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RELATIONS INTERNATIONALES
Une approche
diversifiée
l’État s’alignent sur les revenus. C’est ce qui devrait se passer
progressivement d’ici trois à cinq ans, pour qu’à mesure de
la diminution des réserves de pétrole, il n’y ait pas de trop
grands remous. Du point de vue de la gouvernance, nous
avons tendance à considérer les pays pétroliers comme « de
mauvais pays » étant donné qu’il n’est pas réellement
nécessaire pour ces nations à fonds en fidéicommis d’augmenter les impôts de leurs citoyens et elles ne leur sont donc
pas redevables. Cela n’est pas un trait caractéristique du
Gabon – mais typique des pays producteurs de pétrole. Le
Gabon doit se concentrer sur son programme de gouvernance, mais d’après mes observations, je reste optimiste
avec certaines réserves sur le sérieux de cette démarche.
Olivier Fremond, le nouveau représentant pour le Gabon de La Banque mondiale arrive avec
une expérience particulière en matière de privatisation et de réglementation commerciale, qu’il
espère mettre à profit dans ses nouvelles fonctions.
LE GABON A été encouragé depuis 10 ans à privatiser
ses entreprises d’État pour développer un marché
plus compétitif. La vente de Gabon Télécom et d’Air
Gabon demeure une priorité essentielle. Comment les
choses avancent-elles aujourd’hui ?
Je pense que la privatisation de Gabon Télécom progresse
comme prévu et une offre de contrôle majoritaire devrait être
acceptée prochainement. C’est une excellente idée d’avoir
un investisseur étranger capable d’introduire le savoir-faire
technique et d’entamer des investissements lourds mais
nécessaires. En ce qui concerne Air Gabon, je sais qu’il y a des
BIENVENUE au Gabon. Quelles sont vos impressions
du pays jusqu’à présent ?
C’est mon premier séjour au Gabon et je trouve Libreville
très agréable. Je connais bien l’Afrique car j’ai été élevé en
Côte d’Ivoire. J’ai passé quatre ans au Maroc comme
conseiller auprès du gouvernement pour son programme de
privatisation et, depuis 10 ans, je voyage pour la Banque
mondiale (BM) de Washington DC sur tout le continent
africain, pour développer le secteur privé.
LE FMI vient d’annoncer une croissance de 3 % pour
le Gabon. Quelles sont à votre avis les priorités
économiques actuelles ?
Cette croissance n’est pas insignifiante, mais il est indispensable qu’avec les diminutions des réserves de pétrole, le pays
cesse de compter sur l’industrie pétrolière comme moteur de
son économie et qu’il fasse un sérieux effort pour se diversifier.
MALGRÉ UN PIB par habitant élevé, les indicateurs
sociaux sont à peine supérieurs à la moyenne des
indicateurs de l’Afrique subsaharienne. Comment
peut-on les améliorer ?
Le Gabon a un PIB élevé grâce à son secteur pétrolier, mais
il n’est pas équitablement réparti. Le partage est un des
sérieux problèmes que les autorités doivent affronter –
comment répartir la richesse chez les pauvres. Le gouvernement doit s’attaquer à la question de la redistribution de la
richesse via la croissance économique. Il est important que
la diversification ait lieu rapidement et que les dépenses de
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GABON . HIVER 2006
SARAH MONAGHAN, GETTY, PHILIPPE GSTALDER
QUELS SONT les secteurs économiques prometteurs ?
