Vive l`Europe douanière

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Vive l`Europe douanière
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EXPÉDITION CAPE-TO-CAPE DE RENAULT TRUCKS
Vive l’Europe douanière !
Quatre ans après la Route de la
Soie, Renault Trucks a relancé une
grande expédition transcontinentale,
optant cette fois pour un trajet nordsud. La section russe de ce grand
voyage n’a guère posé de
problèmes techniques, mais a
montré par l’absurde combien la
construction européenne a permis
de mieux relier les marchés.
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e trajet ne s’annonçait pourtant pas difficile, en comparaison avec les pistes africaines ou le désert jordanien.
La caravane est entrée en Russie
le 4 mars au poste frontière de
Kirkenes, où les formalités douanières ont pris plus de 16 heures.
Les véhicules ne pouvaient en effet
pas être considérés comme des
biens en transit, puisque ce statut
aurait obligé la caravane à quitter
le pays en un nombre fixé de jours.
Or, de nombreux arrêts étaient prévus dans les principales villes
russes pour rencontrer conces-
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sionnaires et clients locaux.
C’est donc sous le régime de l’importation temporaire que les
quatre Kerax et les deux Sherpa ont
été autorisés à entrer en Russie.
Non sans devoir ouvrir toutes les
caisses de matériel et photographier jusqu’au matériel médical
pour pouvoir prouver, à la sortie
du pays, que rien n’avait été vendu
entre temps…
Un parc roulant hétéroclite
Tout au long du trajet russe, l’expédition Cape-To-Cape sera passée de l’hiver le plus rude au dégel
le plus humide. Le réseau routier
russe avoue en effet rapidement
ses limites quand le sol gelé laisse
ruisseler des torrents d’eau
boueuse, y compris dans le centre
des villes.
Et si Saint-Petersbourg et Moscou
ont largement de quoi séduire
l’amateur d’exotisme, les autres
villes de province et les routes qui
les relient montrent plutôt dans
quel état de délabrement se trouve
encore une bonne partie du pays.
Le visage du transport routier a
également de quoi surprendre le
néophyte. A côté des camions
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Le volet russe était le plus froid,
ce qui n’a pas empêché les
panoramas grandioses, comme ici
au sud de Mourmansk.
Faire fonctionner des moteurs SCR en environnement extrême
(jusqu’à -30°C) était l’un des défis techniques de Cape-To-Cape.
Les routes russes n’ont
pas toujours été de cette
qualité, surtout avant
St Petersbourg. (photo CY)
russes et des vieux véhicules européens, on croise en effet, sur les
grands axes de transport, un bon
quart de tracteurs nord-américains
de trois ou quatre ans d’âge, importés en Russie pour des chauffeurs
indépendants, mais aussi pour des
flottes importantes. Les plus avertis y décèlent les couleurs des
grands LTL et FTL Carriers américains (Schneider, Penske…), mais
on y voit aussi de très nombreux
Volvo VN 770 blancs à l’aspect quasiment neuf. Les camions chinois,
par contre, se font pour l’instant
assez discrets, sauf les porteurs
6x4 de chantier et les petits
3.5 tonnes de livraison qui font
forte concurrence aux désuets produits locaux.
Pour Renault Trucks, une telle opération est évidemment une formidable occasion d’impressionner
ses clients locaux. Souvent arrivés
à la marque par le biais d’un véhicule d’occasion, ils découvrent tout
à la fois une technologie moderne
et les vertus d’un service à l’européenne… quand ils sont prêts à y
mettre le prix. Un tracteur neuf
coûte en Russie le même prix qu’en
Europe, mais un Kamaz se négocie
CAPE-TO-CAPE EN BREF
Aventure technique et humaine, mais aussi opération commerciale de grande envergure, l’expédition Cape-To-Cape reliera en quatre mois le Cap Nord en Norvège à
Capetown en Afrique du Sud. Durant la première partie du voyage (jusqu’à Aqaba en
Jordanie), la caravane est composée de six véhicules (quatre Kerax 450.26 6x6 et
deux Sherpa). A partir d’Istamboul, deux Kerax et quatre Sherpa l’ont complétée avec
du matériel de bivouac. Au total, 30.000 kilomètres dans 17 pays différents, qui sont
notamment l’occasion de tester les systèmes SCR en conditions de températures
extrêmes (de -30°C à 50°C), mais aussi de peaufiner le prototype du véhicule militaire Sherpa avec lequel Renault entend concurrencer Iveco (qui a notamment livré
l’armée belge).
Pour suivre la progression de l’expédition : www.renault-trucks.com/capetocape
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1/ Les Sherpa 2 de l’expédition sont des prototypes de véhicules militaires équipés d’un moteur dXi Euro 4 de 215 ch et d’une boîte automatique Allison. (photo CY)
2/ Dans plusieurs villes (dont ici à Voronezh), le passage de Cape-To-Cape était l’occasion de rameuter des clients Renault Trucks (ou, comme ici, des étudiants d’une école technique). (photo CY)
3/ Beaucoup de villes russes sont fermées aux poids lourds (ici à Moscou).
4/ En Russie, les marques européennes doivent aussi compter avec la concurrence de nombreux tracteurs d’occasion en provenance des Etats-Unis. (photo CY)
5/ Souvent la seule tache de couleur dans un paysage uniformément blanc… et gris sale.
6/ Instantané volé des 28 heures d’attente à la frontière russo-ukrainienne. Et vive l’Europe ! (photo CY)
à 50.000 EUR, soit à peine plus cher
qu’un Peterbilt ou un Volvo d’occasion de trois ans.
Il reste cependant beaucoup à
faire pour que le secteur du transport russe rejoigne les standards
européens. Le gouvernement
russe a décidé de reporter l’introduction de la norme Euro 4, probablement pour protéger ses
constructeurs nationaux dont les
usines sont déjà pratiquement
à l’arrêt. Cela laisse un peu de
délai pour développer un réseau
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d’approvisionnement en AdBlue,
ce qui ne sera pas facile dans un
pays où la température descend
sous les -10°C pendant plusieurs
mois.
Les mentalités du transport
doivent également évoluer. Les
chauffeurs sont toujours payés au
kilomètre, parfois bien (jusqu’à
2000 dollars par mois), mais dans
des conditions très difficiles…
et très peu favorables à la sécurité
(10.000 kilomètres par mois…
sur un tel réseau).
Cap sur l’Afrique
Mais avant de rejoindre l’Ukraine,
puis l’Europe et la Turquie, la caravane Cape-To-Cape devait encore
franchir un double barrage douanier. Cinq heures pour quitter le territoire russe semblaient augurer
d’un dénouement rapide. Mais les
rigueurs bornées de la douane
ukrainienne ont provoqué un nouvel arrêt de plus d’une journée qui
devrait rappeler aux anciens chauffeurs ‘inter’ leurs plus mauvais souvenirs de galère. Quand une infor-
mation ne rentre pas dans une case
prévue à cet effet, les tampons se
mettent en grève… et la caravane
ne passe plus.
La suite du parcours européen de
l’expédition Cape-To-Cape fut heureusement plus sereine. A l’heure
où vous lirez ces lignes, six Kerax
et six Sherpa s’attaquent à son
volet africain, de Djibouti à
Capetown en passant par le
Kilimandjaro et les chutes Victoria.
Claude Yvens