chapitre 1

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chapitre 1
Les techniques astrophotographiques (1)
par Alain Kohler
Introduction
Dans les choix en astrophotographie, nous avons examiné en 6 chapitres quelles sont les caractéristiques
essentielles d'un système optique qu'on doit prendre en compte en vue d'obtenir des clichés du ciel adéquats. Il
s'agit maintenant d'aborder la pratique en traitant des différentes techniques.
Dans l'apprentissage de l'astrophotographie, il est important de respecter une chronologie dans la difficulté. La
photo CCD, malgré tous ses avantages, reste en astronomie une technique assez complexe (du moins si l'on veut
un cliché de grande qualité car c'est bien dans ce sens qu'il faut travailler !!). On commencera donc par la photo
argentique classique. Déjà pour celle-ci, il existe passablement de techniques qu'il faut évidemment traiter dans
un ordre de complexité croissante.
Ces chapitres ne sont là que pour donner goût à l'astronome amateur d'aller au-delà de l'observation visuelle.
Rien ne remplace celle-ci dans l'immédiateté des émotions. Mais on peut être également très ému par une
photographie particulièrement bien réussie, surtout lorsqu'on a dû s'armer de beaucoup de patience pour y
arriver.
Les techniques :
1)
2)
3)
4)
5)
6)
7)
8)
Le boîtier photographique et les objectifs.
L'astrophotographie argentique sur monture non entraînée.
L'astrophotographie argentique sur monture équatoriale motorisée.
L'astrophotographie argentique au foyer.
L'astrophotographie argentique par projection oculaire.
Acquisition d'images par une CCD et prétraitement.
Principaux traitements d'une image CCD.
Extensions.
Remarques : certaines techniques en photo argentique se retrouveront également en photo CCD. Et inversément.
1. Le boîtier photographique et les objectifs
1.a Le boîtier photographique
En astronomie, un boîtier photo doit remplir les conditions suivantes :
•
•
•
•
Disposer de la pause B.
Pouvoir installer un déclencheur souple.
Permettre l'installation de plusieurs objectifs.
Avoir une bonne autonomie de fonctionnement.
On peut rajouter quelques conditions non indispensables qui peuvent s'avérer toutefois fort utiles lorsqu'on
s'attèle à des techniques plus délicates :
•
•
•
•
Disposer d'un retardateur
Pouvoir relever le miroir
Pourvoir changer le verre de visée.
Avoir une loupe pour l'analyse de l'image sur le dépoli.
Les trois premières conditions sont en défaveur des appareils compacts qui ne disposent pas de la pause B et
dont l'objectif n'est pas interchangeable. De plus, lié à ce dernier fait, ces appareils ont pratiquement tous des
objectifs zooms dont la qualité optique est souvent discutable et surtout ce sont des objectifs trop peu lumineux.
Les boîtier réflex sont de loin les plus
préférables en astrophotographie argentique
: ils bénéficient de la possibilité de changer
les objectifs soit à vis (anciens modèles) soit
à baïonnette (se fixant en un quart de tour).
On dit réflex lorsque le boîtier comporte un
miroir plan pivotable qui permet de regarder
l'image "on – axis" telle qu'elle se présentera
sur le plan film (les viseurs des appareils
compacts sont "off-axis" ce qui introduit un
décalage pour les objets proches mais
surtout intègrent un focus automatique sans
qu'il soit possible de le rendre manuel).
Passons en revue quelques conditions énoncées :
La pause B
Elle est notée par B (!!) sur l'obturateur. La lumière arrive sur le film tant qu'on maintient une pression continue
sur le déclencheur. Cela permet donc de choisir n'importe quel temps de pause, surtout évidemment lorsque
celui-ci dépasse la dizaine de secondes, c'est-à-dire le temps maximum habituellement programmable pour un
réflex "mécanique" (on peut programmer par contre bien au-delà avec un appareil réflex "électronique" mais
avec le problème de l'autonomie mentionné !).
Le déclencheur souple
C'est le complément indispensable. En effet, une
pression continue réalisée par un doigt sur le
déclencheur occasionnera des vibrations indésirables.
Le déclencheur souple évite ce problème par un
amortissement des vibrations via un fil souple entre le
boîtier et le déclencheur.
Il existe plusieurs longueurs de déclencheur souple.
Choisir une longueur assez courte de l'ordre de 20 cm.
Une longueur trop importante n'apporte rien de plus et
surtout risque de gêner dans la nuit.
Il convient lors de l'achat d'apporter son boîtier car
certains appareils ont des pas de vis ou des
profondeurs du trou non standards.
