Comment en est-on arrivé là ? 3FIGURES

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Comment en est-on arrivé là ? 3FIGURES
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FIGURES
Jérémy LIRON
l’artiste
« A pied, en train, en voiture, Jérémy Liron, 36 ans, est un observateur. Dans ses toiles et depuis peu ses sculptures, il retranscrit
ce qu’il voit, les formes qu’il capte. Quand une courbe "se dresse dans
son regard", il dégaine son appareil photo et prend des notes pour
plus tard. Il y a des inspirations qui l’accompagnent depuis longtemps
comme les bâtiments dessinés par Le Corbusier, tandis que d’autres
viennent le frapper subitement, tel cet immeuble au coin du parc de
la Cerisaie dont il avait passé l’angle des dizaines de fois avant de
remarquer son intérêt pictural. (…)
Lui qui est "sensible à l’élégance de l’Art déco, des bâtiments
blancs avec un liseré noir qui vient marquer une courbe", il a trouvé à
Lyon et dans ses environs des témoignages de la marque de l’Homme sur son environnement. Il s’est souvent servi de la nature comme
d’une toile de fond pour mieux souligner l’esthétique bétonnée des
architectures qu’il peint. Depuis, il recadre son regard pour se concentrer sur les formes seules, confiant dans le fait qu’elles peuvent parler
par elles-mêmes (…)
La plus banale des barrières de square municipal peut prendre
des airs épurés si on l’observe d’une certaine façon. Ce travail de
révélation, il le revendique : "Par infusion, on aide à ouvrir le regard
des gens". Assumant le caractère politique de ses dernières séries, il
"espère que son travail puisse prendre une dimension plus grande".
(…) »
D’après « Jérémy Liron, l’archi-peintre » par Samuel KAHN
L’Angle est membre du Réseau d’Echange Départemental pour l’Art Contemporain en Haute Savoie.
Jérémy Liron est né en 1980, il vit et travaille actuellement à Lyon.
Représenté par la Galerie Isabelle Gounod et référencé par Documents d’Artistes Rhône-Alpes.
Expositions Individuelles et Collectives (Sélection)
2016
Art Is Hope du 17/11 au 17/12 -Annexe galerie Perrotin, Paris.
5×2 du 14/11 au 3/12, ArtCollector Patio Art Opéra, Paris.
Commissaire : Philippe Piguet.
Avec Eux du 22 octobre au 31 décembre, Palais Ducal Artothèque
de Caen.
Art Protects, Aides & Yvon Lambert - Espace Fondation EDF, Paris.
Bâti/Débâti, avec Amandine Capion, galerie La porte étroite, Toulon.
La Petite Collection, galerie White project, Paris.
Art Athina, galerie Laureen Thomas, Athènes.
Ddessin Paris Contemporary Drawing Fair, La petite collection,
Atelier Richelieu, Paris.
Drawing Now, salon du dessin contemporain, Carreau du temple,
Paris.
Peintures, galerie Isabelle Gounod, Paris.
Les Archives Du Désastre, Studio galerie Isabelle Gounod, Paris.
L’infinie Distance Des Choses Dans Leur Temps, fondation
Bullukian, Lyon.
2015
Novembre à Vitry, prix international de peinture, galerie Jean Collet,
Vitry.
100x100x100, URDLA, Villeurbanne.
Recto/Verso - expo/vente secours populaire français, fondation Vuitton,
Paris.
Carnets d’Été, galerie Louise, Pré St-Gervais.
Prima U Mare, exposition chapelle d’Erbalunga, Corse.
Des Notes Offertes au Silence, projection et discussion avec Léa
Bismuth + signature, galerie Isabelle Gounod, Paris.
Méditerranée & Architecture - collection l’hôtel des arts hors les
murs avec Gabriele Basilico, Céline Boyer, Stéphane Couturier,
Philippe De Gobert, Günther Förg, Lucien Hervé, Jacqueline Salmon
et Massimo Vitali, Centre d’art contemporain de Châteauvert.
Art Athina - foire d’art contemporain d’Athènes, galerie Laureen
Thomas, Athènes.
2014
Parcours d’Artistes, La passerelle, Pontault-Combault.
