Supplément n°65 - Absence contrat travail pénitentiaire

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Supplément n°65 - Absence contrat travail pénitentiaire
Supplément de la Gazette
n°65 - mai 2008
réf. : 65/08
Justice - Emploi et formation
L’absence de contrat de travail pénitentiaire :
20 ans d’immobilisme aux dépens
de la réinsertion
Introduire le droit du travail en détention :
une nécessité absente du plan gouvernemental.
Vendredi 11 avril 2008, lors de son intervention à Toulouse dans le cadre du Grenelle de l’insertion, la
Garde des Sceaux, Rachida Dati, déclarait : « La Justice doit défendre les valeurs de l’insertion ».
L’insertion professionnelle des personnes détenues est même une priorité du gouvernement actuel. Le
plan Entreprendre lancé par l’administration pénitentiaire est annoncé comme un plan ambitieux, qui
veut agir sur les blocages juridiques, mais aussi de manière pragmatique. Il se déclinera en dix axes
concrets, notamment la généralisation de la journée continue, l’aménagement des ateliers pénitentiaires,
et l’amélioration de la sécurité et de l’hygiène qui encadrent le travail carcéral.
Faire de l’insertion des personnes détenues une priorité gouvernementale est indispensable. La hausse
de 24 % des personnes écrouées en milieu fermé entre 2002 et 2007 est d’autant plus préoccupante
qu’un quart de ces personnes avaient déjà été sanctionnées antérieurement par une peine de prison
ferme. Selon les mots de Pierre-Victor Tournier, chercheur au CNRS, « la prison dans l’état actuel du
système pénitentiaire français ne résout rien ».
Le plan Entreprendre présente certaines avancées. Mais, comme le constate le Conseil économique et
social (CES)1, tant que les personnes détenues ne bénéficieront pas du droit commun, aucune réinsertion ne sera possible. Le plan Entreprendre continue d’inscrire le travail pénitentiaire dans une zone de
non-droit du travail. En proposant un ersatz des conditions de travail de droit commun, le ministère de la
Justice assume l’échec de sa mission de réinsertion.
La Fnars propose donc une introduction du droit du travail dans le cadre de la détention, qui se matérialiserait par un contrat de travail signé entre l’employeur et le travailleur détenu. Le rapport général du
Grenelle de l’insertion souligne cette nécessité : « Les personnes détenues doivent pouvoir bénéficier de
tous les droits résultant d’un travail de droit commun ». Il est grand temps de ne plus se limiter à des
aménagements ponctuels du droit commun.
Cette introduction du droit du travail doit certes faire partie d’un programme plus vaste et ambitieux de
revalorisation du travail carcéral, puisque le travail carcéral souffre d’un manque d’attractivité aux yeux
des entreprises. Mais l’introduction du droit du travail en détention est une composante essentielle d’un
tel programme et une condition sine qua non à la réussite de cette mission affichée du gouvernement :
la réinsertion professionnelle des personnes détenues.
1
« Les conditions de la réinsertion professionnelle des détenus en France » Decisier Donat ; Conseil économique et social
Paris ; Journaux officiels ; 2006 ; 331 pages.
Historique _________________________________________
est un établissement public, qui a pour but de
développer les activités de travail en détention.
Le travail carcéral :
du châtiment à la réinsertion
1987 : année charnière pour le travail pénitentiaire.
Albin Chalandon, alors Garde des Sceaux, transforme radicalement la nature du travail carcéral.
L’obligation de travail pour le prisonnier a disparu,
pour laisser place à un travail carcéral, gage de sécurité en détention et de réinsertion professionnelle à la
sortie. Le travail devient un droit et est même libératoire, puisqu’il est pris en compte par le Juge
d’application des peines (JAP) pour l’octroi de mesures d’aménagements ou de réduction de peine. Ce
travail carcéral vu comme libératoire est une spécificité de trois pays européens : l’Angleterre, l’Espagne
et la France.
