Le retour des barbares

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Le retour des barbares
Regard d’ESPERANCE N°289 - Octobre 2014
Editorial - Yvon Charles
« Le retour des barbares... »
« Le retour des barbares... » !
D’Attila à … Verdun, de Tamerlan aux
“ djihadistes ”,
des Aztèques aux bûchers de l’Inquisition,
des camps de concentration et autres
goulags aux “ purifications ethniques ”...
la barbarie a-t-elle un jour disparu ?
« ...100 000 prisonniers égorgés devant
Delhi... une pyramide de 90 000 têtes...
Tamerlan “ le conquérant ” (!) a laissé un
souvenir particulièrement sanglant... et
pourtant beaucoup d’autres “ conquérants ”
(!) lui disputent l’horrible palme.
Gengis Khan ne déclarait-il pas : « La plus
grande jouissance de l’homme, c’est de
vaincre ses ennemis, de les chasser et de
prendre ce qu’ils possèdent... »
Ce cynisme a le mérite de la clarté, alors
que des multitudes de personnages, “ petits
ou grands ”, tout aussi “ barbares ” et cruels,
dissimulent leurs pulsions et ambitions en
les revêtant d’explications lapidaires ou
élaborées destinées à donner le change, et
même à parer leur inhumanité “ de vertus ” !
La barbarie “ à visage humain” en quelque
sorte !
Verdun : un abîme de souffrances... plus
de 700 000 morts et blessés, une multitude
de disparus... une terre devenue lunaire où
les débris humains étaient partout...
Stalingrad... Hiroshima...
La Gestapo... la Guépéou devenu KGB...
les haines raciales...
Qu’y-a-t-il de changé ?
Nous frémissons en pensant aux Aztèques
qui enlevaient le cœur de victimes vivantes...
Songeons également aux “ hérétiques ” brûlés vifs sur les bûchers de l’Inquisition de
l’église romaine... et à tous ces égorgements,
exploits revendiqués des djihadistes de ce
temps...
Tamerlan n’est pas si loin que cela !
Et que dire de ces trois jeunes filles qui, il y
a peu de temps, ont séquestré et torturé une
de leurs amies de 17 ans, sans manifester
par la suite le moindre regret...
La litanie des exactions que l’histoire
égrène se poursuit dans l’actualité de ce
XXIe siècle…
Que ce soient les génocides, les guerres
entre les peuples et nations,
ou la volonté d’éliminer, qui anime tant de
groupes ou groupuscules, au nom de toutes
sortes d’idéologies, de “ causes ” (!) ou sans
même de raisons invoquées... La haine et
la violence, telles de mauvaises graines,
poussent partout.
Et qu’en est-il de la brutalité qui se
manifeste trop souvent, des “ bals du
samedi soir ” d’autrefois aux discothèques
d’aujourd’hui, tout comme lors de “ fêtes ”...
et même sur des terrains de sport, et
dans les tribunes où se déchaînent des
“ sportifs ” (!)... Que de scènes de sauvagerie
devenues tristement habituelles !
Car s’il y a une barbarie collective,
il en est d’autres, plus banalisées, individuelles, qui surgissent dans le quotidien de
couples, de familles, ou... dans ce que l’on
appelle pudiquement “ la violence routière ”.
L’être humain, oubliant ce qu’il est et
doit être, peut s’abandonner aux instincts
et mœurs des bêtes, mais même “ civilisé ”
ou se targuant de l’être, la réalité n’est pas
aussi simple : et Montaigne avait raison
lorsqu’il écrivait :
« Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas
de son usage ».
Si nous jugeons et condamnons, sans
ambiguïté, la barbarie des Huns ou des
nazis, ainsi que celles sévissant aujourd’hui
loin de chez nous,
il n’est pas certain que nous discernions
toujours avec la même objectivité les
oppressions, les asservissements, les souffrances physiques, affectives et morales
qu’engendrent notre civilisation, nos
mœurs, habitudes et modes de vie.