Une bonne autonomie de fonctionnement
Une bonne autonomie signifie qu'il vaut mieux à s'intéresser à des boîtiers les moins gourmands en énergie :
depuis les années 80, l'électronique s'est imposée de plus en plus. Si le photographe du jour y gagne en
flexibilité (programmation, etc…), le photographe du ciel y perdra en autonomie, surtout si l'on pense que les
températures sont souvent basses : il n'est pas rare que piles sont plates en moins d'une demie-heure ou pire que
l'électronique ne fonctionne pas car la température est trop basse !
Donc un boîtier mécanique fera l'affaire. Prévoir des piles
en suffisance lors d'une expédition "nuit blanche". Le
mieux est de garder la pile neuve dans sa poche et
l'installer au dernier moment.
Figure ci-contre, quelques accessoires à ne pas oublier :
des piles de réserve, une pièce de monnaie pour ouvrir le
couvercle des piles, le déclencheur souple, un chiffon
optique, un pare-buée, du papier et un crayon.
En résumé, un bon vieux boîtier réflex, le plus mécanique possible, convient très bien.
Un retardateur, qu'on retrouve sur la plupart des réflex, peut s'avérer utile lorsqu'on fait des photos de courte
pause.
Certains réflex, plutôt dans le haut de gamme,
permettent de relever le miroir avant la prise de vue :
cela évite des vibrations liées justement à ce
relèvement du miroir. Cela est particulièrement utile
lors de courtes pauses (Lune et planètes).
Toujours dans le haut de gamme, on trouve des
boîtiers dont le verre de visée est interchangeable.
Les dépolis pour la photographie de jour ne sont pas
très bien adaptés à la photographie de nuit : ils
diffusent trop la lumière et le champ étoilé devient à
peine visible. On remplace alors le dépoli par un verre
de visée clair.
Et enfin, un accessoire qu'on trouve souvent en complément du verre de visée est la loupe qui permet de grossir
l'image. Particulièrement utile pour la focalisation.
Les boîtiers moyens formats (négatifs de 6 x 6 cm, 6 x 7 cm ou 6 x 9 cm) conviennent par ailleurs aussi très bien
à l'astrophotographie.
1.b Les objectifs
Il faut qu'ils répondent aux trois critères suivants :
•
•
•
L'optique doit être de très bonne qualité
Ils doivent être le plus lumineux possible
Ils doivent être adaptés aux objets que l'on veut photographier
Objectifs de haute qualité
Ils doivent donner un excellent piqué de l'image, ne pas souffrir d'aberrations chromatiques (l'image de
l'étoile est étalée en plusieurs couleurs), de ne pas avoir de défauts hors axe comme la coma (étoile en queue
d'hirondelle sur les bords de l'image) et de ne pas vignetter (c'est-à-dire que l'éclairement doit être le même sur
les bords qu'au centre).
Ce sont des vœux pieux. En fait, aucun objectif ne correspond parfaitement à ces critères. Il faut au moins que
ces défauts soient "acceptables".
Il n'y a malheureusement pas de recettes miracles pour savoir si un objectif est acceptable ou non. Un
photographe professionnel va peut être vous renseigner sur le piqué mais les défauts d'aberration et de coma ne
sont que peu connus par les pros car ces défauts se voient surtout sur des photos de nuit. Il faudrait donc essayer
l'objectif, et c'est là le problème car peu de revendeurs seront d'accord de vous prêter un objectif pour un test. Le
mieux est donc se renseigner chez les amateurs.
Si vous avez la chance d'en tester, se rappeler les quelques règles suivantes :
• Si vous remarquer un défaut, ne serait-ce que léger,
sur l'axe optique (c'est-à-dire au milieu du champ), vous
pouvez jeter l'objectif (euh… du moins ne pas l'acheter
!)
• Les objectifs de courtes focales (par exemple 28 ou
50 mm) souffrent plus de défauts que les objectifs de
longues focales (par exemple 200 ou 300 mm) ceci
parce que les rayons lumineux en bordure de champ
arrivent de manière très oblique par rapport à l'axe
optique.
• Certains défauts, en particulier le vignettage et la
coma, peuvent être fortement amoindris en
diaphragmant l'objectif. On perd évidemment en
luminosité. Si le vignettage et la coma sont encore très
visibles alors que le rapport f/d a été multiplié par 2 (soit
2 "crans", par exemple de f/d = 2 à f/d = 4), l'objectif
Figure : il est important de pouvoir agir sur le
n'est pas bon.
• Comparer les objectifs dans des conditions diaphragme afin de limiter certains défauts optiques
identiques (même ciel et même film).
Objectifs le plus lumineux possible
On l'a vu dans le chapitre 4 des "choix", le temps de pause est directement proportionnel au rapport f/d au carré.