Historiquement, lors de la suppression des travaux
forcés qui étaient une peine en soi, le travail en détention s’est transformé en un des éléments du traitement pénitentiaire. Le travail carcéral n’en restait
pas moins considéré comme un châtiment, châtiment
qui permettait de surcroît de faire baisser les coûts
de l’emprisonnement. Le secteur privé était le principal acteur du travail pénitentiaire.
Parallèlement aux évolutions de la société, le travail
carcéral est devenu un gage de réinsertion. Sous la
troisième République, l’Etat a repris en partie en
main le travail carcéral et créé la Régie industrielle
des établissements pénitentiaires (RIEP). La RIEP
Etats des lieux ______________________________________
Les personnes détenues au chômage souffrent
comme à l’extérieur de la précarité.
Le travail en détention :
une denrée rare.
En dehors des formations professionnelles rémunérées, le travail en milieu fermé est de trois types :
- la concession : la personne détenue travaille pour
une entreprise privée, généralement une PME, ayant
noué un contrat avec l’administration pénitentiaire. La
concession représente 53 % des postes de travail
(9 500 personnes). La rémunération y est en moyenne de 348 €, mais les salaires y sont très hétérogènes, car payés en fonction de la production.
- le service général : la personne détenue participe
au fonctionnement de la prison (agent d’entretien,
restauration, coiffeur, bibliothécaire…). Le service
général représente 40 % des postes de travail (7 000
personnes). Le service général propose des travaux
très diversifiés, mais qui sont aussi les moins rémunérés : 180 € par mois en moyenne.
- la RIEP : la personne détenue travaille dans un
atelier dirigé par la Régie industrielle des établissements pénitentiaires. Le travail y est généralement
qualifiant et mieux rémunéré, en moyenne 460 € par
mois. Cependant, la RIEP ne représente que 7 %
des postes de travail (1 200 personnes).
Le taux d’activité des personnes détenues n’a cessé
de baisser ces dernières années, mais reste néanmoins l’un des plus élevé d’Europe. En 2005, le taux
d’activité des personnes détenues était de 35 % :
21 000 personnes détenues sur 60 000 exerçaient
une activité professionnelle rémunérée (formation
professionnelle ou emploi). L’accès au travail en
détention ne se fait pas selon les compétences, mais
selon le comportement par le biais des commissions
de classement.
Ainsi, en dépit de l’obligation des services pénitentiaires de prendre « toutes les dispositions pour assurer
une activité professionnelle aux personnes détenues
qui le souhaitent », 30 % des personnes détenues
qui désirent travailler ne se voient pas offrir d’emploi.
Le taux de chômage carcéral est donc quatre fois
plus important qu’à l’extérieur. Rappelons que le
revenu minimum nécessaire pour vivre en prison est
généralement estimé à 200 € (frais de cantine, télévision).
Absence de droit du travail ____________________________
Les efforts passés ont consisté à introduire au
compte-goutte des mesures rapprochant le travail
pénitentiaire du droit commun : normes d’hygiène et
de sécurité, cotisation pour les assurances maladie
et maternité, cotisation à l’assurance vieillesse, respect des jours fériés, mise en place d’une rémunération horaire minimum indicative (sauf pour le service
général, et uniquement horaire, aucune garantie
n’étant faite sur le revenu mensuel puisque la rémunération se fait à la pièce).
Une absence ressentie au
quotidien par les travailleurs détenus
Si le travail en détention existe, les deux piliers du
travail à l’extérieur que sont le droit du travail et la
représentation syndicale sont, eux, absents de la
détention.
Supplément de la Gazette - juin 2008
2
Plus récemment ont été introduits des supports
d’engagement professionnel. Ces supports d’engagement font état des droits et des devoirs du travailleur
détenu. Cependant, ces supports sont dépourvus de
toute valeur juridique et ne sont fournis qu’à titre
indicatif.