Où va ce siècle ?
Que de bruits de guerre se font entendre, sans écarter le risque d’une guerre
nucléaire !
Il y a quelques temps, un éminent spécialiste des affaires étrangères, homme de
grande expérience et très au fait de l’actualité des nations, avertissait que la 3e guerre
mondiale était possible, avec son terrible
cortège atomique.
Il analysait avec froideur et lucidité l’évolution du monde.
L’homme n’a-t-il donc rien appris ?
Il semble, au contraire, que depuis
quelques décennies, il y ait régression, et
que les vieilles tares d’un passé que l’on
aurait espéré révolu, réapparaissent et pas
seulement “ ailleurs ”, mais aussi en Europe
et en notre pays.
Il est vrai que des “ films ”, des “ jeux
vidéo ”, etc., banalisent jour après jour la
violence et que la vie humaine compte si
peu.
Que l’on veuille l’écouter ou non, rappelons sans cesse cette parole de Sébastien
Castellion : « Tuer un homme, ce n’est
pas défendre une doctrine, c’est tuer un
homme. »
A ceux qui veulent excuser ou justifier
leur violence endémique et leurs actions
“ purificatrices ”, il faut rappeler ce que
Mme Roland en route vers l’échafaud et
la guillotine, a déclaré, alors qu’une foule
avide de sensations et de sang l’attendait :
« Liberté, que de crimes on commet en
ton nom ! »
Il ne faut pas que l’émotion, le désir de justice et d’humanité soient “ à
géométrie variable ”.
La justice, comme la vérité, est une !
Et l’idéologie, les affinités ou intérêts, les
fratries ou copinages ne doivent jamais
interférer.
Face aux barbares “ civilisés ” (!) ou
fanatisés,
il faut opposer sans se lasser la force du
droit, mais du droit véritable : « les droits
de l’homme » et une justice sans tache, ni
partialité.
Certes, pas de faiblesse, ce serait laisser le
champ libre aux “ méchants ” et fanatiques
de toutes obédiences...
mais sans se laisser entraîner dans le cycle
de leur violence et de leur haine...
la force du juste !
La protection des petits, des faibles... et
de tous sans distinction.
Heureusement que fleurissent parfois,
dans les déserts de la barbarie des hommes,
des fleurs d’humanité !
N’est-ce pas, parmi d’autres, la merveilleuse entreprise de Henri Dunant, le créateur de la Croix-Rouge ?
Ce jeune homme à la foi profonde,
qu’étreignait une grande compassion,
refusa la fatalité et les traditions des guerres
et des soirs de bataille...
Il agit, bien que considéré comme un doux
rêveur, un utopiste..., et réussit, à force de
persévérance, à gagner des personnes de
cœur et de bonne volonté à cette grande
cause digne des hommes !
Il faut savoir et vouloir parfois aller “ à
contre-courant ” !
Notre époque est lourde d’hypothèques.
N’abandonnons pas les enfants aux brutalités et aux dérives de ce siècle...
Apprenons-leur, la souffrance des petits
et des grands !... à ouvrir les yeux sur les
réalités de ce monde.
Apprenons aux enfants, aux jeunes, à se
bien conduire en tous temps ! et pour cela
– même si le mot est dévalué pour plusieurs,
et vilipendé par d’autres – à respecter des
bases morales saines et claires, ce qui sera
bénéfique, ô combien, pour eux-mêmes et
pour les autres !
Mais, au-delà de l’indispensable éducation, aidons-les à regarder encore plus haut,
et à vivre un idéal qui libère et ennoblit.
A considérer le prochain avec sympathie,
sans naïveté certes, et à l’accueillir avec
lucidité.
« Aime ton prochain comme toi-même »
a dit Jésus, le Christ.
Paroles qui libèrent de tous les égoïsmes,
de toutes les peurs...
et qui éclairent notre chemin.