons été contraints de refuser des gamins »,
se souvient Jacques Cuq, 50 ans, président
du FCO Firminy. Une rumeur laisse entendre que le club a volontairement écarté les
enfants issus de l’immigration. « On nous
traitait de racistes. Nos murs ont été tagués
d’insultes», raconte Jacques Cuq, qui décide
alors,pourrétablirl’imageduclub,derenforcer son engagement social. L’idée est d’aller
au pied des barres d’immeubles, dans les
MJCetlescentressociaux,aucontactdesjeu-
LES SOUTENUS
250 000 BÉNÉVO
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PLUS DE 1000
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ACCOMPAGNÉS
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ET ASSOCIATIO
17 000 CLUBS
nes des quartiers difficiles, souvent éloignés
de la pratique du football en club, pour y
organiser des matchs et rompre leur isolement. Des liens sont noués avec ces structures,maisl’ententeestfragilecarl’imagevéhiculéeparleFCOestencoretroubleetlamunicipalité se montre réticente. Un an plus tard
seulement,le projet est intégré à la politique
de la Ville et bénéficie de financements.
« La municipalité s’est aperçue que le projet permettait aux jeunes d’intégrer le FCO
sans avoir à payer de cotisation. Ce qui n’est
pas rien quandon sait que certaines familles
« La plus grosse
difficulté a été de faire
cohabiter la politique
sportive et les
aspirations sociales
du club »
Jacques Cuq
président du FCO Firminy
la payent en dix fois», précise Jacques Cuq.
« Petit à petit, nous avons fait retomber le
soufflé. L’image du club a changé, mais il
nous a fallu pour cela montrer de quoi nous
étions capables », ajoute Gabriel Rodriguez,
vice-président du FCO.
Au fil des ans, le dispositif évolue et se
dote d’un nom, « Intersport», qui s’accolera
au logo du FCO. Ses éducateurs interviennent deux fois par semaine dans les quartiers pour animer des sessions football et
promouvoir d’autres activités sportives. Le
club emmène ses jeunes pousses en vacances et aide les plus grands à trouver un
emploi en les mettant en contact avec son
réseau d’entreprises partenaires. Depuis
2010,le club organiseuneséance hebdomadairedestinéeaux pensionnairesd’un Institut médico-éducatif (IME).
L’implantation d’Intersport au sein de la
politique du club a toutefois causé quelques dommages collatéraux. L’initiative a
fissuré la croissance sportive de son équipe
fanion, qui évolue aux portes de la CFA2.
« La plus grosse difficulté a été de faire cohabiter la politique sportive et les aspirations
sociales du FCO. Certains joueurs et parents
ne se sont plus reconnus dans le club et l’ont
quitté. Mais le volet social nous a permis de
nouer des liens essentiels avec le tissu économique local. Aujourd’hui, l’équilibre budgétaire est atteint », détaille Jacques Cuq, ajoutant que sur les 275 000 euros de budget
annuel du FCO, la moitié est consacrée au
développement d’Intersport.
Une fois par an, le club invite des jeunes à
venir taper le cuir lors d’une journée contre
les discriminations. Difficile, toutefois, de
quantifier les retombées d’Intersport. « Le
brassage des classes sociales, c’est dans
l’ADN du club. Les gamins ne s’en rendent
même pas compte. Ce sont les parents qu’il
faudrait sensibiliser », commente Julie
Debever, 24 ans, l’une des huit salariés du
FCO. Défenseur dans l’équipe féminine de
l’AS Saint-Etienne, elle intervient quatre
foispar semainecomme éducatrice.« Beaucoup de jeunes arrivent à se structurer au
club. On leur pose un cadre par différentes
contraintes éducatives, et on les sanctionne
dèslors qu’ilsydérogent,conclutHamidKaiboue,entraîneurdes moinsde15 ans. Le projet a permis à des jeunes difficiles d’évoluer
dans un cadre sécurisant, alors qu’ils étaient
livrés à eux-mêmes. Ici, ils se sentent reconnus et considérés.» p
Cette association concourt au prix
« Le Monde » - Fais-nous rêver, qui vise
à récompenser un projet d’éducation
par le sport. Pour en savoir plus : Apels.org
RHÔNE-ALPES,
EN
LE
SPORTR TOUS
POU
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ET PARTO
l a sans doute été le champion
olympique le plus discret de
Londres. Non qualifié pour les
épreuves individuelles, Alain
Bernard, champion en titre du
100 mètres nage libre, avait dû se
contenter d’une pige dans le relais
du 4 × 100 m. A l’entraînement, le
lendemain de la demi-finale qu’il
remportait avec l’équipe de France,
la nouvelle tombait comme un couperet: il ne terminera pas en beauté en participant à la finale.
« A ce moment précis, j’ai senti
que c’était fini. J’ai encore cette image de sortir du bassin de récupération de Londres et de me dire : c’est
la dernière fois que je sors de l’eau
en tant que nageur de haut
niveau.» Les Français arrachèrent
l’or aux Américains. Quelques
minutes plus tard, La Marseillaise
retentissait dans l’Aquatics Center,
mais lui était dans les gradins.
Qu’importe, main sur le cœur, il
chantait les couplets de Rouget de
Lisle. Certes, elle était moins éclatante que celle décrochée quatre
ans auparavant à Pékin, mais cette
médaille d’or, Alain Bernard ne l’a
pas volée.
Quand tout s’arrête à 29 ans,
après une vie consacrée à la natation, que faire de sa nouvelle existence ? Jusqu’ici, son quotidien
était rythmé par les mégamètres
de longueurs engloutis chaque
mois, les séances de musculation,
de kinésithérapeute, les compétitions et la pression qui va inéluctablement avec. « Quand j’étais
nageur, j’ai toujours eu des objectifs sur la saison ou sur l’année. En
tant que sportif de haut niveau, les
miens étaient d’être le plus performant possible. Quand tout ça disparaît, ça fait du bien, et en même
temps c’est déconcertant», répond Alain Bernard, la voix fatiguée par un tournage pour l’un des sponsors qui a continué à
miser sur lui. « J’ai des contrats avec EDF, Arena, Homair Vacances et Eurosport jusqu’en 2015, mais je suis dans une période de
réflexion profonde par rapport à mon avenir à long terme. »
Consultant pour Eurosport
Lui qui, enfant, rêvait d’être pilote de ligne ou sapeur-pompier
se donne deux ans pour réfléchir à sa vie future. « J’ai un projet
de stages pour entreprises sur un jour ou deux, mais ce que je
veux avant tout, c’est me sentir utile. Quand j’étais à la gendarmerie [jusqu’en décembre 2012], j’ai appris pas mal de choses
sur le courage et l’envie d’aider les autres. »
En attendant d’avoir arrêté une direction définitive, il prend
goût à son rôle de consultant pour Eurosport; il commentera
pour la chaîne les prochains championnats de France, à Rennes,
du 9 au 14 avril. « On m’a mis dans le vif du sujet dès ma première télé. Ça s’est plutôt bien passé », raconte-t-il. Le plus dur ?
« Etre objectif avec les nageurs du club d’Antibes ! » Alain Bernard sait que sa proximité avec les nageurs est un avantage,
mais pas question d’en profiter pour les harceler. « J’ai pris du
recul et j’ai conscience du travail énorme qu’il faut fournir pour
en arriver là. En même temps, c’est le prix pour la réussite. »
Entre deux sessions de mailing, Alain Bernard sait aussi profiter de son temps libre. Parachutisme, cours de pilotage aérien,
course automobile… Loin d’être en pleine déprime postolympique, il ne cesse de le répéter: « Je suis un homme heureux. » p
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