L’industrie forestière et l’écotourisme. Le Gabon a des
hectares de forêts, ce secteur a le potentiel de générer de
nombreux emplois. Néanmoins, plusieurs réformes dans la
structure législative doivent être appliquées, notamment en
ce qui concerne le monopole de la Société nationale des
bois du Gabon (SNBG), les quotas d’exportation et le rôle du
ministère de l’Économie forestière, des Eaux, de la Pêche et
de la Protection de la nature. Avec les 13 parcs nationaux qui
doivent être développés, l’écotourisme permettra de créer de
nombreux emplois. Le chef d’État, le président El Haj Omar
Bongo Ondimba, a promis son soutien personnel à ce projet
de réformes, ce qui signifie qu’il a reçu le signal de départ.
entretiens positifs entre Royal Air Maroc (RAM) et les
autorités gabonaises – les liens entre le Gabon et le Maroc
remontent à longtemps, ils datent de l’amitié entre l’ancien
roi Hassan II et le président Bongo. L’alliance avec RAM est
judicieuse. La compagnie relie déjà Casablanca à Libreville,
l’itinéraire pourrait donc être étendu à Johannesburg ou au
Cap. Je ne suis pas sûr cependant que, pour la nouvelle
compagnie, ce soit pratique ou rentable d’un point de vue
économique, d’aller de Libreville à Paris.
JE SUIS surprise que vous disiez cela puisque Air
France a le monopole de cette route ?
Il est vrai que la Banque mondiale n’aime pas les mono-poles
! Mais les conversations que j’ai eues avec les gens de l’industrie aérienne semblent indiquer que cette liaison soit
difficile à mettre en place.
LORS DE la réunion annuelle de 2006 du FMI et de la
BM à Singapour, on a accusé la Chine de ne pas
toujours agir dans le meilleur intérêt des pays
africains avec les prêts généreux qu’elle leur fournit.
Ces prêts ne devraient-ils pas être acceptés ?
Comme en Inde, l’expansion de la Chine s’accroît depuis
quelques années, et ce pays commence à participer à l’aide
commerciale. Certains y voient une menace ; d’autres sont
➔
RELATIONS INTERNATIONALES
DANS LE RÉCENT rapport de la BM « Doing Business
2007 », le Gabon arrive à la 132e position sur 175 pays.
Pouvez-vous décrire le milieu des affaires au Gabon ?
Il y a de nombreux goulots d’étranglement. La réglementation du travail est importante – elle doit devenir plus souple
et plus simple pour les entrepreneurs. La définition des droits
de propriété et son application représentent un autre problème. Les investisseurs doivent être assurés que ces droits
sont garantis et qu’en cas de litige, ils peuvent compter sur
un système judiciaire qui arbitrera de façon équitable.
L’ÎLE MAURICE s’est fixé pour objectif d’être classée
d’ici à 2009 parmi les 10 premiers pays où les affaires
se font facilement grâce à l’assouplissement de la
réglementation du travail, la réduction des taxes et
l’accélération des procédures de création d’entreprises. Le Gabon devrait-il faire de même ?
L’île Maurice est une véritable championne. C’est une petite
économie à faible population, mais la comparaison au
niveau macro-économique est difficile, car elle ne possède
pas les ressources pétrolières du Gabon. Le Gabon a cependant des leçons à tirer en ce qui concerne les délais nécessaires à la procédure d’immatriculation des entreprises.
COMMENT analysez-vous l’état du secteur financier ?
Les banques ne prêtent pas facilement et les petites et
moyennes entreprises ont des difficultés d’accès au finance-
20 GABON . HIVER 2006
«
»
LE GABON SE CONCENTRE
SUR SON PROGRAMME
DE BONNE GOUVERNANCE.
ment. Je suis aussi inquiet à propos des capacités de ce
secteur au sein de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). On a besoin de
banques avec une masse critique capables d’offrir des
services d’un pays à l’autre. Jusqu’à récemment, les banques
étaient dans une situation confortable, investissant dans des
titres publics garantissant un bon retour et elles n’ont pas
été agressives dans le développement de leurs portefeuilles
de prêts aux entreprises. Il y a aussi un grand secteur non
officiel et l’un des domaines à développer est celui du microcrédit. Mais il y a un revers à la médaille : les banques
doivent pouvoir faire confiance aux règles de comptabilité.
Le banquier doit pouvoir être sûr que les avoirs n’ont pas été
nantis plusieurs fois. Dans de nombreux pays, il y a plusieurs
séries de chiffres – une série pour l’homme d’affaires, une
autre pour le banquier, une troisième pour les autorités
fiscales et parfois même, une série pour l’épouse !