FIAC (OFF)ICIELLE, avec Maude Maris, Pierre-Alexandre Rémy,
Citée de la mode et du design, Paris.
Déployer l’instant/Parcourir la mémoire, artothèque, Caen.
Passages, Fondation Bullukian, Lyon.
2013
Formats Raisin, Vendanges Tardives, Galerie Martagon, Malaucène.
Formats Raisin, Les vendanges sont finies, Galerie Martagon,
Malaucène.
Salon du livre d’artiste, Bruxelles (avec Armand Dupuy), Bruxelles.
Ecrits (sélection)
2015
Bruissements - Poème. Editions derrière la salle de bain.
J’ai parfois l’impression d’avancer dans un monde en ruine.
Les gens passent, je vois les murs derrière - Poème. Editions
derrière la salle de bain.
Autoportrait en visiteur - Préface de Pierre Bergounioux. Editions
Deyrolle / L’Atelier Contemporain.
2014
La mer en contrebas tape contre la digue - Editions La Nerthe
2012
La Traversée - Editions Publie.net/publie papier
L’être & le passage - Editions La Termitière
2011
En l’image le monde - Postface de Philippe Blanchon. Editions La
Termitière
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Jérémy LIRON
l’exposition
La peinture de Jérémy Liron est travaillée par la question du regard : comment la mémoire, les sensations, la pensée investissent-elles le regard ? Comment s’isolent les images ? D’où vient ce sentiment
parfois que des choses, s’extrayant de la continuité, nous arrêtent, nous regardent ?
Attaché depuis de nombreuses années aux paysages urbains, à la présence géométrique familière et
opaque d’architectures dressant leurs volumes dans la lumière, Jérémy Liron a opéré récemment un léger déplacement. Après avoir resserré ses vues autour de fragments d’architectures devenant presque
abstraits, il s’est intéressé à la sculpture, réinterprétant les travaux de sculpteurs anglais du XXème siècle comme Anthony Caro ou Henry Moore. Cette attention étendue à la statuaire a probablement initié
sa série de dessins des Archives du désastre. En réaction aux divers attentats terroristes de Palmyre, du
Bardo, de Charlie Hebdo et du Bataclan, il a ressenti le besoin de revisiter l’histoire humaine à travers
les vestiges, les monuments et les ruines qui la racontent, envisageant alors cette relecture comme une
psychanalyse.
Ainsi peut-on entendre le titre de l’exposition « Figures », comme une exploration de la présence, de la
mémoire par le biais de figures, géométriques ou humaines, lesquelles parfois semblent nous retourner
le regard qu’on leur porte.
L’exposition mêle et articule autour de l’idée de figures plusieurs séries de travaux qui ici entrent en
résonance.
La série des Archives du désastre qui introduit la visite se présente comme un ensemble d’une centaine de dessins de petit format recouverts par
un voile vert sombre et encadrés comme des fragments ou des reliques.
Intimistes et silencieux, ils révèlent lorsque l’on s’en approche leur nature
de documents : s’y déploie de l’un à l’autre la grande archive de l’histoire
humaine que composent les sculptures, les monuments et qui disent entre
sensualité, autorité et violence quelques-unes des pulsions qui nous animent. Initiée peu après les attentats de janvier 2015, réagissant aux destructions de Palmyre, du Bardo, aux exactions de Boko Haram en Centrafrique, cette série de dessins tente de répondre à cette question devenue
obsédante : comment en est-on arrivé là ?
« Bustes et masques mortuaires, antique Laocoon*, Vénus démembrées, temples, satyres, batailles,
monuments, bas-reliefs du palais des colonies, athlètes staliniens ou aryens, figures de pierre ou de
bronze, tout ce par quoi l’humanité se donnait à lire sa propre histoire, était comme une façon d’aborder le présent par le redéploiement de la grande temporalité. Réaliser quelque chose comme une psychanalyse de l’histoire humaine ou déployer dans son étendue insondable le masque mortuaire d’une
civilisation.
.../...
* Laocoon : est l’un des protagonistes de l’épisode du Cheval de Troie
Il me fallait dessiner, comme pour manger l’image, la passer en moi.