Pour les personnes les plus éloignées de l’emploi,
nombreuses en détention, cette absence de droit du
travail signifie également l’impossibilité d’avoir accès
à des contrats aidés. De plus, les structures
d’insertion par l’activité économiques (SIAE) qui souhaitent intervenir en tant que telles en détention, en
sont empêchées. En théorie, elles peuvent tout à fait
intervenir en tant que concessionnaires, comme
n’importe quel employeur privé (à l’exemple de
l’Escale à Valence et d’Additif à la Santé). Mais en
l’absence de contrat de travail, les SIAE n’ont pas
accès aux financements de postes d’encadrants
techniques par la Délégation générale à l'emploi et à
la formation professionnelle (DGEFP) et les conseils
régionaux. Ainsi, en dépit de certaines expérimentations (lire ci-après), les SIAE sont de fait tenues à
l’écart des centres pénitentiaires. L’application des
contrats aidés en détention, tout comme l’entrée des
SIAE en détention permettraient pourtant un accroissement de l’offre d’emplois en détention, de surcroît
par un travail stable, formateur et proposant une
réelle préparation à la sortie.
L’absence du droit du travail est ressentie au quotidien par les travailleurs détenus. Les conditions de
sécurité sont alarmantes et les contrôles inopinés de
l’inspection du travail trop rares ; le contrôle des ateliers pénitentiaires devrait être une priorité de
l’inspection du travail. Les rémunérations ne sont pas
équitables : les travailleurs détenus, le plus souvent
payés à la pièce, sont à la merci des commandes, ils
ne touchent aucune indemnité en cas de chômage
technique pourtant omniprésent, aucun salaire minimum n’a été fixé pour le service général, et aucune
indemnité journalière n’est fixée en cas d’accident du
travail. Les procédures de licenciement, les congés
payés et les droits syndicaux n’existent pas. Il est
impossible à un travailleur détenu d’exercer un recours contre les décisions qui affectent son activité
professionnelle ou de saisir l’Inspection du travail. Un
certificat du travail n’est pas systématiquement délivré, empêchant ainsi de valoriser cette expérience.
Le Droit individuel à la formation (DIF) n’est pas non
plus reconnu.
Certains aménagements au droit commun du travail
sont nécessaires pour l’adapter au milieu carcéral :
durée déterminée des contrats, possibilité d’effectuer
des transferts… Mais l’introduction du contrat de
travail en détention doit se faire au plus près du droit
commun, et ne pas se limiter à un ersatz de contrat
de travail sans valeur juridique.
Introduction du droit du travail en détention ______________
certains antagonismes qui prévalent en détention
(antagonisme personne détenue / surveillant, antagonisme voleur / proxénète…). L’absence de droit du
travail en détention n’inhibe donc pas cet attachement à la possibilité de travailler. La rareté du travail
est même pour beaucoup dans le mal-être de la population carcérale.
Un consensus autour de cet
impératif d’équité et d’insertion
Une grande enquête organisée en octobre 2006 intitulée les Etats généraux de la condition pénitentiaire
a montré que la nécessité de l’application du droit du
travail en détention était une idée largement partagée
par l’ensemble des acteurs du monde pénitentiaire
(personnes détenues, avocats, magistrats, accompagnateurs sociaux, personnels de santé, familles des
personnes détenues, surveillants…). La question du
travail engendre l’un des plus forts taux d’insatisfaction :
78 % des personnes détenues et 86 % des autres
acteurs du monde pénitentiaire se disent insatisfaits
des conditions du travail carcéral. Le travail carcéral
est même l’une des deux principales sources
d’insatisfaction des assistants sociaux, des personnels de santé et des magistrats. Les personnes détenues comme les autres acteurs du monde pénitentiaire se rejoignent sur le fait que l’application des
dispositions du code du travail en détention est l’une
des actions prioritaires à envisager.
Cependant, l’introduction du droit du travail en
détention répond à deux impératifs : un impératif
d’équité, ainsi qu’un impératif de réinsertion.
Tout d’abord, les personnes détenues ont fondamentalement un droit au travail, et un droit à ce que le
droit du travail leur soit appliqué. En effet, l’exécution
d’une peine privative de liberté ne doit entraîner que
la privation du droit d’aller et de venir et ne peut justifier la privation de l’ensemble des règles qui régissent l’exercice du droit au travail.