Par exemple, un objectif de 50 mm de focale ouvert à f/d = 1,4 (lumineux !) qu'on compare avec un objectif de
même focale mais ouvert seulement à f/d = 2,8 (peu lumineux pour cette focale). Le rapport f/d étant le double
avec l'objectif peu lumineux comparé au plus lumineux, le temps de pause sera quadruple !
Figure : deux objectifs très lumineux, celui de
gauche a une distance focale de 28 mm et est ouvert
à f/d = 1,8 alors que celui de droite est un 50 mm
ouvert à f/d = 1,4. Ces objectifs de bonne qualité
restent d'un prix abordable.
Les objectifs de courtes focales ont des rapports f/d
plus grands que l'objectif standard de 50 mm. Et les
objectifs de plus longues focales ont des rapports f/d
plus grands que l'objectif de 50 mm.
Il existe donc, pour le format 24 x 36 mm cela va sans dire, une focale "optimale" pour le rapport f/d qui se
trouve être voisine de 50 mm. Ce qui explique en partie la large commercialisation de cette distance focale.
Quand la focale devient très courte, il faut évidemment fortement bomber la lentille (ou plutôt le groupe de
lentilles). Si elle trop grande (ce qui diminuerait f/d par une augmentation de d), les rayons lumineux, venant
d'un point objet fortement écarté de l'axe optique, attaquant les bords de cette lentille ne convergeraient plus bien
en un seul point image (cf la coma dans le chapitre 3 des "choix" sans parler d'autres défauts). On limite donc
cette coma et d'autres défauts (sphéricité, chromatisme, etc…) en ayant une lentille plus petite.
Quand la focale devient très longue, maintenir le rapport f/d à une valeur faible correspond à prendre un objectif
de diamètre de plus en plus important. Un téléobjectif de 300 mm de focale et ouvert f/d = 2 signifie un objectif
de 15 cm de diamètre !!
Voici quelques valeurs "typiques" recommandables pour des objectifs, en fonction de leur distance focale, à prix
encore abordables pour un privé :
Objectif de 24 à 28 mm de focale : f/d = 2 à 2,8
Objectif de 50 mm de focale : f/d = 1,4 à 1,8
Objectif de 135 mm de focale : f/d = 2 à 2,8
Objectif de 300 mm de focale : f/d = 4 à 5,6
Figure : trois objectifs lumineux de 28, 50 et 300 mm
suffisent pour la plupart des sujets astronomiques
destinés à cette gamme de focales.
Bien sûr, il existe des objectifs plus ouverts, des 24 mm à f/d = 1,4 ou des 300 mm à f/d = 2,8. Mais attention
aux porte-monnaie car les prix dépassent très allègrement le millier de francs ! Le gain d'un facteur 2 sur le
temps de pause peut donc coûter très cher et il est raisonnable de ne pas exagérer dans la surenchère à la
luminosité : si avec une courte focale vous devez pauser 4 minutes au lieu de 2 minutes, ce n'est pas encore le
drame. Il est vrai qu'avec une focale plus grande, un gain entre 15 et 30 minutes peut s'avérer profitable…
Mais il ne faut pas tomber dans "l'excès" contraire : un zoom 35-105 mm ouvert au mieux à f/d = 3,5 aura bien
plus de mal à enregistrer des étoiles filantes qu'un 28 mm ouvert à f/d = 1,8.
De manière générale, les zooms sont à proscrire car trop peu lumineux (sans parler de la qualité optique souvent
nettement inférieure aux objectifs à focale fixe).
Focales à adapter à l'objet
Le champ photographique dépend évidemment de la distance focale de l'objectif. Nous avons déjà consacré le
premier chapitre à ce sujet dans les "choix". Les focales des objectifs usuels vont de 24 à 500 mm. On rappelle
que 3 sortes de focales sont souvent suffisantes pour la plupart des objets accessibles à ces objectifs :
Les courtes focales entre 20 et 35 mm pour la Voie Lactée, les grands champs stellaires et les grandes
constellations. Par ailleurs, un tel objectif convient bien à la capture d'étoiles filantes s'il est lumineux.
Les focales "standards" entre 50 et 85 mm pour la plupart constellations.
Les téléobjectifs de 200 à 400 mm pour des objets particuliers étendus comme des nébuleuses ou des amas
ouverts. La Lune avec un paysage se prête déjà bien à la photographie avec ces focales quoiqu'il faille des
focales encore plus grandes pour bien distinguer des détails.
Il existe évidemment des focales plus petites que 20 mm pour le tout grand champ comme les fish-eyes ou "œil
de poisson" qui permet pratiquement de voir sur 180°. Les supertéléobjectifs de 500 mm de focale ou plus ne
sont pratiquement pas utilisés en astronomie pour la bonne raison qu'un télescope d'une même focale coûte
moins cher et qu'il permet également l'observation visuelle !