SELON UN rapport de la Banque mondiale, la croissance augmente dans les pays en développement
qui investissent pour améliorer l’éducation et la
formation à l’emploi. Comment analysez-vous les
efforts du Gabon ?
Tout ce qui peut être fait en matière de santé et d’éducation
fournira d’excellents résultats. Au Gabon, les élèves inscrits
dans le système scolaire sont relativement nombreux, mais le
niveau d’enseignement est médiocre et les programmes ne
correspondent pas aux besoins de l’emploi dans le secteur
privé. En tant qu’expert en gouvernance d’entreprises, j’ai
suggéré qu’il serait judicieux d’enseigner ce sujet aux
étudiants gabonais en maîtrise de droit et d’économie. Si au
Gabon, vous formez la nouvelle génération d’entrepreneurs,
vous la préparez à un meilleur avenir. Je m’entretiens de cela
avec le ministère de l’Éducation et c’est un projet auquel je
participerai avec enthousiasme.
LA BANQUE MONDIALE AU GABON
L
A BANQUE MONDIALE a ouvert son bureau à Libreville
en 2001 et finance le poste d’un directeur responsable
du Gabon, de São Tomé et Príncipe et de la Guinée
équatoriale depuis 2003. Depuis 1963, la banque supervise
un programme agressif destiné à réduire la pauvreté et à
améliorer les conditions de vie au Gabon ; depuis août 2006,
elle a approuvé 25 prêts s’élevant à 234 millions d’euros
portant sur une variété de projets : routes, éducation, approvisionnement en eau et exploitation minière.
La Stratégie d’assistance pays de la Banque, approuvée en
mai 2005, s’aligne sur l’approche définie dans le plan du
gouvernement pour l’amélioration du développement social
et économique : le Document de stratégies de croissance et
de réduction de la pauvreté et le Document national de
prospective Gabon 2025, qui est une évaluation des aspirations du peuple pour l’avenir du pays. À l’heure actuelle,
trois projets sont en cours , ils s’élèvent à 40 millions d’euros.
● Un Prêt d’Appui aux politiques de Développement pour la
gestion des Ressources naturelles de 12 millions d’euros a été
approuvé en novembre 2005 ; il est destiné à améliorer l’efficacité de la gestion des ressources naturelles, permettant ainsi
de réduire la pauvreté et de mieux protéger l’environnement.
Il couvre toutes les ressources naturelles renouvelables : forêts,
pêche, faune et nature et les secteurs de l’industrie minière
(manganèse principalement) et de l’industrie pétrolière.
● Une Subvention de 8 millions d’euros pour la gestion et le
développement durables des parcs nationaux et la biodiversité a été approuvée en mars 2006 pour aider le pays à gérer
ses parcs nationaux : « l’accent principal portant sur la mise
en place d’une structure juridique et institutionnelle pour les
13 parcs nationaux », a déclaré M. Fremond.
● Une Prêt pour un projet de développement de l’infrastructure locale de 20 millions a été également approuvé en mars
2006 pour financer le développement de l’infrastructure
urbaine et améliorer, pour la population à faibles revenus,
l’accès aux services publics de base et pour aider les petites
entreprises à répondre aux appels d’offre relatifs aux contrats
de travaux civils et de construction dans le secteur public.
notamment sur le financement pour l’assistance technique
et des investissements dans les infrastructures permettant de
renforcer les liens commerciaux et d’améliorer l’intégration
économique de la région de la CEMAC. Selon un porteparole : « Si l’objectif de réduire la pauvreté reste la principale
responsabilité du pays, la stratégie de la banque est basée
sur le principe que l’intégration régionale permet de réduire
la pauvreté en renforçant les liens entre les pays de l’intérieur
plus pauvres et leurs voisins côtiers plus prospères. » Cette
stratégie comprend des programmes visant à cons-truire de
nouvelles routes et améliorer les anciennes, moderniser et
intégrer le secteur financier et accélérer les délais de transactions portuaires et douanières.