Voir, je ne sais pas. C’est plus physique que ça. Entrer dans cette
résonance sourde qui émanait des archives, caresser le bruissement
ou cette tension qui nous traverse depuis loin. Je ne sais plus qui
écrit qu’il n’a pas vu ce qu’il n’a pas dessiné. Le dessin s’apparente
à un mouvement de conscience. Sous la main l’image fait retour, son
regard se décille. Le vert est venu par-dessus, comme s’appuyer les
doigts sur les paupières, restituer cette suspension opaque, cette note
tenue qui mange la tête. Non plus ce vert sale du début hérité du fond
de palette, un vert plus cru, plus lumineux et plus sourd. Vert de vessie, naturellement peu couvrant.
Des fragments, pris dans une lumière de crépuscule, comme infiniment distants, présentés comme des documents, des pages
constituant un atlas mnémosyne, pour reprendre la terminologie
d’Aby Warburg, une archive du désastre. »
D’après Jérémy LIRON © 2016 LES PAS PERDUS- Archives du désastre
Accompagnant la série des dessins des Archives du désastre et en
reprenant parfois certains motifs, plusieurs toiles prennent pour sujet
des sculptures, des statues. Par elles, s’invite pour la première fois la
figure dans le travail de Jérémy LIRON qui jusqu’ici consistait presque
exclusivement en des paysages urbains désertés, des architectures.
En vérité, il ne faut pas y voir une rupture mais plutôt une continuité :
nul portrait vivant dans ces tableaux, seulement des sculptures, des
figures dressées aussi dures et immobiles que les immeubles qu’il
peint. Là encore l’être humain n’est présent qu’en négatif, ne donnant
à voir que les traces de son passage, le décor muet qui le précède et
lui survit.
La série de peintures sur papier et sur toile de petits formats intitulée Caro s’inspire librement de sculptures abstraites de l’artiste anglais
Anthony Caro. Si les sculptures jouent de leur présence énigmatique ou
compliquée en déployant leurs volumes, la peinture prend des libertés venant troubler la perception. Jérémy LIRON considère ces territoires comme un laboratoire poétique où les choses dans leur ambiguïté échappent
à être nommées.
Les visiteurs attentifs remarqueront également des interventions discrètes situées à cheval entre l’architecture et la sculpture. De larges structures métalliques, aux dimensions de l’espace d’exposition participent à
la mise en scène du regard. Invitant à circuler dans l’espace elles offrent
à la fois une entrave physique et un jeu de fenêtres dont le dessin découpe les grands tableaux, rappelant les détails isolés dans la série des
Archives du désastre.
Ne sommes-nous pas condamnés, toujours, à aborder toute chose à travers la géométrie du regard,
derrière sa paroi de verre ? Dans leur légèreté visuelle, ces grilles participent à cette volonté de donner
à percevoir l’espace dans ses deux acceptions : l’espace physique auquel se confronte notre corps
dans sa respiration et l’espace davantage mental de la grande temporalité et de la mémoire.
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Jérémy LIRON
Comment en est-on arrivé là ?
Pablo PICASSO
Guernica - 1937, est une œuvre de dénonciation et de protestation contre le bombardement de la ville basque Guernica. C’est
une lutte révolutionnaire par la peinture, le
manifeste politique de PICASSO et l’emblème de la participation du peintre aux drames de son temps : la violence, la barbarie
et la guerre.
(…) Picasso utilise à ces fins une peinture
aux formes dramatiques, aux contrastes
violents et aux couleurs peu nombreuses
(du gris-noir barré de jaune et blanc).
Cette absence de couleur évoque la mort, à la fois la mort des victimes et la mort de la civilisation.
Picasso se sert aussi de symboles empruntés à la mythologie espagnole, le taureau et le cheval ; le
taureau c’est la brutalité et le cheval c’est le peuple.
D’après http://dp.mariottini.free.fr/weekend/madrid/photos/guernica-picassos-pablo.htm
Sophie RISTEHUEBER
Depuis près de trente ans, Sophie RISTEHUEBER poursuit une réflexion sur le territoire et son histoire, au travers d’une approche singulière des ruines et des traces laissées par l’Homme dans des
lieux dévastés par la guerre ou par des bouleversements naturels et culturels. Loin du photoreportage
classique, elle s’attache à la mise à nu des faits et à l’empreinte de l’histoire, dans les corps et dans les
paysages, en rendant visibles plaies et cicatrices, véritables mémoires des « faits » de l’histoire.