Ensuite, l’absence de contrat de travail en détention
est un élément majeur qui maintient les personnes
détenues dans une situation d’exclusion et ne les
prépare pas à développer un rapport au travail propice à leur réinsertion future dans le monde du travail. A l’heure actuelle, les personnes détenues, souvent écartées du marché du travail avant leur arrivée
en détention, ont encore moins de chance de trouver
un travail à leur sortie. Evelyne Shea, docteur en
droit pénal et sciences criminelles, souligne cette
situation à l’emploi plus calamiteuse après la sortie
Ce mécontentement général des travailleurs détenus
au regard de l’absence du droit du travail n’est pas
en contradiction avec leur attachement profond à la
possibilité de travailler en détention. Comment pourrait-il en être autrement, le travail permet, d’une part,
une réappropriation de soi, de par l’effet structurant
du découpage entre vie personnelle et vie professionnelle, et permet, d’autre part, d’aller au-delà de
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% des personnes écrouées en milieu fermée avait
déjà été sanctionnées par de la prison ferme). Et le
rappel de la règle pénitentiaire européenne 26.7, qui
stipule que « l’organisation et les méthodes de travail
dans les prisons doivent se rapprocher autant que
possible de celles régissant un travail analogue hors
de la prison, afin de préparer les détenus aux conditions de la vie professionnelle normale » ne suffit pas
à vaincre le manque de volonté politique.
qu’avant l’entrée en détention et signale que seules
25 % des personnes détenues réussissent à trouver
une activité professionnelle régulière dans l’année
2
qui suit leur sortie de détention .
Les rapports qui démontrent le frein à la réinsertion
professionnelle que représente l’absence du droit du
travail en détention s’accumulent : dès 1987, le
Conseil économique et social soulignait que la détention constitue « une zone de non-droit du travail, dont
les conséquences apparaissent toutes négatives » ;
par la suite, les commissions d’enquête du CES, du
Sénat et de l’Assemblée nationale ont continué à
actionner en vain la sonnette d’alarme. La mission
d’insertion des personnes détenues, inscrite dans la
loi du 22 juin 1987, reste insuffisamment prise en
compte, en dépit des taux de récidive alarmants (23
2
Marc Baader et Evelyne Shea, « Le travail pénitentiaire,
un outil efficace de lutte contre la récidive ? », Champ
Pénal / Penal Field, [En ligne], mis en ligne le 31 mai 2007.
Focus Europe
Espagne et Italie, l’Europe méridionale à l’honneur en matière de droit du travail carcéral.
L'Espagne à la pointe de l'Europe
Depuis 2001, le droit du travail en détention est très proche du droit commun :
- Contrat lié entre l’employeur et le travailleur détenu.
- Rémunération fonction du salaire minimum interprofessionnel, actuellement autour de 200 € pour un salaire
minimum espagnol de 660 €.
- Trente jours de congés payés.
- Application de la loi sur la procédure régissant les conflits du travail.
- Droit à la promotion et à la formation.
- Droit à ne subir aucune discrimination dans le travail.
- Participation à l’organisation et à la planification du travail.
- Affiliation au régime de sécurité sociale qui permet de bénéficier des allocations chômage directement à la
sortie de détention.
Les aménagements au droit commun sont très limités : discipline, limite d'âge, libération, et emploi à l'extérieur principalement.
Cette introduction du droit du travail en Espagne était une composante d’un plan plus large d’action sur
l’attractivité du travail en détention. Elle s’est accompagnée d’une réforme de la loi générale sur la sécurité
sociale, permettant une réduction de 65 % des cotisations sociales du travail pénitentiaire (de la même manière que pour les contrats aidés espagnols).
Il est important de souligner que l’offre de travail carcéral en Espagne a connu une augmentation très
significative parallèlement à cette introduction du droit du travail.
Italie, l’autre meilleur élève de l’Europe
En 2000, un an avant l’Espagne, l’Italie a lancé un plan comparable visant à renforcer l’attractivité du travail
carcéral pour les entreprises.