Sarah Monaghan
Ci-dessus : la
Banque croit
fermement à
l’investissement
dans la jeune
génération
et soutient la
construction de
sept nouvelles
écoles de formation
professionnelle au
Gabon. Ci-contre :
la transparence
dans les industries
pétrolières est
encouragée par
la Banque et par
l’Initiative pour
la transparence
dans les industries
extractives.
Au grand jour
La Banque soutient également le Gabon dans son adhésion
à l’Initiative pour la transparence dans les Industries extractives (EITI) annoncée par Tony Blair lors du Sommet mondial
sur le développement durable de Johannesburg en 2002.
Les revenus sous forme de taxes, redevances, primes de
signatures et autres formes de paiement provenant des
entreprises de pétrole, de gaz et d’exploitation minière
devraient contribuer à la croissance économique des pays en
développement et en transition. Mais un manque de justification et de transparence de ces revenus risque d’exacerber
la mauvaise gouvernance et de mener à la corruption, au
conflit et à la pauvreté. « Le Gabon qui est signataire de l’EITI
a déjà rédigé son premier rapport. Il travaille sur le deuxième
avec notre assistance », a déclaré M. Fremond.
Le Gabon est devenu membre de l’Agence multilatérale de
garantie des investissements (MIGA) en mars 2003. Celle-ci
s’est engagée pour un premier investissement dans le pays : un
projet d’école pour la formation professionnelle dans six villes.
Le Gabon est également soutenu par la Banque mondiale
dans le cadre de la Stratégie d’assistance pour l’Intégration
régionale pour l’Afrique centrale. Cette assistance porte
PHILIPPE GSTALDER
VOUS ÊTES DONC optimiste quant au grand projet
d’exploitation du gisement de fer de Bélinga ?
C’est un très grand projet. D’après ce que je comprends de
l’industrie minière, une approche plus prudente quant au
délai de leur investissement aurait été plus normale. Les
Chinois se sont engagés à exploiter immédiatement le
minerai et ils consacrent d’importantes ressources à ce
projet. Cette exploitation va coûter plus de 2,3 milliards
d’euros, elle comprend la construction d’un barrage
hydroélectrique, d’une voie ferrée, d’un port en eau
profonde et l’extraction du minerai lui-même. On m’a dit
que le fer avait une haute teneur en soufre, la géologie est
complexe, ce qui signifie que l’exploitation ne sera pas facile
et les Chinois devront étudier soigneusement le retour sur
l’investissement. Tous les mécanismes pour mitiger les
risques devront être structurés purement au niveau de l’exploitation elle-même – sinon je crains que le gouvernement
gabonais ne soit potentiellement pris en otage…
Olivier Fremond,
nouveau représentant de la Banque
mondiale pour
le Gabon (page
précédente et page
ci-contre) considère
l’industrie forestière
et l’écotourisme
comme des secteurs
économiques
prometteurs.
SARAH MONAGHAN
favorables à l’implication du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde
et Chine) en Afrique. Je voudrais ajouter que l’on peut s’inquiéter de façon légitime, en se demandant si les normes
internationales sur l’environnement seront respectées. Les
Chinois sont sans aucun doute des gens âpres au labeur, prêts
à financer sans trop de conditions – ils n’ont pas les mêmes
obligations vis-à-vis de leurs propres citoyens contrairement
aux autres pays qui doivent tenir compte de leur électorat. Ils
doivent prendre conscience qu’au niveau international, la
réputation a des coûts plus élevés, ils dépendent de la manière
dont les Chinois se comporteront sur le continent africain. Ils
risquent gros s’ils agissent comme des voleurs, la
conséquence étant à long terme de ne pas avoir accès aux
ressources qu’ils désirent acquérir. Mais il faut être favorable
aux opérations chinoises. Tout le monde parle du besoin d’investissement en Afrique pour la tirer de la pauvreté – le
thème principal du Sommet de Gleneagles.
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