La série Beyrouth, 1984 ( 31 photographies
noir et blanc) est fondatrice de l’œuvre de Sophie RISTEHUEBER. En pleine guerre civile,
l’artiste part à Beyrouth en 1982 avec l’idée
de faire un travail sur la ville moderne en ruine. (..) Sophie RISTEHUEBER photographie
des ruines contemporaines sans présence
humaine, évitant volontairement tout romantisme. C’est sur le terrain de l’histoire, et non
de l’actualité que se situe ce travail qui met
en perspective les ruines de la modernité et
celles de l’Antiquité.
D’après http://galeriepoggi.com/fr/artistes/oeuvres/3361/sophie-ristelhueber
Fabienne BALLANDRAS - A partir d’images médiatiques reconstituées en maquettes,
Fabienne BALLANDRAS réalise des photographies qui questionnent le traitement visuel et la circulation de l’actualité. En opérant des transitions d’échelles et de matériaux, elle instaure une distance
critique entre objet et sujet.
Ses derniers projets, enrichis de volumes, dessins et vidéos, donnent corps aux lieux de la contestation
sociale et politique et interrogent le "devenir image" de l’histoire.
D’apres Lélia MARTIN-LIRO
Son travail Syrie, 2012, réalisé dans l’immédiateté des événements questionne notre
rapport aux images d’une guerre civile en
train de se dérouler, notre (in)capacité à les
voir et notre embarras à vivre avec leur nombre et leur brutalité. (…) Technique directe et
laborieuse, le dessin instaure un temps de
réalisation qui va à l’encontre de notre perception de l’information et oblige notre regard
sur l’actualité à marquer un arrêt.
Mounir FATMI exploite la richesse plastique des
objets avec lesquels il élabore des espaces et
des jeux de langage en les mettant en jeu dans
des dispositifs offrant un regard sur le monde à
partir d’un angle de vue inédit, par-delà toutes les
conventions en usage.
Considérant le 11 septembre 2001 comme l’un
des déclics ayant engendré une remise en question collective, il a mis au point entre 2003 et 2004
l’œuvre intitulée Save Manhattan, construite
avec de nombreux livres traitant tous de thèmes
liés à la guerre, au pouvoir et à la religion ; publiés après les attentats, à l’exception des deux
exemplaires du Coran.
Les livres dessinent en ombre portée, projetée sur le mur, la Skyline de New-York telle qu’elle était la
veille des attentats. Mounir FATMI utilise l’ancrage profond dans l’inconscient collectif d’un des plus
célèbres panoramas urbains. La mémoire du spectateur est inévitablement sollicitée. L’atmosphère
de cette installation, pourvue d’une haute intensité dramaturgique, oscille étrangement entre fiction et
réalité et réactualise la sensation vécue par des millions de personnes le jour de la catastrophe NewYorkaise.
D’après Aline TRABICHET
François MAZABRAUD - Les dessous de table, 2009
Bien que formant une seule œuvre, il convient de lire cette
« table » en deux parties distinctes.
Le plateau est constitué par assemblage de différentes plaques de bois, un peu comme un puzzle, qui reprend le mode
de présentation des cartes militaires antiques.
En dessous, en porte à faux, l’artiste a figuré le quartier de
Manhattan. Le piètement est constitué de trois « pieds » qui
sont en réalité des gratte-ciel (on y reconnaît notamment l’Empire State Building).
Le vide au centre n’est autre que Ground Zero, le lieu exact
qui garde la trace de l’effondrement des tours jumelles lors
des attentats du 11 septembre.
Le titre « Les dessous de table » est une ouverture où le détournement des sens, à l’aide du langage, de la forme et des
objets, nous invite à aller plus loin.
Véritables métaphores des faits, cette composition évoque à la fois la violence des faits, mais aussi les
déplacements et enjeux de pouvoirs.
Un rapport à l’œuvre qui ne se veut pas contemplatif, mais qui suggère une invitation à la réflexion et
à la participation.
D’après Aline TRABICHET