Les entreprises emploient directement les personnes détenues et sont complètement autonomes en matière
d’organisation du travail. Les personnes détenues sont employées au plus près du droit commun, avec une
rémunération qui ne peut être inférieure à 2/3 du salaire prévu par les conventions collectives correspondantes. Le contrat de travail peut ainsi se poursuivre facilement après la fin de la détention.
Ce plan a aussi prévu la mise à disposition gratuite des locaux de travail, et des dégrèvements fiscaux pour
les employeurs. Ces dégrèvements sont valables pendant 6 mois après la fin de la détention, pour favoriser la
continuité à la libération, si la personne souhaite conserver le même emploi à sa sortie.
Il est important de noter que ce plan d’action a permis de juguler la très forte baisse de l’offre
d’emploi qui avait commencé en 1990.
Ces exemples européens soulignent les préjugés et le manque de volonté politique qui inhibent l’introduction
du droit du travail en détention en France.
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Le manque de volonté politique_________________________
trat de concession. Le travail pénitentiaire doit donc
être rendu plus attractif. L’introduction du droit du travail fait partie des actions de revalorisation les plus
essentielles, et un plan ambitieux ne peut pas faire
l’impasse de cette introduction trop nécessaire.
Principal frein à l’introduction
du droit du travail en détention
En Espagne, les personnes détenues bénéficient
d’un droit du travail spécifique et de représentants
syndicaux. En France, l’introduction du droit du travail
en détention n’est ni engagée, ni annoncée. Dans un
climat économique morose, l’administration pénitentiaire s’y oppose, brandissant devant cette réforme
les chiffres du chômage pénitentiaire en constante
augmentation.
Les actions complémentaires à cette introduction du
droit du travail sont nombreuses, qui permettront
aussi de diminuer le chômage carcéral ; le Conseil
économique et social n’a cessé de répéter ses appels : mise en place d’un dispositif de zone franche
pénitentiaire, accès facilité à la commande publique,
aménagement des horaires de travail, adaptation des
locaux et des équipements utilisés dans les ateliers,
accès sécurisé à l’outil Internet pour les personnes
détenues qui travaillent, réforme du statut de la Régie
industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP).
La constante augmentation du chômage pénitentiaire, tout comme l’absence de droit du travail en
détention révèlent pourtant une unique et même
chose : le manque de volonté politique qui entoure la
question du travail en détention. A l’annonce du plan
Entreprendre, ambitieux projet d’insertion professionnelle des personnes détenues, on ne peut qu’être
sceptique et se souvenir du précédent plan ambitieux
d’amélioration des conditions de travail et d’emploi en
prison, le plan "Pacte 2" lancé en 2001. L’un des
objectifs principaux de "Pacte 2" était le plein emploi ;
loin d’atteindre cet objectif, le plan n’a pas même été
en mesure d’empêcher une diminution de 25 % du
taux d’emploi carcéral entre 2001 et 2005.
Le plan Entreprendre s’inspire de certaines de ces
mesures, mais les édulcore. L’administration pénitentiaire met en avant certaines expérimentations efficaces, mais comme le soulignait Martin Hirsch à Toulouse, ce sont « des expériences remarquables qui
ne cachent pas les statistiques édifiantes ».
Un plan qui se veut ambitieux et a pour objectif la
réinsertion professionnelle des personnes détenues
se doit de prévoir l’introduction du droit du travail en
détention, condition indispensable à sa réussite. Augmenter l’offre de travail pénitentiaire et faire évoluer
son contenu vont de pair dans la lutte contre la récidive. Ainsi, c’est à la fois sur la qualité du travail proposé et sur sa quantité qu’il faut agir aujourd’hui lorsque l’on se dit ambitieux.
L’introduction du droit du travail en détention, contrairement à ce qu’affirme l’administration pénitentiaire,
est un vecteur de revalorisation du travail pénitentiaire.
Le modèle actuel est tenu en échec : le taux d’activité
s’effrite et les entreprises concessionnaires sont chaque année nombreuses à ne pas renouveler leur con-
Conclusion _________________________________________
Les ambitions du gouvernement passent nécessairement par l’introduction du droit du travail en détention.
L’insertion sociale des personnes détenues ne se résume pas à leur insertion professionnelle. Mais face
aux carences existantes, l’insertion professionnelle des personnes détenues doit être une priorité. Elle
passe nécessairement par l’introduction du droit du travail en détention, et ne doit pas se résumer à un
ersatz de contrat de travail, au risque d’échouer. La Fnars se positionne donc en faveur de l’introduction
du droit du travail en détention, sous la forme d’un contrat lié directement entre l’employeur et le travailleur détenu. Cette introduction permettra de surcroît l’intervention des Structures de l’insertion par
l’activité économique (SIAE) en tant que concessionnaires en milieu fermé.
Au niveau national, l’Etat ne peut pas se permettre l’économie d’une étude sur les effets du travail en
détention, et sur le maintien d’une activité économique après la détention. L’absence de connaissances
nous empêche d’agir de manière éclairée. Le gouvernement annonce son ambition. Les conclusions du
rapport général du Grenelle de l'insertion vont dans ce sens. Il reste à voir désormais si ces conclusions
seront reprises par les administrations concernées. La loi pénitentiaire prévue pour l’automne sera notamment l’occasion de mesurer les ambitions annoncées.
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Grenelle de l’insertion : extraits du rapport général
Les conclusions du Grenelle de l’insertion soulignent les évolutions nécessaires
en faveur de la réinsertion des personnes placées sous main de justice.
Décloisonner l’insertion des personnes sous main de justice
Sur chaque territoire, les personnes sous main de justice doivent accéder aux prestations du
service public de l’emploi, ce qui suppose qu’une évaluation des besoins soit faite sur chaque
territoire, chaque année en concertation avec l’administration pénitentiaire.
Lorsque les personnes sont détenues, elles doivent bénéficier de toutes les prestations du
service public de l’emploi, compatibles avec leur situation, et notamment pouvoir s’inscrire au
service public de l’emploi afin de bénéficier d’une offre de services compatibles avec leur situation, en vue de préparer leur sortie.
Lorsqu’elles travaillent, elles doivent pouvoir bénéficier de tous les droits résultant d’un
contrat de travail de droit commun.
Les personnes détenues très éloignées de l’emploi doivent également pouvoir travailler dans
une structure d’insertion par l’activité économique, ce qui suppose le développement volontariste de telles structures dans les établissements pénitentiaires.
Lorsque les personnes bénéficient d’un aménagement de peine ou d’une sanction alternative à la détention, un effort particulier doit être fait pour leur faire une offre de service qui
tienne compte des nombreuses ruptures de leur parcours. Des actions spécifiques devront être
conduites pour l’insertion professionnelle des personnes en semi-liberté ou placées sous surveillance électronique.
Le service public de l’emploi a une responsabilité générale et entière, s’agissant de
l’insertion professionnelle de ces personnes.
Adapter et unifier les cadres de l’IAE
Mobiliser les compétences de l’IAE au bénéfice de l’insertion professionnelle des détenus.
L’offre de travail en détention est insuffisante et soumise à de nombreuses contraintes alors
même que l’objectif d’insertion lié à la détention constitue un enjeu social très important. Les
structures de l’IAE disposent d’une compétence qui mérite d’être mobilisée au service de cet
objectif. Les voies d’accès à l’IAE des détenus doivent être organisées dans un cadre adapté
de l’IAE dont la loi pénitentiaire en cours d’élaboration pourra être le véhicule. Un modèle économique de l’IAE en détention est à élaborer pour dimensionner le niveau de l’aide au poste en
tenant compte du coût du travail pénitentiaire.
Rendre le secteur public exemplaire
Limiter la prise en compte des antécédents judiciaires. Les personnes ayant un casier judiciaire devraient pouvoir postuler à un poste dans la fonction publique, à l’exception des cas où
la nature de la condamnation serait manifestement incompatible avec l’exercice de la fonction
souhaitée. Dans pareil cas, ce serait à l’administration de justifier sa décision et
l’incompatibilité constatée.
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